Monsieur Jean Launay, comme vous, nous regardons l’évolution de ce secteur de façon active et sans jamais rester les bras ballants. Quels sont nos objectifs dans ce secteur, quelle est notre politique, et comment voyons-nous l’évolution du secteur des télécoms ? Le paradoxe est que ce secteur est en croissance de consommation, mais connaît des destructions d’emplois, des plans sociaux, et parfois le chaos et la guerre des prix, quand ce n’est pas la guerre des nerfs entre les dirigeants d’opérateurs.
Nous avons 20 milliards d’euros à mobiliser pour lutter contre la fracture numérique – sur laquelle j’ai été interrogé tout à l’heure. Si les opérateurs ne financent pas ces 20 milliards sur les quinze prochaines années, ce seront les contribuables qui paieront en lieu et place. Donc notre souhait est de stabiliser ce secteur. Je crois que l’arrivée du quatrième opérateur, Free, a indéniablement servi la cause des consommateurs.
Nous pouvons observer avec intérêt qu’il y a dix ans, trois opérateurs ont été condamnés pour entente sur les prix ; or nous voyons aujourd’hui que les prix ont baissé, et les consommateurs y ont gagné.
Mais il ne faudrait pas que ce soient maintenant les salariés des opérateurs qui subissent les conséquences de cette guerre des prix sans fin. C’est pourquoi nous souhaitons arrêter la guerre des prix et faire en sorte qu’à l’issue d’une consolidation, le marché comporte à nouveau trois opérateurs, afin que chacun gagne raisonnablement sa vie, sans excès.
Cela aboutira-t-il à la reconstitution des situations d’entente au détriment des consommateurs ? Je ne le crois pas. Si Free est désormais durablement installé dans le paysage, il joue en quelque sorte le rôle du stimulant, du disrupteur, du vilain petit canard qui aide le consommateur à se retrouver dans la jungle des grands opérateurs historiques. D’une certaine manière, son rôle social sera maintenu. Ainsi, cette pression amicale sur les prix entre trois opérateurs est de nature à nous permettre de construire l’avenir avec beaucoup plus de sérénité.
Les opérateurs investissent dans la fibre, y compris dans un contexte de consolidation européenne et de constitution d’acteurs de taille européenne. Combien les États-Unis d’Amérique comptent-ils d’opérateurs pour 300 millions de clients ? Trois ou trois et demi. Combien la Chine en compte-t-elle pour 800 millions de clients potentiels ? Deux et demi ou trois. Combien l’Europe en compte-t-elle pour 400 millions de clients ? Cent vingt ! Comment voulez-vous que cette balkanisation, cet émiettement des opérateurs ne cause pas de dégâts pour l’emploi et pour les entreprises ? Voilà pourquoi nous avons besoin de nous unir : c’est l’esprit du projet européen, et c’est l’esprit de notre politique.