Intervention de Bruno Nestor Azerot

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Nestor Azerot :

Il y a trois ans, l'outre-mer était en proie à une grave crise sociale dont l'État n'avait alors pas pris la juste mesure, engoncé qu'il était dans ce qu'il appelait le développement endogène – véritable catastrophe pour des économies micro-insulaires, mono-exportatrices et en retard de développement.

Les solutions avancées ont mis en évidence une politique très inconstante. Même la loi Girardin, votée auparavant, a été déstructurée, vidée de sa substance et surtout des bonnes perspectives qu'elle offrait, croyait-on, pour quinze ans.

Pourquoi cet échec ? Tout simplement parce que l'outre-mer n'a été perçu que de manière comptable, avec en arrière-plan l'idée qu'il serait assisté, trop coûteux et dispendieux en fonds publics. Mais se pose-t-on cette question pour le Limousin ou la Corrèze ? Si la France est la troisième puissance maritime mondiale, si elle est présente sur les cinq continents, c'est grâce à l'outre-mer, qui lui donne cette dimension mondiale !

Alors oui, il a manqué à l'outre-mer et à la France, ces dix dernières années, une politique ambitieuse qui prenne à bras-le-corps la réalité ultramarine.

Cette grande politique que nous appelons de nos voeux est d'autant plus nécessaire que nos jeunes, nos entreprises, nos populations en outre-mer sont en grande souffrance.

Le taux de chômage y est encore trois à cinq fois plus élevé qu'en métropole. Le niveau de vie de la population reste de moitié inférieur à celui de la métropole. Les RMistes en outre-mer représentent 7,6 % de la population, contre 2,9 % en métropole. Ce sont là autant de réalités structurelles, et pas seulement conjoncturelles.

J'ai craint un instant, monsieur le ministre, qu'au-delà de quelques améliorations, ce budget ne restât insuffisant, en quantité comme en qualité, pour faire face aux enjeux de l'outre-mer.

On observe en effet des retards en matière d'éducation, ainsi que des problèmes de santé publique : maladies infantiles importantes – responsables de neuf décès pour mille –, drépanocytose, diabète, maladies cardio-vasculaires ou encore sida, qui sont autrement plus répandus en outre-mer qu'en métropole.

L'outre-mer souffre également de scandales environnementaux, comme celui du chlordécone aux Antilles ou du mercure en Guyane.

Par ailleurs, ses besoins en logement social sont importants, la défiscalisation ne permettant pas, seule, de relancer le secteur. De même, concernant les missions régaliennes de l'État, l'outre-mer se place en queue de peloton pour la sécurité routière, la délinquance et les conditions de détention.

Enfin, les crédits visant à intégrer les outre-mer dans leur environnement régional sont faibles. En outre, la défiscalisation, et plus particulièrement le dispositif Girardin de défiscalisation des investissements, fait l'objet de critiques métropolitaines. Or, le plafonnement de ce dispositif reviendrait à le supprimer et condamnerait budgétairement nos territoires qui ont pourtant besoin d'aménagements, alors même que les effets incitatifs de ce dispositif se sont réduits comme peau de chagrin au fil du temps. Ceci explique peut-être en partie notre marasme actuel.

La tâche du redressement, de la redéfinition d'une vraie et grande politique de l'outre-mer, est donc immense.

Vous vous y êtes attelé, monsieur le ministre, et nous vous soutiendrons sur ce chemin car votre budget va dans le bon sens, en dépit de la nécessaire priorité donnée à la réduction du déficit budgétaire.

Malgré cela, vous réussissez à construire un budget de rupture et même de combat, qui tranche singulièrement avec tous les budgets qui nous ont été présentés depuis dix ans. Un peu plus de deux milliards d'euros sont consacrés aux deux programmes constituant la mission « Outre-mer », représentant une augmentation de 5 %.

Votre budget place l'emploi, la sécurité, la justice et le logement au coeur des priorités gouvernementales. C'est un signe d'espérance pour le redressement et la construction économique et sociale de nos régions d'outre-mer.

Il témoigne ce faisant de la considération de l'actuelle majorité pour les populations d'outre-mer et du respect des engagements pris par M. François Hollande lors de la campagne présidentielle.

En outre, l'effort budgétaire de l'État ne se réduit pas aux 2,1 milliards de la mission « Outre-mer ». Globalement, et tous ministères confondus, il avoisine les 14 milliards d'euros.

Vous avez également mis l'accent sur le développement et l'aménagement durable, et c'est important.

Vous avez mis l'accent sur la recherche, et c'est vital pour l'avenir.

Vous avez mis l'accent sur les missions de sécurité, et notamment de sécurité civile, et c'est crucial pour des territoires à risques.

Enfin, vous avez mis l'accent sur la mission « Travail et emploi », et c'est absolument nécessaire.

Je réitère cependant mon appel, monsieur le ministre, à la mise en oeuvre d'une véritable loi spécifique pour l'emploi et la formation professionnelle en outre-mer, ainsi que d'une loi agricole intégrant de façon globale les problématiques du foncier et du développement équilibré de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC et sur quelques bancs du groupe UDI.)

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