Intervention de Claudine Schmid

Réunion du 6 novembre 2012 à 16h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaudine Schmid, rapporteur pour avis :

Je ne reviendrai pas sur les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence » qui sont proposés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, si ce n'est pour indiquer que je ne les voterai pas, notamment parce que, sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, l'enseignement français à l'étranger, je n'ai pas reçu du ministre d'assurance sur l'affectation des fonds qui étaient consacrés à la mesure de gratuité, aujourd'hui supprimée. Je ne trouve en effet aucune trace comptable des quinze millions d'euros que le ministre s'est engagé à maintenir sur la ligne budgétaire ad hoc d'ici 2015.

Mon avis budgétaire porte sur la promotion à l'étranger de notre enseignement supérieur, au moment où une vaste réflexion sur le mode de gouvernance et le financement de nos universités est engagée dans le cadre des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.

La formation de jeunes étrangers, qui deviendront nos ambassadeurs et nos partenaires, fait partie de notre politique d'influence et constitue pour nous un défi, du fait de l'explosion mondiale de la demande de formation et l'intense compétition que se livrent les pays pour attirer les meilleurs étudiants. Entre 2000 et 2015, l'ensemble de la population étudiante devrait doubler, pour passer de 100 à 200 millions, dont les deux tiers issus des pays émergents et la moitié de la Chine et de l'Inde ; le nombre d'étudiants en mobilité, actuellement de 3,3 millions, devrait se situer entre 5 et 7 millions en 2025.

Dès la fin des années 1990, nos gouvernements ont pris des mesures pour favoriser la « mobilité entrante », c'est-à-dire la venue sur notre territoire d'étudiants étrangers, notamment ressortissants de pays émergents à fort potentiel de développement – Brésil, Chine, Inde, Mexique. La politique des visas et les conditions d'entrée et de séjour ont été assouplies, et un organisme chargé de coordonner l'offre de formation a été créé. À l'issue des séminaires gouvernementaux sur l'attractivité qui se sont tenus ensuite en 2005 et 2006, il a été décidé de renforcer l'aspect qualitatif de cette politique. La priorité a été donnée, d'une part, aux niveaux master et doctorat et aux disciplines scientifiques, économiques et juridiques, et, d'autre part aux pays émergents d'Asie et d'Amérique latine ainsi qu'à la mobilité encadrée qui permet un meilleur suivi des étudiants.

Les mesures prises concernent à la fois les étudiants étrangers et les établissements d'enseignement supérieur français. Elles recouvrent plusieurs dispositifs qui sont détaillés dans mon rapport.

S'agissant des étudiants étrangers, l'agence CampusFrance concentre depuis le mois de septembre dernier l'ensemble des moyens humains et financiers jusqu'alors dispersés entre plusieurs opérateurs, pour créer une dynamique de l'accueil, depuis la promotion de l'offre de formation jusqu'à la gestion de la mobilité. L'agence dispose d'antennes dans 110 pays, les Espaces CampusFrance, plates-formes de services destinées à aider les étudiants étrangers à construire un projet d'études en France. Certaines, via la procédure CEF – centres pour les études en France –, leur offrent en outre la possibilité de postuler en ligne à plusieurs formations au moyen d'un dossier unique et d'en suivre le traitement en temps réel.

Par ailleurs, un ensemble de bourses sont allouées sur critères académiques par le ministère des affaires étrangères, de plus en plus souvent en partenariat avec les gouvernements étrangers, les collectivités territoriales et les entreprises françaises : près de 15 000 bourses, majoritairement d'études, mais aussi de stages, sont ainsi attribuées chaque année. En outre des bourses sur critères sociaux sont accordées par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

À ces dispositifs s'ajoutent l'amélioration et la simplification des procédures administratives liées à l'entrée et au séjour en France : ainsi, le nouveau visa valant titre de séjour dispense les étudiants étrangers de demander une carte de séjour en préfecture la première année ; la procédure CEF, qui couvre 85 % des demandes de visa pour études, simplifie les démarches, les services consulaires ayant accès au dossier dématérialisé des candidats.

S'agissant des établissements d'enseignement supérieur, les mesures tendent principalement à améliorer l'environnement académique. Si l'on considère l'ensemble des établissements, on observe un paysage complexe et morcelé, ainsi qu'une ouverture sur l'étranger très inégale : les écoles de commerce ont été les premières à ouvrir leurs formations à l'international parce qu'elles ont été très tôt confrontées à la concurrence étrangère ; les écoles d'ingénieurs, en revanche, ont conservé plus longtemps un prisme national et doivent aujourd'hui s'adapter à l'internationalisation des formations. Tous secteurs confondus, les grandes écoles accueillaient en 2009-2010 près de 36 500 étudiants étrangers. Les universités, quant à elles, reçoivent plus de 70 % des flux d'étudiants étrangers – 212 600 étudiants en 2012 –, mais elles sont peu visibles à l'international, faute d'une stratégie cohérente de leurs composantes. En raison de l'indépendance des établissements, l'État ne peut que suggérer des orientations discutées avec les trois conférences représentatives. Ainsi l'État incite depuis 2006 les établissements à se regrouper en pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, afin d'articuler et de mutualiser leurs activités et leurs moyens ; il soutient financièrement les diplômes en partenariat international et les formations doctorales conjointes, pour porter la part des mobilités encadrées de 20 % actuellement à 50 % dans cinq ans ; il encourage les programmes d'échanges de haut niveau menés par des réseaux d'établissements, en Amérique latine, en Inde, ainsi que l'exportation de formations, comme celle d'« ingénieur à la française », dont l'un des exemples est la création d'une école centrale à Pékin. Au soutien de l'État s'ajoute celui des opérateurs, l'Agence universitaire de la Francophonie et CampusFrance.

Cette politique a donné des résultats. Elle a fait progresser le nombre d'étudiants étrangers de 64 % entre 2000 et 2010. Elle a permis une mobilité de plus haut niveau : depuis 2004, le nombre d'étudiants étrangers a presque doublé dans les formations d'ingénieurs ou les écoles de commerce ; à l'heure actuelle, les étrangers représentent 41,3 % des doctorants. Elle a enfin permis une diversification géographique des flux d'étudiants étrangers : la part des Africains s'est réduite à moins de la moitié des étudiants ; un quart des étudiants est originaire d'Europe, un autre quart d'Asie, du Moyen-Orient ou d'Océanie ; les Chinois sont la deuxième nationalité la plus représentée après les Marocains.

La France est la première destination des étudiants non anglophones. Elle a accueilli plus de 288 500 étudiants à la rentrée 2011, ce qui la place au quatrième rang mondial derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie, et devant l'Allemagne. Sa place dans les classements internationaux, notamment celui de Shanghai, reste cependant décevante : avec vingt établissements figurant dans les cinq cents premiers mondiaux en 2012, dont trois seulement dans le « top 100 », elle n'occupe que la huitième place.

Les auditions que j'ai menées m'ont permis de dégager quelques pistes pour améliorer l'attractivité de notre enseignement supérieur.

Il convient tout d'abord de combler un déficit d'image, en adoptant une démarche adaptée à l'environnement concurrentiel, comme le font certains pays anglo-saxons, Royaume-Uni et Australie, et en mobilisant des réseaux d'anciens élèves pour faire la promotion des établissements, lever des fonds, faire le lien avec l'environnement professionnel.

On doit aussi améliorer les conditions d'accueil car elles sont un facteur clé de l'attractivité. Il faudrait inciter nos établissements d'enseignement supérieur à statuer plus rapidement sur les dossiers de demande d'admission, comme le font les établissements anglo-saxons ; il conviendrait de renforcer la collaboration entre les établissements d'enseignement supérieur et les préfectures pour fluidifier les démarches des étudiants entrant sur notre territoire ; il serait nécessaire d'étendre le système de guichet unique d'accueil, sur le modèle de celui que met en place à chaque rentrée la Cité internationale universitaire de Paris, afin de permettre aux étudiants étrangers d'effectuer en une seule fois l'ensemble de leurs formalités administratives. Il faudrait enfin repenser l'ensemble du dispositif relatif à l'offre de logement à destination des étudiants, comme notre collègue Isabelle Attard l'a proposé dans son rapport sur les crédits de l'enseignement supérieur.

Troisièmement, il conviendrait de cultiver la différence par la langue et la culture. Une enquête TNS-SOFRES réalisée en 2011 à la demande de CampusFrance révèle qu'un des facteurs d'attractivité de notre enseignement supérieur est l'image très positive qu'ont les étudiants étrangers de notre pays. Nous devons en tirer parti et asseoir notre enseignement supérieur, non seulement sur une exigence de qualité, mais aussi sur des éléments de différenciation comme la culture et la langue. Cependant la langue ne doit pas être un obstacle à la poursuite d'études en France ; c'est pourquoi il faut développer les filières en anglais en organisant dans le même temps un apprentissage intensif du français. La meilleure stratégie est en fait le plurilinguisme, qui est synonyme d'ouverture et permet d'élargir les savoirs.

Autre piste d'amélioration : jouer la carte de la synergie régionale. Les régions jouent un rôle essentiel dans l'innovation et le développement économique. En outre, elles sont résolument tournées vers l'étranger et s'investissent de plus en plus dans l'enseignement supérieur. On pourrait donc envisager qu'elles associent à leurs stratégies internationales les établissements d'enseignement supérieur implantés sur leur territoire ; ces derniers gagneraient ainsi en visibilité et leur potentiel serait mis en valeur.

De même, le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, devrait être davantage exploité. Tous les bacheliers étrangers du réseau ont, en théorie, vocation à poursuivre leurs études dans les établissements d'enseignement supérieur français. Or on constate chaque année une « perte en ligne » au profit des établissements étrangers, que l'AEFE s'efforce de réduire par des actions très en amont d'information sur l'offre française de formation supérieure, de conseil et d'orientation. Il faudrait donc en parallèle étendre l'expérience des partenariats tripartites, les programmes PITES, dont l'objectif est d'attirer dans les universités françaises au niveau du master les bacheliers étrangers issus du réseau de l'AEFE qui ont effectué un premier cycle dans des universités à l'étranger.

Enfin il conviendrait peut-être de repenser le principe de quasi-gratuité des études pour les étudiants étrangers. Il ressort en effet des différentes auditions que le faible coût des études en France n'est pas un facteur d'attractivité ; bien au contraire, puisque nombre de pays étrangers considèrent que ce qui est gratuit est de mauvaise qualité. De plus, compte tenu de la contrainte budgétaire et du coût moyen de la formation – 10 000 euros par an et par étudiant –, il semble difficile d'accueillir en France dans ces conditions plus d'étudiants étrangers. Or la Conférence des grandes écoles milite pour un triplement du nombre d'étudiants étrangers d'ici à dix ans. La majorité des personnes entendues ont donc proposé une augmentation des droits d'inscription à hauteur du coût de revient de la formation, assortie d'un système d'allocation de bourses. Cette proposition mérite d'être étudiée.

Toutes ces hypothèses d'amélioration me conduisent à penser que tout établissement d'enseignement supérieur devrait avoir la faculté de promouvoir lui-même son propre enseignement à l'étranger. Cette capacité propre viendrait conforter l'autonomie dont ils sont dotés depuis la réforme de 2010.

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