Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, c’est un calendrier politique opportun, qui nous amène aujourd’hui, dans cet hémicycle, à parler du dispositif du droit d’asile. Face à la montée du populisme et des inquiétudes de toute nature, il importe de tenir un discours clair, un discours de vérité, un discours qui apporte des remèdes concrets, forts et crédibles aux dysfonctionnements de notre politique de l’asile.
Chacun sait, ici, que le droit d’asile est totalement distinct de la politique d’immigration, que ce droit fondamental protège les personnes dont la vie est en grave péril dans leur pays d’origine, que cette disposition humanitaire honore notre pays depuis 1793, et même plus tôt, et qu’elle honore maintenant tous les nombreux pays ayant signé la Convention de Genève.
Le droit d’asile est actuellement menacé dans notre pays : menacé car le nombre de demandeurs reste chaque année à un niveau très élevé, ce qui provoque un effet de cumul ; menacé car ce droit, qui assure une protection notable, est sollicité par des personnes ne relevant pas du tout du statut de réfugié – 80% sont déboutés au terme de toutes les procédures et appels ; menacé par la lenteur d’un processus qui dure deux ans jusqu’à la notification ; menacé par les difficultés d’insertion que rencontrent les authentiques réfugiés. Le laxisme ne peut que nuire et limiter les aides et moyens attribués aux réfugiés politiques, ceux qui ont été victimes de persécutions et qui affrontent un parcours du combattant avant de bénéficier d’une installation pérenne et de droits confirmés.
On le voit, ce n’est pas un débat entre gauche naïve et droite crispée. C’est un devoir commun de réformer pour établir des règles nobles et rigoureuses fondées sur des valeurs qui nous rassemblent et que ne désavoueraient certainement pas les élus de la droite humaniste et ceux de la gauche, conjuguant générosité et responsabilité.
Les rapports sur lesquels nous nous sommes appuyés sont les fruits d’une concertation approfondie, impliquant des élus de partis divers, des associations multiples, les administrations, les préfectures et les organismes publics spécialisés. Si tous les pays européens sont confrontés à des difficultés pour l’organisation du droit d’asile, la France est à ma connaissance le seul à avoir entrepris une démarche aussi complète et profonde, aboutissant à remettre à plat l’ensemble de la procédure. Tout le monde s’est exprimé, nous avons entendu toutes les préoccupations et partagé des points de vue, mais aussi fait connaître nos inquiétudes, voire nos désaccords. Ces longs mois de travaux, les auditions et les déplacements que nous avons effectués, nous ont aussi permis d’apprécier la réalité des acteurs quotidiens de l’asile, lesquels sont parfois épuisés, en burn-out. Nous avons été frappés par l’engagement de ces travailleurs sociaux, de ces responsables associatifs, de ces officiers de protection, de ces agents des préfectures et d’autres encore. Parfois victimes d’un sentiment de malaise et d’abandon, face à un système qui implose, ils ont à coeur de nous alerter sur les dérives inacceptables, de dénoncer les dysfonctionnements.
L’état des lieux a été effectué sans concessions sur les dysfonctionnements et des propositions de réformes équilibrées mais audacieuses ont été remises au ministre de l’intérieur. Certaines sont l’objet d’un consensus quasi-total. D’autres suscitent des points vue différents et méritent encore débat et arbitrage.
Il y a complet accord sur certains points. Premièrement, le délai excessif. L’analyse permet de traquer les causes qui impactent négativement l’examen de la demande. On peut, par exemple, préconiser la suppression de la domiciliation préalable.
Deuxièmement, la répartition territoriale très déséquilibrée. L’immense majorité des demandeurs d’asile se concentrent en Île-de-France et en région Rhône-Alpes. Bien sûr, ils saturent totalement les dispositifs d’accueil. Il est donc nécessaire de proposer une orientation plus directive des demandeurs sur l’ensemble du territoire pour avoir un meilleur équilibre.
Troisièmement, les réfugiés ne sont pas accueillis de façon satisfaisante en termes d’insertion, en termes d’accès au logement ou au travail. Il convient de développer une aide authentique des réfugiés reconnus, sans multiplier les délais inutiles et les tracasseries administratives.
Ces propositions de réforme visent à accroître l’efficacité de notre système de traitement de l’asile, tout en assurant la garantie des droits des demandeurs. Nous y sommes très attachés.
Attachés à une vision d’ensemble de la procédure, nous ne pouvons ignorer les questions liées à la fin de celle-ci. De manière lucide, nous avons préconisé la mise en oeuvre de procédures d’accompagnement des déboutés – 80 % des demandeurs d’asile. Ils doivent être soit réorientés soit accompagnés vers des procédures de retour encadrées et aidées. Je suis convaincu que cette réforme de l’asile se traduira par une amélioration significative des conditions d’installation et d’intégration de ceux à qui la France accorde une protection très légitime, régie par la Convention de Genève et garantie par les lois françaises et européennes. La cohérence du dispositif et l’équilibre des mesures sont bien sûr nécessaires à cette grande et prochaine réforme du droit d’asile dans notre pays.