Intervention de Patrick Lebreton

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Lebreton :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de trop nombreuses années l'examen de la mission « Outre-mer » était devenu une véritable souffrance, tant ce budget symbolisait les mauvais coups portés par l'ancienne majorité aux outre-mer et aux ultramarins.

Permettez-moi de ne pas bouder ce plaisir, celui d'annoncer une hausse des crédits à destination des outre-mer, malgré l'état désastreux dans lequel la droite a laissé les finances publiques de la France. En cinq ans, la dette s'est accrue de 600 milliards. Voilà le passif qui a été laissé.

Et voici les efforts que nous réalisons aujourd'hui pour les populations outre-mer : hausse de la ligne budgétaire unique, résurrection du Fonds exceptionnel d'investissement, priorité donnée à nouveau au service militaire adapté. François Hollande, dans ses trente engagements pour l'outre-mer, avait promis le changement : il est en marche.

En matière de réalisations concrètes, force est de reconnaître qu'en six mois à peine beaucoup a déjà été fait : déconstruction des systèmes monopolistiques qui asphyxient nos économies fragiles et entravent le pouvoir d'achat de nos compatriotes, bouclier qualité-prix, panier bancaire, négociations avancées avec les opérateurs de téléphonie. Le changement est en marche et il sera profond. Permettez-moi de souligner qu'une part certaine en revient à votre énergie et à votre détermination à vraiment changer les choses, monsieur le ministre.

Je me fais cependant ici le relais d'une crainte exprimée. Nous devrons veiller à ce que la remise en cause des monopoles et la guerre des prix qui pourra en résulter ait un impact contrôlé sur les fournisseurs et les petits producteurs qui appartiennent à des filières, certes organisées, mais qui demeurent fragiles.

Les trente engagements pour les outre-mer sont notre feuille de route ; nous en sommes les gardiens. Monsieur le ministre, vous nous trouverez toujours à vos côtés pour mettre en oeuvre les engagements que les ultramarins ont, non seulement approuvés, mais plébiscités. C'est la raison pour laquelle il ne peut être envisagé, dans l'immédiat, de modification du plafond de la défiscalisation sans l'élaboration d'un système de compensation.

L'amendement adopté cet après-midi en commission des finances et qui programme la mort de la défiscalisation outre-mer dans un an me semble préoccupant. En effet, outre que ces mécanismes sont vitaux pour le développement du tourisme, la construction du logement social, l'investissement productif et l'emploi, on ne doit jamais oublier que le maintien de ces plafonds est un des tout premiers engagements de François Hollande pour les outre-mer. Toute modification de cet engagement ne saurait être vécue que comme une liberté prise vis-à-vis de la parole donnée. En outre, elle serait totalement contre-productive et risquerait de mettre en péril nos économies déjà très fragiles.

Membre de la commission des finances, je sais la situation des finances publiques. Socialiste, je suis par essence choqué par la volonté d'échapper à l'impôt, à la charge collective, de certaines fortunes de ce pays.

Mais la défiscalisation outre-mer, ce n'est pas de la fraude fiscale. C'est un investissement sur la création, un pari sur l'initiative, un soutien pour les 2 millions d'ultramarins frappés par la crise plus durement que tous leurs compatriotes. Le soutien aux économies des outre-mer ne peut être la variable permettant à l'État de régler la facture des dix années de gestion de la France par l'UMP.

Que ce système n'ait pas toujours été optimisé par le passé, que certains aient tenté de le dévoyer, j'en conviens. Mais la construction de véritables économies dans les outre-mer, solides, durables, pourvoyeuses d'emplois, créatrices de prospérité et génératrices d'émancipation que tous, ici, nous souhaitons, ne peut pour l'heure se concevoir sans dispositif de ce type.

Je comprends le souci de certains de souhaiter améliorer et optimiser l'effort de l'État vis-à-vis des économies des outre-mer. Peut-être existe-t-il des dispositifs plus adaptés que la défiscalisation telle qu'elle existe actuellement. Dans ce cas, évaluons sérieusement et précisément l'existant, ce qui n'a jamais été correctement fait. Je souhaite par-dessus tout qu'une évaluation de la défiscalisation soit faite dans sa globalité et non plus par le seul prisme de la comptabilité. Pourquoi ne pas créer une mission d'évaluation issue des commissions des affaires économiques et des finances ? Initions un véritable travail permettant de mesurer ce qu'apporte la défiscalisation à nos économies, car la défiscalisation est pour nos populations un levier économique plus qu'un mécanisme comptable.

N'ayons pas de tabou mais ne soyons pas imprudents non plus. Le développement solidaire de nos territoires qui est l'objectif sur la foi duquel les Français des outre-mer nous ont massivement fait confiance suppose une action massive de l'État, action sans laquelle toute rupture avec un ancien système verrouillé n'est qu'une illusion, action sans laquelle l'édification des piliers du développement économique et social est inenvisageable.

Je le dis donc en toute amitié aux promoteurs de la réduction de la défiscalisation outre-mer : une réforme qui comporte un si lourd impact économique et social ne peut se faire à la va-vite sur la seule foi de faits bien souvent caricaturés. Elle doit être envisagée dans la sérénité pour ne pas fragiliser davantage des économies déjà fragiles et ne pas condamner à mort des entreprises et des secteurs qui travaillent encore pour l'avenir, malgré les difficultés.

La transition vers d'autres sources de financement des économies peut se concevoir, elle peut même être souhaitable. Mais cette transition doit être progressive. Elle doit être évaluée, pilotée et non imposée brusquement.

Monsieur le ministre, je vous sais convaincu et attentif à cette situation, je vous sais surtout ambitieux pour nos territoires. Pour ces combats, nous serons à vos côtés et en guise de premier signal nous voterons les crédits relatifs à cette mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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