Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEricka Bareigts :

Monsieur le président, monsieur le ministre, c'est avec satisfaction que je vois aujourd'hui arriver devant notre Assemblée le premier budget pour l'outre-mer de cette législature. Un budget important par son ambition du changement et par son caractère inaugural.

Dans une période délicate pour le budget général, où la question de la réduction des dépenses est récurrente, le Gouvernement a fait un effort considérable pour les outre-mer, en augmentant le budget de la mission « Outre-Mer » de 5 % à périmètre constant, par rapport au dernier exercice. C'est l'une des quatre missions qui voient leurs crédits augmenter sur cet exercice budgétaire, ce qui montre l'engagement du Gouvernement à réduire la fracture économique et sociale entre les outre-mer et l'hexagone.

En effet, il faut rappeler que le chômage dans les outre-mer est un problème grave et qui frappe principalement les jeunes actifs. Avec 21 % de chômage en Guyane, 23 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique, 30 % à La Réunion, on est au minimum au double du taux de chômage national et à la Réunion au triple. Quant à nos jeunes, ils ne sont que 10 % en Guadeloupe, 9 % en Martinique, 10 % en Guyane et 12 % à la Réunion à avoir un emploi, contre 28 % dans l'hexagone.

À cela, il faut ajouter la difficulté liée à l'éloignement pour les jeunes domiens qui, lorsqu'ils souhaitent suivre des études ou des formations ailleurs que dans leur territoire d'origine, doivent faire avec l'éloignement, ce qui représente un coût non seulement financier, mais aussi psychologique.

Il est d'ailleurs important de noter que le Gouvernement a augmenté sa subvention à LADOM, l'opérateur chargé de la continuité territoriale dans les outre-mer, alors même que ses autres aides publiques diminuaient. Il ne faut pas en effet sous-estimer l'impact que peut avoir le fait d'être isolé à plus de 10 000 kilomètres de son cercle familial sur la réussite des études ou même, et cela est plus grave, sur le désir d'en poursuivre.

Dans le même temps, nous manquons cruellement de logements sociaux pour loger une population qui, à la Réunion, vit pour moitié sous le seuil de pauvreté. L'augmentation de la ligne budgétaire unique constitue un changement considérable par rapport à l'approche qu'a fait prévaloir la droite ces cinq dernières années. Les indicateurs montrent ainsi que la situation du logement social dans les outre-mer est au moins aussi grave que dans les zones les plus tendues de l'hexagone.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire ici, cet argent, ce n'est pas de la charité. C'est un investissement, un pari sur l'avenir. Nos populations sont jeunes, elles sont pleines de défis, pleines de promesses et pour les tenir elles ont encore besoin d'aide, aide qu'elles rendront au centuple dans le futur comme elles l'ont déjà fait par le passé.

Il ne s'agit pas de minimiser les défis qui nous attendent ni de prétendre que le système actuel est parfait. Mais compte tenu du temps qui était imparti à cette majorité, ce budget est le meilleur auquel on pouvait arriver.

Notre volonté, monsieur le ministre, chers collègues, est de changer le regard porté sur l'outre-mer : nous souhaitons que l'on reconnaisse nos compétences et nos atouts, et que l'on sache que nous sommes des territoires d'innovation dans de nombreux domaines. À La Réunion, nous avons le cyclotron, des pôles de compétitivité dans le domaine agroalimentaire, des clusters dans le domaine de l'énergie, d'autres en cours de structuration dans le domaine de l'environnement.

À côté de cela, il faut continuer d'accompagner nos populations et nos économies. Nous partons de loin. En soixante ans, nos territoires ont changé, se sont améliorés, mais les écarts en matière de qualité de vie restent importants. C'est pourquoi nous devons continuer à travailler ensemble à cet équilibrage.

Ce rattrapage peut se mesurer selon des critères objectifs, comme ceux qui entrent en compte dans le calcul de l'indice de développement humain, lesquels montrent que la situation est moins bonne dans les outre-mer. En 2008, par exemple, l'espérance de vie à la naissance d'un Réunionnais était de trois ans inférieure à son homologue métropolitain tandis que le taux de mortalité infantile était deux plus élevé que dans l'hexagone.

Oui, notre économie est innovante, oui, une partie de nos meilleurs élèves poursuivent leurs études dans de grandes écoles et universités dans le monde. Mais il ne faut pas oublier les laissés pour compte de la départementalisation, ceux qui n'ont pas encore pu profiter du simple confort d'un toit pour vivre.

Ce budget est important, il est vital pour mon territoire alors que le PIB par habitant reste encore moitié moindre que dans l'hexagone et que nous avons encore un important retard économique à combler.

Cet effort budgétaire envers les outre-mer correspond aussi à une juste contrepartie, après plusieurs années durant lesquelles nos territoires ont, dans certains domaines, contribué plus que d'autres aux politiques de réductions budgétaires.

Ce premier budget est donc un budget de promesses faites par les outre-mer à la République et par l'État aux populations ultramarines. En s'articulant autour de quatre priorités, il tente de répondre aux mieux à nos besoins spécifiques : la construction de logements sociaux, l'investissement public, l'insertion professionnelle des jeunes, l'aide à l'emploi.

Vous pouvez certainement comprendre, chers collègues, la soif des ultramarins pour une vie meilleure. Cette impatience à l'égard des réformes économiques, sociales et éducatives à même de changer leurs vies s'est manifestée, par le passé, de bien des façons, parfois brutales, mais ne s'est jamais démentie. Et je pense que le Gouvernement l'a bien compris, car il a marqué sa volonté de traiter les problèmes ultramarins en priorité, rapidement mais sans précipitation, en inscrivant la loi de régulation économique en outre-mer – un projet fondateur pour nos économies – à l'ordre du jour de notre assemblée dès le début de cette session.

Malgré cette situation difficile et cette grande attente, nous sommes conscients de l'effort fait par le Gouvernement pour le changement. Nous savons qu'il s'agit là d'une première étape, et que d'autres réformes et d'autres budgets viendront. Mais c'est une étape importante et nous devons l'accueillir comme il se doit. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, RRDP et UDI.)

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