Séance en hémicycle du 10 juin 2014 à 15h00

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

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L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le ministre de l’économie et du redressement productif, la commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire et la fermeture de Fessenheim a démontré que la filière nucléaire était un atout pour la France.

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Elle est un atout pour notre indépendance énergétique, l’atout de l’excellence d’une filière industrielle de renommée mondiale comptant 400 000 emplois directs et indirects, un atout pour le coût de l’électricité, pour le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises, un atout pour la lutte contre le réchauffement climatique, où la France est en pointe.

La promesse de François Hollande en campagne, résultat d’un marchandage électoral avec les Verts, de réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique et de fermer la centrale de Fessenheim apparaît aujourd’hui comme une aberration économique et sociale, totalement irresponsable : irresponsable quant à l’approvisionnement électrique de la France, irresponsable quant à l’emploi industriel et la compétitivité des entreprises, irresponsable quant à son coût pour les finances publiques, de plusieurs centaines de milliards, dont près d’une dizaine pour le seul démantèlement de Fessenheim et ses quelque 2 200 emplois directs.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous défendre dans la future loi sur la transition énergétique nos filières industrielles, nos entreprises et nos emplois ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

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Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Monsieur le président Accoyer, vous avez participé à la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire, et nous y avons débattu de manière très constructive. L’Assemblée nationale sera prochainement saisie du projet de loi sur la transition énergétique, qui permettra de fixer le cadre du nouveau modèle énergétique français.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Je ne souhaite pas voir les énergies opposées les unes aux autres. Vous avez évoqué les performances de la filière nucléaire française : avec cette filière, qui compte 200 000 salariés, ingénieurs, techniciens, ouvriers de très grande qualité, nous disposons de forces industrielles et d’un savoir-faire mondialement reconnus. Mais comme chacun sait, et c’est l’objectif du texte qui sera prochainement déposé sur le bureau de l’Assemblée, nous devons, dans l’intérêt général, diversifier nos sources énergétiques.

Je compte sur des travaux constructifs, sur tous les bancs de cette assemblée, pour que les Français, qui au bout du compte paient, dans leur facture d’électricité, nos choix stratégiques, aient le droit à la transparence, à l’information et à la visibilité. C’est ainsi que nous pourrons construire tous ensemble notre nouveau modèle énergétique.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. François André, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, depuis 2012, notre stratégie est entièrement tournée vers le redressement des comptes publics et de l’économie au service de la croissance, de l’emploi et du modèle social français.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

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puisque la Cour des comptes, dans son rapport sur l’exécution budgétaire pour l’année 2013, montre que les engagements en termes de dépenses sont en deçà des prévisions. Dans le même temps, le déficit budgétaire est lui aussi en recul, de 12 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2012. M. Sarkozy et la droite ont creusé inconsidérément les déficits. Nous, nous les réduisons !

Mêmes mouvements.

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La nouvelle étape, c’est le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République en janvier, et qui sera bientôt mis en oeuvre. Il comprend un volet en faveur de la compétitivité des entreprises, déjà grandement initié par le CICE, et un second volet qui viendra soutenir les ménages les plus modestes par des mesures fiscales et sociales. C’est le sens du collectif budgétaire à venir.

Les Français les plus modestes recevront ainsi les contreparties aux efforts qu’ils consentent au quotidien pour notre pays. Plus d’un milliard d’euros en faveur des ménages les plus fragiles sera consacré à des baisses d’impôts, permettant un regain de pouvoir d’achat dès cette année. Les cotisations salariales baisseront à partir de janvier 2015, pour les salariés du privé et les fonctionnaires. Les cotisations des artisans, travailleurs indépendants et PME diminueront aussi, pour soutenir leur activité.

Monsieur le ministre, à la veille de l’adoption en conseil des ministres du projet de loi de finances rectificative pour 2014, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures précises seront prises afin de poursuivre cette stratégie au service du redressement, de l’emploi et du pouvoir d’achat, préoccupation première de nos concitoyens ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Oui, monsieur le député, au cours de ces dernières années, nous avons réduit progressivement mais sûrement le déficit de la France, qui avait atteint des niveaux absolument insupportables.

Mais nous ne nous contentons pas simplement de réduire les déficits, ce qui est nécessaire. Notre politique consiste à soutenir le tissu productif français, afin que les entreprises françaises puissent produire en France davantage de produits qui correspondent aux besoins et aux goûts des Français, afin qu’elles soient capables de se battre sur les marchés européen et mondial. Notre politique consiste aussi à soutenir le pouvoir d’achat des Français les plus modestes, en particulier de ceux qui ont dû acquitter pour la première fois l’impôt sur le revenu ces dernières années, alors même que leurs revenus n’augmentaient pas.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Dès demain, avec l’adoption en conseil des ministres du projet de loi de finances rectificative, puis la semaine suivante, avec l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, nous apporterons des réponses concrètes qui seront soumises à votre examen et à votre vote.

Comme vous l’avez dit, plus de 1,8 million de foyers sortiront de l’impôt sur le revenu, ce qui représente une baisse d’impôt de 1 milliard d’euros en faveur des plus modestes. Dès le 1er janvier 2015, les cotisations baisseront pour ceux qui touchent les retraites et les salaires les moins élevés, soit 2,5 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat des plus modestes.

Enfin, notre stratégie comporte un plan en faveur des entreprises, car c’est dans les entreprises que les emplois sont créés et que les investissements nouveaux sont financés. Les cotisations et la fiscalité, qui pèsent trop lourd sur les entreprises et freinent les créations d’emplois, baisseront. Tel est notre programme : nous entrons dans le dur !

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La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le ministre de l’agriculture, aux Antilles, la culture de la banane joue un rôle qui dépasse le secteur agricole. Elle induit plus de 10 000 emplois directs et indirects et le transport de bananes vers la métropole permet de réduire le coût du fret maritime pour les importations. Cette filière a su se réorganiser et se maintenir dans un environnement mondial très concurrentiel et un contexte réglementaire contraignant. Malgré l’arrivée de la cercosporiose noire, nos producteurs utilisent cinq à dix fois moins de pesticides que leurs principaux concurrents sur le marché européen.

L’engagement pris récemment par Mme Royal de signer un arrêté interdisant « sans délai » l’épandage aérien de pesticides, viendra renforcer l’image d’une banane antillaise propre et durable. La filière de la banane se situe bien au-dessus des normes du commerce équitable. Aussi comprendrez-vous, monsieur le ministre, que j’apporte mon total soutien à l’Union des producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique.

En effet, depuis le 19 mai 2014, Auchan a lancé une campagne s’appuyant sur une opération de braderie de la banane. Pour valoriser l’opération, cette campagne semble laisser penser que ces bananes proviennent de la Guadeloupe et de la Martinique. Or, nos producteurs ont refusé de participer à cette opération qui a pour effet de dévaloriser leur production et de ruiner leurs efforts de haute qualité sociale et environnementale.

Au-delà de cet épisode regrettable, il s’agit de préserver une filière agricole française et de qualité menacée par l’émergence récente du nouveau numéro 1 mondial issu de la fusion des groupes Chiquita Brands et Fyffes, dont les méthodes de production ne supportent pas les mêmes contraintes.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour rassurer les professionnels sur la pérennité de la banane antillaise ?

Je profite des quelques secondes qui me restent pour souhaiter, au nom du groupe RRDP, bonne chance à l’équipe de France au Mondial 2014 au Brésil !

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Je souhaite à mon tour bonne chance à l’équipe de France de football !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Vous avez raison, monsieur le député : l’on ne peut accepter aujourd’hui de mélanger les bananes des Antilles avec les bananes dites mondialisées, Chiquita et autres. Les efforts consentis par les professionnels des Antilles, en particulier pour baisser le niveau d’utilisation des phytosanitaires, sont aujourd’hui parfaitement mesurés et mesurables. Une baisse de près de 50 % a été réalisée depuis cinq ans et 175 millions d’euros ont été mobilisés pour ce que l’on a appelé le Plan banane durable. La banane des Antilles, aujourd’hui, est effectivement celle qui préserve le mieux l’environnement et utilise le moins de produits phytosanitaires. L’on ne peut pas accepter qu’elle soit mélangée avec d’autres bananes.

Vous m’interrogez quant aux mesures que nous comptons prendre à présent. Dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune et du programme POSEI, nous allons poursuivre cette stratégie. L’objectif de stopper les épandages aériens est pratiquement atteint et nous allons nous donner tous les moyens, avec de nouvelles variétés, en particulier les variétés 925, pour lutter contre un certain nombre de maladies et garantir ainsi aux consommateurs que la banane des Antilles est la meilleure des bananes.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDPécologiste.

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La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la ministre de la culture, la mobilisation des intermittents du spectacle grandit de jour en jour. Tous les ingrédients sont réunis pour que le conflit vire à la crise ouverte, comme en 2003. Les signaux d’alarme qui vous ont été envoyés ne manquent pourtant pas. Quatre-vingt-dix parlementaires et élus locaux ont écrit à votre collègue M. Rebsamen. Soixante directeurs de théâtres, de compagnies et de festivals se sont adressés au Premier ministre, de même que cent cinquante cinéastes.

Tous vous demandent de ne pas signer cette convention du 22 mars, qui, dans la foulée de 2003, aggrave la situation des artistes et techniciens concernés. Ils ont fait leurs comptes et vous ne pouvez pas continuer à leur expliquer qu’au final, rien ne va changer pour la majorité d’entre eux. Rappelons que seuls 43 % des intermittents bénéficient d’une indemnisation : les autres ne totalisent pas les 507 heures de travail sur dix mois et demi et survivent comme ils peuvent. Et pour ceux qui sont indemnisés, leurs cotisations augmenteront de deux points et le différé d’indemnisation, c’est-à-dire la période durant laquelle ils ne touchent rien, va s’accroître : elle concernera 48 % des intermittents, contre 9 % aujourd’hui.

En clair, la précarité de ces professions est appelée à s’aggraver encore. La colère est d’autant plus grande que ce n’est pas ce que leur avait promis le candidat François Hollande.

« Eh non ! » sur les bancs du groupe UMP.

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Il n’est pas trop tard pour tenir vos engagements. Ne ratifiez pas cet accord du 22 mars et examinons sérieusement ce que proposent les intermittents, afin qu’ils puissent exercer leurs talents. Laissez-nous au moins cette part de rêve là, madame !

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La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

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Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le député, le Gouvernement est attaché à l’existence d’un régime d’indemnisation spécifique pour les intermittents, artistes et techniciens du spectacle, parce qu’ils sont indispensables à la vie culturelle et à la vie économique, dans tous nos territoires. C’est pourquoi nous avons toujours considéré qu’il était inenvisageable, comme le demandait le MEDEF, de supprimer les annexes VIII et X. Elles ont donc été pérennisées.

Dans le cadre de l’accord signé par les partenaires sociaux, et j’insiste sur ce point, le 22 mars, des inquiétudes sont nées parmi les intermittents. Le Gouvernement les a entendues. C’est pourquoi, afin que la représentation nationale puisse être associée à notre travail destiné à sécuriser et pérenniser un régime d’indemnisation chômage spécifique pour les intermittents, il a décidé de confier une mission à Jean-Patrick Gille.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Cette mission de proposition permettra, là encore, de prendre en compte le travail accompli l’année dernière pendant plus de six mois par la commission des affaires culturelles et la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, travail qui avait débouché sur l’adoption, à l’unanimité de ces deux commissions, de vingt-sept propositions.

Jean-Patrick Gille aura donc la lourde tâche d’évaluer les effets de l’accord du 22 mars, de formuler des propositions pour résoudre les difficultés que cet accord pourrait poser et de trouver les moyens d’organiser la concertation tripartite entre l’État et les partenaires sociaux, qui était prévue à l’automne, dès le début de l’été.

Bref, c’est une formidable occasion de remettre tout le monde autour de la table pour trouver une issue durable au problème des intermittents.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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En décembre dernier, madame la ministre des affaires sociales, nous votions avec fierté une réforme des retraites porteuse de nombreuses avancées sociales, dont la plus importante est la prise en compte de la pénibilité. Cette mesure majeure de justice sociale deviendra réalité avec l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2015, du compte personnel de prévention de la pénibilité.

C’est un dispositif très attendu par tous les salariés du droit privé, qui sont les plus exposés. En effet, la reconnaissance de la pénibilité subie par certains salariés permettra aussi d’en réduire les causes et les effets. On songe au travail de nuit, aux postures pénibles, au travail répétitif, à la manutention ainsi qu’à l’exposition aux températures extrêmes, aux produits chimiques et au bruit.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette mesure et par souci de concertation avec les partenaires sociaux, vous avez confié voici quelques mois une mission à M. Michel de Virville, qui vous a rendu ses préconisations aujourd’hui. Notre commission des affaires sociales l’auditionnera d’ailleurs cet après-midi.

Pouvez-vous nous en dire davantage, madame la ministre, quant à la mise en place concrète de ce dispositif ? Il concernera un salarié sur cinq et démontre, une fois de plus, la cohérence de la démarche du Gouvernement en matière de retraites : oeuvrer pour le bien commun tout en protégeant les plus vulnérables !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

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Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Vous avez raison de le souligner, madame la députée : la mise en oeuvre en 2015 du compte pénibilité, voté dans le cadre de la loi sur les retraites, constitue une avancée sociale majeure dont la majorité peut être fière. Il s’agit en effet de permettre concrètement à des hommes et à des femmes qui travaillent de nuit, qui portent des charges lourdes ou encore qui sont exposés à des produits chimiques, de bénéficier d’un meilleur accès à la formation tout au long de leur carrière et de partir à la retraite dans des conditions aménagées.

La loi a posé les principes ; il faut maintenant donner corps à ce droit. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a confié une mission à M. Michel de Virville, et je tiens à saluer la qualité du travail et du dialogue qu’il a mené avec l’ensemble des partenaires sociaux. Le rapport qu’il a remis préconise que ce compte réponde à des objectifs de simplicité pour les employeurs, et de solidité et de fiabilité pour les salariés. Ainsi, il propose concrètement que la déclaration de la pénibilité se fasse sur une base annuelle et qu’elle soit complètement et directement intégrée à la feuille de paie, ce qui évitera des formalités administratives supplémentaires. Il propose également des seuils clairement identifiés qui permettront aux salariés de se repérer.

Le Gouvernement a accueilli ce rapport avec intérêt et prendra ses décisions d’ici quelques jours. Notre volonté, madame la députée, est de faire en sorte que ce droit devienne concret pour des centaines de milliers de salariés !

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Éric Straumann, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, le Président de la République vient d’annoncer un projet de réforme des collectivités locales. Ce sujet est aux antipodes des priorités des Français qui sont aujourd’hui confrontés à de graves difficultés économiques et sociales. Dans un tel contexte, on pourrait même parler de « réforme fumigène ». Cependant, votre proposition rencontre une écoute attentive, notamment auprès des élus alsaciens qui pensent qu’il faut en effet, pour plus d’efficacité dans l’action publique locale, revoir le mille-feuille institutionnel.

Le sort de la région Alsace s’est semble-t-il décidé un certain dimanche 1er juin, sur un guéridon du Palais de l’Élysée. À neuf heures du matin, notre région était rattachée à la Champagne-Ardenne-Lorraine ; à treize heures, on ne touchait plus à l’Alsace ; et à dix-huit heures, nous fusionnions avec la Lorraine !

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Vous ne pouvez pas ainsi remettre en cause des frontières administratives qui sont le fruit d’une longue histoire.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.

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D’autres régions à forte identité ont été entendues. Nos amis corses ont été reçus par le Premier ministre et leur rattachement à la région PACA a été abandonné. De même, M. Le Drian a su se faire entendre auprès du Président de la République, puisqu’on ne touchera pas non plus aux contours de la Bretagne.

En Alsace, nous sommes plusieurs députés à refuser que notre région soit diluée dans un ensemble plus vaste. Toutefois, nous sommes ouverts à la discussion. Les députés alsaciens sont prêts à envisager la fusion des deux départements du Rhin avec la région Alsace…

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…et, éventuellement, le rattachement du territoire de Belfort, si les élus locaux le souhaitent.

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Sur les réseaux sociaux, quatorze mille personnes ont manifesté leur refus de la fusion que vous proposez.

Protestations sur les bancs du groupe UMP.

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Ma question est simple, monsieur le ministre de l’intérieur…

Brouhaha.

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Merci. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je vous remercie pour votre question, monsieur le député. Je n’en ai pas entendu la fin, mais j’en ai compris le sens ! Vous m’interrogez sur la fusion entre l’Alsace et la Lorraine et sur l’esprit de la réforme territoriale annoncée par le Président de la République et par le Premier ministre. Je voudrais vous répondre avec précision.

Tout d’abord, vous évoquez la perspective de la fusion des deux départements du Rhin avec la région Alsace. Comme vous le savez, ce sujet a donné lieu dans votre région à un référendum. Certes, le taux d’abstention fut important, au-delà de 60 %, mais les résultats sont nets : cette perspective a été rejetée par 55 % des électeurs alsaciens.

« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

J’en conclus que la solution que vous privilégiez n’est pas souhaitée par les électeurs du territoire que vous représentez.

Ensuite, je comprends de votre question que vous souhaitez qu’il n’y ait aucune incompatibilité entre l’identité de l’Alsace, qui est une réalité ancrée dans l’histoire, et son avenir. Or, si nous faisons cette réforme qui intéresse les Français parce qu’ils veulent des régions fortes, monsieur le député, c’est précisément pour donner à ces régions inscrites dans l’histoire une puissance économique et un avenir.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Par les propositions que nous formulons, nous donnons une chance à l’Alsace comme à d’autres régions d’avoir accès à des investissements grâce à un processus de mutualisation des frais de fonctionnement. Nous leur donnons la chance de faire le pari de l’avenir avec des filières d’excellence, des transferts de technologie, de l’innovation. En effet, il n’existe aucune antinomie entre l’attachement tout à fait légitime des Alsaciens à leur région et ce que nous voulons en faire en la projetant dans l’avenir et en lui donnant toutes les chances de compter demain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Enfin, monsieur le député, les débats qui auront lieu à l’Assemblée nationale comme au Sénat seront l’occasion d’aller au fond de la question que vous posez aujourd’hui.

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La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Les cérémonies de commémoration du soixante-dixième anniversaire du Débarquement en Normandie ont été une réussite exceptionnelle, unanimement saluée. Nous avons même pu montrer au reste du monde qu’il ne pleuvait jamais en Normandie !

L’émotion, la ferveur, la reconnaissance étaient au rendez-vous de notre histoire, au rendez-vous de ce que nous devons à nos alliés. Comment oublier ces vétérans dont la présence symbolisait l’immense sacrifice de leurs camarades, tués au nom du combat sacré pour la liberté, notre liberté ?

Au-delà de ces moments intenses, les cérémonies du 6 juin ont donné lieu à une séquence diplomatique de grande importance et à des initiatives majeures du Président de la République française. Plusieurs rencontres bilatérales ou multilatérales ont été organisées, notamment avec Barack Obama, Vladimir Poutine et le nouveau président ukrainien Petro Porochenko.

Vous-même, monsieur le ministre des affaires étrangères, avec le président Hollande, n’avez pas ménagé vos efforts pour obtenir des résultats, qui se révèlent déjà positifs. Des avancées substantielles semblent avoir été réalisées sur le dossier ukrainien, notamment l’engagement du président russe de faire baisser la tension dans l’est de l’Ukraine.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, de quelle manière envisagez-vous la suite des événements en Ukraine ? Peut-on imaginer que la promesse tenue lors du Débarquement, c’est-à-dire la paix retrouvée, atteigne, dans les semaines qui viennent, l’est de notre continent ?

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

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La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Debut de section - Permalien
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Monsieur le député, la plus belle façon de rendre hommage à ceux qui se sont battus pour notre liberté il y a soixante-dix ans, c’est à la fois de commémorer ce qu’ils ont fait et de mener aujourd’hui une action effective pour la paix. C’est parce qu’il y avait ce double aspect lors de ces cérémonies en Normandie qu’elles ont eu un tel impact.

Je ne reviendrai pas sur les cérémonies de commémoration. Beaucoup d’entre vous y ont assisté et je pense qu’elles ont été un succès extraordinaire. Une profonde émotion a saisi même les plus endurcis d’entre nous. En outre, le fait d’associer la population civile qui, à l’époque, a tellement souffert, est un élément qui a beaucoup compté.

Sur le plan politique. Le Président de la République française a eu raison, alors que certains lui recommandaient le contraire, de maintenir l’invitation qui avait été lancée au président russe et d’inviter le président ukrainien. D’où les rencontres qui ont eu lieu.

Aujourd’hui, il y a l’espoir, la perspective de la désescalade. Il y a eu des déclarations sur un cessez-le-feu. Des discussions, qui n’ont pas encore abouti, ont commencé. Il y a des échanges sur la perspective gazière. Il y a des évolutions en Ukraine, où je me trouvais samedi. Je vous dirai simplement, n’ayant pas le temps d’aller plus loin en cet instant, que la France, qui a été présente pour favoriser cette désescalade, est également présente pour faire qu’elle soit effective.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le Premier ministre, il y a tout juste un an, je déposais 120 000 amendements pour faire comprendre la stupidité, le danger des seuils qui ont pour effet d’imposer aux entreprises des obligations d’autant plus fortes que leur effectif salarié est important. Alors, quelle agréable surprise que d’entendre votre nouveau ministre du travail vouloir « suspendre l’enclenchement des seuils sociaux pendant trois ans » ! Mais, quelques jours après, retournement de situation ! Le premier secrétaire du parti socialiste déclare que le parti majoritaire ne soutient pas cette annonce pragmatique de votre gouvernement !

Monsieur le Premier ministre, que doivent comprendre les Français ? Que devons-nous comprendre ? Votre politique va de renoncements en renoncements ! Les Français souffrent et, pendant ce temps, vous, votre gouvernement et votre majorité procédez à des combines politiciennes d’appareil. Monsieur le Premier ministre, quelle crédibilité a aujourd’hui votre gouvernement ?

Le lissage des seuils est une demande forte, car les seuils sont des freins financiers, administratifs et psychologiques pour les entreprises qui cherchent à se développer et pourraient ainsi créer des emplois. La complexité du système administratif et fiscal de notre pays coûterait 60 milliards d’euros de compétitivité, par an, à nos entreprises. !

Monsieur le Premier ministre, quel est votre état d’esprit ? Allez-vous écouter le parti socialiste ou les Français ? Aurez-vous enfin l’audace de travailler avec l’opposition pour libérer les entreprises ?

Mais au fait, en parlant de seuils, Monsieur le Premier ministre, à partir de quel seuil le Président de la République compte t-il inverser la courbe du chômage ? 5, 6, 7, 8, 9, 10 millions de chômeurs ? Je vous remercie d’éclairer les Français, et nous par la même occasion.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

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Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Taugourdeau, permettez-moi d’excuser le Premier ministre Manuel Valls, qui assiste aux cérémonies d’Oradour-sur-Glane, ainsi que François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, qui participe aujourd’hui à une réunion internationale à Genève.

Vous posez la question des seuils, qui s’entend aujourd’hui de deux façons : d’une part, en matière financière, d’autre part, en matière sociale.

En matière financière, le pacte de responsabilité mis en oeuvre par le Président de la République et le Premier ministre, prévoit d’éliminer aujourd’hui le surcoût de charges sociales qui existe dans les entreprises de plus de vingt salariés. Cette mesure, qui concerne les seuils financiers, sera mise en oeuvre dans les semaines qui viennent. Sont donc prévus des allégements généraux, entre 1 et 1,6 SMIC, pour un montant d’un milliard d’euros. Notre majorité met en oeuvre ce dispositif qui va dans le sens de la compétitivité et de l’emploi, ce qui n’avait pas été fait précédemment.

S’agissant des aspects sociaux de ces seuils, une négociation est en cours, qui doit faire progresser le dialogue social dans l’entreprise, afin qu’il soit moins formel, qu’il aille plus en profondeur et soit davantage tourné vers la stratégie de l’entreprise. Différentes questions y seront abordées : la place et le rôle des institutions représentatives du personnel, la représentation des salariés dans les très petites entreprises, la nature des informations délivrées aux représentants des salariés, le rythme et la nature des consultations… tout cela en matière de seuils sociaux, bien sûr.

C’est dans ce cadre que sera posée la question que vous évoquez. Pour notre part, nous avons pleine confiance dans la dynamique du dialogue social.

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La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

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Madame la ministre de l’écologie, à l’issue des travaux de la commission d’enquête créée sur proposition de notre groupe, le président Brottes et moi-même avons remis ce matin au président de notre assemblée un rapport sur les coûts du nucléaire. Notre constat, comme celui de la Cour des comptes, est clair. Cette énergie, présentée jusqu’alors comme une énergie bon marché, coûte de plus en plus cher. Son coût de production a augmenté de 21 % en trois ans et continuera de croître, et ce sans même prendre en compte l’EPR. L’actuel parc nucléaire doit faire face à un mur d’investissement de 110 milliards d’euros d’ici 2033. Le président d’Areva lui-même, M. Oursel, reconnaît l’érosion de la rentabilité de la filière nucléaire. En outre, les réacteurs approchent de leur quarantième anniversaire, soit la durée de vie pour laquelle ils ont été construits. Leur prolongation souvent évoquée se heurte à des impératifs de sûreté et la rentabilité des investissements qu’il faudrait faire n’est pas garantie.

Toutes ces augmentations risquent de peser fortement sur les consommateurs et sur l’économie. La commission d’enquête insiste donc pour que l’État prenne ses responsabilités dans la définition de l’avenir énergétique du pays. Réduire le nucléaire au profit de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables est devenu pertinent à la fois écologiquement et économiquement. Cela peut constituer en effet une chance pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat des ménages et pour nos champions industriels de l’énergie, qui ont déjà entamé leur diversification. Pouvez-vous donc, madame la ministre, nous confirmer que la prochaine loi sur l’énergie donnera les moyens à l’État de piloter la transition énergétique, d’une part par une programmation pluriannuelle de croissance des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique et de décroissance du nucléaire, et d’autre part par un droit de regard de l’État sur la prolongation des réacteurs ?

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

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La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Vous avez en effet, monsieur le député, pris l’initiative d’une commission d’enquête sur le coût du nucléaire présidée par François Brottes. Soyez-en, ainsi que les députés de tous les groupes de cette assemblée qui y ont participé, chaleureusement félicités et remerciés. Il s’agit en effet d’un travail très intéressant, qui vient compléter le rapport de la Cour des comptes et précède les débats que nous aurons sur la transition énergétique. Comparer les coûts des différentes énergies afin d’éclairer les choix du Gouvernement et du Parlement est très important, car au bout du compte ce sont tous les Français qui les paient par le biais de leur facture.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Le nouveau modèle français de l’énergie constitue une chance à saisir, d’abord pour créer des emplois pour nos artisans et nos entreprises du secteur du bâtiment, ensuite pour faire baisser les factures d’électricité et de chauffage grâce aux travaux d’économie d’énergie dans les logements et grâce à des choix d’investissement public judicieux et éclairés.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Il s’agira également de diversifier nos sources d’énergie et de répondre aux exigences de lutte contre les perturbations climatiques en réduisant la part des énergies fossiles. La production électrique française est actuellement dominée par l’électricité d’origine nucléaire produite par une industrie reconnue mondialement, forte de 200 000 salariés et des savoir-faire exceptionnels de nos ingénieurs, techniciens et ouvriers. C’est pourquoi je ne souhaite pas voir les énergies opposées entre elles.

Debut de section - Permalien
Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

L’enjeu est en effet la réussite de la diversification du « mix » énergétique et la préparation de l’avenir par l’accélération du développement des entreprises industrielles, en particulier en matière d’énergies renouvelables électriques, de stockage de l’électricité, de transports électriques, de technologies d’aujourd’hui et de demain, de photovoltaïque, d’hydrolien et de batteries. C’est ce que nous ferons !

Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.

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La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Lors des cérémonies commémoratives du « D-Day », le Président de la République s’est réjoui, à juste titre, qu’il existe un dialogue entre chefs d’État, comme l’a très bien rappelé notre collègue François Loncle. Pourtant, on assistait simultanément à la dénonciation unilatérale par la France d’une convention signée avec la Suisse en 1953. Une dénonciation est toujours un échec, car elle témoigne d’une rupture de dialogue. Je ne peux croire que la France dénonce unilatéralement une convention avec un pays ami, qui est même pour M. le Premier ministre davantage qu’un pays ami car c’est également le pays de ses origines. Je ne peux croire non plus que la France renonce à poursuivre les négociations et rompe le dialogue alors qu’elle a tout à attendre des pourparlers en matière fiscale et financière.

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Comme vous le savez, la nouvelle rédaction de la convention sur les droits de succession crée outre-Jura un climat anti-français. Le processus de ratification, ou plutôt de refus de ratification, est toujours en cours au Parlement suisse et ne sera pas achevé à la fin du mois. Au Parlement français, le processus n’a pas commencé. Nous n’avons donc pas pu nous exprimer à ce sujet. En outre, l’absence de convention engendrera une insécurité juridique et donc un risque d’inflation des contentieux qui engorgeront nos tribunaux.

Rires sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.

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J’ai donc deux questions à vous poser, monsieur le ministre. Tout d’abord, comptez-vous renoncer à la dénonciation de la convention et à toutes les conséquences néfastes qu’elle entraînera pour la France, non seulement en termes fiscaux mais aussi en termes d’investissements et d’emploi de nos compatriotes ? Ma seconde question porte sur le rôle de notre diplomatie. Ne consiste-t-il pas à favoriser le maintien du dialogue et à exiger la reprise des négociations par notre administration ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

En matière d’imposition des successions, la France était liée à la Suisse par une convention signée en 1953 qui n’était pas satisfaisante. En effet, elle donnait lieu à des situations de sous-imposition, voire de double non-imposition sur des transmissions transfrontalières, y compris de biens situés en France.

Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

C’est pour cette raison que la France a négocié et signé une nouvelle convention avec la Suisse au mois de juillet 2013 en vue de rééquilibrer le droit. Afin de surmonter les réticences de la partie suisse, la France a d’ailleurs consenti plusieurs concessions.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Nonobstant, le projet de convention a été rejeté par la chambre basse du Parlement suisse au mois de décembre 2013, et la chambre haute a demandé au gouvernement fédéral de négocier un nouveau texte. J’ai accompagné Pierre Moscovici en Suisse il y a quelques mois…

Rires sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

…et nous avons clairement indiqué à nos homologues suisses qu’il était hors de question de négocier une nouvelle convention et qu’il nous revenait, afin de respecter les délais usuels, de dénoncer la convention de 1953 avant le mois de juin. Le processus leur a été diplomatiquement signifié et il est engagé par Michel Sapin et moi-même. Il n’en résultera aucune double imposition, il s’agit d’un retour au droit commun, disposition utilisée pour la très grande majorité des successions. Par ailleurs, Michel Sapin signera à la fin du mois une convention relative à d’autres types d’impôts et nous poursuivons le dialogue avec nos homologues suisses, mais fermement !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Jean-Claude Buisine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Notre Assemblée va examiner à partir de ce soir le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public.

Adopté à l’unanimité au Sénat, ce projet de loi permet à notre majorité de redonner des objectifs ambitieux à notre pays pour relever le défi considérable et majeur que constitue l’accessibilité des bâtiments accueillant du public à tous les citoyens sans exception.

Il s’agit bien sûr d’adapter les infrastructures, de façon qu’elles puissent répondre à l’exigence de mobilité de tous nos concitoyens, quel que soit leur âge, leur situation personnelle ou familiale.

La loi de 2005 fixait un objectif d’accessibilité généralisée pour 2015. Force est de constater que ce délai ne pourra pas être tenu.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose de fixer une nouvelle organisation et un nouveau calendrier permettant de rendre pleinement effectif le droit à l’accès, légitimement revendiqué par les associations.

De quoi s’agit-il ?Dans les douze mois qui suivront la publication des ordonnances gouvernementales, chaque établissement, privé ou public, devra faire connaître le calendrier de mise en conformité de ses bâtiments. Un délai de trois à neuf ans supplémentaires sera ainsi ouvert pour permettre aux établissements visés de combler le retard accumulé ces dernières années.

Ainsi, le Gouvernement préserve le cadre et l’ambition de la loi de 2005 tout en proposant une voie efficace et pragmatique pour atteindre au plus vite les objectifs qu’elle promeut. Madame la ministre, pouvez-vous rappeler les ambitions du Gouvernement en la matière ?

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La parole est à Mme la Secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Monsieur le député Jean-Claude Buisine, je vous remercie de rappeler dans cet hémicycle l’importance de l’accessibilité universelle, objectif que je sais partagé sur l’ensemble de ces bancs.

Je vous répondrai précisément en trois points.

Tout d’abord, le constat. Le retard pris dans l’application de la loi de 2005 est indéniable : tous les établissements recevant du public, tous les services publics de transport, toutes les voiries ne seront pas aux normes au 1er janvier 2015. Ce retard suscite de l’impatience, et cela est bien naturel. Elle est légitime, et le Gouvernement la comprend. Il y a en effet urgence pour toutes les personnes dont la vie quotidienne peut devenir un véritable parcours du combattant du fait d’aménagements insuffisants. C’est pourquoi Marie-Arlette Carlotti, qui m’a précédée dans mes fonctions, y a mis toute sa détermination et son énergie. C’est grâce à son travail, grâce à celui des associations défendant les personnes handicapées, grâce aussi aux associations d’élus locaux et grâce enfin aux fédérations de professionnels que je peux aujourd’hui vous présenter ce projet de loi.

L’objectif ensuite. Il n’est pas de se donner du temps, mais bien les moyens d’appliquer la loi de 2005 en corrigeant ses faiblesses. La loi de 2005 restera effective : tout établissement qui ne sera pas accessible en 2015 pourra faire l’objet d’une sanction pénale, sauf s’il a déposé un agenda d’accessibilité programmée dans les délais.

La méthode enfin. Comment corriger les faiblesses de la loi de 2005 s’agissant des moyens financiers des collectivités locales mais aussi des acteurs privés ? Deux précisions à ce sujet. Je signerai prochainement avec Michel Sapin, la Caisse des dépôts et Bpifrance, une convention qui permettra d’octroyer des prêts avantageux. De plus, la simplification d’un certain nombre de normes évitera que le montant même des travaux de mise en accessibilité ne les rende impossibles.

L’accessibilité ne doit plus être considérée comme une charge supplémentaire, mais comme un investissement d’avenir. Cela concerne douze millions de personnes en France. Avec l’accessibilité, il y va de l’égalité.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La situation relative à l’immigration en Europe n’est plus seulement un sujet préoccupant. Elle est devenue la cause de véritables drames humains et sociaux.

Sous la précédente législature, je me suis rendu à Lampedusa avec une délégation parlementaire qui a pu mesurer l’ampleur de la situation, dans une île peuplée de six mille habitants mais qui reçoit près de deux mille immigrants par jour.

Le centre de rétention pouvait accueillir, soigner et identifier les immigrants mais au bout de deux jours, les autorités italiennes n’avaient d’autre choix que de les transférer sur la péninsule avant de leur rendre leur liberté.

Aujourd’hui, la situation a empiré : depuis le début de l’année 2014, cinquante mille migrants auraient rejoint les côtes italiennes.

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Comment s’étonner, dans ces conditions, que l’Italie, qui gère du mieux qu’elle le peut une situation intenable, s’insurge contre une Europe qui reste sourde à ses appels ?

Aujourd’hui, l’action de l’Europe se résume à une aide matérielle, à l’approvisionnement de bateaux. Cette aide est nécessaire et peut sauver les vies de femmes, d’hommes et d’enfants. Mais elle ne suffit pas à améliorer durablement une situation qui s’aggrave de jour en jour.

Il est grand temps pour les pays européens d’agir avec cohésion, courage et solidarité pour mettre en oeuvre une politique d’immigration globale, en créant notamment un corps de garde-côtes européens.

N’accusons pas l’Europe de tous les maux : si ce problème prospère aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’il y a trop d’Europe mais parce qu’il n’y en a pas assez.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

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C’est à l’échelon européen que nous devons agir.

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Dans ce contexte, Monsieur le Premier ministre, quelles actions entendez-vous mener pour impulser une véritable politique européenne, voire méditerranéenne, en matière d’immigration ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député Rudy Salles, vous vous interrogez sur les événements qui surviennent depuis quelques mois aux frontières de l’Europe, en particulier en Italie depuis que ce pays a lancé, de manière unilatérale d’ailleurs, l’opération Mare Nostrum.

Cette opération de sauvetage en mer a permis, vous l’avez souligné, de sauver des vies mais a conduit à une augmentation très sensible du nombre de migrants arrivant sur le sol italien, et par voie de conséquence, sur le sol européen. Le chiffre que vous avez cité de cinquante mille migrants depuis le début de l’année 2014, soit plus en six mois que tout au long de l’année 2013, est exact. Les effets s’en font sentir dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, notamment en France, puisqu’une partie de ces migrants, venant notamment de la Corne de l’Afrique et d’Erythrée, qui veulent passer en Grande-Bretagne, se trouvent aujourd’hui rassemblés dans le Calaisis, avec les conséquences humaines que l’on sait.

Il faut agir de deux manières pour parvenir à maîtriser cette situation. Tout d’abord, à la frontière italienne, dans le respect des principes de l’accord de Schengen, nous procédons à des contrôles afin de démanteler, aux côtés des Italiens, les filières de passeurs qui encouragent l’immigration clandestine. Ainsi, au cours des deux derniers mois, avons-nous procédé à la réadmission de mille cinq cents migrants vers l’Italie.

Ensuite, nous devons faire monter en puissance Frontex et avoir une politique européenne de l’immigration, comme vous avez eu raison de le dire. Frontex doit nous aider à démanteler ces filières d’immigration clandestine ; à mieux contrôler les frontières extérieures de l’Europe ; à essayer, dans le cadre de ce que l’on appelle l’approche globale, d’aider les pays de provenance à mieux maîtriser les flux migratoires. Voilà ce que nous voulons faire, aux côtés de l’Italie et au sein de l’Union européenne, répondant ainsi aux préoccupations que vous avez formulées dans votre question.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à Mme Véronique Besse, députée non inscrite.

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Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.

Madame la ministre, vous avez annoncé la semaine dernière devant nos collègues du Sénat que les dépenses de l’aide médicale d’État avaient fortement dépassé vos prévisions en 2013, en raison notamment d’une forte poussée du nombre de bénéficiaires, de 10,2 %, une surprise qui n’en est pas une puisque, avec ses prévisions sur la croissance, la baisse du nombre de chômeurs et j’en passe, le Gouvernement nous a habitués à un certain amateurisme.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce fort dépassement, vous l’avez souligné vous-même, représente une augmentation de 156 millions d’euros par rapport à l’objectif que vous aviez fixé. Ainsi, les soins de ville et les frais d’hospitalisation ont subi des hausses spectaculaires. Vous l’admettez, vous n’aviez pas anticipé une augmentation aussi forte. Permettez-moi de le déplorer.

C’est un nouvel échec de la politique du Gouvernement. C’est l’échec renouvelé de votre mauvaise gestion d’un dispositif d’État très difficile à contrôler, qui entraîne un véritable dérapage des dépenses.

La France doit certes venir en aide à ceux qui sont dans le besoin mais, dans ces circonstances, comment ne pas voir cela comme un véritable appel d’air à l’immigration illégale et aux drames humains qu’elle implique ? Surtout, comment expliquer cette dérive aux contribuables français, pour qui cette situation n’est plus supportable, eux à qui l’on demande de faire toujours plus d’efforts ?

Depuis votre arrivée au Gouvernement, aucune mesure sérieuse n’a été mise en place pour stopper cette inflation. Notre pays n’a pas les moyens d’une telle dérive financière. À l’heure où vous nous parlez sans cesse de maîtrise des dépenses publiques, ma question est double : quelles solutions mettez-vous en place pour arrêter cette spirale, et où allez-vous trouver l’argent pour combler ce trou de 156 millions d’euros ?

Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Je crois, madame la députée, que, face à un enjeu important, nous pouvons faire preuve d’un peu de maîtrise, de calme et de sérieux.

Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Il ne s’agit pas d’agiter des épouvantails pour faire peur, il faut regarder les choses en face.

L’aide médicale d’État permet à des hommes et à des femmes en situation irrégulière sur notre territoire depuis plus de trois mois d’accéder à des soins, souvent vitaux, dans des conditions encadrées. C’est une question de solidarité, c’est aussi et surtout un problème de santé publique, qui est d’ailleurs régulièrement soulevé par les professionnels de santé, car, si l’on veut éviter la propagation de maladies infectieuses sur notre territoire, il faut pouvoir soigner suffisamment rapidement les personnes malades, je pense en particulier à la tuberculose.

Pour autant, comme pour tous les droits, il faut s’assurer qu’ils sont mis en oeuvre dans des conditions maîtrisées et encadrées.

C’est vrai que le nombre de personnes ayant bénéficié de ces droits a augmenté, ce qui a fait monter les dépenses d’aide médicale d’État à 744 millions d’euros en 2013.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous l’avions dit lors de la discussion du budget !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

J’ai demandé aux caisses primaires d’assurance maladie d’apprécier dans chaque situation les raisons pour lesquelles elles acceptent ou refusent les demandes. Par ailleurs, avec le ministre de l’intérieur, nous mettons en place des contrôles stricts pour éviter que des filières d’accès aux soins en France ne se mettent en place.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Madame la députée, il y a une double exigence, solidarité et vigilance, mais c’est en faisant preuve d’un esprit de responsabilité que nous ferons face aux enjeux de l’assurance maladie et non pas en agitant des épouvantails.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Permettez-moi, monsieur le président, de rappeler à M. le ministre de l’intérieur que les Alsaciens avaient voté à 57,6 % oui au référendum.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.

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Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

La semaine dernière, l’Assemblée nationale a débattu du projet de loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines. La majorité brandit comme un symbole la suppression des peines planchers, une promesse de campagne de François Hollande, mais la majorité est apparue désemparée, voire divisée sur des sujets majeurs.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Absolument !

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Lorsque la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs s’est invitée dans le débat, à une heure tardive de la nuit, les amendements PS ont été retirés, ceux des groupes GDR et écologiste maintenus.

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Après une interruption de séance demandée par la majorité, les députés socialistes se sont prononcés pour la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs tout en votant contre. Comprenne qui pourra ! Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Au groupe UMP, nous pensons que c’est une erreur de calquer le régime des récidivistes sur celui des primo-condamnés. Ce projet de loi n’a d’ailleurs plus l’ambition de lutter contre la récidive, puisque celle-ci disparaît même de son titre.

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La contrainte pénale doit dorénavant être une alternative à la prison. C’est un très mauvais signe donné aux délinquants, avec un message d’impunité à l’égard des récidivistes. Cette loi d’affichage, dont les victimes sont les grands oubliés, ne met en effet en oeuvre qu’un sursis avec mise à l’épreuve, mais de manière plus longue, plus compliquée et plus onéreuse qu’aujourd’hui.

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Madame la garde des sceaux, notre pays a-t-il les énormes moyens, humains et financiers, nécessaires pour mettre en oeuvre votre réforme et assurer un suivi efficace des délinquants ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Laissons de côté votre chronique d’une infime partie de nos débats, qui ont été fructueux et intéressants la semaine dernière,…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe SRC

Il n’était pas là !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

…et revenons à l’essentiel, monsieur le député : le contenu de ce projet de loi.

Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler le bilan de vos deux quinquennats ces dernières années,…

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

…c’est-à-dire une inflation législative, un productivisme stakhanoviste pour produire des lois, avec une grande inefficacité et des injonctions contradictoires, une évolution de la population carcérale de 35 %, donc sans rapport ni avec le taux de croissance démographique ni avec l’évolution des taux de délinquance, le triplement du taux de récidive légale, et un budget pour l’aide aux victimes qui n’a cessé de baisser au cours des trois dernières années du dernier quinquennat.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Plutôt que de perdre du temps et de l’énergie à rappeler votre bilan, nous avons choisi de travailler avec une méthode rigoureuse et de viser l’efficacité. C’est ainsi que nous avons conçu ce projet de loi, avec une méthode inédite. Il s’agit de redonner du sens à la peine, c’est-à-dire de protéger la société, de punir l’auteur des actes, de réparer les préjudices subis par les victimes et de préparer la réinsertion, parce qu’il est important pour nous de réduire le plus possible la récidive pour éviter qu’il n’y ait de nouvelles victimes.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce gouvernement s’en donne les moyens. Vous connaissez notre politique publique, notamment le renforcement du corps des conseillers d’insertion et de probation.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous nous donnons aussi les moyens d’avoir des statistiques précises et incontestables. C’est la raison pour laquelle nous avons réformé l’ONDRP. Nous reviendrons devant le Parlement avec un rapport d’évaluation parce que nous n’aurons pas peur d’évaluer les effets de cette loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

En mars 2013, le Président de la République avait lancé le « choc de simplification », destiné à apporter des solutions concrètes. Quinze mois après, les Français ont subi un choc de fiscalité, mais ils attendent toujours le choc de simplification. Le Président de la République avait d’ailleurs lancé l’acte 2 de la simplification avant même d’avoir présenté l’acte 1.

L’inflation législative de ces vingt dernières années est devenue insupportable. Les entreprises, les élus, les collectivités locales et l’ensemble de nos concitoyens en sont les victimes. Les 400 000 normes en vigueur représentent un coût considérable, de l’ordre de 80 milliards d’euros par an selon l’OCDE. C’est un frein à la compétitivité et à l’attractivité de notre pays et une entrave au développement de nos territoires.

Les relations entre les citoyens et l’administration doivent être améliorées. La vie quotidienne doit être allégée de ces contraintes inutiles. Bref, nous devons mettre le service public au service du public. La simplification n’est plus une nécessité ; c’est un impératif absolu. Il est urgent d’agir pour mettre fin à la situation d’asphyxie que subit notre pays.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez vous-même remis un rapport proposant cinquante mesures de simplification ; à ce jour, il est resté lettre morte. Est-ce pour nous faire patienter que votre nomination au Gouvernement a été annoncée ? Quels sont vos moyens pour agir concrètement ? Comment comptez-vous faire de votre nomination au Gouvernement une chance d’alléger les contraintes administratives pesant sur nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de la réforme de l’état et de la simplification

Monsieur le député, votre question a trait au choc de simplification lancé par le Président de la République il y a maintenant un peu plus d’un an et qui, comme vous le savez, concerne à ce jour exclusivement la compétitivité de nos entreprises.

Depuis un an, la France s’est dotée – dix ans après les pays européens les plus avancés en la matière – d’une organisation absolument sans précédent et de moyens tout aussi importants, afin de s’attaquer à la complexité qui, bien souvent, ralentit la vie économique de notre pays, constituant ainsi un facteur de perte de compétitivité, sans oublier que les créations d’emplois se trouvent quant à elles différées dans le temps.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe UMP

C’est à cause des 35 heures !

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de la réforme de l’état et de la simplification

Cette organisation est simple et repose sur une méthode collaborative : les entreprises et les administrations définissent les cibles auxquelles il faut s’attaquer, avec, je le répète, des moyens sans précédents, puisque, auprès du SGMAP et du SGG, une équipe à plein temps est mobilisée pour la réalisation de cet objectif.

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Y a-t-il ici un traducteur ? On ne comprend rien !

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de la réforme de l’état et de la simplification

De plus, une évaluation indépendante sera menée pour mesurer les résultats de cette politique. Cette politique n’a rien à voir – vous avez bien fait de le dire – avec ce que, trop longtemps, on a considéré devoir être une politique de déréglementation. Au contraire, la simplification, c’est rendre le droit clair et lisible, donc efficace.

Puisque votre question porte plus généralement sur la politique de simplification dans son ensemble, j’ai le plaisir de vous dire que le Président de la République et le Premier ministre souhaitent que la démarche que je viens d’exposer soit élargie aux difficultés que rencontrent les Français dans leur vie quotidienne vis-à-vis d’un certain nombre de démarches. Il s’agit de traiter de la même façon les démarches qui irritent les Français, de façon à réconcilier nos concitoyens avec le fonctionnement quotidien des administrations.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs des groupes RRDP et écologiste.

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La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

Vendredi dernier, le 6 juin, à Ouistreham, le monde entier s’est souvenu des immenses sacrifices consentis par les armées alliées pour sauver l’Europe de la tyrannie. Cet événement, salué par tous, a été l’occasion de rendre un ultime hommage à nos vétérans et de faire de cet hommage un succès pour la France. Je voudrais saluer toutes celles et tous ceux qui y ont concouru, singulièrement les élus normands et la population.

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Cette commémoration, avec en son coeur les grands principes de paix et de réconciliation, et qui s’est déroulée en présence de dix-neuf chefs d’État, dont le président Poutine, fut l’occasion de redonner toutes ses chances à la diplomatie, dans un contexte européen déstabilisé par l’annexion de la Crimée.

C’est bien, en effet, à la diplomatie qu’il revient de régler cette crise. Nous souhaitons tous que la France prenne une part plus grande encore dans ce dossier, avec l’Allemagne, qui est en première ligne depuis des mois.

Monsieur le ministre, la réouverture du dialogue, si positive soit-elle, ne suffit pas. Il faut, comme vous l’avez évoqué tout à l’heure, lui donner un contenu réel et concret. Puis-je vous demander quelles sont les prochaines initiatives que la France compte prendre, en lien avec l’Allemagne ?

Je voudrais également vous demander ce que l’Europe peut faire aujourd’hui pour ne pas s’affaiblir dans cette partie du continent européen, c’est-à-dire sur ses frontières, afin de consolider la souveraineté politique et économique de l’Ukraine. Pouvez-vous nous préciser quel sera le calendrier dans ce domaine ? Pouvons-nous imaginer un déplacement officiel du Président de la République française en Ukraine pour consolider l’espoir de paix, qui a été si héroïquement incarné le 6 juin 1944 par nos vétérans ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

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Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Madame la députée, je vous remercie d’avoir salué l’action de notre diplomatie. Vous vous rappelez sans doute que, avec mes collègues allemand et polonais, nous étions à Kiev au moment où il a fallu arrêter la guerre civile dans la capitale.

De la même façon, vous avez eu la gentillesse de dire – le fait est d’ailleurs connu de tous – que la France a été le principal artisan de la rencontre entre le président Porochenko et le président Poutine, qui a permis d’entamer ce que nous espérons être la désescalade. J’ai eu l’occasion d’aborder cette question samedi dernier, à Kiev, où j’ai discuté avec le président Porochenko et le Premier ministre Iatseniouk. Quant aux Russes, nous sommes bien sûr en contact avec eux.

Les démarches entreprises comprennent plusieurs aspects. Premièrement, la recherche d’un cessez-le-feu. Un dialogue existe actuellement entre l’ambassadeur russe à Kiev, l’ambassadeur ukrainien en Allemagne et un représentant de l’OSCE. Nous espérons, même si c’est très difficile, que le cessez-le-feu interviendra dès cette semaine.

Deuxièmement, pour répondre à votre question sur le rôle de l’Europe, un autre dialogue est engagé, sur la question du gaz, entre les Ukrainiens, les Russes et le commissaire européen à l’énergie, M. Oettinger.

Troisièmement, une série de contacts directs existe entre la partie ukrainienne et la partie russe. Nous essayons, en agissant des deux côtés, de faire en sorte que les choses aillent dans le bon sens. Il s’agit de voir ce qui peut être fait en matière de décentralisation, mais aussi d’ouvrir des perspectives en matière électorale, puisqu’il va falloir qu’il y ait des élections.

Voilà où nous en sommes. Nous travaillons toujours avec le même esprit, c’est-à-dire en favorisant le dialogue tout en restant fermes, au service de la paix. Nous oeuvrons avec l’Europe, lorsque celle-ci peut nous accompagner. Je crois que la France n’a pas à rougir de ce qui a été fait au service de la paix depuis le début de cette crise.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Dialogue russo-ukrainien

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.

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L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines (nos 1413, 1974 ).

Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur de la commission des lois, que je veux de nouveau remercier et féliciter pour la qualité de son travail, mes chers collègues, notre groupe soutient pleinement les objectifs de cette réforme pénale, qui vise à repenser le droit de la peine et de son exécution autour de la question centrale de la prévention de la récidive.

La définition du sens de la peine, qui constitue désormais le préambule des dispositions relatives aux peines, consacre la nécessité de protéger la société, de prévenir la récidive, mais aussi d’assurer la réinsertion et l’équilibre social, dans le respect des droits reconnus à la victime.

Au-delà du rappel de ces fondamentaux, plusieurs avancées méritent d’être soulignées. D’abord, l’abrogation pure et simple des dispositions relatives aux peines plancher, qui limitent le pouvoir d’appréciation des juges sans avoir d’impact sur la prévention de la récidive. Ensuite, la suppression des révocations automatiques des sursis et la césure du procès pénal, qui permettent de renforcer la personnalisation de la peine.

Nous approuvons également la création d’une nouvelle peine de milieu ouvert, la contrainte pénale, qui se caractérise par un suivi renforcé et régulier du condamné et par l’absence de lien direct avec l’emprisonnement.

C’est une réelle avancée, même si le recours à une phase transitoire au cours de laquelle le champ d’application sera réduit ne nous semble pas convaincant.

Pour des raisons tenant à la cohérence de l’échelle des peines et à l’efficacité de la réponse pénale, nous restons favorables à l’extension sans attendre de la contrainte pénale à tous les délits, comme l’avait judicieusement proposé la commission des lois.

Le dispositif pour lutter contre les sorties sèches constitue aussi un progrès significatif. La libération sous contrainte garantira effectivement un retour progressif à la liberté et offrira, à cette fin, un suivi renforcé à l’issue de la détention, même si cela suppose bien sûr que les services d’insertion et de probation disposent de moyens suffisants.

L’efficacité concrète de toutes ces avancées pose à l’évidence la question cruciale des moyens, sur laquelle tous les professionnels de la justice ne cessent d’alerter. Services et juridictions sont surchargés. Chacun en conviendra, la lutte contre la récidive ne sera véritablement efficace que si les moyens nécessaires sont enfin engagés.

Par ailleurs, le projet de loi reste silencieux – et nous le regrettons – sur des points importants. Il ne prévoit aucune disposition visant à réformer le système pénitentiaire, alors que le jury de la conférence de consensus avait fait de la réforme des conditions d’exécution de la peine privative de liberté une « condition sine qua non de la prévention de la récidive ».

Le texte ne dit rien non plus sur la révision des incriminations ou la justice des mineurs. Sur ce dernier point, nos débats ont cependant montré qu’il existait une large majorité rassemblant toute la gauche pour supprimer dès maintenant ces juridictions d’exception que constituent les tribunaux correctionnels pour mineurs.

Nos débats ont également montré que la même majorité existait aussi pour abroger la rétention et la surveillance de sûreté. Si le Gouvernement a confirmé son accord, sur le fond, avec ces deux engagements du Président de la République, il nous a malgré tout opposé que le projet de loi, compte tenu de son périmètre, ne constituait pas le bon véhicule. Dont acte. Nous attendons maintenant du Gouvernement qu’il prenne les dispositions nécessaires pour inscrire le plus rapidement possible ces deux questions à l’ordre du jour de notre assemblée. Je pense en particulier à la proposition de loi tendant à supprimer le tribunal correctionnel pour mineurs, que notre groupe a déposée dès le début de la législature.

Pour conclure, malgré les insuffisances qui ont été soulignées, les députés du Front de gauche voteront avec conviction une réforme dont ils partagent la philosophie et qui constitue un progrès incontestable.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.

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La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous sommes sur le point de tourner une page et de fermer le chapitre de dix ans de politiques pénales démagogiques, populistes, qui ont démontré leur inefficacité voire leur dangerosité en termes de récidive et de surpopulation carcérale.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Des politiques publiques qui ont aussi beaucoup abîmé le lien de confiance entre les justiciables et leur justice.

D’autre part et dans le même temps, nous ouvrons une nouvelle séquence en allant vers une conception à la fois plus innovante, plus juste et surtout, c’est notre ambition, plus efficace.

Ce texte attendu fait appel à l’intelligence collective car il est construit autour des concepts de prévention, de sanction, puis de protection et de réinsertion.

Madame la garde des sceaux, vous avez défendu ce projet de loi visant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales avec la détermination et le brio que nous vous connaissons tous. Vous avez su déjouer les conceptions caricaturales et archaïques d’une minorité pour faire le choix ambitieux de reconstruire le système des peines, en vous fondant sur les conclusions de la conférence de consensus.

Monsieur le rapporteur, Dominique Raimbourg, vous avez fourni un travail de très grande qualité, en faisant preuve d’une grande disponibilité et d’une écoute attentive, et vous avez été ouvert à toutes nos propositions.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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C’est aussi en bonne intelligence avec Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur que le groupe SRC a pu contribuer à l’enrichissement de ce texte important.

Je tiens, enfin, à saluer également mes collègues des groupes écologiste, GDR et RRDP pour leur implication positive et leurs apports très constructifs.

Ce projet de loi a été construit sur l’efficacité des sanctions pénales, dans le but de lutter effectivement contre la récidive. C’est un texte dense. Il définit avec précision la fonction de la peine. Il pose le principe de son individualisation et la motivation spéciale de toutes les peines d’emprisonnement. Il affirme qu’en matière correctionnelle, la peine ne peut être prononcée qu’en tout dernier recours. Il renforce l’ajournement du prononcé des peines avec le recours à des enquêtes de personnalité. Il supprime tous les automatismes, laissant le juge apprécier la sanction. Il supprime les peines plancher, inutiles et d’ailleurs de moins en moins prononcées par les juridictions.

Ce texte est novateur : il crée la contrainte pénale, qui est bien une peine et non pas une mesure de clémence visant à épargner les personnes condamnées. Il s’agit d’une peine de probation alternative à l’emprisonnement, qui fixe de multiples obligations, interdictions, mesures de surveillance mais aussi d’aide et assistance. Cette nouvelle mesure est approuvée par 63 % de nos compatriotes.

Le groupe SRC a tenu à ce que cette nouvelle peine soit applicable à tous les délits, comme c’est le cas de toutes les autres peines alternatives à l’emprisonnement. Le principe est désormais inscrit dans le texte et la contrainte pénale sera applicable à tous les délits à compter du 1er janvier 2017.

Afin de lutter efficacement contre la récidive, le projet de loi contient de nombreuses dispositions assurant un retour à la liberté beaucoup plus progressif, mieux contrôlé et mieux suivi. Les débats ont montré, comme d’ailleurs les études, que les sorties sèches, sans préparation ni contrôle, se révèlent catastrophiques en matière de récidive.

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Or, les personnes incarcérées ont toutes vocation à sortir de prison un jour, et, par voie de conséquence, à se réinsérer dans une société qui doit les réintégrer efficacement. Cet axe majeur, prévoyant des aménagements réalistes pour préparer les sorties de détention, a suscité des questionnements, des inquiétudes – et souvent des polémiques totalement inappropriées –, dont vous avez tenu compte, monsieur le rapporteur. Par des mesures visant à renforcer les pouvoirs de contrôle par les forces de l’ordre, vous avez rendu effectif et sécurisé le suivi des personnes, qui seront sous main de justice. Par ce texte tel qu’il a été enrichi, nous nous donnons enfin tous les moyens d’anticiper et d’accompagner la fin de détention, une période de très grande vulnérabilité pour les personnes qui sortent de prison.

J’ai apprécié que mes collègues des différents groupes de gauche aient défendu des mesures humanistes fortes, qui resteront dans l’histoire, en faveur des femmes enceintes et des jeunes enfants, ou des détenus malades.

Lutter contre la récidive, c’est aussi et surtout protéger les victimes. À ce titre, nous avons voté un amendement de Mmes Nieson et Carrillon-Couvreur tendant à l’instauration d’une contribution assise sur le montant des amendes pénales et douanières recouvrées, une sur-amende devant enfin assurer aux associations d’aide aux victimes un financement pérenne. Je vous félicite, mes chères collègues, de tout le travail que vous avez effectué. Nous avons également prévu que les victimes puissent être indemnisées aussi tôt que possible, dès la déclaration de culpabilité de l’auteur.

De plus, un amendement du Gouvernement instaure, à titre expérimental, la justice restaurative. Bravo, madame la garde des sceaux, vous êtes vraiment allée de l’avant.

Cette justice qui répare, réconcilie, apaise et cherche à replacer chacun dans le corps social est la justice de demain.

Nos débats ont été l’occasion de montrer notre volonté d’aller plus loin, avec la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, juridictions inutiles et chronophages, ou encore avec la suppression des peines de sûreté.

Nos discussions ont aussi révélé le caractère indispensable d’une codification prochaine de toutes les mesures d’exécution, et d’une réflexion sur l’échelle des peines.

En matière de rénovation de nos politiques pénales, madame la garde des sceaux, vous pouvez compter sur l’appui déterminé du groupe SRC, sur l’engagement de la majorité dans sa volonté d’efficacité de la justice, contribuant à la défense des plus défavorisés de nos concitoyens, qu’ils soient victimes ou qu’ils soient auteurs.

C’est donc avec enthousiasme et avec toute la force des convictions progressistes qui nous animent, que j’appelle mes collègues à voter ce texte fondateur d’une nouvelle approche, respectueuse du droit, des équilibres, mais aussi et surtout respectueuse des trois valeurs qui fondent notre République.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.

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La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi a pour ambition affichée de « rendre les sanctions plus efficaces ». Dans la réalité, cette réforme ne fera que dévitaliser le système répressif et sera perçue comme un signal de laxisme par la délinquance d’habitude.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Votre rapporteur lui-même n’a-t-il pas déclaré que ce projet de loi n’avait pas pour but de vider les prisons, mais que telle en sera la conséquence ?

Interrogeons-nous, mes chers collègues : alors que notre assemblée n’a été saisie de ce texte que huit mois après son adoption en conseil des ministres,…

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…voilà que tout à coup on décrète l’urgence en imposant le temps programmé. Pourquoi ? Est-ce parce que, entre-temps, devaient se tenir des élections municipales et européennes et qu’il était préférable de ne pas prendre le risque de davantage exaspérer les Français par une loi qui signifie ni plus, ni moins que la fin de l’efficacité de la justice répressive et l’arrivée des beaux jours pour la criminalité la plus endurcie ?

Force est de constater que ce projet de loi est né aux forceps, alors qu’il est censé résulter d’une conférence dite de consensus ! Tout au long de son élaboration, on a assisté à des affrontements au sein même de votre majorité et même à un acharnement thérapeutique avant qu’il n’aboutisse sur le bureau de notre Assemblée.

Qui ne se souvient, en effet, du bras de fer homérique qui devait vous opposer, madame la ministre, à Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, lequel avait juré ses grands dieux que la gauche en avait pourtant fini avec l’angélisme ?

Mais c’était sans compter sur votre détermination et la préoccupation que vous manifestez à l’endroit des délinquants plutôt que des victimes.

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Vous créez partout des bureaux des victimes mais nous, nous préférerions que des victimes, il y en ait moins ! Qui peut croire en effet que l’on luttera plus efficacement contre le fléau de la récidive en supprimant les peines plancher applicables aux récidivistes ?

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Vous n’avez pas de leçon à nous donner, ça va !

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Mais il est vrai que leur péché originel est d’avoir été adoptées sous l’ère Sarkozy : il fallait donc les jeter par-dessus bord.

Qui peut croire que l’on fera reculer les récidivistes en les menaçant de cette nouvelle peine pompeusement baptisée « contrainte pénale » ? En fait, il s’agit d’une sorte de sursis avec mise à l’épreuve renforcé, dont la Chancellerie elle-même reconnaît qu’il est un cuisant échec.

J’observe qu’ici encore la contrainte pénale a donné lieu à un nouveau bras de fer, cette fois avec le chef de l’État, qui a été obligé de vous rappeler aux arbitrages rendus puisque vous aviez donné votre bénédiction à un amendement socialiste étendant le champ d’application de la contrainte pénale à tous les délits punis jusqu’à dix ans d’emprisonnement et non plus cinq ans seulement !

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La contrainte pénale pourra donc se substituer à la prison pour les trafiquants de stupéfiants, les agresseurs sexuels ou autres membres d’associations de malfaiteurs.

Pour ne pas vous faire perdre la face le Gouvernement, par le biais de notre rapporteur Dominique Raimbourg, particulièrement zélé,…

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…a trouvé un compromis : l’extension à dix ans ne s’appliquera qu’à partir de 2017 !

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Il ne vous a pas échappé qu’en 2017, vous aurez des comptes à rendre devant le peuple, y compris sur cette loi scélérate.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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C’est un mis en examen qui parle de loi scélérate ?

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C’est une loi de la République, voilà tout !

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J’ajoute, madame la ministre, que votre texte soulève d’évidents problèmes de constitutionnalité, dont Robert Badinter s’est d’ailleurs fait l’écho. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons vu arriver nuitamment en séance, tenez-vous bien, un amendement réformant en profondeur le sursis avec mise à l’épreuve sans même qu’il ait été examiné en commission des lois et sans étude d’impact. C’est là le signe qu’il y a panique à bord !

Mais je tiens cependant, madame la ministre, à vous reconnaître au moins un mérite sur un point : vous n’avez pas rayé purement et simplement les prisons de la carte, en proclamant même urbi et orbi n’avoir aucune intention de les vider.

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Il n’est pas question de vider les prisons mais d’éviter les sorties sèches !

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Mais pourquoi dès lors, madame la ministre, instituez-vous un mécanisme d’examen automatique des libérations conditionnelles ? Pourquoi supprimez-vous la révocation de plein droit du sursis et remettez-vous en vigueur la possibilité d’octroyer des sursis avec mise à l’épreuve à l’infini, autrement dit, des avertissements à répétition et sans frais ? Si on voulait vider les prisons, on ne s’y prendrait pas autrement !

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En définitive, mes chers collègues, vous l’aurez compris, plutôt que de poursuivre le programme de construction de 20 000 places de prison engagé par la précédente majorité, le Gouvernement, imprégné d’une forte culture de l’excuse, nous propose de voter un texte dont la finalité est de réguler les flux pénitentiaires en ouvrant largement les portes de sortie de la prison et en en cadenassant les portes d’entrée !

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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Je tiens, mes chers collègues, à attirer votre attention sur le fait que cette première étape de déconstruction du système répressif s’accompagnera de deux autres réformes tout aussi permissives : la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs – bien que vous n’ayez pas répondu tout à l’heure à une question pourtant précise – et celle de la rétention de sûreté pour les criminels dangereux, que le groupe socialiste juge honteuse. Ainsi, le programme de déconstruction de la justice pénale française sera achevé et nous pouvons aisément imaginer l’explosion de la délinquance qui s’en suivra !

Le fait qu’une telle réforme, madame la ministre, soit guidée par l’intention généreuse de réduire l’emprisonnement, même pour les catégories les plus difficiles de la population pénale, ne doit pas conduire à renoncer à la sécurité de nos concitoyens.

Souvenons-nous de l’avertissement de Montesquieu, qui estimait, à juste titre, que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

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Je vous invite donc, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, à voter contre ce projet de loi !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les débats sur le projet de loi se sont achevés dans la nuit de jeudi à vendredi.

Pendant ces longues heures de discussion, nous avons été les témoins de ces vieilles querelles qui opposent de façon caricaturale, et depuis de nombreuses années, ceux qui seraient les partisans du tout carcéral et ceux qui, au contraire, défendraient le laxisme et l’impunité.

Ces clivages autour de la suppression des peines plancher, de la contrainte pénale ou de la libération sous contrainte ont finalement éludé les vraies questions, celles qui auraient mérité de recueillir toute notre attention.

Plutôt que de nous en tenir à des débats stériles, reconnaissons que nous avons des principes en commun et que nous partageons certains objectifs : nous devons protéger les victimes et la société dans son ensemble, nous devons à tout prix prévenir et lutter contre la récidive, nous devons aussi – et cela participe de la prévention de la récidive – assurer aux détenus un meilleur suivi et ainsi éviter les sorties sèches.

Quelques mesures de ce projet de loi vont dans ce sens : je pense à la mise en place d’une contribution pour l’aide aux victimes, je pense à la garantie de l’existence, au sein des tribunaux, de bureaux d’exécution des peines, je pense encore au renforcement des missions du service public pénitentiaire dans le suivi et le contrôle des personnes condamnées.

Au-delà de ces trop rares motifs de satisfaction, le projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux.

Le postulat sur lequel il repose – la prison nourrirait la récidive – va à l’encontre de notre conception de la justice en France.

N’oublions pas que l’emprisonnement, s’il vient sanctionner le coupable, témoigne aussi de l’échec de nos politiques de prévention. N’oublions pas non plus qu’il ne servira à rien de durcir les sanctions et de remplir les prisons si les peines ne sont pas appliquées et si les places sont insuffisantes.

Pour le groupe UDI, l’effectivité de l’exécution des peines est la condition sine qua non de l’amélioration de notre justice pénale. En dépendent la crédibilité de notre système pénal et la confiance que chacun de nos concitoyens place en la justice de son pays.

Ce projet de loi affirme une volonté de traiter du problème de la récidive sous l’angle de la surpopulation carcérale au lieu de prévoir pour les récidivistes une peine qui ne soit pas semblable à celle des primodélinquants mais adaptée à leur profil, avec la fermeté qui s’impose.

Nous avons souligné au cours des débats les lacunes que comportent les mesures que vous proposez pour renforcer l’efficacité des sanctions pénales et les peines que vous entendez créer.

Concernant l’ajournement de la peine, par exemple, l’un de nos amendements a permis d’allonger le débat entre la décision sur l’ajournement et la décision sur la peine mais nous craignons qu’en dépit de cette amélioration, la procédure ne soit que très peu utilisée.

L’extension de la contrainte pénale à tous les délits punis d’emprisonnement est non seulement dangereuse mais risque en outre de complexifier encore le droit de la peine.

Et comment ne pas douter de l’efficacité de ces mesures alors que la justice manque de moyens et que les créations de postes annoncées dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, seront à coup sûr insuffisantes ?

Au final, qu’aurons-nous une fois ce texte adopté ? Une loi qui s’ajoutera au cortège des nombreuses autres lois portant sur l’organisation de notre système judiciaire et pénal, une loi qui aborde la question fondamentale de la justice sous le seul angle de la procédure, une loi qui, de ce fait, ne permettra pas d’enrayer les défaillances de notre système judiciaire et participera malheureusement à son essoufflement.

L’enjeu, désormais, c’est de repenser, à l’extérieur comme à l’intérieur du palais de justice, l’ensemble de la chaîne de compétences de l’institution judiciaire. Celle-ci doit être profondément réformée et, pour cela, le groupe UDI propose de mettre tous les acteurs et intervenants du monde judiciaire autour de la table pour un "Vendôme de la justice", faute de quoi il votera contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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C’est avec satisfaction que les écologistes voteront aujourd’hui le projet de loi visant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales, texte qui s’est fait attendre, trop attendre, et dont le parcours a rencontré de nombreux obstacles.

Déposé au mois d’octobre 2013, il n’a été débattu que la semaine dernière en séance, après engagement de la procédure accélérée et dans le cadre du temps programmé.

Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que le Gouvernement a pesé de tout son poids, en amont et pendant tous les débats parlementaires, pour freiner l’élan réformateur de sa majorité.

Cette façon de faire laisse des traces, surtout lorsque les positions défendues par l’exécutif n’obéissent qu’à une logique de court terme, soucieux qu’il apparaît de ne rien froisser d’une sensibilité à fleur de peau à ce qu’il croit être les exigences de l’opinion.

Le président de la commission des lois parlait au sujet de ce projet d’un texte à "l’ambition mesurée, aux dispositions modestes, à la vocation tempérée". Il en eût été autrement si le Parlement ne cédait si souvent, malheureusement, aux injonctions de l’exécutif.

De ce parcours du combattant, le texte n’est pas sorti totalement indemne mais il se tient.

Il supprime d’abord les automatismes pour revenir au principe de l’individualisation des peines. Il abroge les peines planchers définies par la loi du 10 août 2007 relative à la lutte contre la récidive. Cette disposition avait instauré un système restreignant la liberté des juges dans la fixation du quantum de certaines peines d’emprisonnement, même si la juridiction gardait la possibilité de prononcer une peine inférieure à ces seuils par une motivation spéciale détaillant les garanties de réinsertion du condamné. La loi du 14 août 2011 a étendu ce dispositif.

Ces peines, chers collègues, n’ont pas dissuadé la récidive. Elles ont en revanche alourdi la durée des peines d’emprisonnement : plusieurs milliers d’années supplémentaires par an, en moyenne. Les peines plancher se sont appliquées essentiellement aux petits délits, aux vols et aux atteintes aux biens par le biais privilégié de la procédure de comparution immédiate.

Nous allons maintenant faire en sorte que l’une des promesses du Président de la République soit tenue.

Le texte abroge la suppression automatique des sursis, qui reste néanmoins possible.

Le projet de loi s’attaque également aux sorties sèches, qui étaient la règle pour les courtes peines, et qui sont la voie royale vers la récidive.

Il présente également des avancées notables, qui justifient notre vote.

D’abord, en direction des victimes et en faveur de leur indemnisation.

La césure du procès pénal offre aussi au tribunal la possibilité de prononcer la culpabilité et des mesures d’indemnisation des victimes lors d’une première audience et de renvoyer sa décision sur la peine à une seconde audience, après une période d’évaluation du prévenu de quatre mois maximum. C’est là une bonne initiative.

L’introduction de mesures favorisant l’expérimentation de la justice restaurative – que nous réclamions, nous, écologistes, depuis longtemps – est aussi une avancée.

Et surtout, le projet de loi met en place une autre peine : la contrainte pénale.

Cette peine de probation pourra être comprise entre six mois et cinq ans, elle sera exécutoire en milieu ouvert. Elle soumet le condamné à un ensemble d’obligations et d’interdictions ainsi qu’à un accompagnement soutenu.

Elle ne remplace aucune peine, toutes les autres peines restant en vigueur. Elle vise un meilleur encadrement des condamnés, un suivi plus rigoureux avec des contraintes plus grandes et un accompagnement permettant la réinsertion afin d’éviter la réitération et la récidive.

Le texte rompt, pour l’essentiel, avec l’idée que la prison serait le meilleur et l’unique antidote à la délinquance. Non seulement la prison coûte cher à la collectivité, mais nous savons qu’elle n’est pas le moyen le plus efficace pour lutter contre la récidive – elle est d’ailleurs moins efficace que les peines alternatives.

La surpopulation carcérale que notre pays connaît – nous allons de record en record – rend difficile toute politique de lutte contre la récidive.

L’allongement de la durée des peines, à laquelle les peines plancher et la comparution immédiate ont participé, n’a pas fait diminuer les délits dans le pays. Les dizaines de lois pénales de l’ancienne majorité n’ont en rien amélioré la sécurité de nos concitoyens ni le sort des victimes. Se débarrasser des petits délinquants récidivistes en les enfermant quelques mois est une impasse. La garde des sceaux a décidé d’en sortir. Cette rupture est salutaire pour nous tous et, en premier lieu, pour les victimes de la récidive, qui sont une préoccupation majeure du texte.

Il nous faut néanmoins revenir sur les conditions de notre débat. Le compromis sur le délai d’application de la contrainte pénale – imposé par le Gouvernement au rapporteur – est boiteux. Les compromis passés entre l’exécutif et le groupe majoritaire, qui sont légitimes, doivent avoir un sens, et celui-ci n’en a aucun.

Pendant le débat, la gauche dans toute sa diversité – radicaux, communistes, socialistes et écologistes – s’est montrée unie et rassemblée pour montrer qu’il existe aujourd’hui une majorité claire et large pour abroger les tribunaux correctionnels pour mineurs et la rétention de sûreté.

Ce sont les choix du Gouvernement qui n’ont pas permis que cette unité, suffisamment rare pour être soulignée, se traduise concrètement dans le texte. Il revient aujourd’hui au Gouvernement de donner une réponse à sa majorité sur le calendrier et le véhicule législatif permettant que ces promesses du Président de la République soient appliquées.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

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La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette réforme était attendue depuis longtemps.

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C’est en effet une réforme clivante. La gauche, et en particulier les radicaux, s’était engagée à obtenir la suppression des peines plancher, décision, symbolique s’il en est du quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui remettait en cause, qu’on le veuille ou non, le principe fondamental de l’individualisation des peines.

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La droite a fait savoir avec force qu’elle s’opposerait frontalement à la réforme proposée. Elle nous a fait un procès en laxisme débridé.

Or qu’a-t-on pu constater ? Que l’UMP a déserté !

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Elle a déserté d’abord devant la commission des lois, où elle était totalement absente et où Georges Fenech a dû se sentir bien seul. (Mêmes mouvements)

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Elle a déserté, ensuite, tout au long des débats dans l’hémicycle. La plupart des amendements n’ont pas été soutenus par l’UMP, pour la bonne et simple raison que leurs auteurs étaient absents.

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Vous l’avez bien compris : une seule chose comptait, l’affaire Bygmalion !

Mêmes mouvements.

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La réforme pénale est donc passée par pertes et profits pour l’UMP et il ne sert à rien de parler de « loi scélérate », car la réalité est tout autre : vous n’étiez pas là !

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.

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Pouvait-il d’ailleurs en être autrement ? La philosophie du « tout carcéral » a échoué pour une raison bien simple : plus on met d’individus en prison, plus on favorise la commission de nouvelles infractions, la récidive et la réitération,…

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…et ce pour une raison bien simple : la prison, c’est l’école du crime, c’est là où le petit délinquant s’endurcit, c’est là où celui qui s’est endurci devient un caïd.

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À ce schéma traditionnel est venu s’en ajouter un autre : c’est en prison qu’on recrute pour le djihad

Exclamations sur les bancs du groupe UMP

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; c’est en prison que les religieux font passer leur message

Mêmes mouvements

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et il serait très intéressant de savoir comment les motivations de l’assassin présumé du musée juif de Bruxelles se sont progressivement formées, puisqu’il apparaît que c’est à la suite de ses différents séjours en prison qu’il a décidé de se lancer dans un radicalisme meurtrier.

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C’est la faute de la société, évidemment !

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Que voulons-nous ? D’abord, lutter contre la récidive, car le tout carcéral a échoué ; lutter contre la récidive grâce aux alternatives à la prison, comme le travail d’intérêt général, l’assignation à domicile ou le port du bracelet électronique ; lutter contre la récidive en interdisant les sorties sèches et en prévoyant un accompagnement de ceux qui sortent et qui se trouvent dans une détresse psychique et économique ;…

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…lutter contre la récidive en proposant aux magistrats une nouvelle peine, la contrainte pénale, plus sévère et plus efficace que le sursis avec mise à l’épreuve.

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Le but n’est pas de vider les prisons, mais de redonner une dignité à ceux qui sont en prison, en permettant l’émergence d’un nouveau et beau concept : celui de prison hors des murs. Il nous faudra, dans l’avenir, retravailler en vue de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et de la suppression nécessaire de la rétention de sûreté.

Cette loi constitue un progrès incontestable, car elle prend en considération la situation des victimes. Cette loi constitue un progrès incontestable, car elle assure efficacement la sécurité de la société. Elle vise, d’une part à sanctionner, d’autre part à réinsérer.

Cette loi est d’autant plus belle que nous avons obtenu à l’unanimité – je tiens à le souligner – la suppression de la mise ou du maintien en détention des femmes enceintes depuis plus de trois mois, et la prise en considération des femmes qui sont avec leur bébé en prison. Chacun comprendra qu’il ne s’agit pas de protéger une adulte délinquante, dont l’incarcération serait ainsi suspendue, mais bien de protéger un être à venir, puis un bébé, petit être innocent qui n’a pas à subir les conséquences de l’incarcération de sa mère.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Toutes les études l’ont démontré, le contrôleur général des lieux de privation de liberté s’en était ému en 2010 et 2013, et le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, dans sa recommandation du 30 juin 2000, l’a également rappelé : la prison ne constitue jamais un lieu approprié pour les bébés et les jeunes enfants. En votant cet amendement à l’unanimité – et je remercie l’UMP de l’avoir fait –, l’Assemblée nationale a rappelé que la prison n’est pas un lieu où doivent se trouver ces jeunes enfants, et ce faisant, elle s’est grandie.

J’ai en tête la situation des vingt-six enfants de moins de dix-huit mois qui vivent en prison, et celle des femmes enceintes, qui ne seront plus désormais mises en prison, lorsque les infractions qu’elles auront commises ne seront ni des crimes, ni des délits à l’encontre des enfants.

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Alors oui, madame la garde des sceaux, oui, mes chers amis, mes chers collègues de gauche, nous voterons cette loi avec enthousiasme.

Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 559 Nombre de suffrages exprimés: 559 Majorité absolue: 280 Pour l’adoption: 328 contre: 231 (Le projet de loi est adopté.)

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.

Vote solennel

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.

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L’ordre du jour appelle les questions à M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

Les premières questions sont posées par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Thierry Mariani.

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Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, je souhaite appeler votre attention sur la reconnaissance des diplômes des professions médicales et paramédicales à l’étranger, et plus particulièrement, vous le comprendrez, dans les pays d’Asie-Pacifique que comprend ma circonscription. Dans ces pays, la population française expatriée connaît une expansion importante. Ainsi, en matière de soins médicaux, nos compatriotes cherchent de plus en plus à être soignés par des médecins francophones : pour les malades, c’est quand même plus pratique ! À Singapour, par exemple, on compte des milliers de ressortissants français demandeurs de soins médicaux dispensés par des Français.

Or, faute de reconnaissance de leur diplôme, nombre de praticiens français expatriés ne peuvent exercer leur activité à l’étranger : de ce fait, ils ne peuvent fournir à la communauté française un service médical en conformité avec leurs attentes. Ces professionnels de santé, fiers du savoir-faire médical français, souhaiteraient donc voir reconnaître leur diplôme à l’étranger afin d’exercer dans leur pays d’accueil, où le besoin est réel. Par ailleurs, la reconnaissance de leur diplôme serait un atout. D’une part, elle constituerait un vecteur de rayonnement français dans ces pays. D’autre part, elle permettrait aux praticiens français de s’enrichir des pratiques de leurs homologues étrangers.

Certes, il existe aujourd’hui une procédure de reconnaissance de diplôme par les universités. Cependant, face à l’évolution des demandes, la reconnaissance des diplômes des professions médicales semble inadaptée. De nouvelles reconnaissances de facultés de médecine sont donc requises.

Ma question est simple, monsieur le ministre : quel est l’état des négociations en matière de reconnaissance des diplômes des professions médicales et paramédicales ? Quels accords de coopération et de reconnaissance envisagez-vous précisément avec Singapour, le Japon, Hong Kong, la Russie, l’Australie et la Corée du Sud, autrement dit avec les régions qui, du fait de leur expansion économique, accueillent chaque année de plus en plus de Français ?

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La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député Thierry Mariani, vous m’interrogez sur la reconnaissance des diplômes à l’étranger. En ce qui concerne les professions de santé, il existe une règle d’or, celle de la réciprocité. Vous dites, à juste titre, que les qualifications françaises sont appréciées et demandées par nos compatriotes établis dans les pays que vous avez cités, qui souhaiteraient pouvoir y bénéficier de soins, de recommandations, de préconisations de santé par davantage de médecins français. Pour reconnaître ces qualifications professionnelles et permettre ainsi à nos professionnels de santé d’exercer sur ces territoires, il est nécessaire que nous accordions aux praticiens des pays concernés les mêmes avantages sur le territoire français.

Vous le voyez comme moi : même s’il s’agit aussi d’apprécier les pays en fonction du niveau des diplômes qui sont les leurs, cette règle d’or, dans son principe, incite forcément la France à la prudence. En effet, il n’est pas souhaitable que les médecins formés dans des pays dont nous ne connaissons pas suffisamment bien les systèmes d’enseignement puissent venir exercer dans nos hôpitaux sans aucun contrôle ni aucune assurance du niveau de leur qualification.

La règle de reconnaissance des diplômes pour les professionnels de santé est ainsi la suivante : nous reconnaissons exclusivement les diplômes délivrés dans l’Union européenne et l’Espace économique européen. Il existe néanmoins une autre possibilité pour les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, de docteur en chirurgie dentaire, de docteur en pharmacie ou d’un diplôme de sage-femme obtenu hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen : ils peuvent se porter candidat à la procédure d’autorisation d’exercice organisée par le ministère chargé de la santé au centre national de gestion.

Sachez enfin qu’il existe des accords de coopération avec la Chine et le Vietnam. Ces accords ne permettent pas une reconnaissance des diplômes, mais ils prévoient par exemple, pour ce qui concerne l’accord avec le Vietnam, l’accueil de médecins vietnamiens comme faisant fonction d’internes.

Je comprends, monsieur le député, que votre question est davantage destinée à favoriser le mouvement inverse, c’est-à-dire à augmenter le nombre de praticiens et de médecins français dans les pays d’Asie-Pacifique, pour répondre notamment à la demande d’un certain nombre d’expatriés et de résidents français dans ces territoires. De tels accords doivent faire l’objet d’un examen au cas par cas, avec chacun des pays concernés. Vous avez cité des grands pays comme la Corée du Sud et le Japon, dont les systèmes de santé sont performants : vis-à-vis de ces pays, nous examinons les conditions dans lesquelles il est possible, au-delà des accords qui existent d’ores et déjà avec l’Union européenne, d’accroître notre coopération et donc nos échanges, et de conclure des conventions permettant la réciprocité des reconnaissances. En l’état actuel, cependant, ces textes n’existent pas, même si des discussions peuvent avoir lieu.

Je me tiens à votre disposition pour assurer à nos compatriotes établis dans la grande circonscription de l’Asie-Pacifique, dont vous êtes le représentant, que ces conventions puissent, le cas échéant, être signées à l’avenir, si chacune des deux parties y trouve satisfaction.

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Je rappelle à l’ensemble de mes collègues – mais aussi à vous-même, monsieur le ministre – que le temps de chaque intervention est de deux minutes, pour les questions comme pour les réponses.

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Le ministre a dépassé son temps de parole. C’est scandaleux !

Sourires.

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Comme il s’agissait de la première question, j’ai été indulgente. Je crois par ailleurs que notre collègue Thierry Mariani n’a pas détesté que le ministre dépasse le temps de parole qui lui était imparti pour lui répondre.

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D’autant que je suis l’élu d’une grande circonscription !

Sourires.

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Monsieur le ministre, en octobre dernier, votre prédécesseur lançait une expérimentation, dite « ABCD de l’égalité », dans dix académies et plus de 600 classes. Ce programme des « ABCD de l’égalité », qui offre aux enseignants des outils pour aborder l’égalité entre les filles et les garçons, doit maintenant être évalué afin d’envisager sa généralisation dans toutes les écoles à la rentrée de septembre prochain.

Nous partageons tous sur ces bancs la volonté de transmettre à nos enfants les valeurs d’égalité et de respect entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes. Nous devons cependant constater que les « ABCD de l’égalité » ont suscité beaucoup d’interrogations. Interrogations, par exemple, sur l’opacité de cette expérimentation, puisque la liste des établissements et des classes concernés a été soigneusement cachée. Interrogations, aussi, sur le contenu de cet enseignement, car chacun sait que derrière l’objectif affiché d’égalité entre les sexes se cachent, parfois, des idéologies qui visent à nier l’altérité sexuelle. Bref, cette expérimentation a suscité des interrogations dans de nombreuses familles, d’autant que ces dernières n’y ont pas été associées.

La question de la généralisation des « ABCD de l’égalité » est aujourd’hui posée. Beaucoup d’observateurs ont noté, monsieur le ministre, que la circulaire de rentrée publiée le 22 mai dernier se gardait bien de reprendre l’appellation « ABCD de l’égalité », et en ont déduit que la généralisation de ce programme était abandonnée. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer, en nous confirmant que le dispositif des « ABCD de l’égalité » ne sera pas généralisé à la rentrée de septembre prochain ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député Xavier Breton, l’égalité filles-garçons n’est pas négociable, en particulier dans un contexte où un certain nombre de groupes contestent la simple possibilité d’enseigner cette culture de l’égalité. Cette dernière suppose que les stéréotypes ne dominent pas à l’école au point d’orienter, parfois inconsciemment, les filles davantage vers certaines disciplines et les garçons vers d’autres. Elle suppose également d’empêcher la diffusion de stéréotypes laissant penser que des métiers sont plutôt masculins, tandis que d’autres sont plutôt féminins. Pour éviter le développement de tels stéréotypes, encore faut-il enseigner le respect mutuel, qui s’apprend, à mes yeux, dès l’enseignement primaire, tant on constate aujourd’hui qu’il est parfois tentant de reproduire des stéréotypes sexistes préjudiciables à la culture de l’égalité.

Monsieur le député, ces « ABCD de l’égalité » ont fait l’objet d’une expérimentation, elle-même soumise à une évaluation dont le rapport me sera remis dans quelques semaines. Ce qui m’intéresse, c’est moins le contenant que le contenu : je ne transigerai pas sur la culture de l’égalité. Cette culture de l’égalité doit se traduire par la nécessité de former davantage les enseignants, dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, en formation initiale comme en formation continue, sur la manière de lutter contre les stéréotypes et de favoriser le respect mutuel. Nous devons encourager les initiatives visant à permettre que cette culture de l’égalité s’enracine dès l’école primaire. C’est la raison pour laquelle j’annoncerai ma décision une fois l’évaluation des « ABCD de l’égalité » rendue publique. Mais je le répète : l’objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu’une véritable culture de l’égalité entre les filles et les garçons soit enseignée demain à l’école.

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Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, vous avez procédé à un large tour d’horizon de votre stratégie en matière de réussite scolaire et éducative, qui passe notamment par la lutte contre les inégalités sociales et territoriales. Je ne peux que souscrire à votre volonté affichée de faire baisser l’échec scolaire : c’est d’ailleurs un objectif que nous partageons tous.

Je ne vous interrogerai pas sur les décrets relatifs à la réforme des rythmes scolaires, mais sur un aspect sur lequel vous ne m’avez pas répondu en commission la semaine dernière. Pour favoriser la réussite de tous les élèves dès l’école élémentaire, je crois fermement à l’effet « chef d’établissement ». Dans son rapport de mai 2013 intitulé Gérer les enseignants autrement, la Cour des comptes recommandait de « donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la responsabilité de moduler la répartition des obligations de service des enseignants en fonction des postes occupés et des besoins des élèves ». Directeur d’école est non seulement une fonction, mais aussi un métier à part entière. Le rôle des directeurs est irremplaçable dans la réussite de leurs élèves : à ce titre, leur formation initiale et continue est donc primordiale. Votre prédécesseur avait ouvert des discussions afin de revaloriser la fonction des directeurs d’école et d’envisager de leur donner un réel statut : où en êtes-vous aujourd’hui ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Effectivement, monsieur le député Reiss, nous avions beaucoup échangé lors de mon audition en commission. J’étais sans doute passé à côté d’un certain nombre de vos questions : cette séance publique me permettra donc de préciser mon point de vue sur le statut des directeurs d’école.

Comme vous, je partage le souci que les directeurs d’école soient formés. Directeur d’école, c’est un métier : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous augmentons leur temps de décharge, afin qu’ils puissent être en situation d’agir au mieux des besoins de leurs élèves et des demandes de la communauté enseignante et des parents d’élèves. Nous allons reconnaître leur rôle de pilote pédagogique, même si la responsabilité d’une école n’est pas exactement la même que celle d’un collège ou d’un lycée – la situation de ces derniers, établissements publics dans lesquels des activités éducatives sont organisées dans le cadre de décisions prises par les chefs d’établissement, ne peut pas être intégralement transposée à des écoles comprenant une, deux ou trois classes.

Nous avons donc souhaité qu’au sein des ESPE, les directeurs d’école puissent être davantage formés aujourd’hui qu’il ne l’étaient auparavant, et bien plus que sous le précédent quinquennat, lorsqu’ils n’étaient pas formés – M. Apparu se souviendra de la réponse que je lui ai faite sur ce sujet. Nous allons réaffirmer leur rôle de pilote pédagogique et augmenter leur temps de décharge.

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Insistez, monsieur le ministre ! Vous faites encore de la provocation !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

J’observe que vous avez de la suite dans les idées, monsieur Apparu, puisque l’UMP propose une autonomisation croissante des établissements,…

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

…qui n’aurait qu’une conséquence : l’aggravation des inégalités territoriales et des inégalités à l’école.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ce n’est pas le projet du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’affirmer le rôle de pilote pédagogique des directeurs d’école, en leur donnant les moyens, très concrètement, de se former et de pouvoir faire efficacement leur travail dans les écoles de la République.

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Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger au sujet de la sélection en master dans nos universités. Aujourd’hui, la sélection s’effectue entre les années de M1 et de M2, donc en milieu de cycle de master, ce qui n’est pas du tout cohérent. Il s’agit d’une survivance de la situation antérieure à la fameuse réforme LMD – licence, master, doctorat – et au processus de Bologne, lorsque la sélection était effectuée entre la maîtrise et le DESS ou le DEA.

Pour mémoire, les arrêtés d’avril 2002 relatifs à la réforme LMD pris par le gouvernement Jospin ont instauré une sélection à l’entrée du M2, et non du M1. Il fut alors dit au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche que cette sélection serait par la suite déplacée de l’entrée en M2 vers l’entrée en M1, « une fois que les licences auraient bien pris leur place dans le paysage des diplômes universitaires », aux dires du directeur de l’enseignement supérieur de l’époque. Force est de constater que ces arrêtés Jospin n’ont toujours pas été modifiés depuis 2002.

Le 3 juin dernier, ici même à l’Assemblée nationale, une collègue du groupe GDR a interrogé sur ce sujet votre secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur. Hélas, celle-ci n’a pas répondu à la question – je me permettrai même de dire qu’elle a noyé le poisson. Ma question est donc simple et précise : quand et comment comptez-vous procéder pour déplacer la sélection de l’entrée du M2 vers l’entrée du M1, et enfin parachever la cohérence pédagogique du diplôme de master, afin qu’il s’inscrive pleinement dans le LMD tel que l’a voulu le processus de Bologne ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur Hetzel, j’essaierai de vous apporter une réponse brève, conforme aux propos de la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et aux engagements pris à Bologne.

Quelle est aujourd’hui la réalité ? Nous sommes confrontés à une survivance et il est absolument nécessaire de faire évoluer cette mesure. Il est en effet inadmissible qu’il y ait une sélection en milieu de cycle. Nous envisageons une approche globale de l’accès au master et de la sélection des étudiants en fin de M1. Vous préconisez d’autres solutions.

Dans ce domaine, l’approche du Gouvernement, en lien avec les travaux engagés par Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’ensemble des personnels du monde universitaire, consiste à associer le point de vue des syndicats enseignants et étudiants afin de permettre de tirer les conséquences de cette survivance qui ne satisfait personne et qui nécessite d’être réformée.

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Monsieur le ministre, ma question porte sur la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires. Je ne vous parlerai pas du coût financier pour les communes, ni des difficultés matérielles d’organisations des activités périscolaires – locaux, recrutement, qualité –, ni des conséquences sur le tissu associatif ou social, ni même des inégalités territoriales, bref, des dommages collatéraux de la réforme.

Je voudrais revenir à l’essentiel, le fond de cette réforme, son objectif pédagogique, à savoir une organisation du temps scolaire plus respectueuse des rythmes naturels d’apprentissage afin de favoriser la réussite de tous. Meilleure répartition sur la semaine des temps de classe ; allégement de quarante-cinq minutes de la journée ; programmation des séquences d’enseignement aux moments de plus grande concentration : ce sont là les termes de votre guide.

Je voudrais donc solliciter votre avis sur la proposition faite aux petits Lyonnais des écoles publiques pour la rentrée 2014. Essayons de n’y voir aucune critique politique au maire, paraît-il socialiste, de Lyon, qui dit être, dans un courrier aux parents, l’inspirateur de l’assouplissement « Hamon ». Lundi, mardi : horaires classiques. Mercredi : trois heures de classe. Jeudi : horaires classiques. Vendredi : trois heures de classe, puis activités périscolaires facultatives parce que payantes. Donc, la possibilité de deux jours et demi de césure.

Certains des cadres de l’éducation nationale qui prêchaient hier les vertus d’une journée de classe allégée ont donc dû défendre les bienfaits du maintien de six heures de classe sur trois jours. Comprenne qui pourra ! Où est l’intérêt de l’enfant ?

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Je vais, madame la députée, tenter de vous répondre sur le cas particulier de Lyon. Le décret que j’ai proposé pour l’expérimentation ciblait d’abord des communes qui, en milieu rural, ont besoin d’une certaine souplesse afin de pouvoir mutualiser les intervenants assurant les activités périscolaires. Il s’agit de faire des économies d’échelle et permettre de s’engager en faveur d’une réforme dont nous nous accordons tous à penser qu’au bout du compte elle aura un effet bénéfique pour les enfants.

Cette réforme leur permettra de bénéficier des apprentissages fondamentaux lorsqu’ils sont le plus concentrés, c’est-à-dire le matin. En dépit des arguments que vous avez développés, quel est malgré tout le bénéfice pour les jeunes Lyonnais ? Ils travailleront cinq matins dans la semaine.

En travaillant cinq matins, ils travaillent un matin supplémentaire qu’ils ne le faisaient auparavant. En travaillant un matin de plus – même si l’organisation hebdomadaire n’est pas optimale, je le concède, avec la neutralisation du vendredi après-midi –, ce sera mieux pour les enfants lyonnais qu’auparavant s’agissant des apprentissages fondamentaux. On peut considérer que la formule lyonnaise n’est pas la formule idéale, notamment pour les grandes villes et qu’elle ne correspond pas à l’épure de la réforme des rythmes scolaires en termes d’adaptation de l’organisation du temps scolaire au rythme des enfants. Bref, il faut que le temps scolaire s’adapte aux enfants et non l’inverse.

En dépit de cela, je vous dis ma conviction que, parce que les petits Lyonnais travailleront un matin de plus, l’organisation du temps scolaire à Lyon sera meilleure après la réforme que celle qui existait précédemment avec la semaine de quatre jours. C’est la raison pour laquelle, après un vote majoritaire des conseils d’école – une voix de plus, cela fait toujours une majorité –, le directeur académique des services de l’éducation nationale a validé cette organisation du temps scolaire. Désormais, à Lyon comme partout en France, on travaillera cinq matins. C’est une chance de plus, grâce à un matin supplémentaire, d’avoir le goût d’apprendre, de travailler, et donc de progresser.

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On peut aussi progresser dans le doute méthodique…

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Monsieur le ministre, depuis des mois, parents d’élèves, enseignants, syndicats, élus dénoncent la réforme des rythmes scolaires décidée unilatéralement par votre prédécesseur. Vous avez vous-même élaboré un décret complémentaire qui ne résout en rien les problèmes, notamment des petites communes. Vous restez sourd à la grogne qui monte un peu partout et que vous a largement exprimée le collectif des Gilets jaunes, qui a recensé, à ce jour, près de 10 000 délibérations opposées à la réforme.

J’ai saisi le Conseil d’État sur la légalité des décrets. Nous verrons. Le collectif des Gilets jaunes ainsi que des maires vont introduire de nombreux recours – notamment indemnitaires – devant les juridictions administratives.

Depuis le 6 juin, vous pouvez imposer le temps scolaire, mais pas le temps périscolaire, et placer de fait les communes devant les parents d’élèves qui exigeront que leurs enfants soient pris en charge. Les communes se trouveront ainsi piégées.

Permettez-moi de vous poser cinq questions précises, monsieur le ministre. Pourquoi le Gouvernement s’acharne-t-il sur cette réforme qui porte une réelle atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ?

Pourquoi cette réforme ne s’applique-t-elle qu’à l’enseignement public et non à l’enseignement privé, créant ainsi une véritable rupture d’égalité et générant une discrimination entre les enfants ? Vous avez parlé d’égalité entre les enfants. Où est-elle dans ce dossier ?

Comment les communes peuvent-elles assurer le recrutement de nombreux animateurs titulaires du BAFA que l’on ne trouve pas sur le marché de l’emploi, par exemple dans mon département de la Lozère ?

Comment les communes peuvent elle prendre en charge, pour les activités périscolaires, des enfants handicapés bénéficiaires d’un auxiliaire de vie scolaire ?

Comment allez-vous répondre aux communes qui vont vous saisir de recours indemnitaires pour obtenir la compensation intégrale du surcoût engendré par votre réforme, surcoût que vous avez vous-même implicitement admis en créant un fonds d’amorçage, lequel couvre à peine 30 % du coût réel des activités périscolaires ?

Monsieur le ministre, toutes ces questions démontrent l’impréparation de cette réforme et doivent vous conduire, pour le moins, à décider d’un moratoire. À défaut, vous subirez les nombreux contentieux de parents d’élèves et de maires, que nous sommes en train de collationner.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, il me sera impossible de répondre aux nombreuses questions que vous avez posées sauf à vous dire qu’en matière de réforme unilatérale, on a vu mieux.

Les consultations des maires se sont tenues pendant un an, et des discussions ont eu lieu partout. Si mon prédécesseur avait donné dans l’unilatéral, il aurait pris moins de temps. Or on n’a jamais assisté à une telle discussion sur une compétence qui, je le rappelle, ne relève pas des communes, mais de l’État. Que l’État invite les communes à discuter de l’organisation du temps scolaire, cela ne s’était jamais fait auparavant.

Puisque vous évoquez le temps périscolaire, permettez-moi de vous rappeler que c’est un service public facultatif, qu’il n’y a donc aucune obligation. C’est la raison pour laquelle tous les recours tomberont. On ne peut en effet demander une compensation intégrale pour un service public facultatif. Je me permets de vous rappeler cette réalité.

Il y a aujourd’hui plusieurs types de communes : celles qui ont pris des délibérations pour demander un report ou un moratoire sur la réforme des rythmes scolaires, elles sont dans leur droit. J’ai discuté avec les représentants de ces communes, notamment ceux qui appartiennent à votre formation politique – je ne les citerai pas pour ne pas les compromettre. Nos échanges se sont traduits par une organisation du temps scolaire qui a été validée par les rectorats.

Un certain nombre de communes ont fait un autre choix, celui de se prononcer en faveur d’une remise en cause de la loi…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pas dut tout ! Nous sommes républicains et nous appliquons la loi !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

…en fixant une organisation du temps scolaire par des arrêtés qui ne sont conformes ni à leurs compétences ni à l’épure des décrets. Pour ces dernières, le contrôle de légalité s’exercera et les préfets feront leur travail. Elles sont très minoritaires et je ne souhaite évidemment pas que ces situations de tension se reproduisent.

Et puis, il y a l’immense majorité des communes, qui ont fait leur travail. Qu’elles soient de gauche ou de droite, petites ou grandes, riches ou pauvres, elles proposent des activités périscolaires à côté d’une nouvelle organisation du temps scolaire parce qu’elles ont compris que, contrairement à ce que vous prétendez, cette réforme allait dans l’intérêt des enfants et qu’il n’y avait plus personne pour soutenir le système qui s’appliquait auparavant.

Quant aux établissements d’enseignement privés, monsieur le député, je n’avais pas compris que l’UMP remettait en cause la loi Debré sur leur caractère propre ! Je vous invite à le dire au secrétaire général de l’enseignement catholique, qui, soit dit en passant, vient de s’engager, dans les publications de l’enseignement catholique, en faveur d’une réforme des rythmes scolaires. Il encourage les établissements privés à faire de même. Je pense que cela va dans le bon sens. Progressivement, nous observerons que des établissements privés, quelles que soient les confessions, adopteront cette réforme qui est bonne pour les enfants. Pourquoi ? Parce qu’elle se fonde sur un diagnostic unanimement partagé : une semaine trop longue, une journée trop longue, avec au bout du compte des apprentissages en recul.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, lors de sa visite à l’université de Strasbourg en janvier dernier, le Président de la République avait lancé l’idée de voir cette grande université associée à la création d’un campus européen. Depuis, cette idée séduisante a fait son chemin, et un collègue député de la majorité vous avait d’ailleurs interpellé, au moment de votre prise de fonction, afin de connaître vos intentions au sujet de cette future université européenne qui doit, dans un premier temps, associer l’université de Fribourg et de Strasbourg, et constituer un des projets les plus emblématiques de la région métropolitaine du Rhin supérieur.

Je rappelle que cette euro-région se structure à l’heure actuelle autour de thématiques – qu’on nomme « piliers » – dont l’une des plus prometteuses est celle de la coopération universitaire et scientifique. Ce « pilier » sciences a d’ores et déjà mobilisé plusieurs millions d’euros de financements. Votre réponse à mon collègue, en avril dernier, semblait réaffirmer votre intérêt pour cette création, et renvoyait à l’action de Geneviève Fioraso, passée de ministre à secrétaire d’État dans le nouveau gouvernement.

Depuis, car les choses avancent lentement, d’autres personnalités – Daniel Cohn-Bendit, par exemple – se sont emparées de cette idée, pour y voir la possibilité d’offrir à Strasbourg une compensation au déplacement du siège du Parlement européen qu’ils appellent de leurs voeux.

Cette idée, vous l’imaginez aisément, est totalement inacceptable aussi bien pour la communauté universitaire et scientifique alsacienne que, bien entendu, pour tous les Alsaciens. Ces derniers réclament qu’un débat soit ouvert avec l’ensemble des enseignants et des chercheurs – les services de l’État communiquant très peu sur le sujet – sur cette université européenne qui semble se construire doucement dans le huis clos inquiétant des bureaux de votre ministère.

Or créer une sorte de zone franche du type de celle qui semble être envisagée, fondée sur l’une des plus importantes communautés scientifiques européennes, avec près de 11 000 chercheurs et 100 000 étudiants, avec des universités de part et d’autre du Rhin dont l’excellence est reconnue dans le monde entier, est une véritable révolution. Peut-être fait-elle frémir à Paris, si bien qu’il semble que la discrétion soit de mise.

Pouvez-vous monsieur le ministre, me donner des précisions sur l’avancée de ce projet et surtout des garanties quant à votre volonté ferme de refuser qu’il constitue une monnaie d’échange contre l’abandon du siège du Parlement européen, que les traités ont fixé à Strasbourg ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, ce projet ne constitue nullement un faux-nez destiné à préparer un repli français. Ce serait d’ailleurs une bien mauvaise manière de justifier un éventuel déplacement du siège du Parlement européen de Strasbourg vers un siège unique à Bruxelles. Cette position n’a jamais été celle de la France.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

La France est attachée au fait que le Parlement européen puisse continuer à travailler à Strasbourg. C’est une position historique que défendent les gouvernements successifs. Moi-même lorsque j’étais parlementaire européen, j’ai toujours défendu cette position.

Que les choses soient claires, le rapprochement entre l’université de Fribourg et celle de Strasbourg ainsi que les projets défendus aussi bien par ce gouvernement que par le précédent, n’ont pas pour objectif de dissimuler je ne sais quelle stratégie en guise de compensation apportée à Strasbourg pour le déplacement de son Parlement. Les locaux seraient du reste bien vastes pour une université !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Je voulais vous rassurer sur ce point, madame la députée. Je m’étonne que les trois représentants de l’Alsace ne m’aient pas posé une question sur la réforme territoriale et l’évolution de la carte rectorale, la question aurait été intéressante,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je l’avais fait en commission, mais je n’ai pas eu de réponse !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

…mais comme je n’ai pas de réponse à ce stade, cela m’arrange.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Tant pour ce qui concerne les initiatives transfrontalières que pour celles qui sont menées à l’intérieur du territoire par le biais des fusions, associations, COMU – communautés d’universités et d’établissements –, la logique à l’oeuvre vise à faire en sorte que l’offre de formation supérieure française soit beaucoup plus attractive, simplifiée, et en situation d’attirer davantage d’étudiants étrangers. On trouve désormais sous la même coupole : universités, centres de recherche, grandes écoles. Le Gouvernement et la secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche soutiennent cette initiative transfrontalière. Si vous la jugez encore trop opaque, je me tiens à votre disposition pour que, dans les semaines ou les mois qui viennent, nous organisions une réunion afin de faire le point sur l’état d’avancement de ce dossier soutenu par le Gouvernement français.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions du groupe UDI, qui seront toutes deux posées par M. Rudy Salles.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord vous interroger sur la professionnalisation des 28 000 auxiliaires de vie scolaire qui oeuvrent à l’inclusion scolaire des enfants handicapés en les accompagnant à l’école. Alors premier ministre, Jean-Marc Ayrault s’était engagé à proposer pour la rentrée 2014 un CDI à ceux d’entre eux qui avaient exercé pendant six ans sous le statut d’assistant d’éducation. Cette décision devait permettre de mettre fin à l’obligation, pour le ministère, de se séparer des AVS après six années de service et de garantir ainsi qu’un AVS ayant accompagné un enfant plusieurs années et s’étant formé au cours de son contrat ne soit pas contraint de quitter ses fonctions prématurément.

La création du statut des accompagnants d’élèves en situation de handicap décidée par le Gouvernement ne répond qu’imparfaitement à ces objectifs. En effet, à la rentrée prochaine, le ministère de l’éducation nationale devrait proposer un CDI aux quelque 3 000 assistants d’éducation travaillant comme AVS depuis six ans. Quant aux AVS en contrat unique d’insertion ou en contrat d’accompagnement dans l’emploi, ils ne pourront, eux, prétendre qu’à un CDD dans un premier temps.

Cette réforme risque par conséquent de créer un statut d’AVS à plusieurs vitesses alors même qu’il était absolument nécessaire de stabiliser la situation professionnelle de tous les accompagnants, qui auraient ainsi vu leur rôle reconnu et valorisé dans l’intérêt premier des enfants les plus fragiles.

J’ajoute que le champ d’intervention de ces futurs AESH devrait être circonscrit à l’école, pendant les temps de classe, alors même que, vous le savez, monsieur le ministre, la question de l’inclusion dépasse largement celle du temps scolaire.

Si le Gouvernement ne revoit pas sa copie, les élèves handicapés seraient exclus des activités périscolaires que votre réforme des rythmes scolaires prévoit de généraliser. Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour corriger ces deux insuffisances majeures et permettre ainsi aux enfants handicapés de bénéficier du meilleur accompagnement possible.

J’en viens à ma deuxième question, qui porte sur la place du numérique à l’école.

Faire entrer de plain-pied l’école dans l’ère du numérique était l’un des objectifs prioritaires du projet de loi pour la refondation de l’école. À travers de nombreux partenariats avec les collectivités territoriales, l’académie de Nice s’était d’ailleurs engagée dans cette démarche depuis de nombreuses années.

Pour autant, dans de nombreux territoires, la fracture numérique demeure une réalité : parmi les 64 300 écoles et établissements du second degré, publics ou privés, répartis sur l’ensemble du territoire national, plus de 16 000 n’ont pas aujourd’hui accès à un haut débit permettant de répondre au développement des usages numériques éducatifs.

Vous avez récemment annoncé un investissement de 5 millions d’euros dans le cadre du plan « France Très Haut Débit » pour la mise en oeuvre opérationnelle du programme « Écoles connectées ». Ce programme, initié par votre prédécesseur, doit permettre à 9 000 établissements scolaires – c’est l’objectif que vous vous êtes fixé – de bénéficier, pour s’équiper, d’une connexion internet haut débit auprès d’opérateurs labellisés par l’État.

Je souhaitais tout d’abord que vous nous fassiez connaître les mesures que le ministère entend prendre pour que l’objectif des 9 000 écoles connectées soit effectivement atteint mais également pour accompagner les établissements dans leurs relations avec les fournisseurs d’accès à internet.

En outre, ce programme s’appuie principalement sur la connexion par satellite, afin d’apporter des solutions aux territoires sur le volet scolaire, sans être contraints d’attendre que les projets de très haut débit complets soient prêts. Pouvez-vous nous confirmer que ces territoires et les établissements scolaires qui s’y trouvent ne seront pas laissés pour compte et bénéficieront, à terme, du plan « France Très Haut Débit » dont l’objectif est une couverture intégrale, principalement en fibre optique, en 2022 ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député Salles, je vous remercie de vos deux questions : même si elles portent sur des sujets en apparence très différents, elles ont un lien car le numérique est l’un des instruments qui facilitent la scolarisation des enfants en situation de handicap, particulièrement ceux qui souffrent de dyslexie ou de dyspraxie.

Il faut rappeler tout d’abord que 239 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans les établissements dépendant du ministère. Leur nombre augmente en moyenne chaque année de 11 %, ce qui traduit l’ampleur de l’engagement de l’école en faveur de leur inclusion en milieu ordinaire. Plus de 60 % d’entre eux présentent des troubles intellectuels et cognitifs ou psychiques. Ces chiffres témoignent de l’effort entrepris par l’école pour mettre en oeuvre la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Le handicap est d’abord pris en compte dans le tronc commun des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Tous les enseignants, de la maternelle à l’université, vont recevoir une formation à la scolarisation des élèves en situation de handicap. C’est une avancée majeure puisqu’elle leur permettra de saisir, d’apprivoiser une altérité alors qu’auparavant, sans formation en ce sens, ils se trouvaient démunis et réclamaient un accompagnement et un meilleur suivi.

Aujourd’hui, nous voulons avoir une approche beaucoup plus qualitative de l’enseignement dispensé aux élèves en situation de handicap et répondre ainsi aux attentes des jeunes et de leurs familles.

J’ai évoqué les outils numériques, qui vont permettre aux élèves dits « dys » – souffrant de dyslexie, de dyspraxie, de dyscalculie, de dysorthographie, de troubles de l’attention – de bénéficier de la mise en oeuvre de nouveaux dispositifs prévus par la loi de refondation de 2013. Le plan d’aménagement pédagogique sera mis en place dès cette rentrée scolaire pour faciliter cela.

Pour aider à la scolarisation en milieu ordinaire, le ministère entend sécuriser les postes d’auxiliaires de vie scolaire. Conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français, le Gouvernement a décidé de reconnaître pleinement et de valoriser le métier qu’accomplissent les AVS. Certains élèves en situation de handicap – 103 000 sur 239 000 – ont besoin d’être accompagnés pour les actes de vie quotidienne – se déplacer, par exemple – ou pour accéder aux activités d’apprentissage. Ainsi plus de 28 000 assistants d’éducation qui exercent ces missions d’accompagnement se verront proposer un contrat à durée indéterminée au terme de six ans d’exercice en CDD. Les personnels recrutés en CDI bénéficieront à terme d’une formation validée par un nouveau diplôme des métiers de l’accompagnement du secteur social. Un vrai métier de l’accompagnement des élèves en situation de handicap est ainsi identifié.

Le décret, les arrêtés et la circulaire sont en cours de finalisation. Les premiers CDI seront proposés aux personnels concernés avant le 30 juin 2014 et 2 400 personnes pourront ainsi être « cédéisées » dès cette rentrée. Par ailleurs, le dispositif de formation pour tous les personnels est mis en oeuvre depuis janvier 2014. L’élaboration d’un nouveau diplôme permettra la mise en place d’une offre de validation des acquis de l’expérience dès 2015.

S’agissant de votre question sur le numérique à l’école, je serai plus bref car il ne me reste plus beaucoup de temps de parole. Nous procéderons en deux phases. L’objectif est non seulement de favoriser le raccordement, mais aussi de développer l’équipement et les ressources pédagogiques numériques qui permettront de lutter contre les inégalités – par exemple, entre élèves en situation de handicap et élèves qui ne le sont pas – et de donner à terme un nouveau statut à l’erreur. Il y a une différence, en effet, entre les erreurs faites sur du papier et les erreurs faites sur une tablette. Les résultats qui ressortent de la généralisation du numérique au Royaume-Uni montrent un impact positif dans l’accompagnement de tous les élèves, notamment ceux qui pouvaient avoir des difficultés en début d’année.

Avec Arnaud Montebourg, à travers le développement de la fibre mais avant, à travers le plan de généralisation du haut débit et du très haut débit, nous allons équiper 9 000 établissements du premier et du second degré, en milieu rural ou non, afin de leur permettre de développer des pédagogies et des équipements qui répondent aux besoins constatés, quel que soit l’endroit du territoire où les élèves étudient.

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Nous en venons aux questions du groupe écologiste.

La parole est à Mme Barbara Pompili.

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Monsieur le ministre, les écologistes sont de fervents soutiens de la réforme des rythmes scolaires : ils considèrent que les journées trop chargées des écoliers sont d’autant plus problématiques que les enfants sont mieux disposés à apprendre le matin ; ils estiment que cette réforme s’articule avec un changement d’approche qu’ils appellent de leurs voeux. Il s’agit de démocratiser l’accès au sport et à la culture, de décloisonner notre vision de l’éducation en créant des continuités pédagogiques entre le temps scolaire et le temps périscolaire et d’avancer vers la co-élaboration des politiques éducatives.

Pour que cette réforme se déploie dans les meilleures conditions possibles – sans faire le jeu des polémiques qui n’ont pas leur place dès lors que l’intérêt de l’enfant est en jeu –, je souhaite appeler votre attention sur quelques points.

Je soulignerai tout d’abord la nécessité de pérenniser le fonds de soutien aux collectivités en complément de l’aide de la CAF ou de trouver un mécanisme de péréquation. Il y va de l’équité territoriale et de la capacité des collectivités à proposer à chaque élève des activités gratuites et de qualité. A contrario, je m’interroge sur l’opportunité de continuer à aider les communes, notamment les grosses communes, qui proposent des activités périscolaires payantes ou une simple garderie.

Nous sommes bien conscients des difficultés qui se posent sur le terrain. Nous devons tout faire pour mieux accompagner les communes qui en ont vraiment besoin – en particulier en zone rurale, mais pas seulement – par un soutien financier et une aide à la mise en place de projets pédagogiques dans le cadre d’un projet éducatif de territoire.

Il importe également, autant que faire se peut, d’éviter de tomber dans la concentration du périscolaire le vendredi après-midi, fausse solution qui ne colle pas aux objectifs de cette réforme.

Enfin, entendons le message d’alerte du Défenseur des droits : il n’est pas acceptable que les enfants handicapés, scolarisés ou non, n’aient pas accès aux activités périscolaires. Nous nous sommes battus pour que la notion d’école inclusive apparaisse stricto sensu dans la loi. Mais, c’est l’éducation tout entière qui doit être inclusive, donc y compris les activités périscolaires. Il faut maintenant que les moyens suivent et surtout que les adaptations, qui s’avèrent parfois nécessaires, ne dénaturent pas l’esprit de la réforme.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Votre question, madame la députée Pompili, me donne l’occasion de faire un point sur la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires et l’expérimentation permise par le décret, qui pourra peut-être intéresser votre assemblée.

Il faut savoir que le recours à ce décret, qui visait à déverrouiller la situation dans les 6 % de communes qui disaient éprouver des difficultés, va se situer bien en deçà de la cible visée puisque moins de 6 % des communes auront recours aux possibilités d’expérimentation qu’il offre. Et encore, le fait qu’elles fassent des annonces en ce sens n’implique pas qu’elles proposent un projet et que celui-ci soit validé. Par ailleurs, l’on peut penser que toutes celles qui l’appliqueront n’utiliseront pas la possibilité du vendredi après-midi. Je veux donc vous rassurer sur l’importance du nombre de communes qui auraient saisi ce décret pour contourner les objectifs de la réforme. De toute façon, je le rappelle, ce sera cinq matins pour toutes les écoles en France, le 2 septembre.

S’agissant du fonds d’amorçage, je veux redire l’engagement du Gouvernement. Ce fonds a vocation à se déployer cette année : il va concerner l’ensemble des communes et tous les enfants, avec 50 euros consacré à chacun, indépendamment du caractère facultatif des activités périscolaires. À un moment où certains maires décident de ne pas organiser d’activités périscolaires, il est bon de rappeler que toutes les communes percevront de ce fonds 50 euros par enfant. À cela s’ajoutent 40 euros par enfant pour les communes éligibles à la « DSU cible » ou à la « DSR cible ». Il faut aussi ajouter les 54 euros versés par la caisse d’allocations familiales quand le projet d’activités périscolaires est validé selon les critères arrêtés par la CNAF. Autrement dit, la somme totale peut aller jusqu’à 144 euros par enfant, ce qui n’est pas rien pour organiser des activités périscolaires dont je redis qu’elles ne sont de la compétence non de l’État mais des collectivités locales.

Le Premier ministre a annoncé qu’à la rentrée 2015, ce fonds serait pérennisé et calibré selon les besoins des communes. L’argent public étant rare, il me paraît légitime qu’à l’aune des efforts réalisés par les communes au cours de l’année scolaire 2014-2015, nous procédions à un tel calibrage. Une fois les arbitrages rendus, je ne manquerai pas de vous tenir informée des décisions prises en ce sens par le Gouvernement.

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Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’effort à accomplir en matière de formation d’enseignants bilingues français-langue régionale et d’ouverture de postes au concours spécial.

En 2013, dans l’académie de Rennes, le nombre d’enseignants recrutés n’a pas suffi à satisfaire les besoins, et plusieurs nouvelles filières bilingues n’ont pu ouvrir faute d’enseignants, notamment à Plouézec et à Auray. Ces projets réunissaient pourtant toutes les conditions requises par la circulaire 2001-167, qu’il s’agisse du nombre d’élèves inscrits, de l’accord de la mairie, des associations de parents ou des enseignants. La création de trois postes supplémentaires pour 2014 au concours spécial pour l’académie de Rennes ne suffira pas à résoudre les problèmes.

Jusqu’à présent, la réponse que nous opposait le rectorat – quand il répondait – était le faible nombre de candidats au concours, qui ne lui permettait pas de satisfaire la demande parentale. Or cet argument n’est plus recevable en 2014 puisque le nombre de personnes inscrites aux concours, toutes filières confondues, a été multiplié par près de trois. Cette importante hausse du nombre de candidats est à mettre, pour une bonne part, au crédit de la politique volontariste menée par le conseil régional de Bretagne, notamment au travers du système de bourses qu’il a mis en place. Il en résulte donc que le nombre de postes offerts au concours de l’enseignement public bilingue peut être multiplié par deux pour résorber le nombre de vacataires, assurer les remplacements et ouvrir les filières nécessaires pour faire face à la demande parentale qui s’exprime.

Pour ce faire, il suffirait notamment de changer la répartition des postes entre le concours de recrutement de professeurs des écoles et le concours spécial bilingue. Ce rééquilibrage est tout à fait envisageable. En 2014, seuls 10,4 % des postes du premier degré public seront affectés au concours spécial, tandis que le reste sera affecté au concours classique.

Par comparaison, en Corse, ce ne sont pas moins de 50 % des postes qui sont affectés au concours spécial. L’effort pour l’académie de Rennes ne serait pas excessif, d’autant que les enseignants bilingues peuvent enseigner aussi bien en classes bilingues qu’en classes monolingues, ce que ne peuvent pas faire les monolingues ; cela facilite donc la gestion du personnel. Cette solution pourrait être utilement agrémentée par la mise en place d’une formation qualifiante de type master permettant aux étudiants de se professionnaliser dans leur métier d’enseignant tout en apprenant la langue régionale.

Dès lors, monsieur le ministre, comptez-vous inciter à la création d’une telle formation et surtout revoir à la hausse le nombre de postes ouverts au concours spécial de recrutement des professeurs des écoles sur l’ensemble du territoire à la prochaine session ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député Paul Molac, concernant la formation des enseignants en langue régionale, je voudrais réaffirmer tout d’abord que l’État n’exerce aucun blocage sur le sujet et ne cherche en rien à détourner les candidats potentiels de ces formations. Il est utile de le réaffirmer car ce n’est absolument pas notre intention de détourner un quelconque candidat, ainsi que les résultats le démontreront, de ces formations et des diplômes afférents. L’État apporte au contraire un soutien significatif à la formation des futurs enseignants en langues régionales pour les treize langues enseignées dans vingt académies, ce que je vais tenter d’illustrer concrètement.

Ce soutien se traduit d’abord par le maintien du nombre de postes ouverts au concours. Concernant le breton – ce n’est pas la seule langue : il y a d’autres concours, comme le catalan, l’occitan, l’alsacien ou le mosellan ; mais je vais m’en tenir au breton –, en 2012, dix-huit postes ont été ouverts au concours, et onze candidats admis ; en 2013, dix-huit postes ouverts au concours, et seize admis ; en 2014, vingt postes ouverts dans le cadre du concours exceptionnel, et dix-neuf admis ; enfin, pour le concours rénové, vingt-deux postes ouverts et vingt-deux admis. Cela signifie que près de quarante et un professeurs des écoles bilingues français-breton ont été reçus dans le cadre de ces concours : la tenue de deux concours explique qu’il y ait eu davantage de candidats et trois fois plus de candidats reçus : c’est logique et arithmétique.

Enfin, l’État a donné consigne pour développer les partenariats entre l’Institut supérieur des langues de la République française, basé à Perpignan, et les écoles supérieures du professorat et de l’éducation de différentes académies, afin de favoriser la présence de ces compétences sur tout le territoire. Je rappelle que le soutien de l’État est de l’ordre de 4 600 euros par étudiant et par an pour les futurs professeurs des écoles. Notre objectif, conformément à l’esprit de la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, est de faire en sorte que le modèle de formation des jeunes souhaitant s’orienter vers l’enseignement en langues régionales leur permette d’obtenir un diplôme national de master sous la responsabilité d’une université.

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Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à Mme Dominique Orliac

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Monsieur le ministre, la carte scolaire est l’outil de la politique volontariste que vous menez en faveur de l’éducation mais, pour être juste, elle doit s’adapter à la disparité de nos territoires. La forte progression démographique de l’aire urbaine de Toulouse a, à elle seule, absorbé l’ensemble des créations de postes de l’académie pour la rentrée 2014. Les départements ruraux de Midi-Pyrénées, comme celui du Lot, ont même dû « cotiser » pour parvenir à un nombre satisfaisant d’élèves par classe sur la métropole.

Si l’intervention de votre prédécesseur, que vous poursuivez, monsieur le ministre, a permis de limiter cette année le nombre de fermetures de classes dans mon département, elle n’a pas apporté de solution pérenne à la problématique de la gestion de l’équilibre entre les zones urbaines et les zones rurales. Bien sûr, c’est une chance que de connaître une telle évolution démographique, mais c’est aussi un réel défi qu’il nous faut relever pour ne pas opposer la métropole au reste de l’académie. Nous devons concilier la gestion de la démographie en milieu urbain mais aussi la gestion de l’espace et de l’éloignement en milieu rural, dans mon département comme dans d’autres. Je pense notamment aux Hautes-Pyrénées et associe d’ailleurs à ma question ma collègue députée RRDP Jeanine Dubié, ainsi que M. Glavany, autre collègue des Hautes-Pyrénées ici présent.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez prouvé que ce gouvernement était capable d’une grande créativité en la matière, à travers l’expérience menée dans le Cantal avec la convention pour un aménagement du territoire scolaire. Vous avez ainsi prouvé qu’il était possible de neutraliser l’effet de la baisse conjoncturelle des effectifs d’un territoire et de lisser sur trois ans l’évolution démographique. Cette solution permet non seulement de sortir du « coup par coup », mais elle permet également de construire, avec la communauté éducative, les parents d’élèves et les élus locaux, un véritable projet de territoire. Monsieur le ministre, entendez-vous élargir ce dispositif à l’ensemble des départements ruraux et pouvez-nous indiquer un calendrier de mise en oeuvre ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, votre question fait écho aux préoccupations de bon nombre d’élus en milieu rural confrontés, en raison d’une carte scolaire vivante qui s’adapte à la démographie scolaire, au traumatisme qu’est parfois la fermeture d’une classe, quand ce n’est pas la fermeture d’une école. Il est particulièrement frappant, sur un dossier comme celui-ci, de constater que lorsque ces effectifs, ces postes d’enseignants quittent le territoire rural pour aller là où on en a le plus besoin, c’est-à-dire là où la démographie scolaire et le nombre d’enfants augmentent, l’ouverture d’une classe est vécue comme normale et naturelle et ne fait l’objet d’aucun commentaire puisqu’elle est la conséquence de l’augmentation de la démographie scolaire, alors que la fermeture d’une classe, même justifiée par une baisse sensible du nombre d’enfants scolarisés, crée des traumatismes – traumatismes que le Gouvernement veut prendre en compte. En effet, les territoires ruraux étant aussi l’objet de phénomènes de désertification économique, de départ ou d’exode de certains services publics, l’impact de la fermeture d’une classe peut être très grand sur le déplacement et la migration des familles, sur le développement du commerce et sur l’avenir de ces territoires.

Permettez-moi cependant de vous rappeler certains chiffres qui illustrent la nécessité d’agir avec équité : les territoires ruraux, en dépit de ce que je viens de dire, ne sont pas les oubliés de l’éducation nationale. Globalement, les académies rurales bénéficient d’un taux d’encadrement nettement plus favorable dans le rapport professeur-élèves que les académies à dominante urbaine. Pour prendre un exemple, ce ratio pour Clermont-Ferrand s’établit à 5,68 contre 5,01 à Lyon : cela montre que le ratio est plus favorable dans les académies à dominante rurale que dans les académies à dominante urbaine.

À l’intérieur des académies, les départements ruraux ont également des taux d’encadrement nettement plus favorables que les départements à dominante urbaine : ainsi, dans l’académie de Toulouse, la Haute-Garonne et le Tarn-et-Garonne, qui gagnent plusieurs centaines d’élèves, ont un taux d’encadrement très faible, justifiant l’attention du Gouvernement à l’endroit de ces départements.

Je compléterai ma réponse plus tard car je constate que je dépasse mon temps de parole. Je précise toutefois qu’il existe une expérimentation dans le département du Cantal. Sous certaines conditions que je préciserai ultérieurement, j’envisage de reproduire ailleurs cette expérimentation, sous réserve de l’engagement des élus locaux sur le moyen et le long terme, qui me semble tout à fait déterminant.

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Voilà une ouverture très louable de votre part !

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Monsieur le ministre, l’ascenseur social est en panne. D’après l’OCDE, en France, seuls 38 % des jeunes adultes issus des classes moyennes ou défavorisées suivent des études supérieures. Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le fossé entre les enfants des milieux aisés et ceux des milieux modestes n’a été aussi grand. Dans la récente étude « Génération quoi ? », 61 % des jeunes interrogés estiment que l’école ne récompense pas le mérite et, pire, ne donne pas leur chance à tous. Pourtant, nous devons relancer l’ascenseur social. L’Institut d’études politiques de Paris nous a montré l’exemple en réservant des places pour des jeunes issus de lycée en ZEP, au travers des conventions d’éducation prioritaire. Après dix ans d’expérience, près de mille étudiants de classes moyennes ont intégré cette prestigieuse école. Mais quel ne fut pas mon étonnement de voir que, parmi les cent lycées partenaires, il n’y avait aucun lycée de l’Aisne, département ô combien défavorisé, aucun lycée de ma circonscription – et pourtant le lycée Jean-de-La-Fontaine, classé en ZEP, compte un grand nombre d’élèves boursiers : ils n’ont pas accès à ce dispositif !

Au-delà de cet aspect, monsieur le ministre, osons généraliser le système à toutes les formations soumises à concours, écoles d’ingénieurs et de commerce, Normale Sup, facultés de médecine… N’écoutons pas les mauvaises langues qui nous diront que de tels dispositifs seraient nuisibles aux résultats : ce qui est possible pour Sciences Po Paris et Bordeaux doit l’être pour les autres écoles. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas réserver 15 % des places de toutes les formations post-bac soumises à concours aux enfants boursiers issus de lycées en ZEP ?

L’instruction et l’espoir sont les meilleures barrières contre l’extrémisme. Jean de La Fontaine nous le rappelait dans L’ours et l’amateur des jardins : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ; mieux vaudrait un sage ennemi. »

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député Krabal, je suis extrêmement sensible à votre question sur l’ascenseur social, tout comme le sont, j’imagine, l’ensemble des parlementaires dans cet hémicycle. On évoque souvent la lutte contre les inégalités ; je me remémore une phrase de Simone Weil, selon laquelle l’égalité à l’école sera réelle non pas quand un fils d’ouvrier deviendra cadre, mais quand un fils de cadre choisira l’enseignement professionnel parce qu’il décide de devenir ouvrier, considérant que cette filière est aussi noble que les filières générale et technologique.

Nous avons la volonté de faire fonctionner l’ascenseur social en permettant notamment aux jeunes boursiers et aux élèves issus des zones les plus défavorisées d’accéder à l’enseignement supérieur. Je voudrais en dire quelques mots. Vous regrettez que, dans la liste des cent lycées référents avec lesquels Sciences Po Paris a un partenariat, ne figure pas de lycée de votre département. S’il appartient aujourd’hui à Sciences Po de fixer cette liste, je veux cependant vous dire que nous sommes en passe d’atteindre l’objectif assigné aux grandes écoles d’accueillir jusqu’à 30 % d’élèves boursiers. Cela montre que le travail de ciblage des élèves boursiers, donc issus de familles modestes, est en train de donner des résultats, permettant une plus grande mixité des publics et des populations qui s’inscrivent dans les cycles jusqu’ici très sélectifs de nos grandes écoles : il y a là incontestablement un progrès.

Je veux en outre souligner le fait que, alors que 50 % de nos bacheliers sont issus des filières technologiques et professionnelles, la loi relative à l’enseignement et à la recherche, qui a fixé des contingents dans les IUT et les BTS pour accueillir des bacheliers issus de ces deux filières, a permis une augmentation significative de la proportion d’élèves s’inscrivant en BTS et suivant ces formations d’enseignement courtes qui sont issus de l’enseignement professionnel. Cela démontre que la poursuite des études que nous avons voulue dans le cadre du bac pro, notamment dans les territoires défavorisés, est rendue davantage possible qu’auparavant : il y a là un progrès qui va dans le sens des préoccupations qui sont les vôtres.

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Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

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Monsieur le ministre, lors du débat sur la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, j’avais fait part de mon opposition à l’orientation qui la sous-tendait : mettre l’université et la recherche sur les rails de la seule compétitivité. Or, les difficultés engendrées par cette loi, combinées aux conséquences de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, la loi LRU, se font sentir. Je veux ici parler des regroupements entre universités, opérés à marche forcée. Fortement incitées à concevoir leurs projets en fonction de leur capacité à concourir aux appels à projets d’investissement d’avenir, et non de leur utilité scientifique et pédagogique, les universités se voient aujourd’hui contraintes à ces regroupements. Ceux-ci s’inscrivent dans un modèle d’enseignement supérieur et de recherche à deux vitesses, où des universités de recherche intensive à dimension mondiale coexisteraient avec des universités de taille régionale, établissements de seconde zone chargés du seul cycle de licence et déconnectés de la recherche.

La coopération utile et fréquente entre universités risque de se trouver désormais pilotée par des regroupements soumis aux restrictions budgétaires, Mme la secrétaire d’État ayant annoncé une réduction des moyens de 1,6 milliard d’euros entre 2014 et 2017. La précipitation à l’oeuvre pour y procéder génère de fortes inquiétudes chez les personnels et les étudiants, comme en témoignent les mobilisations des prochains jours. La logique territoriale qui les guide n’est pas pour nous rassurer au regard de la prochaine réforme territoriale et des conséquences qu’elle risque d’avoir sur le lien entre les régions et l’enseignement supérieur et la recherche.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si vous comptez entendre le CNESER et les syndicats de l’université, qui demandent tout simplement un moratoire dans la mise en oeuvre des regroupements, permettant de retravailler les structures et les modalités de coopération des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, vous évoquez l’engagement des universités à se regrouper, sous différents statuts, sous des formes dont vous regrettez qu’elles donnent trop de place à la recherche de la compétitivité des pôles universitaires et de leur mise en concurrence avec les universités américaines, anglo-saxonnes, européennes. Aussi, je veux vous apporter quelques précisions.

Au moment où les principaux traits du nouveau paysage universitaire et scientifique s’affirment et où les questions qui y ont trait alimentent le débat public, ce qui est privilégié, à travers ces regroupements universitaires, est la coordination territoriale.

Comme vous le savez, c’est au début des années 90 que naissent, sous l’impulsion de Lionel Jospin, les premiers regroupements, sous la forme de pôles européens d’enseignement supérieur et de recherche puis, de manière plus institutionnelle, sous la forme des PRES, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Les PRES ont contribué à déployer une culture de la coopération qui manquait parfois dans un monde universitaire et scientifique souvent cloisonné et dispersé, voire atomisé. Mais ils ne pouvaient être qu’une étape dans la recherche de synergies mieux adaptées aux défis d’aujourd’hui.

Plus que jamais, la mutualisation est un atout pour l’offre de formation et pour la réussite des étudiants. Notre ambition dans ce domaine est de conduire 50 % des jeunes de chaque génération jusqu’au niveau de la licence. Et nous pensons que c’est aussi un atout pour ce qui concerne le rayonnement de la recherche. Dès lors que cette nécessité est reconnue et affirmée dans la loi, il fallait la traduire rapidement.

Comme vous le savez, la loi est très claire et prévoit trois modalités de regroupement : la fusion, la mise en place d’une COMUE, Communauté d’universités et établissements, ou l’association autour d’un établissement. Je tiens à le souligner, aucun de ces choix ne doit être imposé. Ce serait contraire à la culture universitaire. La loi ne produira d’effet que si les acteurs de terrain se l’approprient et l’incarnent, et donc si les choses sont décidées au plus près des territoires. Pour avoir discuté avec plusieurs présidents d’université, je peux vous dire que lorsque les questions de gouvernance ont été posées avant les questions de projet universitaire ou de projet de recherche, les regroupements ont été systématiquement beaucoup plus difficiles. Là où les logiques de projet, de coopération territoriale ont primé sur les questions de gouvernance, ils ont été plus faciles.

Ainsi, les COMUE représentent la plus grande part des vingt-cinq regroupements prévus à ce jour : près de vingt. Ce qui les caractérise, c’est leur diversité. Malgré quelques résistances locales, souvent parisiennes, on observe partout le même souci de respecter l’esprit de la loi tout en construisant des regroupements en phase avec la spécificité de chaque territoire.

À ce jour, nos services ont été destinataires de quinze projets de statut des COMUE sur vingt attendus, dont six sont d’ores et déjà finalisés. Les sites ayant fait le choix d’une organisation fondée sur une association à un établissement chargé de les représenter ont, de par la loi, encore un an pour finaliser les conventions d’association, mais les discussions sur les cinq sites concernés sont d’ores et déjà très avancées.

Nous portons une attention toute particulière aux projets ambitieux mais complexes qui s’étendent sur plusieurs régions. Nous accompagnons également les quelques projets parisiens qui peinent à aboutir, dont celui qui concerne l’université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis, où j’ai été moi-même enseignant, qui, dans le cadre d’un regroupement Paris Lumières, pourrait s’associer avec l’université de Paris 10. Enfin, nous portons une attention spécifique aux territoires ultramarins.

Madame la présidente, je vous remercie de votre grande indulgence.

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Monsieur le ministre, vous devez entendre la déception et la colère des enseignants, des parents et de l’ensemble des acteurs de l’éducation : la réforme des rythmes éducatifs ne permet pas de répondre aux aspirations de nos concitoyens à une éducation ambitieuse pour leurs enfants. Malgré l’engagement des habitants des communes, des élus, de l’ensemble des acteurs de l’éducation et du loisir éducatif, nous ne pouvons trouver une manière satisfaisante de l’appliquer.

Le chantier de la réflexion sur les temps éducatifs doit être rouvert dans une clarification des spécificités et des fonctions de chaque espace, dans le dialogue et la négociation avec l’ensemble des acteurs.

Nous en sommes convaincus, l’école de la réussite de tous doit se faire durant le temps scolaire obligatoire assuré par l’éducation nationale. C’est la condition de l’égalité sur tout le territoire. Votre réforme des rythmes favorise au contraire la territorialisation de l’éducation et porte en elle l’accroissement des inégalités entre les communes, et donc entre les enfants du pays. Elle installe la confusion entre les missions du service public d’éducation nationale et celles du périscolaire, la concurrence entre les enseignants et les animateurs, le tout au détriment de la qualité de l’éducation apportée à nos enfants. Elle fait du temps périscolaire un substitut aux heures d’écoles supprimées par la droite. Or les loisirs éducatifs sont un domaine spécifique, différent de l’éducation scolaire.

En outre, sur ce plan du loisir éducatif, la réforme des rythmes entérine les inégalités entre les communes, d’autant qu’elle arrive à l’heure où une austérité renforcée est imposée à ces dernières, avec la baisse de leurs dotations. C’est pourquoi nous vous demandons de ne pas imposer la réforme des rythmes à la rentrée 2014…

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…et, au minimum, de pérenniser les aides de l’État pour toutes les communes.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, si je vous écoutais, si nous ne généralisions pas la réforme des rythmes scolaires à la rentrée prochaine, nous accéderions à la revendication de certains en faveur du libre choix, ce qui entraînerait une vraie territorialisation de l’éducation nationale. Si nous laissions faire cela, les inégalités n’en seraient que plus grandes demain. Je récuse cet argument de la territorialisation de l’éducation nationale au moment même où j’annonce la généralisation d’une réforme et des principes posés par les décrets de janvier 2013 et de mai 2014 pour organiser les nouveaux temps scolaires.

La réalité, c’est que l’école a trop souvent été l’objet de changements en fonction des intérêts des adultes et pas assez de ceux des enfants.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

La vraie rupture avec cette réforme, c’est que ce ne sont plus les intérêts des adultes qui priment sur l’intérêt des enfants.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Ce n’est vraiment pas facile à mettre en oeuvre, mais cessons d’instrumentaliser ce qui nous arrange ! Ce n’est pas votre cas, monsieur le député, mais c’est ce que j’ai pu entendre dans la bouche de parents d’élèves ou d’enseignants.

Que nous disent les enseignants des 4 000 communes qui ont mis en place la réforme des rythmes scolaires dès 2013 ? À titre personnel souvent, ils n’y étaient pas très favorables, car cela les mettait parfois dans une situation d’embarras pour ce qui est de l’articulation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Toutefois, en dépit de cela, ils reconnaissent qu’il y a un vrai bénéfice, incontestable, pour les enfants, notamment ceux qui rencontraient des difficultés. C’est à partir de ces retours d’expérience que nous allons construire les formations à l’endroit de toutes les communes où nous allons généraliser la réforme des rythmes scolaires.

Pour ces raisons, je continuerai, et tout le Gouvernement avec moi, non à m’arc-bouter mais à défendre avec conviction cette réforme, même si je tiens compte de certains des arguments que vous avez pu évoquer. Je répète que le fonds d’amorçage pour les communes qui connaissent les plus grandes difficultés sera pérennisé. Toutefois, je précise que la frontière entre bonne et mauvaise mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires ne s’est pas établie entre communes riches et communes pauvres. Il y a des communes pauvres où l’organisation de l’activité périscolaire est très performante en raison d’un projet éducatif vivant, et des communes riches qui, parce qu’elles n’y avaient pas travaillé avant, se retrouvent parfois un peu plus démunies.

Quoi qu’il en soit, et indépendamment du volet périscolaire, les élèves gagneront à passer un matin de plus dans la classe devant leur professeur. Tous ici, nous avons travaillé soit le mercredi matin, soit le samedi matin. Et l’on voudrait pour nos enfants ce que nous n’avons pas subi ? Travailler quatre jours fait de la France le pays le plus exotique d’Europe et de l’OCDE. Il était temps de mettre fin à cette forme de singularité. Je pense qu’à la fin de l’année 2014-2015, nous reparlerons des bénéfices de la réforme des rythmes scolaires pour tous les enfants de la République.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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Monsieur le ministre, je vous invite, malgré la passion qui vous anime, à respecter « tendanciellement » votre temps de parole de deux minutes.

Sourires.

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Nous en venons aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Hervé Féron.

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Monsieur le ministre, la réforme de la formation des enseignants est l’un des leviers de la réussite de notre système éducatif. Elle est indispensable pour redonner de l’attractivité au métier d’enseignant en France, qui souffre d’une image très négative, due notamment aux salaires peu élevés par rapport aux années d’études requises. Les salaires de nos enseignants sont en effet parmi les plus faibles des pays de l’OCDE, et ils reculent depuis 1995.

Cette dépréciation du métier d’enseignant a empiré sous l’ancienne majorité, avec la réforme de mastérisation de la formation en 2010, qui a contribué à décourager les vocations. En plus de la suppression des IUFM, les études ont été prolongées de trois à cinq ans après le baccalauréat et l’année de stage a été supprimée. De jeunes enseignants débutants se sont ainsi retrouvés sans formation face à des classes, au détriment de la qualité de l’enseignement dispensé aux enfants.

Pour remédier à cette situation de désaffection du métier d’enseignant, la loi sur la refondation de l’école du 8 juillet 2013 va dans le sens d’une formation plus diversifiée et professionnalisante. Les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, créées à la rentrée 2013, doivent favoriser l’entrée progressive dans le métier, en réintroduisant notamment une véritable formation en alternance en deuxième année de cursus.

Or, six mois après la création des ESPE, des interrogations se font jour. Au mois de janvier dernier, les représentants du groupe interministériel de pilotage des ESPE ont fait part de nombreuses difficultés rencontrées sur le terrain : résistance d’universités vis-à-vis des ESPE, manque de moyens financiers et de locaux, absence de certains types d’enseignement, dont la philosophie, dégradation des conditions de travail des formateurs.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement entend agir pour que la réforme de la formation des futurs enseignants, qui passe par les ESPE, réussisse pleinement, afin que le métier d’enseignant retrouve in fine toute l’attractivité qu’il devrait avoir auprès des jeunes diplômés ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, la réforme entamée cette année est d’ampleur : nous avons en effet remis l’acte professionnel au coeur de la formation et du processus de recrutement. Il n’est pas anodin d’enseigner tous les matins devant une classe car, derrière vingt-quatre élèves, quel que soit leur âge, il y a vingt-quatre personnes, avec des histoires, des trajectoires, des atouts, des handicaps, des talents. Il est donc nécessaire de maîtriser ces gestes professionnels qui font de vous un bon enseignant, autrement dit quelqu’un qui sait transmettre, et pas simplement quelqu’un qui sait tout court – qui maîtrise la discipline dans laquelle il s’est formé.

Les trente ESPE ont été créées au 1er septembre. Bien sûr, ces nouvelles structures ont dû non seulement mettre en oeuvre les principes de la réforme mais aussi réconcilier des partenaires – ex-IUFM, universitaires des UFR, rectorats, professionnels de terrain – qui s’étaient éloignés depuis quelques années. Elles ont retrouvé leur attrait auprès des jeunes puisque nous avons pu constater un accroissement de 30 % des effectifs en entrée de cursus et 25 000 inscriptions dans le master « métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation », donc un accroissement du vivier dans lequel nous allons recruter les futurs enseignants. Cela montre bien que les ESPE ont eu un impact sur l’attractivité du métier d’enseignant. C’est aussi l’un des paris de ce Gouvernement, et il est en passe d’être gagné.

Sur les 60 000 emplois créés pour la refondation de l’école de la République, vous le savez, plus d’un tiers seront consacrés à la réforme de la formation. C’est un investissement majeur. Dès l’année prochaine, il nous faudra poursuivre notre effort et engager la deuxième phase de la réforme, avec l’arrivée des 22 000 fonctionnaires stagiaires du concours rénové et des stagiaires du concours exceptionnel de 2014. Pour cela, les recteurs que j’ai encore rencontrés avec les inspecteurs d’académie ce matin ont reçu des instructions permettant de prévoir des tutorats mixtes avec les ESPE.

Ici ou là, il a pu y avoir des problèmes : toutes les académies ne sont pas identiques, tous les sites universitaires non plus. Néanmoins, grâce à l’investissement de toutes les équipes sur le terrain, que je tiens à féliciter ici solennellement, grâce au travail des directrices et directeurs d’ESPE et grâce à l’accompagnement des recteurs et des directions générales, cette première année a permis à tous ces jeunes de se présenter aux concours dans de bonnes conditions.

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Monsieur le ministre, ma question porte sur la réforme de l’éducation prioritaire. La détermination du Gouvernement à replacer l’éducation au coeur de l’action publique est totale. Elle se poursuit aujourd’hui avec la refondation de l’éducation prioritaire.

Lors de votre déplacement à Douai la semaine dernière, vous avez rappelé la nécessité de réformer l’éducation prioritaire, afin que le poids des inégalités sociales cesse de compromettre trop lourdement la réussite scolaire des enfants. Engagée en janvier, cette réforme se veut plus transparente, avec la prise en compte de critères objectifs, et plus mobilisatrice, puisqu’il s’agit de rassembler tous les leviers de la réussite, au premier rang desquels bien évidemment les équipes éducatives.

Vous le savez, ces équipes mènent un travail pédagogique innovant dans les réseaux Éclair – Écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite – et RSS – réseau de réussite scolaire. Cette valeur ajoutée doit être prise en compte dans les futurs réseaux. Comme c’est le cas à Bagneux, ville de ma circonscription, les résultats obtenus sont bons. Ils doivent donc être encouragés.

Je m’interroge donc sur la possibilité pour les équipes de poursuivre leur engagement, dans la mesure où le passage d’un réseau Éclair en REP+ n’est pas systématique. Sous quelles conditions un réseau Éclair peut-il se maintenir en REP+ et un réseau RSS en REP ? En cas de sortie des réseaux REP+ et REP, quelles garanties sont-elles prévues pour que le travail mené puisse se poursuivre ? Comment maintenir une continuité pédagogique qui porte ses fruits ? Dans quelles conditions travailleront les équipes pédagogiques éducatives ? Par ailleurs, si un quartier n’est plus situé en zone prioritaire après la réforme de la politique de la ville, le réseau qui s’y trouve devra-t-il quitter l’éducation prioritaire ?

Pour finir, permettez-moi une remarque sur la méthode : il me semble très important que les équipes de terrain puissent connaître les résultats de la consultation qui a eu lieu il y a quelques mois, afin, entre autres, de mieux appréhender les choix qui seront opérés.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, vos questions sont importantes et j’aimerais être très précis. Nous allons proposer une nouvelle carte de l’éducation prioritaire qui distinguera deux types de réseaux : REP+, là où existent les plus grands besoins, et REP. Ces réseaux associeront collèges et écoles. Comment allons-nous construire cette nouvelle carte, qui concentrera les moyens sur ces réseaux d’éducation prioritaire de façon qualitative – j’insiste sur ce point – et quantitative ? À partir d’un nouvel indicateur social indiscutable, fondé sur quatre critères : le taux de boursiers, le nombre d’élèves vivant en zone urbaine sensible, les CSP des familles et le nombre d’élèves détectés en retard en classe de 6e.

À partir de cet indicateur, nous construirons une politique de l’éducation prioritaire qui concentre les moyens. Elle comprendra du temps supplémentaire pour les enseignants, afin qu’ils puissent se consacrer à des projets collectifs, un régime indemnitaire plus favorable et trois jours supplémentaires de formation continue.

Avant tout, nous voulons fonder la politique de l’éducation prioritaire sur une appréciation plus juste des besoins. Cela ne signifie pas qu’un territoire sorti d’un zonage de la politique de la ville le sera automatiquement de la politique d’éducation prioritaire. Cela ne veut pas dire non plus que les territoires qui sortiront de cette nouvelle carte de l’éducation prioritaire, parce qu’ils obtiennent de meilleurs résultats par exemple, qu’ils sortent de leur situation de relégation, ne seront pas pris en compte par le Gouvernement : nous avons prévu un dispositif sur trois ans, sous la forme d’une clause de sauvegarde des indemnités des enseignants et d’un maintien des moyens, qui permettra de lisser les conditions de sortie de ces établissements des politiques prioritaires.

Voilà ce que sera la politique du Gouvernement dans ce domaine. Elle ne manquera pas de s’appuyer sur la concertation avec les élus de terrain. Ces derniers seront très vite, dans les semaines qui viennent, contactés par les rectorats pour valider nos propositions en matière de REP et REP+.

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Monsieur le ministre, je voudrais poursuivre la discussion entamée par Mme Orliac sur l’élaboration de la carte scolaire en milieu rural. Le constat est spectaculaire : nous créons 10 000 postes par an dans le primaire, c’est un choix politique majeur et un marqueur fondamental de la gauche, mais nous continuons à supprimer des postes en milieu rural. Pourquoi ? En raison de ce ratio PE qui est l’alpha et l’oméga du raisonnement de votre administration, que je ne me permettrais pas de critiquer. Mais l’application uniforme de ce ration sur l’ensemble du territoire fait faire des bêtises, en passant à côté des spécificités des territoires.

J’ai eu l’occasion d’expliquer à certains de vos fonctionnaires que, dans le département de Seine-Saint-Denis, où il est évidemment nécessaire de créer des postes, aucune commune ne se trouve sans école ; chez moi, la moitié d’entre elles sont dans ce cas. En Seine-Saint-Denis, aucune commune n’a d’école à une seule classe ; chez moi, elles sont 20 %. En Seine-Saint-Denis, le transport scolaire n’excède jamais une demi-heure quotidienne ; chez moi, il est fréquent, notamment en montagne, que les temps de transport soient bien plus importants.

Nous comprenons très bien que les nouveaux postes soient réservés aux zones urbaines, comme à Toulouse par exemple, mais nous voulons que la spécificité des zones rurales soit prise en compte. Vous avez fait allusion, dans votre réponse à Dominique Orliac, à ce qui s’est fait dans le Cantal, où votre prédécesseur a mis en oeuvre ce que j’appelle la « jurisprudence Cantal » : la suppression des postes y a été bloquée pour trois ans, période servant à réaliser un travail de fond sur la carte scolaire en milieu rural.

Cette « jurisprudence Cantal » doit être étendue à l’ensemble des départements ruraux qui le souhaitent, monsieur le ministre, à condition qu’ils accomplissent ce travail. Pourriez-vous préciser le calendrier et les conditions dans lesquelles cela pourrait se faire ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, je vais tenter d’être précis. Vous évoquez les différences entre votre département et la Seine-Saint-Denis, mais sans ignorer que les démographies de ces départements sont très différentes et que la population de la Seine-Saint-Denis ne cesse de croître. Cela nécessite d’y concentrer les moyens, de façon à ce que l’école gratuite et obligatoire demeure un service public partout sur le territoire français. Ce n’est pas pour autant qu’il faut balayer d’un revers de la main les problématiques que vous avez évoquées, notamment la question des temps de transport, qui se pose avec davantage d’acuité dans un département comme le vôtre que dans d’autres départements plus urbains.

Ce que vous appelez la « jurisprudence Cantal » est une convention signée par le département du Cantal, la rectrice de Clermont-Ferrand et l’association des maires de France. Elle prévoit l’accompagnement par l’ensemble des acteurs – élus locaux et autorités académiques du réseau des écoles – de la restructuration, en échange de la neutralisation de la baisse des effectifs pendant trois ans. Les élus locaux s’engagent ainsi à créer des regroupements pédagogiques, à faire diminuer le nombre des écoles comptant de une à trois classes et à mettre en place des réseaux pédagogiques adossés à des collèges pour renforcer la continuité entre l’école et le collège.

Dans ce cadre, l’éducation nationale aide les acteurs locaux à développer dans des écoles relevant de besoins similaires des dispositifs pédagogiques qui permettent de répondre au besoin de scolarisation : accueil des moins de 3 ans dans les zones rurales de montagne ou à environnement social défavorisé, principe « plus de maîtres que de classes » en éducation prioritaire.

Le ministère est prêt à étendre ce dispositif à d’autres départements qui souhaiteraient engager un travail de restructuration du réseau des écoles. En contrepartie de propositions d’évolution du réseau des écoles, avec des regroupements pédagogiques ou une adaptation de la carte scolaire aux réalités du territoire par exemple, tout ou partie des fermetures de postes liées à la démographie pourrait être ainsi redistribué aux territoires.

Je prends donc l’engagement de reproduire l’expérimentation du Cantal, sous réserve d’un engagement de la part des collectivités et d’une discussion département par département – le cas échéant le vôtre, monsieur le député.

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Ce n’est pas « le cas échéant », monsieur le ministre, c’est sûrement !

Sourires.

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Monsieur le ministre, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République prévoit des moyens nouveaux, comme la formation des enseignants ou du temps mis à la disposition des élèves et des équipes éducatives, mais aussi la mise en place d’un parcours d’éducation artistique et culturelle.

Construire le citoyen de demain, ce n’est pas seulement augmenter son savoir et lui apprendre les règles de la vie commune, c’est aussi développer sa part sensible et son potentiel créatif. Nul ne doit négliger l’importance de l’art et de la culture comme moyen d’éveil et de connaissance du monde.

Cette ambition engage non seulement l’école, mais toute la communauté éducative, à travers les partenariats locaux entre l’État et les collectivités territoriales. Ce parcours doit permettre aux jeunes élèves de rencontrer des artistes, de mener avec eux des projets dans la durée, de découvrir des lieux de création, de partager avec leurs enseignants une approche complémentaire à l’enseignement courant et de mobiliser les familles. En outre, en faisant appel à des artistes locaux, elle permet de les valoriser.

Il est important que cette ambition s’inscrive dans les projets éducatifs territoriaux. La circulaire du 3 mai 2013 commune aux ministres de la culture et de l’éducation sur l’éducation artistique et culturelle, priorité pour la jeunesse, est mise en avant dans la circulaire de rentrée 2014. Ce parcours d’éducation artistique a été mis en oeuvre progressivement depuis la rentrée 2013 pour assurer une complémentarité entre les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires. Il repose sur le partenariat avec l’ensemble des équipes d’un territoire. Une application informatique a permis de suivre le parcours des élèves dans plusieurs académies et la formation des enseignants se développe dans ce sens.

Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, l’avancée de ces dispositifs dans les académies qui les ont mis en oeuvre ? En cette fin d’année scolaire, existe-t-il un premier bilan des actions menées ? Comment envisagez-vous la généralisation à l’ensemble des académies ?

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, je vais bientôt remettre, avec le Président de la République, le prix de l’audace, qui s’inscrit justement dans le cadre de cette ambition de l’éducation artistique et culturelle. La cérémonie devant se tenir dans un quart d’heure, ma réponse sera rapide !

Le Conseil supérieur des programmes me présentera au mois de septembre un projet de référentiel du parcours d’éducation artistique et culturelle. Ce parcours sera l’occasion de faire travailler ensemble ministère de l’éducation nationale, collectivités locales, ministère de la culture, associations et professionnels et institutions du monde artistique et culturel.

Pour réussir, nous devons mobiliser toutes les ressources susceptibles de soutenir la mise en place de ces parcours. Les ressources numériques constituent, à l’évidence, un puissant appui et un outil de diffusion incomparable, notamment pour les élèves les plus éloignés des lieux culturels.

Le bilan de l’année écoulée a montré des avancées sur plusieurs points importants, comme le renforcement des partenariats entre académie, DRAC et collectivités territoriales. De la même manière, l’expérimentation « Folios », outil de suivi numérique, a montré des développements intéressants. Il s’agit de favoriser la mise en oeuvre du parcours d’éducation artistique et culturelle et du parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel, en proposant durant l’année 2013-2014, à titre expérimental et pour des établissements volontaires, un support numérique du type « portefeuille de compétences ». Folios rend ainsi lisible et visible, de manière durable, leur parcours aux élèves et leur permet de disposer de jalons dans la construction de projets professionnels et personnels. Elle offre aussi un support aux politiques éducatives dans le domaine de l’orientation et de l’éducation artistique et culturelle pour tous. L’application est en cours d’expérimentation dans sept académies. Les premiers bilans font état de la satisfaction des élèves et des enseignants.

Il y a aussi Éduthèque, un portail d’accès gratuit à des ressources pédagogiques numériques libres de droits émanant des établissements publics culturels et scientifiques, à destination des enseignants du premier et du second degré, qui vise à offrir une offre numérique, culturelle et scientifique la plus large possible. De la même manière, un guide de l’éducation artistique et culturelle à destination des enseignants, qui facilite le montage de parcours en sollicitant tous les partenaires, a été développé de façon à accompagner les enseignants dans leurs projets et à répondre aux initiatives des élèves.

Telles sont les initiatives prises l’an passé et qui devraient se prolonger cette année. Et j’attends évidemment beaucoup des propositions du Conseil supérieur des programmes, sur lesquelles je rendrai un arbitrage au mois de septembre.

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Monsieur le ministre, les élèves de Seine-Saint-Denis ont été parmi les plus durement touchés par la politique de suppression de postes dans l’éducation menée par la droite lorsqu’elle était au Gouvernement. Aujourd’hui encore, les effets de cette politique se font durement ressentir, particulièrement sur la question des remplacements.

Même si les absences d’enseignants non remplacés ont été moins nombreuses cette année que la précédente, elles restent insupportables pour les élèves, leurs parents et les équipes. Quand des élèves de primaire doivent rester chez eux parce qu’un enseignant n’est pas remplacé, quand des élèves du second degré se retrouvent pour plusieurs semaines sans enseignement de mathématiques ou d’histoire-géographie, c’est la continuité même du service public qui est remise en cause. Certaines associations de Seine-Saint-Denis ont estimé qu’à l’échelle d’une scolarité, les non-remplacements pouvaient représenter jusqu’à une année d’enseignement manquante.

L’inquiétude concernant la prochaine rentrée est d’autant plus forte en Seine-Saint-Denis que la démographie dans les établissements scolaires continue d’augmenter de façon très importante. Le conseil général et le conseil régional ont pris leurs responsabilités : pour y faire face, cinq nouveaux collèges et un lycée ouvriront leurs portes.

Tous les niveaux seront concernés par cette poussée démographique. Pas moins de 2 400 élèves supplémentaires sont attendus dans le primaire dès la rentrée prochaine. Il est nécessaire de tenir compte de cette situation particulière lors de l’attribution des moyens afin de continuer à développer l’accueil des enfants de moins de 3 ans et le dispositif « plus de maîtres que de classes ». Cela étant, monsieur le ministre, un tel dispositif n’a pas beaucoup de sens si l’on n’est pas capable d’assurer la base, c’est-à-dire de placer un enseignant en face des élèves, et les familles ne comprennent pas une telle politique.

Je sais que vous êtes attaché au principe d’égalité territoriale, monsieur le ministre. Je sais que, face au double phénomène de la poussée démographique et de la situation catastrophique laissée par la droite, vous prendrez en compte les besoins particulièrement importants de la Seine-Saint-Denis pour préparer la rentrée dans les meilleures conditions. Quelles sont vos intentions pour permettre à mon département de faire face à cette montée démographique et quelles mesures concrètes et immédiates pouvez-vous prendre pour assurer les remplacements ? En d’autres termes, je voudrais que vous m’apportiez une réponse de court terme pour l’année prochaine et une sorte de plan de rattrapage sur le quinquennat !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, les moyens consacrés en Seine-Saint-Denis aux remplacements dans le premier degré se sont dégradés durant les dix années précédant notre arrivée aux responsabilités, afin de maintenir les seuils d’ouverture de classe dans un contexte de diminution d’emplois constant. C’est donc près de dix années de dégradation continue du nombre de remplaçants que notre majorité a dû combler en 2012 : il fallait déjà de rattraper le retard accumulé avant d’améliorer la situation et de résoudre le problème des remplacements.

L’incapacité de remplacer convenablement les maîtres absents est d’ailleurs apparue de manière particulièrement criante et socialement insupportable au cours de l’année 2012-2013, où le nombre moyen d’enseignants non remplacés a battu les records.

C’est pour renverser cette tendance qu’à la rentrée 2013, de nouveaux moyens ont été attribués à l’académie et au département. C’est ainsi que sur les 150 nouveaux postes créés dans le département, 60 ont été dédiés aux remplacements et 16 à la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Cet effort a été poursuivi à la rentrée 2014, dans la mesure où sur les 147 emplois supplémentaires, 40 furent des postes de remplacements, avec dix postes pour la scolarisation des moins de trois ans, neuf pour le dispositif « plus de maîtres que de classes » et quatre accompagnants d’élèves en situation de handicap.

En deux ans, pas moins de 100 emplois sur 295 ont donc été consacrés aux brigades de remplacement. Si des efforts ont déjà été consentis pour rattraper le gouffre laissé par la majorité précédente, je conviens qu’il doit être poursuivi spécifiquement en Seine-Saint-Denis afin de répondre non seulement aux besoins en remplacements mais, comme vous le constatez également, à ceux liés à la hausse démographique de ce département, à la scolarisation des enfants de moins de trois ans, à l’éducation prioritaire et au dispositif « plus de maîtres que de classes ».

Nous devons conforter les brigades de remplacement sans altérer pour autant les objectifs que nous nous sommes fixés afin de lutter contre les inégalités, notamment dans les zones d’éducation prioritaire, grâce à une scolarisation plus précoce, avant trois ans, et au dispositif « plus que de maîtres que de classes », dont les effets et les bénéfices pédagogiques sont aujourd’hui incontestables et remarqués, en particulier dans votre territoire.

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La séance de questions au ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche est terminée.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.

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L’ordre du jour appelle les questions au ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

Nous commençons par les questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Charles de Courson.

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Monsieur le ministre de l’économie, vous avez annoncé le 17 mai votre volonté de faire de Paris « la capitale européenne du crowdfunding ». Le 28 mai dernier, vous avez présenté lors du conseil des ministres l’ordonnance, publiée le 30 mai, réglementant le financement participatif. Vous avez voulu cette réglementation « au meilleur niveau international pour permettre le développement de ce secteur qui a pris du retard en raison d’une réglementation inadaptée ».

Nous ne pouvons que saluer les initiatives qui favorisent l’esprit d’entreprendre. Vouloir faire émerger des champions français de la révolution numérique est une ambition respectable. Pour autant, le fait que ces activités se développent dans le monde de l’Internet nous oblige à rester vigilants. La protection du consommateur, de l’épargnant, de l’investisseur, de l’emprunteur, de toutes les personnes qui interviennent dans ces modes de financement assez spécialisés ne doit pas être dégradée.

Or, différentes études montrent que le financement participatif est source de risques voire d’escroqueries comme, hélas, beaucoup d’activités humaines. On peut citer l’étude de l’Université de Pennsylvanie The Dynamics of Crowdfunding : An Exploratory Study, de Ethan R. Mollick, qui, après avoir analysé plus de 48 500 projets de l’une des premières plates-formes de financement participatif, l’entreprise américaine Kickstarter, qui a recueilli plus de 237 millions de dollars de dons, note que 75 % des produits proposés dans le cadre de ces souscriptions sont délivrés avec retard ou même totalement abandonnés.

Ma question, monsieur le ministre, porte sur trois aspects. Premièrement, qui contrôlera les plates-formes de financement participatif : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’Autorité des marchés financiers ou d’autres institutions ? Deuxièmement, comment la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sera-t-elle assurée ? Enfin, pouvez-vous nous garantir, monsieur le ministre, que nos concitoyens disposeront, en s’adressant à ces nouveaux acteurs, des mêmes droits, sécurités, garanties et recours que ceux dont ils bénéficient pour leurs opérations d’épargne et de financement dans le circuit traditionnel ?

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La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Je vous remercie, monsieur le député, pour ces questions. Nous sommes en train d’innover, en France : nous avons fait le choix de stimuler le financement participatif, par les citoyens, de l’économie.

Vous savez la place prépondérante qu’a occupée le monopole bancaire en France en matière, entre autres, de financement des entreprises. Alors qu’aux États-Unis, le rapport s’établit à 65-35 en faveur du marché, c’est l’inverse en France : 65-35 en faveur du système bancaire. Il est évident que l’épargne en France est extrêmement bien drainée. Notre économie a l’un des meilleurs taux d’épargne au monde. Nos encours d’assurance vie sont très élevés, mais ils ne se dirigent pas vers l’économie française. Nous avons donc décidé, par des techniques en cours de constitution et dont un certain nombre figuraient déjà dans la loi bancaire, notamment le financement participatif, dit crowdfunding, d’innover et d’amener les citoyens à devenir copropriétaires de leurs entreprises, c’est-à-dire à investir selon les règles du circuit court, directement de l’épargnant à l’entrepreneur, en évitant l’intermédiation.

Vous évoquez les risques : il y en a toujours. On ne saurait vivre que dans la crainte, on peut aussi décider d’accepter la part du risque, l’échec et l’audace.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Nous avons d’ailleurs tenu compte de ces risques puisque nous avons fait le choix, dans l’ordonnance du 30 mai – les décrets correspondants doivent être publiés avant le 14 juillet – de limiter le niveau d’investissement. S’agissant des risques de blanchiment, les règles d’identification sont les mêmes que pour toute autre transaction : il faut déterminer d’où vient l’argent et où il va. En outre, les autorités prudentielles exerceront leur mission de contrôle, comme le fait par exemple l’Autorité de contrôle des risques prudentiels en matière de crédits. Pour ce qui est des investissements, c’est l’Autorité des marchés financiers qui fixera les règles déontologiques.

Il ne s’agit pas d’alourdir, mais de préserver. Nous avons trouvé un bon équilibre, mais nous en reparlerons à l’usage et nous ferons évoluer les règles en fonction des problèmes rencontrés.

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Monsieur le ministre, le numérique s’impose comme une filière incontournable du développement économique. Vous en avez d’ailleurs fait l’une de vos cinq priorités stratégiques en matière d’investissements d’avenir.

Des consultations ont été lancées afin d’évaluer l’opportunité d’utiliser l’open data dans le domaine de la santé. Cela aurait un effet bénéfique, à plusieurs titres. En termes scientifiques, d’abord, les chercheurs disposeraient ainsi de banques de données beaucoup plus riches, alimentées et consultées par les centres de recherche et permettant de dynamiser la recherche et d’intensifier les échanges entre experts.

Ensuite, ce serait un véritable levier économique, surtout en termes de compétitivité. Ainsi, les États-Unis ont lancé voici quelques années un programme de recherche de séquençage du génome humain qui a donné lieu à un investissement de l’État, aux côtés de laboratoires, de 4 milliards d’euros, et qui a généré un chiffre d’affaires de 67 milliards d’euros pour l’économie américaine tout en permettant de créer plus de 300 000 emplois.

L’innovation technologique qu’est l’open data constitue donc incontestablement une véritable chance en matière de développement. D’autres pays européens comme la Suède ou le Royaume-Uni en explorent d’ailleurs les possibilités.

L’open data, monsieur le ministre, nous offre en outre l’occasion d’améliorer notre système de santé publique, sur lequel on s’interroge, mais aussi de mieux prévenir les maladies et de renforcer la connaissance du comportement des patients. L’accès aux données récoltées par l’assurance maladie, très riches et, à mon sens, encore insuffisamment utilisées, permettrait encore d’améliorer la qualité des soins, de perfectionner le pilotage de notre système de santé, d’en réduire le coût et, peut-être, d’éviter des dysfonctionnements tels que celui du Mediator que nous avons connu récemment.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : quelle est votre feuille de route en la matière, puisque vous avez fait du numérique un plan stratégique ? L’État explorera-t-il dans les prochaines semaines la piste de l’utilisation de l’open data dans le domaine de la santé ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Vous avez raison, monsieur le député, d’indiquer qu’il s’agit là d’une question stratégique. Nous avons une dizaine de plans industriels qui s’appuient sur le numérique. Ils nous permettent d’apprivoiser la révolution numérique pour en faire une chance et un atout, plutôt qu’un handicap.

Le débat sur les données de santé est nécessaire, et il est aussi de nature éthique et déontologique. Le 21 novembre 2013, le ministère des affaires sociales et de la santé a donc lancé un débat qui s’appuie sur une commission pluridisciplinaire dont les membres, nommés par le ministère, comprennent plus de quarante personnalités issues du monde de la santé, de l’open data et de l’innovation numérique. Il porte sur la question de l’open data en matière de santé, c’est-à-dire la mise à disposition gratuite de l’ensemble des citoyens de données sous format ouvert et librement réutilisables. Vous avez raison d’en indiquer les conséquences bénéfiques, pourvu que le périmètre exact de l’utilisation des données et les conditions dans lesquelles elles peuvent être exploitées soient parfaitement définis. C’est précisément ce cadre qui fait l’objet de la discussion interne au ministère.

La commission a tenu sa dernière réunion le 27 mai 2014 et fera état de ses positions dans un rapport attendu dans le courant du mois. La traduction législative de ces préconisations aura lieu à l’occasion de la loi sur la santé, qui sera débattue en septembre prochain.

Voilà où nous en sommes. Ce débat très important n’est pas seulement de nature économique, il concerne également l’exercice des libertés. D’autres pays ont ouvert la voie : à nous de les rattraper.

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Ma question, monsieur le ministre, porte sur la place que l’on entend accorder aux chambres de commerce et d’industrie dans le soutien aux entreprises. Le 28 mai 2013, l’État a signé avec les CCI un pacte de confiance et de performance qui s’inscrivait dans une logique positive permettant à chacun d’examiner les points forts et les dysfonctionnements du système. Les réseaux de chambres de commerce sont donc très surpris et s’inquiètent vivement de constater que le budget pour 2014 prévoit une baisse de 20 % de leurs ressources fiscales.

La question de pose dès lors de la place que l’on veut accorder aux chambres de commerce, et de l’analyse sur laquelle cela repose. Quelle place voulons-nous accorder à la création d’entreprises et au soutien qui leur est apporté ? Quelle place voulons-nous accorder à toutes celles et à tous ceux qui, en France, doivent être motivés et soutenus lorsqu’ils créent des richesses ?

Nous pouvons en outre saisir cette occasion pour nous interroger sur les synergies à trouver au sein du réseau lui-même, par exemple à l’échelle départementale ou régionale, ou bien avec d’autres réseaux comme ceux des chambres de métiers et des chambres d’agriculture. La mutualisation des moyens permettrait en effet à chacun d’exister, à l’État de procurer des financements dans les meilleures conditions, et aux entreprises et à leurs créateurs de trouver auprès de ces réseaux le soutien qu’elles attendent dans les conditions économiques difficiles que nous connaissons.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Les chambres de commerce et d’industrie ne sont pas à l’abri des efforts que la nation tout entière est sur le point d’accomplir. Les collectivités locales, l’État, les Français font tous un effort. Il n’y a donc aucune raison pour que les chambres de commerce et d’industrie n’en fassent pas, d’autant qu’elles sont financées par des prélèvements qui pèsent sur les entreprises. Leur restituer ces prélèvements, qui permettent aux chambres de commerce de disposer d’un budget confortable, ne me paraît donc pas exagéré.

Il faut trouver le bon équilibre. C’est le sens de la discussion que vous demandez. Nous l’avons engagée, dans le but de ne pas porter atteinte aux fonctions vitales des chambres de commerce. La première de ces fonctions est la formation : à une époque où l’apprentissage est trop faible, nous devons défendre ces appareils de formation sur le terrain que sont les CFA, lesquels sont d’ailleurs très bien gérés par les chambres de commerce. J’ai dit aux représentants des chambres de commerce et d’industrie de France que nous souhaitions préserver cette fonction.

Autre fonction vitale : les délégations de service public, concernant par exemple les ports, les infrastructures ou encore les aérodromes. Là aussi, les chambres de commerce jouent un rôle très important sur le territoire.

Pour le reste, les fonctions dites de support ne doivent-elles pas subir une cure d’amaigrissement ? Toutes les entreprises font cet effort ! L’État le fait également ! Vous-même, monsieur le député, si votre collectivité rencontrait des difficultés financières, seriez attentif à vos frais généraux. Pourquoi ne pourrions-nous donc pas demander aux chambres de commerce et d’industrie de faire ce que font tous les Français ? Il n’y a d’ailleurs pas vraiment de débat sur ce point. Nous devrions pouvoir nous entendre.

Quant aux services rendus aux entreprises, je rappelle que, sur le terrain, les entrepreneurs font preuve d’une solidarité instinctive. Ce ne sont pas les chambres de commerce et d’industrie qui la font vivre, c’est plutôt le syndicalisme professionnel, qui fonctionne, et l’entraide, valeur de la République, qui s’observe tant parmi les salariés que parmi les cadres et les entrepreneurs. En clair, les acteurs de terrain sont parfaitement capables d’échanger des expériences et n’ont nul besoin d’un milliard et demi d’euros pour ce faire !

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Il y a quelques jours, j’alertais le Gouvernement sur la situation d’un secteur certes non industriel, mais essentiel pour notre économie : les services à la personne. Il rassemble 2,2 millions de professionnels qui agissent sur l’ensemble du territoire et améliorent les conditions de vie de 4,5 millions de familles en leur apportant une aide essentielle dans leur vie quotidienne, qu’il s’agisse des soins à domicile, des gardes d’enfants ou encore du soutien scolaire.

Vous connaissez l’attachement de notre groupe à ce sujet et l’action conduite par Jean-Louis Borloo en la matière. Hélas, depuis votre arrivée au pouvoir, monsieur le ministre, votre majorité, et notamment le parti socialiste, n’a pas cessé, ne le prenez pas mal, de fragiliser ce puissant secteur créateur d’emplois. Les statistiques attendues pour la fin du mois de juin ne sont guère meilleures que celles des derniers mois.

Il y a quelques jours, votre collègue M. Eckert me répondait ici même au sujet de mesures simples à mettre en oeuvre dès maintenant afin de relancer le secteur, à commencer par un allégement des charges sociales de deux euros qui permettrait a minima de compenser l’augmentation de 12 % du coût du travail liée à la suppression des deux dispositifs majeurs du secteur, l’un en 2011, il est vrai, mais l’autre en 2013. Un tel choix pragmatique n’aurait que peu d’effet sur les finances publiques, et générerait même sans doute des ressources pour l’État vu la très forte élasticité de ce secteur face à toute nouvelle exonération.

Nous savons bien que vous êtes très attaché à l’emploi, monsieur le ministre. Quelle est donc à ce jour la position du Gouvernement concernant la relance du secteur des services à la personne ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Vous avez raison, monsieur le député, de souligner auprès du Gouvernement, qui en est parfaitement informé, les problèmes liés aux services à la personne, comme l’aide à domicile. Ce secteur concerne notamment de très nombreuses personnes dont les revenus sont modestes.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Ces personnes ont besoin d’une aide à domicile, notamment les personnes âgées en situation de dépendance. Je suis élu de la ruralité depuis dix-sept ans, et je sais à quel point le rôle joué par les associations d’aide à domicile en milieu rural est fondamental. Ce sont précisément ces dispositifs qui ont été remis en cause. Je pourrais aussi vous parler de l’aide à domicile des enfants : la garde d’enfants donne lieu à un phénomène de solidarité qui, depuis les quartiers urbains jusqu’aux plus petits hameaux, repose sur l’aide à domicile.

La justice et l’objectivité m’obligent à dire, monsieur le député, que c’est sous la majorité que vous souteniez que les premières mesures défavorables ont été prises. Elles ont provoqué une chute brutale du travail à domicile et de nombreuses pertes d’emploi, ainsi que la recrudescence, correspondante ou non, du travail au noir, qui en est la conséquence.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

La majorité actuelle et le Gouvernement auquel j’ai l’honneur d’appartenir ont ensuite supprimé la possibilité de cotiser au forfait, ce qui a renforcé les droits sociaux et les droits à le retraite de l’ensemble des salariés à domicile mais qui, dans le même temps, a renchéri le coût de l’heure de travail dans ce secteur.

Nous sommes conscients du problème, monsieur le député, et cherchons la mesure de rectification adaptée. Vous conviendrez qu’il faut savoir reconnaître les erreurs commisses par soi-même comme par ses prédécesseurs.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Nous ferions ainsi oeuvre utile dans l’intérêt du pays et de la lutte contre le chômage.

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Nous en venons aux questions du groupe écologiste. La parole est à M. Paul Molac.

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Monsieur le ministre, avec Marie-Anne Chapdelaine et Hervé Pellois, je souhaiterais vous interpeller sur le sort de l’usine PSA Peugeot Citroën de La Janais, dont le ralentissement de la production a des conséquences importantes sur les sous-traitants du bassin d’emploi. Ces derniers représentent près d’une dizaine de milliers d’emplois, dont un nombre conséquent dans ma circonscription. Notons d’ailleurs que l’impact des restructurations récentes a été plus important pour les sous-traitants les moins bien identifiés, surtout les PME et les TPE, que pour ceux qui avaient une relation plus directe avec l’usine.

Je relaye aussi l’inquiétude des salariés de l’usine PSA et de ses sous-traitants qui se demandent comment trouver des activités temporaires d’ici à la production d’un nouveau véhicule, prévue pour 2016, alors qu’une demi-équipe vient d’être supprimée ce mois-ci. Les salariés croient pourtant dans le projet sur lequel la direction de PSA s’est engagée à cet horizon : ils demandent seulement à disposer de garanties à long terme.

Or, avec mes collègues parlementaires, nous avons été surpris d’entendre certains propos tenus par M. Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën, lors de son audition le 21 mai dernier par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Il a en effet déclaré ceci : « Le coût d’approvisionnement de l’usine, excentrée à l’ouest du pays par rapport à notre bassin d’approvisionnement, plutôt centré dans l’est, n’est pas du tout compétitif. Il nous faut ensemble trouver des solutions astucieuses de pontage logistique qui permette de ne pas pénaliser cette usine ».

De ce fait, M. Tavares pose notamment le problème de la périphéricité, qui a une incidence sur la compétitivité du site de La Janais, pourtant loin d’être à la pointe bretonne.

Il faudra donc, avec les différents acteurs, veiller au maintien de cette compétitivité afin de garantir l’emploi à Rennes et dans tout son bassin d’activité. Rappelons que c’est avec la décentralisation du groupe PSA, intervenue dans les années soixante, que l’industrie automobile est devenue très importante pour la vitalité de nos territoires ruraux.

Monsieur le ministre, on connaît votre combat contre les délocalisations d’usines françaises à l’étranger. Des inquiétudes se profilent aujourd’hui contre des recentralisations de l’activité industrielle, au sein du territoire français. Comme le disait M. Tavares, il nous faut trouver des solutions qui permettent de ne pas pénaliser les usines éloignées des centres de consommation et de production. Dès lors, monsieur le ministre, comptez-vous agir, de concert avec nos fleurons industriels, dont fait partie PSA Peugeot Citroën, afin d’assurer leur présence sur l’ensemble des territoires, excentrés ou pas ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur Molac, votre question me donne l’occasion de rappeler les engagements pris par PSA depuis que le groupe est passé sous le contrôle conjoint de l’État et de Dongfeng, chacun à hauteur de14 % du capital, amenant la famille Peugeot à ne conserver, elle aussi, que 14 % du capital.

Il y a aujourd’hui une sorte d’alliance pour amener PSA à une meilleure fortune, car cette entreprise a été en difficulté. Elle a perdu beaucoup d’argent et elle en perd encore. Nous devons la ramener à la rentabilité sans porter atteinte à notre base industrielle française.

Des engagements ont été pris et signés dans un accord de compétitivité négocié et signé par les organisations syndicales et la direction de l’entreprise, à l’automne 2013, sous le nom de « nouveau contrat social » : augmentation de la production en France, pour atteindre un million de véhicules produits en France en 2016 – nous sommes de quelques centaines de milliers d’unités en dessous de ce chiffre ; 1,5 milliard d’euros d’investissements industriels supplémentaires dans les usines françaises pour la période 2014-2015 ; affectation d’un nouveau modèle dans chacune des usines terminales en France entre 2014 et 2016 ; maintien à 75 % en 2016 de la part de la recherche développement réalisée en France.

Le site de La Janais produit actuellement la 508 et la C5. Dans le cadre de cet accord, l’affectation des véhicules successeurs a été annoncée pour un investissement de 90 millions d’euros. Cet engagement donne au site de La Janais une visibilité sur son activité jusqu’en 2022. Les engagements ont été pris. Lorsque M. Tavares est devenu le directeur général de PSA – je rappelle que le président est M. Louis Gallois –, il a rappelé le maintien des engagements.

Faut-il travailler sur la sous-traitance ? La réponse est oui. Car s’agissant de l’acier, de l’automobile, les plates-formes sont dans le nord-est. Mais il n’est pas interdit de travailler usine par usine pour augmenter la compétitivité. En tout cas, l’État veille à ce que la base industrielle « France » soit soutenue, préservée et mieux développée. Cela fait partie de l’accord de compétitivité signé par les organisations syndicales.

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Monsieur le ministre, en 2013, j’interpellais le ministre de l’économie de l’époque sur les intentions du Gouvernement quant au maintien du taux de TVA réduit pour les activités d’élevage.

En janvier dernier, suite à une décision de la Commission européenne, la France a adapté la fiscalité des activités équestres, complexifiant et augmentant ainsi les taux de TVA. Cette nouvelle TVA soulève une vive inquiétude des acteurs des différentes branches de cette filière agricole dynamique, qui comprend de nombreuses TPE en milieu rural.

En ce qui concerne les centres équestres, par exemple, le bulletin officiel des impôts expose cinq taux différents, ce qui complexifie considérablement le calcul des charges pour les propriétaires. En outre, à ce jour, la méthode de ce calcul n’a toujours pas été validée par les services fiscaux. Or il y a urgence, car les nouveaux clients des centres équestres attendent les tarifs pour les stages d’été et les inscriptions de la rentrée.

Autre branche touchée, le secteur du tourisme équestre, qui ne peut appliquer l’équivalent de ce qui pourrait être éventuellement envisagé pour les centres équestres. Ce secteur a fait des propositions, comme celle de considérer les activités de tourisme équestre comme des activités de transport, ce qui leur permettrait de bénéficier d’une TVA à 5,5 %.

Je terminerai en soulignant que par-delà la complexité introduite pour les acteurs, le problème de cette TVA est qu’elle risque, à terme, de renchérir le coût d’une pratique en voie de démocratisation et d’en écarter une partie d’un public aux revenus modestes.

Le Gouvernement s’est engagé à renégocier la directive TVA au niveau européen : rappelons à cet effet que seule une fiscalité adaptée et simplifiée permettra la survie de la filière.

Ainsi, dans un contexte de questionnement pour une filière dans le flou, je vous interroge, monsieur le ministre : comment comptez-vous permettre aux entreprises de ce secteur de maintenir l’emploi de cette filière équine et de ses différentes composantes ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député, je vous invite à poser la question au secrétaire d’État chargé du budget, qui s’occupe des questions de fiscalité.

Je ne veux pas répondre par personne interposée. La mise en oeuvre de ces taux pose problème. C’est une question épineuse, qui a provoqué contentieux sur contentieux dans le cadre de l’Union européenne. Il ne serait pas raisonnable d’ouvrir ce débat ici, car je n’ai pas les moyens de vous répondre dans de bonnes conditions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Jacques Krabal.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, le groupe GEA emploie 18 000 salariés dans le monde. À Château-Thierry, 350 personnes y travaillent, réparties en quatre segments spécialisés dans la production d’équipements agricoles à forte valeur ajoutée. Certains ont moins de cinquante salariés, ils sont juridiquement indépendants, mais liés les uns aux autres par leurs activités. Les compétences développées localement ont permis à ce groupe d’être très compétitif sur son segment de marché.

Cela étant, le directeur de l’unité GEA Farm Technologies annonce brutalement le transfert de la production vers la filiale du groupe Royal de Boer, installée au Pays-Bas. Après l’information de la construction d’une usine en Chine, vous comprendrez que cela suscite des interrogations et des inquiétudes pour les employés et pour les élus.

Nous savons que ces transferts d’activités envisagés préfigurent souvent des délocalisations et des fermetures d’usines. L’État, comme les collectivités locales et les salariés, ne saurait être mis devant le fait accompli, sans explications. C’est pourquoi nous vous avons sollicité pour organiser une rencontre avec les responsables de ce groupe dans les meilleurs délais. Ce rendez-vous ne semble pas couler de source et pourrait même nous être refusé. Je tiens à souligner ici, monsieur le ministre, la disponibilité de vos collaborateurs et la réponse très rapide qu’ils nous ont fournie.

Il y a quelque chose de profondément inique à voir des entreprises très rentables quitter votre territoire en mettant au chômage leurs salariés, pour revenir y vendre la production qu’elles ont transférée dans une filiale. Vous comprendrez ma réticence à mettre en oeuvre des dispositifs – tels que le CICE ou la diminution des charges – pour les grands groupes et les multinationales, qui les transforment trop souvent en dividendes supplémentaires versés aux actionnaires, plutôt que de maintenir ou développer l’emploi.

En effet, la financiarisation de l’économie voit sa logique se généraliser pour être à l’oeuvre dans toutes les entités productives de notre société. Il est inadmissible de constater cette forme de chantage au déménagement qu’exercent nombre d’entreprises sur le terrain.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous puissiez nous indiquer les dispositifs que vous comptez mettre en oeuvre pour empêcher ces pratiques qui, tant qu’elles restent possibles, semblent freiner notre redressement productif et notre capacité à réduire le chômage.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député, la sous-préfète de votre arrondissement a reçu avec vous le dirigeant du site de GEA à Château-Thierry. C’est un site spécialisé dans la branche traite manuelle, et ce marché est un peu en difficulté au regard des robots de traite laitière.

Ce sur quoi nous sommes d’accord, monsieur le député, c’est qu’aucune décision n’est prise à ce jour. Il y a une réflexion en cours au niveau européen, pour rapatrier la production sur le site en Hollande. Ce n’est donc pas un site à bas coût ; il s’agit plutôt d’une restriction des capacités de production.

Nous souhaiterions connaître l’état d’esprit du groupe au plan européen. Nous allons prendre contact avec eux et accompagner l’entreprise pour faire en sorte que les décisions soient les moins désagréables possible pour la France – c’est ce que nous faisons en toutes circonstances.

Les entreprises acceptent de discuter, dès lors qu’on met les problèmes sur la table et qu’on cherche à les résoudre ensemble. Elles apprécient même que l’État ne joue pas les abonnés absents, car elles ont intérêt à continuer leur développement. Cette méthode, que nous avons mise en oeuvre avec les commissaires au redressement productif, et avec la cellule restructuration de mon cabinet, est une méthode éprouvée avec laquelle nous avons obtenu des résultats positifs.

Certes, il y a parfois des échecs – qui n’échoue pas ? –, mais il est tout à fait possible de trouver des points d’accord avec des entreprises, surtout lorsqu’elles connaissent des difficultés. C’est à nous de trouver les moyens de les surmonter avec elles.

Monsieur le député, nous vous donnerons, au prochain rendez-vous les informations nécessaires, comme nous le faisons traditionnellement avec les élus des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ainsi que vous le savez, le groupe Altia est aujourd’hui en difficulté.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

En effet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a deux ans, Altia était pourtant la meilleure offre pour sortir Caddie du redressement judiciaire. L’objectif était double : sauver Caddie et diversifier Altia, qui avait eu une croissance externe et à bas prix dans l’industrie lourde et les pièces automobiles.

Quand un groupe est en difficulté, a fortiori un groupe comme Altia, les salariés et les élus s’inquiètent. Mais nous avons, nous, trois autres bonnes raisons de nous inquiéter. Nous avons d’abord vécu le vrai-faux rapprochement avec GMD, puis l’aventure Transatlantic : cinq usines – 720 personnes –, vendues en avril et déjà à revendre aujourd’hui, avec une première réponse demain.

Nous avons ensuite vécu, dans ma circonscription, sur le site de Cusset, alors appelé Applifil, une tentative de délocalisation sauvage, que nous avons empêchée d’abord physiquement, puis politiquement, avec le gouvernement de l’époque, celui de Lionel Jospin.

Nous avons enfin appris la nomination, par l’État, d’un nouveau directeur général d’Altia qui avant, est passé chez Anovo, Chapitre ou Thomas Cook…

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelle est la stratégie envisagée par l’État pour ce groupe ? Pouvez-vous nous indiquer clairement la ligne qui sera suivie quant à un éventuel plan social ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur Charasse, nous connaissons très bien Altia, parce que ce n’est pas la première fois qu’elle rencontre des difficultés.

S’agissant des sites industriels, dont certains vous sont familiers, vous évoquez les filiales emboutissage, qui ont été placées en redressement judiciaire. Notre choix, dans cette procédure collective, est d’organiser une reprise par des dirigeants capables de redresser l’entreprise. Nous faisons en sorte que, s’agissant des activités hors emboutissage, des capitaux soient injectés. C’est ce qu’a fait la Banque publique d’investissement.

Il s’agit, pour la BPI, d’exiger certaines contreparties. D’abord, les fonds apportés en obligations convertibles sont à la main de la Banque publique d’investissement. Les dirigeants en place abandonnent tous leurs mandats sociaux. La BPI dispose d’une majorité au conseil d’administration d’Altia et les administrateurs restants ne pourront pas mettre leur veto au processus de redressement qui est en oeuvre.

Nous avons donc pris nos responsabilités, et nous agissons de sorte que ce groupe, qui est important pour l’industrie française, du fait de ses technologies, de ses savoir-faire et de ses implantations industrielles, fasse l’objet d’une solution de sortie avec un certain nombre de savoir-faire. Nous avons demandé à des managers de crise, qui connaissent ce type de difficultés, d’être au rendez-vous pour redresser cette entreprise, afin que nous ayons désormais un avenir assuré, serein et pacifié autour des sites industriels d’Altia emboutissage et hors emboutissage.

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Nous en venons aux questions du groupe GDR.

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

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Madame la présidente, monsieur le ministre, comment faire redémarrer la croissance sans contribuer à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ? Comme l’affirme un récent rapport de l’OCDE, une diminution de 50 % de l’écart hommes-femmes en termes de taux d’activité devrait aboutir à une hausse du taux de croissance du produit intérieur brut par habitant de 0,3 %. On peut, sans dénaturer le propos, dire que la relance de notre économie nécessite une politique publique de lutte contre les inégalités hommes-femmes en matière de salaire et d’accès à l’emploi. Envisager la question de l’égalité sous l’angle de son efficacité économique n’est pas une approche courante mais elle n’en mérite pas moins que l’on s’y arrête. En effet, il existe d’énormes différences quantitatives et qualitatives entre les emplois des hommes et ceux des femmes.

En matière de quantité, l’accroissement du taux d’emploi des femmes demeure une priorité du programme national de réforme pour 2013 de votre ministère, monsieur le ministre, mais il n’en reste pas moins défini comme un sous-objectif. Pourtant, si le taux d’emploi des femmes de vingt à soixante-quatre ans était de 65 % en 2012, l’inactivité des femmes vivant en zone urbaine sensible est supérieure de 20 % à celle des hommes. Dans ces quartiers, moins d’une femme sur deux dispose d’un emploi. En termes de qualité, 30 % des femmes travaillaient à temps partiel en 2011 contre 7 % des hommes, soit un doublement en vingt ans. De même, 27 % des emplois occupés par les femmes sont considérés comme non qualifiés contre 14 % des emplois occupés par des hommes, alors que les filles sont plus diplômées que les garçons. Tout cela constitue autant d’éléments qui pèsent sur les inégalités en termes de salaires, donc de retraite et de pouvoir d’achat. Aussi souhaité-je connaître, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez prendre pour favoriser le progrès de l’égalité des femmes au travail en vue de la reconnaissance de leurs droits et de la relance de notre économie.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Autant la TVA sur les activités équestres ne concerne que le ministre du budget, autant l’égalité hommes-femmes est un sujet qui concerne tous les ministères. Je vais donc vous répondre, madame la députée, car j’ai fait moi-même le constat dans l’industrie, dans l’économie très productive comme dans l’industrie innovante, que les métiers féminins ne vont pas de soi. Souvent, les emplois féminins sont des emplois considérés comme subalternes et non pas des emplois de direction ou d’entraînement. Nous avons là un premier problème. Le second, ce sont les déséquilibres et les discriminations entre les niveaux de salaire. Vous évoquez l’analyse par de nombreuses organisations internationales des bénéfices qu’apporterait une application plus marquée et plus universelle de l’égalité salariale dans l’économie française. Certains mouvements, particulièrement dans les économies anglo-saxonnes, ont démontré que l’on peut espérer des gains de croissance considérables de l’égalité hommes-femmes. D’ailleurs, les États-Unis et le Japon ont inscrit ce que l’on appelle les « womenomics » au coeur de leurs stratégies de croissance.

Vous avez évoqué, madame la députée, le programme national de réforme. Il ne m’est pas indifférent, car je suis chargé de le mettre en oeuvre. Nous avons fait, avec Najat Vallaud-Belkacem, beaucoup de choses. Il faut continuer et intensifier l’effort. L’emploi des femmes est l’un des objectifs de la réforme du congé parental et du plan crèches. Surtout, nous voulons promouvoir l’entrepreneuriat féminin. Aujourd’hui, 30 % seulement des nouvelles entreprises sont dirigées par des femmes et 10 % seulement dans les secteurs de l’innovation. Nous sommes très en retard par rapport à nos voisins. Nous voudrions donc, et tel est selon moi le rôle du leadership politique mais aussi économique, montrer l’exemplarité des expériences de direction féminine d’entreprise.

Je mène moi-même ce travail lorsque je me rends dans les entreprises. Il n’est pas rare de voir une ou deux femmes au milieu de cinquante à cent hommes, auxquels je dis alors : « Vos filles qui grandissent, messieurs, les encouragez-vous à embrasser ce métier dont vous êtes si fiers et dans lequel on fait travailler ses mains et donc sa tête, car c’est cela aussi, le travail sur la matière ? » En 2014, année de la mixité des métiers, un certain nombre de mesures ont été prises. Nous stimulons, dans la France industrielle, le soutien à l’entrée des femmes dans des métiers traditionnellement considérés comme masculins. Nous soutenons l’entrepreneuriat par des fonds de garantie à l’initiative de femmes soutenant l’entrepreneuriat féminin. En outre, 5 000 accords ou plans ont été déposés auprès de l’administration pour l’application des lois d’égalité. Bref, nous vivons dans une société en mouvement qui doit poursuivre son chemin ! Tel est l’esprit dans lequel nous travaillons. Si vous avez des idées supplémentaires, madame la députée, je suis preneur !

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Madame la présidente, monsieur le ministre, les actionnaires et les banques qui financent l’économie se servent grassement. Certains économistes estiment que le surcoût du capital équivaut à une ponction annuelle de 130 milliards d’euros. Cette charge financière ne cesse d’augmenter. Elle représentait en effet 30 % des profits avant 1981 contre 90 % aujourd’hui. Elle pèse lourdement sur les salaires, l’emploi et l’investissement. Que produisent exactement les actionnaires ? Rien ! Ils ont simplement le privilège de posséder de l’argent quand d’autres n’ont que leur travail pour vivre. François Hollande disait que la finance est son ennemi et il me semble qu’il le dit encore. Certes, la BPI a été mise en place, mais elle n’a pas le caractère d’établissement public de crédit, elle ne peut se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, et sa dotation est insuffisante. Il faut mettre en place un mode de financement alternatif aux marchés financiers et aux banques privées.

Si la taxe de 3 % sur les dividendes versés a été votée, elle n’empêche pas leur versement. Ainsi, la distribution des dividendes au sein du CAC 40 a augmenté l’année dernière de 6 %, quand bien même les profits diminuaient de 8 % ! Il faudrait une taxation bien plus forte ! Le rapport Gallois pour l’industrie proposait de taxer les rachats d’actions, mais cette idée n’a jamais été suivie d’effet. La solution juste pour libérer la production est de s’attaquer à la rente. Baisser la rémunération des capitalistes de 130 milliards d’euros, monsieur le ministre, cela représente quatre fois le montant de votre pacte de responsabilité injuste et inefficace. Notre pays a ainsi largement les moyens d’augmenter les salaires et l’emploi sans perte de compétitivité, puisque telle est votre obsession. Il y a quelques minutes, ma collègue Marie-George Buffet vous a parlé de la situation des femmes salariées. Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour réduire le coût parasitaire du capital ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Je tombe d’accord avec vous, monsieur le député Jean-Jacques Candelier, que le prix du capital dans l’économie productive peut devenir un problème. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons créé la Banque publique d’investissement, dont l’objectif est de promouvoir un capital moins gourmand et plus patient. Plus patient, c’est-à-dire qui ne demande pas des résultats à court terme ; moins gourmand, c’est-à-dire qui n’exige pas une rentabilité excessive et qui accepte, comme dirait le Prix Nobel d’économie M. Stiglitz, « la modération de sa cupidité ». D’ailleurs, la Banque publique d’investissement est l’un des bras armé du redressement productif de notre économie. Son directeur a pour mandat, j’en discutais encore cette après-midi avec le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations qui en est l’autre actionnaire, d’augmenter la disponibilité des crédits à l’économie qui en a besoin et qui en est aujourd’hui évincée par ce que l’on appelle l’aversion au risque d’un certain nombre d’acteurs du système financier et bancaire.

Pouvons-nous dire aujourd’hui que la situation s’améliore ? Premièrement, les taux d’intérêt sont les plus bas de l’histoire économique en termes nominaux. Ils demeurent toutefois lourds en termes réels, car l’inflation est très basse. C’est pourquoi le Premier ministre et moi-même avons salué la décision de la Banque centrale européenne, avec l’objectif, que se sont fixé M. Draghi et les gouverneurs de la BCE, de ramener l’inflation à 2 %. Des taux d’intérêt négatifs, égaux à zéro ou légèrement positifs et une inflation à nouveau proche de 2 %, soit l’objectif de la Banque centrale européenne aujourd’hui alors qu’elle est actuellement entre 0,5 % et 0,7 %, voilà la garantie que le coût du capital sera encore plus accessible.

Pour compléter ma réponse, monsieur le député, permettez-moi de vous dire que les taux de marge des entreprises se sont réduits. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait un effort pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous veillons d’ailleurs à la modération du prix des facteurs de production, c’est-à-dire le coût du travail, le coût de l’énergie, enjeu considérable qui sera discuté dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, et le coût du capital. Nous en avons besoin pour redresser l’économie française et lui permettre de reconquérir des marchés et de se remettre à produire, ce que nous ne pouvons pas faire si les prix dans leur ensemble sont prohibitifs. Votre préoccupation du coût du capital est aussi légitime que celle du coût du travail.

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Nous en venons aux questions du groupe SRC.

La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

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Ma question porte sur les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants dans la filière automobile, dont le comité stratégique du mois d’octobre 2012 a débouché sur un contrat de filière reposant sur la solidarité, l’exemplarité de la relation client-fournisseur et le développement de la sous-traitance. Vous avez déclaré à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, que l’État devait intervenir en matière économique et industrielle afin de mettre de l’ordre dans le désordre. Récemment, vous avez qualifié l’entrée de l’État au capital de PSA Peugeot Citroën d’acte de patriotisme économique. Lors de votre audition du 20 mai dernier par la commission des affaires économiques, vous avez évoqué la nécessité et la pertinence du patriotisme économique. Vous avez d’ailleurs signé un décret en ce sens. Mais en dépit de tout cela et de votre volonté explicite, les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants demeurent asphyxiantes pour ces derniers.

En effet, les constructeurs continuent à imposer des baisses de prix drastiques aux sous-traitants. Dans un article paru le 19 mai dans Les Échos, le P.-D.G. du groupe Arche, équipementier automobile, explique que les constructeurs exigent toujours plus de leurs sous-traitants. Pour ce P.-D.G., résoudre l’équation entre baisse des prix de 30 % en cinq ans et augmentation des charges est une mission impossible. Délocaliser sa production constitue dès lors la seule solution. Comment exiger des donneurs d’ordre français qu’ils fassent preuve de patriotisme économique à l’égard de leurs sous-traitants situés sur le territoire national ? Une telle exigence est une nécessité pour la survie des sous-traitants de la filière et la préservation de l’emploi et d’un savoir-faire dans nos territoires afin d’éviter les délocalisations. Les entreprises de sous-traitance et leurs salariés, et je pense tout particulièrement à SAM Technologies implanté à Viviez, comptent sur la nécessaire solidarité des constructeurs automobiles français. Que pouvez vous faire à ce propos, monsieur le ministre ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Vous posez, madame la députée Marie-Lou Marcel, des questions qui sonnent juste à mes oreilles. La filière automobile a connu des chutes de marché et des pertes de rentabilité très importantes, à tel point que l’un de nos constructeurs est en difficulté. Il s’agit de PSA, qui est le premier constructeur français. En Europe, Fiat, Opel et PSA sont les trois entreprises en difficulté. Elles sont en crise de compétitivité en raison de leur positionnement ou de leurs coûts de production par comparaison avec ce qu’ont fait certains constructeurs européens, qui ont maintenu des usines d’assemblage dans les territoires européens, mais ont demandé à la sous-traitance d’aller voir ailleurs, ce qui a provoqué des délocalisations en chaîne. Telle est la stratégie allemande, en particulier du groupe Volkswagen, qui a augmenté les emplois de construction dans le territoire allemand mais a fait migrer toute la sous-traitance vers le territoire à bas coût de l’Europe de l’Est.

Notre stratégie est une stratégie de sauvetage, de renforcement et même de relocalisation de l’activité d’assemblage et de construction de nos grands constructeurs français. Renault produisait il y a une dizaine d’années un million de véhicules. À notre arrivée, en 2012, le groupe en produisait 500 000. Il remonte maintenant à 720 000 voire 750 000 véhicules grâce à la relocalisation de Nissan. PSA produit un peu moins d’un million de véhicules, plutôt 900 000 qu’un million, et s’est engagé à remonter à un million de véhicules d’ici 2016. La deuxième entreprise que je viens de citer brûle encore du cash et perd de l’argent. Et lorsque nous demandons aux dirigeants de PSA de veiller à ce que la sous-traitance ne soit pas maltraitée, ils nous répondent : « Nous perdons de l’argent. Vous nous demandez de maintenir des sites en France, mais comment pouvons-nous faire ? »

Nous leur avons répondu : « Vous avez raison, mais il faudrait que nous trouvions des échelles de production beaucoup plus importantes. » Et c’est exactement ce que nous avons fait avec Renault-Nissan en lui demandant si elle était prête à donner des ordres de fabrication à des sous-traitants sur le territoire français à beaucoup plus grande échelle, ce qui permettrait de diminuer le coût unitaire.

Ce travail est en cours. Il est difficile car notre filière automobile, vous le savez, adopte plutôt la stratégie allemande consistant à faire travailler les sous-traitants ailleurs. Je lui demande, moi, de les faire travailler peut-être ailleurs, mais aussi en France, de façon qu’en moyenne on puisse ensemble diminuer le coût unitaire de production.

C’est ce que nous appelons la colocalisation. Pour garder les emplois de la sous-traitance automobile sur nos territoires, il faut augmenter la taille de nos entreprises. Voilà pourquoi nous travaillons à leur consolidation dans les douze métiers de l’équipement automobile. C’est un travail de longue haleine dans lequel il nous faudra l’aide et la coopération des chefs d’entreprise, comme je le leur réclame chaque fois que je les rencontre.

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Monsieur le ministre, il y a deux ans, pour aider les entreprises en difficulté, l’une des premières mesures que vous avez prises a été de nommer dans les vingt-deux régions des commissaires au redressement productif chargés d’être les interlocuteurs privilégiés des entreprises de moins de quatre cents salariés se trouvant en difficulté afin de les aider à trouver des solutions à leurs problèmes, mais aussi à mettre en place une veille et une alerte pour anticiper les risques et trouver de nouvelles orientations.

Ces commissaires ont aussi un rôle de référent unique en matière d’investissement afin d’accélérer et de simplifier le financement des projets d’investissements des entreprises sur les territoires.

Leur rôle est devenu essentiel.

J’en veux pour preuve le soutien apporté par votre ministère aux trois cent cinquante salariés de la papeterie de Stora Enso à Corbehem dans le Pas-de Calais, dès l’instant où l’entreprise a décidé de céder son site. Vous étiez d’ailleurs venu le 14 février dernier rencontrer ces salariés inquiets de leur sort. Vous leur aviez annoncé que les trois repreneurs qui étudiaient une solution, avaient jusqu’au 28 mars pour faire connaître leurs candidatures au ministère, par l’intermédiaire de la commissaire au redressement productif, qui suit au quotidien l’avenir de cette entreprise.

Aujourd’hui, après de longs mois d’incertitudes pour les salariés, il semblerait que la situation avance de façon positive et qu’un accord de négociation exclusive soit en passe d’être signé entre Stora Enso et le consortium Valpaco pour la reprise du site papetier.

Les échanges syndicats-salariés avancent dans le bon sens. Vous avez d’ailleurs parlé de comportement exemplaire dans la négociation de l’accord en cours actuellement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un premier bilan de l’action des commissaires au redressement productif qui, à l’instar de la commissaire en place dans la région Nord-Pas-de-Calais, permettent que des dossiers essentiels en termes d’activité économique et d’emploi aboutissent ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Madame la députée Jacqueline Maquet, je vous remercie de votre question sur la papeterie de Stora Enso à Corbehem dans le Pas-de-Calais. Avec l’aide de la commissaire au redressement productif de votre région, Mme Buisine, qui a réalisé un excellent travail dans ce dossier, comme dans d’autres, et dont je tiens à saluer les efforts, une exclusivité de négociation a pu être signée le 22 mai dernier entre le repreneur français, Valpaco, et Stora Enso. Il s’agit maintenant de trouver l’accord définitif avec Stora Enso en vue d’une cession effective avant la fin juin, date de la fin de l’exclusivité.

Notre stratégie sur le territoire national est d’être méthodiques, de ne rien laisser au hasard, d’être présents au contact des partenaires et de travailler au sauvetage d’outils industriels.

Tous les salariés savent que l’on ne peut pas toujours tout sauver et que lorsqu’une entreprise est en difficulté, il faut faire des sacrifices.

Quelle est notre méthode ? Nous mettons tous les acteurs autour de la table. Nous disons aux banquiers de prendre leurs pertes ; aux actionnaires de bien vouloir, comme ils n’ont pas été bons, laisser entrer un repreneur qui fera le nécessaire à leur place ; aux dirigeants, s’ils ont 78 ans, qu’il est peut-être temps de laisser la place aux jeunes ; aux salariés et aux syndicats que l’on s’en excuse mais qu’il n’est pas possible de reprendre tout le monde, que l’essentiel est que l’outil de travail reparte, après quoi il sera peut-être possible de réembaucher – cela est arrivé dans plusieurs cas en de nombreux endroits de France.

Dans le Centre, le commissaire au redressement productif a ainsi permis de trouver une solution pour la Faïencerie de Gien, dans laquelle non seulement la totalité des salariés seront repris mais aussi des emplois seront créés d’ici à 2018. En Franche-Comté, dans le territoire de Belfort, une entreprise de cinquante salariés vient d’être sauvée à Bavilliers. C’est la preuve que lorsqu’on se bat, qu’on s’organise, qu’on discute, que l’État est présent et que chacun lui fait confiance, on arrive à trouver des solutions concrètes pour chaque entreprise.

Le bilan est le suivant : dans les 1 572 dossiers traités par les commissaires au redressement productif et la cellule Restructurations de mon cabinet, sur 226 843 emplois menacés, 197 304 ont pu être préservés. Bien sûr, il ne s’agit là que des dossiers dont nous avons été saisis. Il y a tout le reste de l’économie. Mais pour nous cela est important. Ce sont des savoir-faire, des technologies, des brevets, et au-delà l’avenir de territoires, qui peuvent être préservés.

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Monsieur le ministre, ma question porte sur le calendrier de la réforme du code minier.

Vous le savez, celle-ci est très attendue, tant de la part des acteurs économiques du secteur que des associations citoyennes de défense de l’environnement et des élus locaux des territoires concernés par les problématiques minières – j’en fais partie.

Tout comme un certain nombre de parlementaires, beaucoup d’entre eux se sont préparés depuis des mois à cette réforme majeure. Le groupe de travail restreint auquel j’appartiens, présidé par Jean-Paul Chanteguet, s’en est saisi très en amont. Et je ne pense pas trop m’avancer en vous disant que les derniers éléments livrés par le Gouvernement concernant son calendrier nous ont laissés sur notre faim. La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a récemment indiqué devant nos collègues sénateurs que le Parlement débattrait du code minier avant la fin de l’année, pour une finalisation du projet de réforme avant la fin de l’été.

Or, lorsque le rapport Tuot a été remis au Gouvernement, en décembre dernier, il était question à l’époque que le projet de loi refondant le code minier soit présenté en Conseil des ministres au printemps 2014.

Lorsque l’on sait que le dépôt sur le bureau de l’Assemblée du projet de loi de programmation sur la transition énergétique pourrait être repoussé à l’automne prochain, permettez que l’on ne soit guère rassuré.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur le calendrier de la réforme du code minier qui reste, pour le moment, plutôt vague et incertain ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Je vous remercie, madame Dubois, de votre question. La recodification du code minier, qui peut concerner plusieurs centaines d’articles, exige tout d’abord un travail assez long et difficile de la part du Conseil d’État. Il y a ensuite tout un travail politique qui a déjà été déblayé grâce à la mission Tuot qui a réussi à concilier les préoccupations économiques, de sécurité juridique et environnementales. Son travail me paraît un bon point d’équilibre.

Dans l’embouteillage du calendrier parlementaire, nous ne pouvons que prendre notre tour. Le calendrier que nous envisageons aujourd’hui est le suivant : examen par le Conseil d’État au début de l’été, présentation en Conseil des ministres à la fin de l’été ou au début de l’automne et dépôt sur le bureau des assemblées dans la foulée.

Il s’agit d’une réforme très importante qui permettra à la France de redevenir une nation minière, mais pas n’importe comment. Les équilibres seront respectés et la population sera associée, ce qui renforcera l’adhésion à des projets d’intérêt économique majeur, à la fois pour la souveraineté de notre pays et pour l’avenir de notre industrie.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, ma question concerne le crédit impôt compétitivité pour l’emploi, le CICE, et plus particulièrement l’usage qui en est fait par les acteurs du secteur de la grande distribution pour dégager des marges plus importantes.

On peut entendre qu’un soutien particulier soit consenti aux entreprises pour que leurs taux de marge soient comparables à ceux constatés chez nos grands voisins européens, afin d’innover, investir et embaucher. Pour autant, on peut s’interroger sur l’efficacité du CICE pour les entreprises dont l’activité commerciale est directement liée au pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Et je souhaiterais précisément insister sur le secteur de la grande distribution. Selon les chiffres de votre ministère, l’enveloppe atteint 3 milliards d’euros au total pour ce secteur. A titre d’exemple, une grande enseigne, dont 90 % des employés gagnent moins de 2,5 SMIC, bénéficiera d’un crédit de 125 millions d’euros, selon l’estimation médiane des analystes pour 2014. Dans le même temps, le pouvoir d’achat de nos concitoyens est pénalisé par les efforts que nous leur demandons pour maintenir les équilibres budgétaires. Pourtant, les enseignes de la grande distribution n’auront pas besoin d’embaucher de nouvelles caissières si l’on n’agit pas d’abord sur la consommation !

Je suis encore plus inquiet depuis ma dernière rencontre avec une PME de ma circonscription qui a pour client la grande distribution du bricolage. Vous connaissez le rapport de force entre les distributeurs et les producteurs. Vous savez donc qu’une pression s’exerce sur les prix d’achat au risque de siphonner le CICE dévolu à cette PME. Or celle-ci attendait le CICE pour, dans un premier temps, résoudre un problème de trésorerie et espérer, ensuite, investir et embaucher si ses volumes de commandes augmentent.

C’est pourquoi il semble nécessaire d’évaluer les impacts du CICE dans la grande distribution. Ce dispositif vous semble-t-il pertinent ? Quelles sont les pistes envisagées par le Gouvernement afin d’en améliorer le ciblage, notamment en faveur de nos PME ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur Bricout, votre analyse de ce qui se passe dans la grande distribution converge avec la mienne. Je suis le ministre qui s’est ému en avril 2013 de phénomènes de « racket au CICE », exigeant d’ailleurs du médiateur chargé des relations inter-entreprises, M. Pierre Pelouzet, de se saisir du sujet. Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas contenté de froncer les sourcils. Il y a eu des réactions assez fortes.

Certaines entreprises ont saisi le médiateur de pratiques abusives, où des contrats de sous-traitance, des commandes trahissaient à l’évidence des demandes de captation du CICE. Celui-ci a la vertu d’être universel et uniforme. Il sert les marges de toutes les entreprises. Et les petites entreprises n’ont pas vocation à voir les leurs dévorées par l’abus de puissance économique que peut induire la relation particulière qui existe entre un grand donneur d’ordre et son sous-traitant.

C’est pourquoi nous avons demandé au médiateur d’être très attentif et de nous saisir des abus en la matière, lesquels peuvent faire l’objet de sanctions sur le plan civil. La direction de la répression des fraudes, qui est placée sous mon autorité, est chargée de veiller à ce que ces pratiques ne se reproduisent pas. Si tel était le cas, il faudrait me le signaler, de manière que nous puissions intervenir – je le dis ici dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, de façon que cela soit su.

Une étude, que nous avons fait réaliser par l’INSEE, montre une certaine intentionnalité dans l’usage que les entreprises non industrielles font du CICE. À la question : « Le CICE aura-t-il un effet d’ici à la fin 2014 ? », 29 % des entreprises répondent qu’il leur permettra de baisser leurs prix de vente et renforcera leur compétitivité ; 38 % qu’il aura une incidence sur le niveau de leurs salaires – c’est-à-dire que dans ce cas, un débat salarial est ouvert dans l’entreprise et que la préférence pourrait être donnée à un impact sur les salaires plutôt que sur les prix de vente ; 43 % qu’il aura un effet sur l’emploi – près de la moitié des chefs d’entreprise ont l’intention de créer des emplois grâce au CICE, ce n’est pas négligeable ; 53 % qu’il aura un effet sur l’investissement.

Vous noterez que, le total excédant 100 %, les entreprises ont pu formuler plusieurs réponses. Grâce au CICE, elles manifestent leur intention d’investir, d’acheter une machine, d’embaucher une ou deux personnes, d’augmenter les salaires des salariés en CDD ou de leur faire bénéficier d’un CDI. Les réponses sont différenciées.

L’objectif du CICE est de travailler dans l’entreprise par le dialogue social. C’est un acte de confiance envers la société et les partenaires sociaux. On se trompe peut-être. On a tort, peut-être, de faire confiance. Pour ma part, je ne le crois pas.

Cela justifie que sur le terrain, dans les sous-préfectures de vos circonscriptions, où la question du pacte de responsabilité va être posée, en présence des sous-préfets, des chefs d’entreprise, des unions locales syndicales, vous posiez la question des contreparties.

M. Gattaz circule en France, avec, à la boutonnière un pin’s affichant « un million d’emplois » : c’est le moment de les demander. Et je les demande. Vous pouvez faire de même. Allez dans les entreprises, posez la question : des chefs d’entreprise sont pleinement engagés sur le front de l’amélioration de l’économie, à travers celle de leur entreprise.

Nous pouvons donc construire une stratégie d’amélioration de la compétitivité et de la création d’emplois.

S’il y a des abus, il y a un ministre de l’économie pour les réprimer.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ma question porte sur l’avenir de la filière aluminium en France.

En octobre 2013, vous présidiez la réunion plénière de la table ronde « aluminium » consacrée à l’avenir de cette filière. À cette occasion, monsieur le ministre, vous avez réaffirmé votre volonté d’accompagner la restructuration et le renforcement de cette filière dans notre pays.

Après plusieurs mois de travail, fin 2013, les acteurs vous ont remis un nombre important de propositions d’actions et d’engagements, qui avaient vocation à être discutées au sein du comité stratégique de filière des industries extractives et de première transformation et, ainsi, trouver leur expression définitive dans le contrat de filière que prépare le comité stratégique de filière.

La table ronde a appelé en particulier la filière aluminium à saisir les opportunités de développement, particulièrement dans le cadre des 34 plans de la « nouvelle France industrielle » que vous avez mis en place, à renforcer le leadership technologique de la France dans les secteurs de l’aluminium primaire et de transformation, à améliorer la quantité et la qualité d’aluminium collecté, à le valoriser en France, en lien avec la filière du recyclage et à saisir toutes les marges de progrès en matière d’efficacité énergétique des procédés.

La table ronde a aussi invité le Gouvernement à garantir en contrepartie des conditions d’accès compétitives à l’énergie, au gaz et à l’électricité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur l’avancée de ces travaux, sachant que, dans mon territoire comme dans bien d’autres, il y a des dossiers en souffrance : je pense notamment à la reprise de Constellium à Tarascon-sur-Ariège, qui suscite un questionnement sur l’avenir de cette filière indispensable à l’industrie française.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Madame la députée Frédérique Massat, la filière de l’aluminium est aussi importante que la filière de l’acier. D’ailleurs, en vingt ans, sur le sol européen, dix-neuf usines de fabrication d’aluminium européen ont fermé. Pourquoi ? Non pas pour aller dans les pays low cost, mais dans des pays où l’État est en mesure d’accorder des prix de l’énergie compétitifs à ses industries : je veux parler de la Russie, du Canada et de l’Australie. Voilà où a déménagé l’industrie de l’aluminium.

C’est donc bien une des faiblesses de la vision de la Commission européenne que de pourchasser indûment des aides d’État, d’une façon qui se retourne contre les Européens et leurs capacités productives.

Qu’avons-nous fait dans le dossier Saint-Jean-de-Maurienne, qui est le berceau de l’aluminium français, auquel est associé le nom de Paul Héroult, au début du siècle précédent ? Nous avons d’abord organisé la reprise selon un nouveau modèle économique : l’allemand Trimet a repris cette entreprise et rouvert des lignes de production. Il est en train d’embaucher 50 personnes, dans une usine qui compte 500 salariés. Nous avons donc réussi, non seulement à sauver l’aluminium français, mais, plus encore, à le redéployer et à le faire croître à nouveau.

S’agissant de Constellium, vous avez évoqué l’usine Sabart à Tarascon-sur-Ariège, mais il y a également le site d’Ussel. Une entreprise du groupe a annoncé d’importants investissements à Neuf-Brisach – il en va de même à Issoire –, ce qui va bénéficier à la filière et aux territoires concernés.

Ainsi, on réinvestit en France dans l’aluminium et sa transformation primaire et secondaire. De surcroît, il est intéressant de noter que la Banque publique d’investissement est au rendez-vous et est montée au capital pour accompagner ces investissements. Un mouvement fort est donc engagé.

Il reste évidemment, comme vous l’évoquiez, les pourparlers qui ont lieu avec les fonds d’investissement s’agissant de l’avenir des sites de Sabart et d’Ussel.

Madame la députée, ce qui se passe sur le site de Tarascon-sur-Ariège comme sur les autres sites nous préoccupe, nous intéresse et nous motive. Nous allons donc faire preuve de la même attitude que pour les autres sites, car l’aluminium est, à nos yeux, stratégique.

Je vois qu’en un an et demi, nous avons progressé, reconstitué nos forces et que l’on s’est remis à investir. En d’autres termes, la France a un avenir dans son aluminium et a placé une partie de son avenir dans ces industries. On continue donc le combat à vos côtés s’agissant de Tarascon-sur-Ariège.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en arrivons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Guénhaël Huet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ma question concerne le financement bancaire des entreprises, notamment des petites entreprises, qu’elles interviennent dans le champ du commerce, de l’artisanat ou des professions libérales.

Nombreux sont, en effet, vous le savez, ces professionnels qui s’investissent, prennent des risques, mettent en jeu leurs biens propres et sacrifient souvent leur vie personnelle en travaillant beaucoup plus que trente-cinq heures par semaine.

Les études successives, notamment les plus récentes, montrent la frilosité des établissements bancaires face aux besoins de financement de ces entreprises : plus du tiers d’entre elles se voient refuser l’accès au crédit, plus particulièrement au crédit de trésorerie inférieur à 15 000 euros. Pour les autres – celles qui peuvent bénéficier de quelques facilités bancaires – le coût du crédit peut atteindre des taux exorbitants, parfois au-delà de 20 %, par le biais des autorisations de découvert.

Monsieur le ministre, il s’agit d’un sujet important pour notre économie : les très petites entreprises, vous le savez, sont au nombre de 2,5 millions, emploient 4,3 millions de salariés et représentent 28 % du produit intérieur brut. Ce sont de surcroît – vous devez l’apprécier – des entreprises réparties sur l’ensemble du territoire national et non délocalisables.

L’économie française ne saurait se réduire aux entreprises du CAC 40, quelle que soit, bien entendu, leur importance, notamment en matière de commerce extérieur.

Monsieur le ministre, plutôt que de multiplier les déclarations d’intention, les incantations, voire les fanfaronnades sur le patriotisme économique, pouvez-vous nous dire, très concrètement, ce que vous envisagez de faire pour faciliter le financement des moyennes, petites et très petites entreprises de notre beau pays ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député, je voudrais vous dire, d’abord, qu’il n’y a, de ma part, nulle fanfaronnade : le décret sur les investissements étrangers, vous auriez pu le prendre, cela m’aurait évité de le faire. Ce que l’on a fait sur l’aluminium, vous auriez pu le faire. Ce que l’on a fait sur PSA – on a pris une participation de 14 % – vous auriez pu le faire. Ce sont des actes, et ils sont engagés au quotidien. Beaucoup de députés de l’UMP, d’ailleurs, me remercient – je garde précieusement les lettres – pour ce que fais en faveur de leurs entreprises. Pour moi, le patriotisme économique, c’est tous les jours, et c’est, tous les jours, concret, car l’État est présent et défend ses sites industriels.

Votre critique est peut-être une posture : en tout état de cause, je la récuse.

Voilà déjà près de quarante-cinq secondes que j’ai consacrées à vous répondre inutilement, par suite d’une provocation de votre part.

Je veux maintenant vous parler de choses sérieuses, car, si je puis dire, votre question est, tout de même, sérieuse.

Vous dénoncez le fait que le système bancaire ne s’acquitte pas de sa tâche. Comme je l’ai dit aux banquiers, ils se versent des bonus en augmentation de 19 à 40 %, ce qui leur paraît justifié car cela correspond à l’augmentation de leurs profits. Or, s’agissant de l’économie réelle, à laquelle vous faites référence – les toutes petites entreprises, les PME –, nous voyons que les crédits d’investissement sont à un niveau parfaitement acceptable tandis que, sur le plan de la trésorerie, les refus de crédits sont à un niveau proche de ceux de l’Italie ou de l’Espagne.

Les banques refusent de prendre le risque et d’accompagner les entreprises. Résultat : les niveaux de faillite dans les TPE et les PME sont excessifs. Autant, dans les grandes entreprises, les entreprises de taille intermédiaire et les PME, les restructurations sont derrière nous, autant les défaillances liées au durcissement du crédit nous préoccupent.

C’est la raison pour laquelle j’ai commencé par réunir les banques. Je leur ai dit que j’allais établir un lien entre les orientations stratégiques conduisant au versement des bonus et le financement de l’économie réelle, autrement dit des PME et des TPE. On va créer des indicateurs, les banques vont signer des engagements : si elles les respectent pour améliorer le financement des TPE-PME – on pourra en juger au vu des rapports de la Banque de France et des statistiques parfaitement objectivées –, elles auront le droit de verser leurs bonus. À défaut, nous ne serons pas d’accord. Ce n’est pas de l’incantation, c’est du concret. Et il se trouve que la place bancaire a commencé à travailler avec nous.

Par ailleurs, nous pensons qu’il est nécessaire, maintenant, que la France décide de se passer de son système bancaire. Nous venons de mettre fin au monopole bancaire, à travers le financement participatif et le crowdfunding. Mais il y a aussi d’autres mécanismes qui permettent de financer les PME, sans passer forcément – dans la dette ; je ne dis pas dans le capital – par le secteur bancaire. Créer la compétition avec les banques, c’est-à-dire ouvrir le marché pour permettre le financement par la dette à travers des titres : c’est ce à quoi nous travaillons aujourd’hui, de façon accélérée. Cela fera d’ailleurs partie des mesures que je détaillerai dans les semaines à venir, qui vous permettront de constater que les entreprises peuvent accéder à l’épargne des Français, mais sans passer par leurs banques, puisque ces dernières ne sont pas au rendez-vous. Cela les stimulera aimablement, et vous avec.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, j’ai déjà eu l’occasion de vous interpeller sur la situation économique dramatique de la vallée de l’Ondaine, dans le département de la Loire, dont je suis élu.

En effet, les plans de restructuration succèdent aux plans de sauvegarde de l’emploi dans cette vallée fortement impactée par la crise économique : 50 % de la population habitent dans des logements sociaux et, selon l’INSEE, le revenu moyen par habitant est de 800 euros par mois.

À l’automne dernier, vous êtes venu rencontrer les salariés inquiets de plusieurs entreprises de ma circonscription. Vous avez su écouter leur détresse, que nous ne pouvons ignorer, et face à laquelle nous avons le devoir d’agir, sans polémique politicienne et dans le seul intérêt général.

Il est urgent que le Gouvernement prenne la mesure de ces difficultés et intervienne sur ce territoire en soutenant l’innovation – qui est notre unique chance face à la concurrence mondiale –, en aidant les industriels locaux à se diversifier, en travaillant à la recherche de repreneurs des sites en difficultés et en accompagnant les salariés dans les négociations avec les dirigeants établis hors de France, comme cela a été le cas pour Forgital. À titre personnel, je vous remercie d’ailleurs pour votre intervention.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Ça, c’est du patriotisme, monsieur Cinieri !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd’hui, je voudrais appeler votre attention sur la situation de Clextral, belle entreprise ligérienne, à la pointe de l’innovation technologique, qui est présente dans 90 pays et participe au rayonnement de la France. Elle est leader mondiale de l’extrusion agro-alimentaire. Elle projette de construire son usine du futur autour d’une pépinière d’entreprises sous-traitantes au coeur de la vallée de l’Ondaine, dans la commune de Firminy. Ce projet est actuellement évalué et chiffré avec le soutien de différents acteurs institutionnels, dont la communauté d’agglomération de Saint-Étienne Métropole, qui pilote l’étude de faisabilité.

La réussite de ce projet est indispensable à notre territoire, en termes de sauvegarde de l’emploi, d’activité et d’attractivité économique. Ainsi, il me paraît important que vous suiviez de très près l’évolution de ce dossier et nous vous invitons, avec le président de Clextral, Georges Jobard, le président du conseil général, Bernard Bonne, et le maire de Saint-Étienne et président de Saint-Étienne Métropole, Gaël Perdriau, à venir découvrir à Firminy le site de l’entreprise ainsi que sa stratégie de développement.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député, je voudrais vous faire part de ma sensibilité, que nous avons en partage, pour ces territoires très industriels, qui ont beaucoup souffert de la crise.

Vous citez les vallées de Gier, d’Ondaine, mais il y en a beaucoup d’autres, notamment en Lorraine, dans l’est de la France et dans votre département en particulier. Je pourrais parler de certaines vallées dans les Vosges qui ont connu, dans des secteurs de mono-industries, des dégâts considérables.

Il y a heureusement des vallées qui renaissent : c’est le cas, par exemple, de la Maurienne, en Savoie, ou des vallées de l’Arve, s’agissant du décolletage, en Haute-Savoie. Des écosystèmes peuvent renaître très rapidement à partir d’investissements innovants.

Monsieur le député, je voudrais vous faire une proposition, parce que vos difficultés sont celles de la France. Nous pourrions peut-être faire de cette région qui a tant souffert une vallée de l’espoir, et pas seulement du désespoir.

Notre programme de politique industrielle s’appuie sur trente-quatre plans de reconquête et vise à améliorer l’appareil productif selon le plan Usine du futur, destiné aux PME. Si, dans une région ou sur un territoire, une entreprise décide de s’y mettre, je suis prêt à parier qu’une autre s’y mettra aussi. Une troisième entreprise pourra alors échanger des expériences avec les deux précédentes, même si elles ne sont pas dans le même secteur.

Je sais qu’il y a beaucoup d’usines de métallurgie dans votre région, monsieur le député. Or, dans le secteur de la mécanique et de la métallurgie, il y a beaucoup de gains de productivité à attendre de l’amélioration de l’appareil productif par l’usage de la robotique qui, contrairement aux préjugés, crée des emplois parce qu’il permet d’améliorer la performance et de gagner des marchés.

Je souhaiterais donc que nous fassions, par exemple à l’occasion d’une de mes visites sur le site de l’usine Clestra, un travail avec l’ensemble des PME de la région pour apporter des solutions industrielles concrètes à toutes ces PME, afin de les aider à améliorer leurs performances. Celles qui marchent bien marcheront encore mieux, celles qui ne marchent pas bien pourront s’améliorer, et nous pourrons peut-être sauver celles qui sont en difficulté. Votre région pourrait être le laboratoire de cette relance, et nous pourrions faire des choses très intéressantes en travaillant avec les autorités préfectorales et les élus que vous venez de citer pour soutenir la région.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, ma question portera plutôt sur les contraintes environnementales, même si je sais qu’elles ne relèvent pas directement de votre responsabilité.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Certes, mais c’est un sujet qui m’intéresse !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tant que chef d’entreprise, j’attache une grande importance à l’accompagnement des forces vives de notre pays qui sont créatrices de richesses, car ce sont elles qui permettront le retour de la croissance. Or, contrairement aux annonces récurrentes faites dans ce sens, la vie de ceux qui travaillent n’est jamais simplifiée. Au fil des débats publics, il a même été oublié que c’est le travail qui génère du travail et donc, nécessairement, des emplois.

En France, le coût du travail est clairement trop important, tout le monde le dit ! Le code du travail est bien trop lourd, c’est une évidence ! Mais au-delà de toutes ces lourdeurs excessives pour les entrepreneurs, n’oublie-t-on pas qu’il est devenu quasiment impossible de construire une usine aujourd’hui ? Il est devenu très dur de travailler « normalement », de monter « normalement » son entreprise, de se mettre aux normes « normalement », c’est-à-dire progressivement. En France, nous sommes tellement protégés que nous devons être le seul pays au monde où l’on peut s’entendre dire : « Ah non, monsieur, si vous travaillez, vous allez perdre vos aides ! », ou encore : « Non, vous n’avez pas le droit de travailler ».

Personne n’ose dire qu’en France c’est lourd, trop lourd, voire parfois économiquement impossible de construire une usine. Et ce sera le cas tant que l’administration pensera qu’elle est là non pas pour aider ou accompagner mais pour contrôler. Avec les règles environnementales d’aujourd’hui, les quais de la Seine n’existeraient pas, pas plus que la levée de la Loire ou les châteaux qui bordent ce fleuve ; on n’aurait pas non plus construit le château de Versailles, qui était alors situé en pleine forêt. Et ne parlons pas de la Tour Eiffel !

Monsieur le ministre, il est nécessaire de protéger l’environnement, mais cela doit se faire par l’homme et pour l’homme. Et l’homme a besoin de travailler pour vivre. Voilà qui explique aussi en partie les difficultés économiques de la France.

Que comptez-vous faire pour concilier normes environnementales et création de richesses ? Pas de travail, pas de richesses. Que comptez-vous faire pour alléger le principe de précaution que nous avons inscrit dans la Constitution mais qu’il est urgent d’encadrer ? Pourriez-vous envisager notamment la mise en place d’un délai permettant une mise aux normes progressive pour ne pas pénaliser les entreprises, qu’elles soient artisanales, industrielles, agroalimentaires ou agricoles ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député Jean-Charles Taugourdeau, je crois pouvoir affirmer que les préoccupations environnementales, les mises aux normes n’ont pas de sens si elles ne sont pas au service de l’économie et de l’activité humaines. À cet égard, rappeler qu’on a besoin à la fois d’un environnement préservé et d’activités humaines relève du bon sens ; il faut marier les deux.

On ne peut pas non plus accepter qu’il y ait trop d’excès en la matière. De ce point de vue, la surréglementation dans le domaine de l’environnement est devenu un travers français, auquel échappent nos voisins européens, dont la tradition juridique les porte plutôt habituellement à transposer a minima les directives européennes sans jamais se livrer à un travail de transposition particulière consistant à ajouter des normes aux normes. C’est une des raisons pour lesquelles Thierry Mandon vient d’être nommé secrétaire d’État auprès du Premier ministre pour organiser la simplification rapide et massive du droit actuel.

Il y a en effet un tel empilement de normes dans notre droit que des avocats, des magistrats, des professeurs de droit eux-mêmes considèrent que nous sommes en situation d’insécurité juridique. Car si nul citoyen n’est censé ignorer la loi, chacun est pourtant aujourd’hui contraint de vivre dans le brouillard. Ce travail de reconstruction d’un État de droit où la législation serait simple, accessible et donc applicable et sûre fait partie des objectifs qu’une société tout entière devrait se donner.

Je vous invite donc à faire remonter vos propositions au ministère ainsi qu’au secrétaire d’État Thierry Mandon, placé auprès du Premier ministre. Cinquante ordonnances visant à supprimer des droits inutiles sont en cours de préparation et devraient permettre d’aboutir à une simplification concrète.

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Monsieur le ministre, je souhaite pour ma part porter à votre attention les difficultés que rencontrent les hôteliers indépendants face aux centrales de réservation en ligne.

Comme vous le savez sans doute, la plupart des voyageurs à la recherche d’un hôtel passent par une agence de réservation en ligne – les plus connues sont Booking.comExpedia.fr – sans avoir connaissance des clauses tarifaires imposées aux hôteliers par ces centrales, qui menacent la pérennité d’un certain nombre de nos hôtels.

Les hôteliers doivent s’acquitter d’importantes commissions qui représentent 15 à 30 % du tarif toutes taxes comprises des chambres. En outre, un hôtel qui voudrait faire une promotion de dernière minute sur quelques chambres n’en a pas le droit. S’il se met d’accord avec un client par téléphone ou via son site, il risque une amende en vertu d’une « clause de parité tarifaire » qui l’oblige à prévenir les agences de réservation en ligne, lesquelles répercutent alors la baisse sur toutes les chambres de l’hôtel, ce qui n’est économiquement pas tenable. Cela se fait aux dépens de la création d’emplois et de la capacité d’investissements de nos établissements.

Pourtant, depuis quelques années les hôteliers font des efforts pour rénover, investir, embellir leur établissement,…

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Et comment !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…ce qui permet de maintenir un flux touristique indispensable, créateur de richesses. Les hôteliers ne sont pas obligés de passer par ces centrales, mais s’ils refusent d’acheter un référencement, leur établissement est alors de manière quasi-systématique affiché « complet » ou aucun lien ne renvoie vers leur site propre. Les clients croient faire des économies grâce à des tarifs plus avantageux, alors qu’en réalité les centrales ne sont qu’un intermédiaire qui se rétribue sur le dos des hôteliers.

Depuis un an, des initiatives fleurissent, comme le site Fairbooking.fr, qui est un portail de réservation en direct et sans frais, mais dont le combat contre Booking.com s’apparente quelque peu à celui de David contre Goliath.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, pensez-vous pouvoir aider les hôteliers désireux de s’affranchir des centrales et inciter les clients à réserver en direct ? Une campagne de communication à cette fin est-elle envisageable ?

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député Yves Foulon, vous le savez, j’ai engagé après enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, qui est sous mon autorité, une action contentieuse contre le groupe Booking.com afin de mettre fin au déséquilibre constaté dans les relations entre la centrale de réservation de prestations hôtelières et les établissements hôteliers.

En effet, les conditions dans lesquelles s’exerce ce métier aujourd’hui ne sont plus équilibrées. Le Gouvernement avait d’ailleurs à ce titre déjà engagé au mois de novembre dernier, à la suite d’une enquête de la DGCCRF, une action en justice contre le groupe Expedia, dont les contrats comportaient des clauses entravant significativement la liberté commerciale et tarifaire des hôtels. Parce qu’elles empêchent les hôteliers de consentir des réductions aux clients qui les contactent directement, ces clauses constituent une atteinte à la concurrence et à nos lois.

Ma préoccupation est de faire respecter l’équilibre contractuel entre les plates-formes de réservation et les hôteliers, qui doivent conserver la liberté du commerce et de l’industrie, et surtout la capacité d’investir pour moderniser le parc.

Je rappelle que la France est la première destination mondiale en termes d’arrivée de touristes internationaux. C’est un marché qui a accueilli en 2012 83 millions de touristes étrangers qui ont dépensé plus de 50 milliards d’euros sur le territoire national. La consommation touristique intérieure représente ainsi 7,3 % du PIB, ce qui n’est pas rien !

Nous serons donc très fermes quant à ces déséquilibres contractuels. C’est une des raisons pour lesquelles les syndicats d’hôteliers ont remercié le Gouvernement de son action.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, vous le savez bien, le moral des chefs d’entreprise est au plus bas. Après avoir visé les auto-entrepreneurs, les artisans, les cédants d’entreprises et les repreneurs, voilà que vous vous en prenez aux chambres de commerce et d’industrie, à leurs 5 000 élus chefs d’entreprise bénévoles et à leurs 26 000 collaborateurs.

L’an dernier, vous aviez déjà imposé aux CCI un traitement de choc en réduisant leurs ressources de 20 %, soit un effort sans commune mesure avec celui qui était demandé aux autres acteurs publics. Aujourd’hui, nous apprenons que vous envisagez de réduire à nouveau leurs ressources de 30 % d’ici à 2017.

Avec un tel traitement, n’est-ce pas la mort des CCI qui est programmée ? En effet, ne pensez-vous pas que s’attaquer aux CCI revient à s’attaquer au premier réseau d’accompagnement à la création d’entreprise et au deuxième formateur de France derrière l’éducation nationale ?

Quand vous asphyxiez financièrement les CCI, ce sont des milliers de collaborateurs fortement investis pour l’intérêt général qui risquent de se retrouver au chômage. Quand vous asphyxiez financièrement les CCI, ce sont des dizaines d’aéroports, de ports et d’équipements utiles que vous menacez de fermeture, ce qui amplifie la désertification des territoires. Quand vous asphyxiez financièrement les CCI, c’est l’appareil de formation ultra-performant qu’elles portent que vous mettez en péril ; c’est moins d’apprentis, moins de demandeurs d’emploi formés et réintégrés dans l’emploi, moins de salariés reconvertis. Quand vous asphyxiez financièrement les CCI, vous provoquez la démobilisation des chefs d’entreprise engagés bénévolement pour le développement économique de leur territoire.

Monsieur le ministre, si vous voulez réellement vous appuyer sur les chefs d’entreprise pour retrouver la croissance et gagner la bataille de l’emploi, faites confiance aux chambres de commerce et d’industrie.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Monsieur le député Jean-Claude Mathis, j’ai déjà répondu à cette question, que l’un de vos collègues d’un autre groupe a posée voilà quelques instants ; je ne répéterai donc pas ma réponse.

La France entière fait des efforts pour réduire les coûts de fonctionnement : l’État, les collectivités locales, les administrations sociales ; pourquoi les chambres de commerce et d’industrie ne le feraient-elles pas ?

Je l’ai dit à votre collègue et je le répète : nous n’attaquons pas les fonctions vitales des chambres de commerce et d’industrie. En particulier, nous ne touchons pas à la formation, dont vous n’avez pas dit un mot.

Debut de section - Permalien
Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Les CFA, les centres de formation d’apprentis, jouent un rôle très important sur le terrain. Les délégations de service public sur les infrastructures, telles que les aérodromes et les ports, sont également indispensables. Ce n’est pas ce qui est en cause. Ce que nous visons, ce sont les fonctions support, comme pour les collectivités locales. Et nous exigeons cet effort au bénéfice des entreprises, qui paient pour les CCI. Est-il nécessaire que ces dernières disposent d’un budget aussi important ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, les chambres de commerce et d’industrie en conviennent elles-mêmes. Nous allons donc réduire les coûts de façon équilibrée.

Il me semble tout de même que les CCI se doivent d’assumer une part de l’effort national. Et je ne parle même pas du parc immobilier de ces structures, qui est un patrimoine magnifique ! Est-il nécessaire de prélever plus d’un milliard d’euros sur les entreprises pour assurer le fonctionnement des CCI ? Je ne le crois pas. Nous pouvons vraiment trouver un terrain d’entente. Voilà où nous en sommes, monsieur le député.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séance de questions au ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique est terminée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion du projet de loi pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures quinze.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron