Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques intervient en complément d’autres analyses qui font apparaître de nombreuses convergences, mais aussi quelques divergences majeures dans les solutions à mettre en oeuvre pour garantir l’avenir de la protection internationale.
C’est donc un apport utile pour structurer nos débats à l’occasion du travail législatif que nous aurons à accomplir dans les mois à venir. Je remercie nos collègues rapporteurs Dubié et Richard pour la qualité de ce travail.
Dans les discours, chacun sera évidemment d’accord pour affirmer la spécificité du droit d’asile. Mais dans les faits, la conception selon laquelle chaque demandeur d’asile cacherait un fraudeur potentiel a conduit les gouvernements de droite à organiser l’asile comme un sous-produit d’une politique restrictive de gestion des flux migratoires.
L’imagination de l’UMP a été, rappelons-le, sans limite : réduction des délais pour déposer un recours, suppression du recours suspensif en fonction des nationalités, création des zones d’attente spéciales, éloignement du juge des décisions de placement en rétention de demandeurs d’asile, etc.
Si ces politiques n’ont en rien endigué l’afflux de demandes qui ont continué de progresser d’environ 10 % par an depuis les lois Hortefeux et Besson, elles ont en revanche considérablement compliqué le parcours du combattant de personnes qui relevaient réellement de la protection internationale.
Face à cette situation dramatique, le Président de la République a pris l’engagement fort d’accélérer la durée de la procédure pour la ramener à un an maximum. C’est une condition de l’effectivité des décisions rendues par l’OFPRA et la CNDA, mais aussi de l’insertion réussie des réfugiés. Les députés socialistes soutiennent pleinement cet objectif.
Nous devons le tenir sans que le temps gagné ne le soit au détriment des garanties procédurales mais, bien au contraire, en renouant avec le sens même de l’asile. Nous ne parlons pas ici de droit au séjour mais de protection de la personne humaine menacée dans sa vie, son intégrité et ses droits fondamentaux.
Cette protection ne peut être garantie que par l’examen de son histoire personnelle, de son expérience intime, de l’appréciation équitable des persécutions qu’elle déclare avoir subi ou qu’elle risquerait de subir dans son pays d’origine, sans autre considération sur ses motivations.
Voilà pourquoi je rejoins pleinement le rapport du CEC pour écarter absolument le transfert du contentieux vers les tribunaux administratifs, fut-ce à titre d’expérimentation. La confusion entre le contentieux du séjour et de l’asile accentuerait bien plus encore la suspicion qui pèse sur le demandeur et remettrait gravement en cause son droit à un recours sur le fond, qui passe tout au contraire par la professionnalisation de la CNDA.
Car si c’est au niveau du contentieux que s’engorgent les procédures, c’est en amont de celui-ci que nous devons trouver des marges d’accélération. L’harmonisation et la simplification de l’entrée de la procédure font consensus autant qu’elles garantissent une égalité de traitement souvent mise à mal sur notre territoire.
L’orientation directive des demandes fait légitimement débat, mais je ne doute pas que la prise en compte des situations familiales et sanitaires, et la mise en oeuvre de garanties réelles en matière de logement nous permettent d’avancer.
Reste, pour conclure, le point le plus important : la qualité des décisions de l’OFPRA. Car le meilleur moyen d’accélérer la procédure, c’est d’en faire sortir au plus vite les personnes qui requièrent une protection urgente et n’ont rien à faire en contentieux.
Depuis 2012, le taux de délivrance du statut par l’OFPRA a déjà augmenté de 36 % pour mettre fin à une situation ubuesque : nous étions le seul pays d’Europe à accorder moins de statuts de réfugiés en première instance qu’en appel devant la CNDA.
Cette évolution doit être soutenue et confortée par la transposition de la directive « Procédures », mais aussi et surtout par des moyens humains et une meilleure prise en compte par l’OFPRA de l’évolution de la jurisprudence de la CNDA.
Renouer avec le sens du droit d’asile ne signifie pas nier l’évolution du monde depuis 1951 mais, bien au contraire, adapter nos outils de protection à une pluralité de menaces, de persécutions et de victimes. Je pense notamment à une meilleure prise en compte de vulnérabilités particulières telles que les violences de genre subies par les femmes.
C’est, je le mesure, une révolution culturelle qui est en train de se mettre en place, même si nous avons encore du retard sur nos voisins européens en la matière. Je voulais saluer ici l’engagement de Pascal Brice et le dévouement des officiers de protections pour y parvenir.