Monsieur le ministre, ma question concerne la compagnie MyFerryLink. C’est un véritable drame que nous vivons aujourd’hui dans le Pas-de-Calais et sur la côte d’Opale. Il y a eu d’abord la fin de l’entreprise SeaFrance. Très courageusement, des salariés et des cadres de cette entreprise ont recréé MyFerryLink, avec le soutien d’Eurotunnel dans le cadre d’une Scop, sauvant ainsi six cents emplois. Nous commencions à être rassurés, puisque cette compagnie de ferrys montait régulièrement en puissance, quand nous avons eu la surprise d’apprendre que l’autorité de la concurrence britannique avait demandé que la compagnie cesse son activité, ou en tout cas qu’elle ne mouille plus dans le port de Douvres, ce qui revient au même concrètement.
Les salariés que j’ai rencontrés, avec la maire de Calais, Natacha Bouchart, qui est aussi sénateur, nous ont convaincus que l’autorité de la concurrence britannique faisait fausse route, car elle se fonde sur une analyse erronée de l’évolution du marché des ferrys. Il faut savoir, en outre, qu’Eurotunnel utilise ces ferrys en cas de pic d’activité, pour ne pas avoir à acheter de nouvelles navettes. Penser qu’on va mettre fin à une nouvelle forme de concurrence en empêchant la circulation de ces ferrys, c’est aberrant, puisqu’Eurotunnel va du même coup acheter de nouvelles navettes.
Se pose également la question du droit d’accès au port. L’autorité de la concurrence britannique peut-elle interdire l’accès d’un port britannique à des navires français ? C’est un problème de droit de la concurrence. Il y a toujours des dérogations face au principe d’interdiction, or on voit bien ici que la création de MyFerryLink permet d’avoir trois opérateurs de ferrys, donc une offre plus large pour les consommateurs. Or l’intérêt des consommateurs est bien la finalité du droit de la concurrence. Il est donc aberrant, au regard de l’intérêt des consommateurs, de vouloir créer un duopole en faisant disparaître l’une de ces compagnies de ferrys ! Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi seul le droit anglais déciderait dans cette affaire, alors que l’autorité française de la concurrence avait donné son feu vert à Eurotunnel dans un premier temps.
Il y a là une contradiction entre l’approche française et l’approche anglaise. Pourquoi l’Europe ne s’en mêle-t-elle pas ? On reproche parfois à l’Europe de s’occuper de sujets dont elle ne devrait pas s’occuper, mais en l’occurrence, elle devrait s’en emparer. Pouvez-vous, monsieur le ministre, solliciter le commissaire européen chargé de ces questions ?
Si le dossier était vraiment bloqué, la dernière porte de sortie consisterait à trouver un nouveau partenaire pour la Scop. Monsieur le ministre, vous parlez beaucoup de patriotisme économique et de souveraineté nationale, et vous êtes capable de mettre beaucoup d’énergie dans de nombreux dossiers. Nous vous demandons d’en mettre autant dans celui-là !