Intervention de Patrick Ollier

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Sur quels outils repose cette politique ?

Tout d'abord, elle repose sur la dépense fiscale. Je sais bien sûr que celle-ci est contestée. Elle est chiffrée globalement pour 2013 à 3,05 milliards d'euros, soit 1,49 fois les dépenses budgétaires de la mission. Cela peut paraître important, mais plus d'un tiers de ce montant, soit 1,22 milliard d'euros, concerne le taux de TVA à 8,5 % pour le taux normal et à 2,1 % pour le taux réduit. Qui peut souhaiter remettre en cause ces taux, au moment où la question de la vie chère fait l'objet d'un projet de loi soumis à notre approbation ?

Quant aux investissements défiscalisés dans le cadre du dispositif dit Girardin, les mettre sous plafond reviendrait à les supprimer, à tarir tout investissement productif en outre-mer, à condamner ces territoires à une perfusion budgétaire constante.

En effet, le plafond global des niches fiscales va aussi abriter les salaires des personnels à domicile et des investissements patrimoniaux tels que l'acquisition de logements, partiellement défiscalisés. Le plafond de 10 000 euros sera donc le plus souvent déjà atteint avec ces avantages, que le contribuable préférera le plus souvent aux investissements outre-mer parce qu'ils font partie de sa vie domestique ou visent à augmenter son patrimoine.

Les investissements outre-mer sont plus risqués et n'ont aucun aspect patrimonial pour le contribuable, répétons-le. Il ne les réalisera que s'il dispose encore de place sous son plafond et si l'avantage fiscal est suffisamment attractif. En conséquence, toute baisse des plafonds conduirait mécaniquement à réduire l'aide accordée aux exploitants ultramarins. Voilà un raisonnement auquel j'ai toujours cru.

De plus je rappelle, à ceux qui voient dans ces outils un moyen d'acheter un quelconque yacht à Saint-Barthélémy, le mécanisme de rétrocession dont il a été peu question en commission des finances tout à l'heure. En effet, en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, l'investisseur ne bénéficie que de 27,5 % de la dépense, et les 62,5 % restants doivent demeurer sur le territoire ultramarin. Il s'agit bien de sommes qui bénéficient pleinement aux économies ultramarines.

En somme, s'il demeure opportun que la procédure soit ajustée – et elle l'a déjà été, des progrès importants ont été faits depuis quatre ans – afin d'éviter que de gros contribuables puissent s'exonérer totalement de leurs impôts, il convient de mettre les bons cliquets aux bons endroits et de prévoir les bonnes dispositions. A-t-on réussi à les trouver jusqu'à présent ? Pas tout à fait, c'est pourquoi il faut encore travailler. Mais une contraction extrême et brutale des avantages fiscaux conduirait à tuer l'aide aux investissements outre-mer sous cette forme, sans qu'aucune alternative existe à ce stade.

En commission des finances, si nos collègues de la majorité avaient imaginé un système alternatif à ces amendements, nous aurions pu en discuter. Monsieur Letchimy, vous étiez prêt à discuter objectivement, à partir du moment où l'aide arrive quel qu'en soit le moyen. Mais, en l'absence de système alternatif, il faut se donner du temps.

Compte tenu des déclarations du Premier ministre sur sa volonté de revoir ce système, nous aurons ce temps, et je suis prêt à travailler avec vous, monsieur le ministre, jusqu'en mai ou juin prochain, à l'élaboration d'un système alternatif dont nous devrons aussi discuter avec les députés de tous ces bancs issus de l'outre-mer.

Après les dépenses fiscales, venons-en aux dépenses budgétaires, qui atteignent 2,11 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,18 milliards en crédits de paiement pour 2013. Les dotations se situent, dans ce domaine également, dans une certaine continuité qui me réjouit.

Le programme 138 « Emploi outre-mer » finance essentiellement la compensation des exonérations de charges patronales pour 1,157 milliard d'euros. La dette de l'État auprès des organismes sociaux a été résorbée en 2012 grâce à la réforme opérée par la LODEOM et à l'important effort de l'État.

Le montant global des acomptes définis pour chacun des organismes est établi sur la base d'une structure de répartition calculée à partir des coûts réels au titre de l'année n – 2. À la fin de chaque exercice, la différence entre les acomptes versés au titre d'une année et les montants dus par l'État donne lieu à une régularisation définitive l'année suivante. Monsieur le ministre, je veillerai à ce que cette régularisation soit effective et à ce qu'aucune nouvelle dette ne se reforme à l'égard des organismes de sécurité sociale.

Le programme 138 retrace également les crédits destinés au service militaire adapté au profit des jeunes ultramarins sortis du système scolaire sans qualification. Le précédent président de la République, M. Nicolas Sarkozy, avait annoncé le doublement des effectifs du SMA de 3000 à 6000 bénéficiaires pour 2014. L'objectif a été réaffirmé, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre de l'outre-mer.

Si je ne mets pas en doute la volonté du Gouvernement, je m'interroge sur l'avenir de cette disposition, en essayant de résoudre une équation : les effectifs doivent doubler et les crédits de paiement diminuent pour l'action 2, passant de 248 à 225 millions d'euros. Expliquez-moi, monsieur le ministre : comment comptez-vous doubler le nombre des bénéficiaires du SMA tout en diminuant l'enveloppe actuelle de crédits budgétaires ?

Enfin une troisième action a été créée et intitulée « Pilotage des politiques des outre-mer » en conséquence de la décision – que j'approuve – de faire du ministère de l'outre-mer un ministère de plein exercice. Cette autonomisation évitera peut-être au ministère de l'intérieur de faire porter ses efforts de maîtrise de la masse salariale sur les effectifs outre-mer, ce que nous avons déjà vu dans le passé.

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » finance quant à lui une série d'actions concernant notamment le logement et l'aménagement du territoire. L'action logement est dotée de 272 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 227 millions d'euros en crédits de paiement. La ligne budgétaire a été sanctuarisée par le précédent gouvernement afin de concourir au logement social et notamment aux actions foncières et à la résorption de l'habitat insalubre, un sujet sur lequel M. Letchimy a beaucoup travaillé.

L'action « Aménagement du territoire » concernant l'action des régions est dotée de 164,9 millions d'euros. Elle est constituée de transferts aux collectivités territoriales dans le cadre des contrats de plan État-régions, que développe le rapport que je vous présente. Sur ce point également, il s'agit de la part État contractualisée sous la précédente législature.

Je voudrais tout de même souligner la faible part de l'action « Insertion économique et coopération régionales » : 1,8 million d'euros. Notre pays a la chance d'être présent dans la proximité de pays dit émergents. Développer le commerce à partir de la Guyane avec le Brésil, à partir des Antilles avec le bassin caribéen, à partir de La Réunion et de Mayotte avec l'Inde et l'Afrique du Sud et à partir de nos îles pacifiques avec la Chine est une opportunité à ne pas manquer. Il faut donc tout mettre en oeuvre pour développer les échanges au sein de la zone géographique.

Sur ce point, je voudrais faire une remarque qui va peut-être me faire dépasser le temps qui m'est imparti…

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