Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication, en charge de la réglementation de l’audiovisuel, mais je vois que le secrétaire d’État chargé des sports est présent. Je vais donc m’adresser directement à lui, sur un sujet qu’il connaît bien et à propos duquel je l’ai déjà sollicité.
Le journal Le Monde écrivait dans son édition de ce week-end : « Il va falloir s’y habituer : l’époque bénie durant laquelle le téléspectateur amateur de football pouvait regarder gratuitement la phase finale d’une Coupe du monde est révolue. » Monsieur le secrétaire d’État, et si nous refusions de nous y habituer ? Et si nous décidions de changer le cours de cette évolution qui, même si elle semble inéluctable, peut être corrigée ?
La loi de 1986 a donné son cadre à l’audiovisuel, qui venait d’être bouleversé par la première privatisation, les créations de chaînes et de la première chaîne à péage. Elle a été modifiée par une loi de 2000, qui a créé la catégorie des événements majeurs, dont la diffusion doit être assurée pour le plus grand nombre, sans péage, ni abonnement. Un décret de 2004 a ensuite arrêté la liste de ces événements. Sont concernés, pour la Coupe du monde, qui commence dans quelques jours, les matchs de l’équipe de France, l’ouverture, les demi-finales et la finale ; pour l’Euro 2016, organisé par la France, ce sera la même chose, puisque la France jouera en ouverture. La loi n’oblige personne à diffuser mais, s’il y a diffusion, elle doit se faire pour le plus grand nombre.
Comme la Coupe du monde de football ne bénéficie que d’une protection très limitée, TF1 a pu, après avoir acquis les droits de la compétition, les revendre à BeIN Sports, qui assurera la diffusion payante de la majorité des matchs, y compris des matchs éliminatoires en huitièmes et en quarts de finale. Je trouve cette situation très regrettable, monsieur le secrétaire d’État, et vous le savez car je vous ai déjà écrit à ce sujet. La loi montre ses lacunes et les acteurs privés ont un comportement déplorable, puisqu’ils organisent pour la première fois l’invisibilité de la Coupe du monde, en sciant la branche sur laquelle ils sont assis – je parle des recettes.
Je suis choqué et déçu, comme beaucoup de Français, et comme tous ceux qui vont découvrir, pendant tout le mois de juin et au début du mois de juillet, l’ampleur du problème. La Coupe du monde est une parenthèse dans le « sport business », une leçon de géographie… Or le passage sur une chaîne à péage sort la Coupe du monde de football de la conversation courante pour en faire une affaire de spécialistes ; elle coupe l’événement de son terreau, le plus grand public. TF1 perdra de l’argent, BeIN perdra de l’argent, et les Français auront perdu ce bel événement. Voilà où conduit la rationalité économique du « sport business ».
Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai saisi de cette situation le 16 avril. Or je constate aujourd’hui une absence de réponse claire et nette, et j’entends par ailleurs un discours étrange sur le bienfait des droits de retransmission télévisée. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous me donner votre point de vue sur cette question, à deux jours de l’ouverture de la Coupe du Monde, et à deux ans de l’Euro qui sera organisé en France ?