Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 5 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Article 8

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Ils auront le choix. Dans certaines circonstances, certaines situations, la contrainte pénale sera une peine plus efficace, tant a priori qu’a posteriori, précisément parce qu’elle est composée d’obligations et d’interdictions, d’un suivi individualisé qui pourra être adapté au fur et à mesure et qui, selon les termes mêmes de la loi, sera obligatoirement évalué. Les magistrats verront que dans certaines circonstances, par rapport au profil de l’auteur, il vaut mieux prononcer une contrainte pénale plutôt qu’une courte peine d’incarcération. Admettons cela, c’est ainsi que cela fonctionnera.

J’en viens à l’amendement du rapporteur qui diffère à 2017 l’extension du champ de la contrainte pénale à l’ensemble des délits. Monsieur Coronado, vous avez raison de rappeler que la contrainte pénale est plus contraignante que le sursis avec mise l’épreuve. En effet, si celui-ci, tel qu’il est conçu en droit et tel qu’il est pratiqué, appelle la vérification du respect des obligations, il ne comporte pas cet aspect de suivi individualisé, adapté très précisément, ajusté et donc modulable, puis obligatoirement évalué. La contrainte pénale est effectivement plus contraignante. La cohérence et la logique veulent donc que, si l’on accepte que le sursis avec mise à l’épreuve couvre l’ensemble du champ des délits, la contrainte pénale qui est plus contraignante le fasse également. Sinon, dans certaines situations, les magistrats pourraient seulement prononcer des sursis avec mise à l’épreuve alors que certaines d’entre elles mériteraient un suivi plus serré, plus individualisé et plus contraignant.

Ce n’est un secret pour personne que lorsque le Gouvernement a préparé ce texte, cela s’est vu à toutes les étapes, il avait conçu la contrainte pénale comme devant couvrir tout le champ des délits, dans le respect de la logique que je viens d’exposer. Mais il a aussi souhaité que la contrainte pénale s’applique dans un premier temps aux délits pour lesquels la peine encourue est de cinq ans, puis qu’elle fasse l’objet d’une évaluation au terme de trois ans d’application. Cette obligation d’évaluation avait été prévue dès le début dans le texte. Le Gouvernement a donc souhaité attendre ces trois ans avant une éventuelle extension du champ de la contrainte pénale. Tel est l’arbitrage qui a été rendu.

Votre commission a pour sa part souhaité en rester à l’argumentaire cohérent et logique selon lequel, puisque le sursis avec mise à l’épreuve couvre tout le champ des délits, la contrainte pénale, qui est plus contraignante, devrait a fortiori faire de même. La proposition de votre rapporteur est de permettre l’application immédiate de la contrainte pénale pour les peines encourues de cinq ans maximum, et de différer à 2017 l’extension du champ d’application de la contrainte pénale. L’argument selon lequel cela permettra de suivre la montée en puissance des effectifs des personnels de suivi des personnes placées sous contrainte pénale est loin d’être fallacieux. En tout état de cause, le Gouvernement sera favorable à l’amendement du rapporteur.

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