Il a également été rappelé – M. Larrivé a cité le chiffre – que les peines plancher étaient peu utilisées : il est donc compliqué de mener une étude précise sur ce sujet, contrairement à ce qui a été dit.
L’argument selon lequel le nombre de détenus a augmenté depuis l’instauration des peines plancher me paraît donc un petit peu artificiel.
Il faut prendre du recul et analyser la situation générale de la France. Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, il n’y a pas de « tout carcéral » : la peine de prison ferme est une exception. En France, environ 4 millions de crimes, délits et contraventions de cinquième classe sont commis chaque année – 10 millions selon l’INSEE et l’Observatoire national de la délinquance, ce qui laisse déjà imaginer malheureusement l’ampleur de l’impunité. Sur ces 4 millions d’infractions, seules 1,4 million d’affaires sont élucidées, ce qui réduit encore le champ. À ce stade, la moitié des auteurs de délits bénéficient d’alternatives aux poursuites, comme des rappels à la loi ou des avertissements totalement inefficaces. Parmi l’autre moitié, une grande partie des auteurs d’infractions sont condamnés à des peines symboliques : ainsi, sur 600 000 condamnations de majeurs pour délits, 200 000 sursis sont prononcés. Il faut d’ailleurs rappeler que nous sommes, en France, les grands champions de l’empilement des sursis ! Le délinquant ordinaire est d’abord condamné à une peine de sursis, puis à une ou deux peines de sursis avec mise à l’épreuve ; éventuellement, au bout de la chaîne, il peut être condamné à une peine de prison ferme, mais pour cela, il faut quand même y aller !
En définitive, moins de 10 % des individus déférés devant la justice sont condamnés à de la prison ferme, soit 122 000 personnes sur 1,4 million de prévenus. Où est le « tout carcéral » en France ? Il est difficile, dans ces conditions, de considérer que la prison est la cause majeure de la récidive. Le problème majeur de la France est l’impunité généralisée : c’est cela qui crée la délinquance, l’augmentation du nombre de détenus et la récidive. C’est d’autant plus vrai que 45 % des personnes condamnées à des peines alternatives à la prison récidivent.