Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les débats sur le projet de loi se sont achevés dans la nuit de jeudi à vendredi.
Pendant ces longues heures de discussion, nous avons été les témoins de ces vieilles querelles qui opposent de façon caricaturale, et depuis de nombreuses années, ceux qui seraient les partisans du tout carcéral et ceux qui, au contraire, défendraient le laxisme et l’impunité.
Ces clivages autour de la suppression des peines plancher, de la contrainte pénale ou de la libération sous contrainte ont finalement éludé les vraies questions, celles qui auraient mérité de recueillir toute notre attention.
Plutôt que de nous en tenir à des débats stériles, reconnaissons que nous avons des principes en commun et que nous partageons certains objectifs : nous devons protéger les victimes et la société dans son ensemble, nous devons à tout prix prévenir et lutter contre la récidive, nous devons aussi – et cela participe de la prévention de la récidive – assurer aux détenus un meilleur suivi et ainsi éviter les sorties sèches.
Quelques mesures de ce projet de loi vont dans ce sens : je pense à la mise en place d’une contribution pour l’aide aux victimes, je pense à la garantie de l’existence, au sein des tribunaux, de bureaux d’exécution des peines, je pense encore au renforcement des missions du service public pénitentiaire dans le suivi et le contrôle des personnes condamnées.
Au-delà de ces trop rares motifs de satisfaction, le projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux.
Le postulat sur lequel il repose – la prison nourrirait la récidive – va à l’encontre de notre conception de la justice en France.
N’oublions pas que l’emprisonnement, s’il vient sanctionner le coupable, témoigne aussi de l’échec de nos politiques de prévention. N’oublions pas non plus qu’il ne servira à rien de durcir les sanctions et de remplir les prisons si les peines ne sont pas appliquées et si les places sont insuffisantes.
Pour le groupe UDI, l’effectivité de l’exécution des peines est la condition sine qua non de l’amélioration de notre justice pénale. En dépendent la crédibilité de notre système pénal et la confiance que chacun de nos concitoyens place en la justice de son pays.
Ce projet de loi affirme une volonté de traiter du problème de la récidive sous l’angle de la surpopulation carcérale au lieu de prévoir pour les récidivistes une peine qui ne soit pas semblable à celle des primodélinquants mais adaptée à leur profil, avec la fermeté qui s’impose.
Nous avons souligné au cours des débats les lacunes que comportent les mesures que vous proposez pour renforcer l’efficacité des sanctions pénales et les peines que vous entendez créer.
Concernant l’ajournement de la peine, par exemple, l’un de nos amendements a permis d’allonger le débat entre la décision sur l’ajournement et la décision sur la peine mais nous craignons qu’en dépit de cette amélioration, la procédure ne soit que très peu utilisée.
L’extension de la contrainte pénale à tous les délits punis d’emprisonnement est non seulement dangereuse mais risque en outre de complexifier encore le droit de la peine.
Et comment ne pas douter de l’efficacité de ces mesures alors que la justice manque de moyens et que les créations de postes annoncées dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, seront à coup sûr insuffisantes ?
Au final, qu’aurons-nous une fois ce texte adopté ? Une loi qui s’ajoutera au cortège des nombreuses autres lois portant sur l’organisation de notre système judiciaire et pénal, une loi qui aborde la question fondamentale de la justice sous le seul angle de la procédure, une loi qui, de ce fait, ne permettra pas d’enrayer les défaillances de notre système judiciaire et participera malheureusement à son essoufflement.
L’enjeu, désormais, c’est de repenser, à l’extérieur comme à l’intérieur du palais de justice, l’ensemble de la chaîne de compétences de l’institution judiciaire. Celle-ci doit être profondément réformée et, pour cela, le groupe UDI propose de mettre tous les acteurs et intervenants du monde judiciaire autour de la table pour un "Vendôme de la justice", faute de quoi il votera contre ce projet de loi.