Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 5 juin 2014 à 15h00
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

C’est cela la réalité. Nous y reviendrons.

Pour dénoncer le mécanisme des peines minimales privatives de liberté, vous vous fondez sur des études statistiques, madame la garde des sceaux. Lors de la campagne électorale, le Président de la République avait affirmé que la récidive avait triplé depuis les années 2000. Quant à vous, vous avez prétendu que depuis le vote de la loi de 2007, le taux de récidive avait augmenté de plus de 50 %. Permettez-moi de vous faire une réponse qui puise ses sources aux meilleures références selon vous, qui ne sont pas susceptibles à vos yeux d’une défaillance d’objectivité, à savoir le journal Libération. Sa rubrique « Désintox » intitulée « Hollande et Taubira à la peine » en date du 9 septembre 2013 mettait à mal toute votre argumentation ainsi que celle du Président de la République.

Un bulletin statistique du ministère de la justice, publié en 2013, précise ainsi clairement que « L’évolution [de la récidive légale] ne reflète pas une explosion de la récidive au sens criminologique, elle s’explique davantage par les changements législatifs ainsi que par les pratiques des juridictions » – M. Raimbourg y faisait référence – « qui enregistrent de façon plus systématique la récidive. »

Quels sont ces changements législatifs ? Les chiffres que vous citiez, madame la ministre, concernent la récidive légale, autrement dit les situations où un délinquant commet un délit identique. Or la loi a procédé à plusieurs assimilations de délits. En 2003, les délits routiers, qui constituent une part importante des cas de récidive, ont été assimilés entre eux. En 2005, les délits de violences volontaires sur personne ont été assimilés à tout délit commis avec la circonstance aggravante de violence.

Quand vous dites que la récidive a triplé depuis le début des années 2000, c’est donc faux car les références ne sont pas les mêmes. De toute façon, cela ne constitue pas un critère d’appréciation de la loi de 2007.

Et ce qui me paraît plus grave encore, car cela traduit de votre part de la mauvaise foi ou de la malhonnêteté intellectuelle, c’est d’affirmer que le taux de récidive est de plus de 57 % pour montrer que la récidive a explosé depuis la loi de 2007 sur les peines minimales. D’une part, vous vous référez en réalité à un autre indicateur qui prend en compte la récidive au sens large : le pourcentage des sortants de prison qui se retrouvent condamnés dans les cinq ans. D’autre part, le pourcentage que vous avancez se fonde sur 2002, donc cinq années avant le vote de la loi sur les peines plancher.

L’article de Libération se concluait ainsi : « Fondée sur une cohorte de sortants de prison de prison de 2002, l’étude montre que 59 % d’entre eux ont été recondamnés, dont 46 % à de la prison ferme. Mais aucune étude similaire n’ayant été réalisée depuis 2007 et l’instauration des peines plancher, on voit mal comment la ministre peut affirmer que ce taux de recondamnations a grimpé ces cinq dernières années. »

Vous êtes pris en flagrant délit d’informations erronées données à notre assemblée.

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