Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 4 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Après l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Cet amendement vise à supprimer la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Très proche de la procédure anglo-saxonne du « plaider coupable », cette procédure a été introduite dans notre droit par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, afin de désengorger les tribunaux.

Pour notre part, nous souhaitons la suppression de cette procédure car nous considérons que ce mode de poursuite fondé sur l’aveu consiste pour le parquet à proposer une peine, y compris privative de liberté, à une personne reconnaissant être l’auteur d’un délit. Le recours à cette procédure est d’ailleurs désormais possible pour tous les délits depuis la loi du 13 décembre 2011.

Lorsque la proposition de peine est acceptée, la personne mise en cause est présentée devant un magistrat du siège pour homologation. Dans cette procédure, c’est donc le parquet qui est en première ligne, c’est lui qui propose une mesure ou une peine, le magistrat du siège n’intervenant que pour homologuer ladite proposition lorsqu’elle a été acceptée. Cette procédure constitue donc une alternative au jugement, c’est un moyen d’évitement de l’audience pénale classique.

Comme le souligne la proposition de loi portant réforme de cette procédure qui a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 23 janvier 2014, à l’initiative du sénateur Jacques Mézard, cette procédure méconnaît la quasi-totalité des principes fondamentaux de la procédure pénale française. Cette procédure va en effet à l’encontre des grands principes de la procédure pénale présents à l’article préliminaire du code de procédure pénale et à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. La séparation des autorités de poursuite et de jugement vole en éclats puisqu’en plus de l’appréciation de l’opportunité des poursuites, le pouvoir de la détermination de la culpabilité de la sanction appartient au représentant du parquet.

J’ajoute que ce mode de poursuite crée une inégalité entre les justiciables dans la mesure où elle a pour objet la gestion des flux des dossiers. Le recours à ladite procédure varie donc en fonction de l’engorgement des juridictions. Les justiciables comparaissant pour des faits identiques devant des juridictions au contexte différent ne seront donc pas jugés de la même manière. La détermination de la peine constitue ainsi une sorte de marchandage entre le parquet et la personne qui reconnaît sa culpabilité. Cette procédure induit aussi une véritable opacité par rapport aux autres modes de poursuite puisque les décisions relatives à la culpabilité de l’auteur et à la détermination de sa peine sont prises dans le bureau du procureur et non pas, comme c’est le cas autrement, en audience publique.

En conséquence, et dans la mesure où l’on échoue à atteindre l’objectif de diminuer le délai de traitement des affaires correctionnelles, nous proposons la suppression de cette procédure.

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