Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'outre-mer augmente. C'est une rupture par rapport aux années précédentes. C'est aussi une exception dans le contexte actuel de déficit budgétaire. Il est vrai que, de réduction en désengagement et de déduction en rabotage, nous n'avons pas cessé d'être mis à contribution dans l'effort national pour maîtriser la dépense publique. Au bout de ce régime, dont les effets ont été aggravés par une crise mondiale, nos priorités outre-mer sont toujours là. Elles sont même plus prioritaires que jamais.

Le logement est une illustration majeure de cette évolution. Les besoins sont connus, chiffrés, répertoriés. Les familles ne savent que trop ce que veut dire patienter dans la file d'attente. Pour pallier des dotations budgétaires de plus en plus insuffisantes, et donc la chute continue de la construction de logements sociaux, le Gouvernement a décidé, en 2009, de bouleverser les modalités du financement du logement social outre-mer en créant un outil fiscal spécifique. Transformer le logement social en une niche fiscale a été une décision très controversée. Nous l'avons combattue en même temps que nous avons réussi à sanctuariser la ligne budgétaire unique.

La loi étant votée, elle est appliquée. Il est vrai que les opérateurs, notamment à la Réunion, ont fait preuve d'une grande réactivité et d'une technicité exceptionnelle. Le nombre de logements sociaux livrés est reparti à la hausse : près de 3 000 cette année, probablement 4 000 l'an prochain, dont 500 à Saint-Paul.

Mais, maintenant que ce modèle de financement est vivement attaqué, cette progression va-t-elle, à son tour, être enrayée ? Il y aurait quelque ironie à ce que nous nous fassions désormais ses avocats, mais il faut bien songer qu'il ne s'agit pas de changements anodins, et que nous avons déjà subi les conséquences du passage à la défiscalisation.

Notre situation ne nous permet pas de subir de nouvelles années de turbulences, pas plus que de tolérer des livraisons en chute libre. Près de 30 000 familles attendent un logement et, même s'il augmente en 2013, le niveau actuel de la ligne budgétaire unique est loin de pouvoir répondre aux attentes.

Le secteur du logement social a d'autant plus besoin de stabilité et de visibilité qu'il est également l'un des moteurs essentiels du BTP et de la création d'emplois. En quatre ans, ce secteur a perdu plus de 8 000 emplois. Ces suppressions de postes ont largement contribué à l'explosion du chômage qui vient de connaître un pic jamais atteint. Chômage structurel et chômage de crise se conjuguent pour créer une situation hors normes. Il y a des rues entières où l'exception est de ne pas être au chômage. La jeunesse est la cible privilégiée et les diplômes sont de moins en moins une protection. Nous savons d'avance que les contrats d'avenir vont connaître un grand succès. Mais nous ne feignons pas d'ignorer qu'ils feront aussi des déçus. Notre jeunesse veut travailler. Elle attend avec une impatience inquiète la concrétisation des mesures pour l'emploi, qu'il s'agisse du « SMA 6 000 », des contrats de génération ou des nouvelles modalités de l'apprentissage.

De manière paradoxale, la crise peut être un accélérateur pour structurer de manière durable l'économie solidaire, dont les secteurs d'activité ne se limitent pas aux services à la personne ou à l'environnement. Ce changement de perspective passe sans doute par une approche et une gestion différentes des contrats aidés. Notre proposition est de créer un « Pôle emploi solidaire » dont le rôle sera de mettre en relation l'offre et la demande d'emplois solidaires. Avec une telle structure, on peut légitimement viser, à la fois, une meilleure insertion des bénéficiaires et la consolidation des filières, mais aussi espérer une plus grande transparence.

Comme il n'est pas non plus sans incidence sur l'emploi, et parce qu'il constitue l'un des engagements du Président de la République, le fonds exceptionnel d'investissement, le FEI, est l'objet de toute notre attention. Nous avons noté votre volonté, monsieur le ministre, d'enclencher le processus dès ce budget en le dotant de 50 millions d'euros. Nous souhaitons aller dans le même sens et vous remercions de préciser les actions éligibles à ce fonds.

La lutte contre la vie chère a déjà fait l'objet d'un texte spécifique que nous allons adopter de manière définitive d'ici à quelques jours. Les effets seront de plus en plus visibles au fil du temps mais, dès à présent, il illustre la volonté du Gouvernement de préserver le pouvoir d'achat de nos concitoyens. À cet égard, permettez-moi de souligner que la transition entre le RSTA, dont la disparition est programmée au 31 décembre prochain, et le RSA ne paraît pas aller de soi.

Monsieur le ministre, je sais que ce sujet ne relève pas de cette mission, mais je ne peux m'empêcher, une fois encore, d'évoquer le Pôle sanitaire de l'Ouest. Vous connaissez les efforts que nous avons déjà consentis, les retards que nous subissons et le projet que nous défendons. Nous comptons sur votre soutien.

Ce budget est assurément le « premier budget du changement ». Et nous voulons l'entendre au sens large, avec une remise en question de nos habitudes. Si ultrapériphériques que nous soyons, nous sommes concernés par les mutations du monde. L'émergence de marchés régionaux, la nécessité de raccourcir les circuits de distribution, l'urgence de diversifier nos sources d'approvisionnement obligent à ne plus oublier la géographie. L'axe Nord-Sud doit se doubler d'un axe Sud-Sud. L'avenir de nos petites et moyennes entreprises, qui sont le socle de notre économie, dépasse les rivages de la Réunion. Notre marché de l'emploi aussi.

Faire vivre la politique du grand voisinage est sans doute le moyen le plus efficace d'estomper ce handicap de l'éloignement que nous nous acharnons en vain à combler. Concilier nos appartenances, voilà le grand défi qui nous attend. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, RRDP et UDI.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion