C’est avec satisfaction que les écologistes voteront aujourd’hui le projet de loi visant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales, texte qui s’est fait attendre, trop attendre, et dont le parcours a rencontré de nombreux obstacles.
Déposé au mois d’octobre 2013, il n’a été débattu que la semaine dernière en séance, après engagement de la procédure accélérée et dans le cadre du temps programmé.
Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que le Gouvernement a pesé de tout son poids, en amont et pendant tous les débats parlementaires, pour freiner l’élan réformateur de sa majorité.
Cette façon de faire laisse des traces, surtout lorsque les positions défendues par l’exécutif n’obéissent qu’à une logique de court terme, soucieux qu’il apparaît de ne rien froisser d’une sensibilité à fleur de peau à ce qu’il croit être les exigences de l’opinion.
Le président de la commission des lois parlait au sujet de ce projet d’un texte à "l’ambition mesurée, aux dispositions modestes, à la vocation tempérée". Il en eût été autrement si le Parlement ne cédait si souvent, malheureusement, aux injonctions de l’exécutif.
De ce parcours du combattant, le texte n’est pas sorti totalement indemne mais il se tient.
Il supprime d’abord les automatismes pour revenir au principe de l’individualisation des peines. Il abroge les peines planchers définies par la loi du 10 août 2007 relative à la lutte contre la récidive. Cette disposition avait instauré un système restreignant la liberté des juges dans la fixation du quantum de certaines peines d’emprisonnement, même si la juridiction gardait la possibilité de prononcer une peine inférieure à ces seuils par une motivation spéciale détaillant les garanties de réinsertion du condamné. La loi du 14 août 2011 a étendu ce dispositif.
Ces peines, chers collègues, n’ont pas dissuadé la récidive. Elles ont en revanche alourdi la durée des peines d’emprisonnement : plusieurs milliers d’années supplémentaires par an, en moyenne. Les peines plancher se sont appliquées essentiellement aux petits délits, aux vols et aux atteintes aux biens par le biais privilégié de la procédure de comparution immédiate.
Nous allons maintenant faire en sorte que l’une des promesses du Président de la République soit tenue.
Le texte abroge la suppression automatique des sursis, qui reste néanmoins possible.
Le projet de loi s’attaque également aux sorties sèches, qui étaient la règle pour les courtes peines, et qui sont la voie royale vers la récidive.
Il présente également des avancées notables, qui justifient notre vote.
D’abord, en direction des victimes et en faveur de leur indemnisation.
La césure du procès pénal offre aussi au tribunal la possibilité de prononcer la culpabilité et des mesures d’indemnisation des victimes lors d’une première audience et de renvoyer sa décision sur la peine à une seconde audience, après une période d’évaluation du prévenu de quatre mois maximum. C’est là une bonne initiative.
L’introduction de mesures favorisant l’expérimentation de la justice restaurative – que nous réclamions, nous, écologistes, depuis longtemps – est aussi une avancée.
Et surtout, le projet de loi met en place une autre peine : la contrainte pénale.
Cette peine de probation pourra être comprise entre six mois et cinq ans, elle sera exécutoire en milieu ouvert. Elle soumet le condamné à un ensemble d’obligations et d’interdictions ainsi qu’à un accompagnement soutenu.
Elle ne remplace aucune peine, toutes les autres peines restant en vigueur. Elle vise un meilleur encadrement des condamnés, un suivi plus rigoureux avec des contraintes plus grandes et un accompagnement permettant la réinsertion afin d’éviter la réitération et la récidive.
Le texte rompt, pour l’essentiel, avec l’idée que la prison serait le meilleur et l’unique antidote à la délinquance. Non seulement la prison coûte cher à la collectivité, mais nous savons qu’elle n’est pas le moyen le plus efficace pour lutter contre la récidive – elle est d’ailleurs moins efficace que les peines alternatives.
La surpopulation carcérale que notre pays connaît – nous allons de record en record – rend difficile toute politique de lutte contre la récidive.
L’allongement de la durée des peines, à laquelle les peines plancher et la comparution immédiate ont participé, n’a pas fait diminuer les délits dans le pays. Les dizaines de lois pénales de l’ancienne majorité n’ont en rien amélioré la sécurité de nos concitoyens ni le sort des victimes. Se débarrasser des petits délinquants récidivistes en les enfermant quelques mois est une impasse. La garde des sceaux a décidé d’en sortir. Cette rupture est salutaire pour nous tous et, en premier lieu, pour les victimes de la récidive, qui sont une préoccupation majeure du texte.
Il nous faut néanmoins revenir sur les conditions de notre débat. Le compromis sur le délai d’application de la contrainte pénale – imposé par le Gouvernement au rapporteur – est boiteux. Les compromis passés entre l’exécutif et le groupe majoritaire, qui sont légitimes, doivent avoir un sens, et celui-ci n’en a aucun.
Pendant le débat, la gauche dans toute sa diversité – radicaux, communistes, socialistes et écologistes – s’est montrée unie et rassemblée pour montrer qu’il existe aujourd’hui une majorité claire et large pour abroger les tribunaux correctionnels pour mineurs et la rétention de sûreté.
Ce sont les choix du Gouvernement qui n’ont pas permis que cette unité, suffisamment rare pour être soulignée, se traduise concrètement dans le texte. Il revient aujourd’hui au Gouvernement de donner une réponse à sa majorité sur le calendrier et le véhicule législatif permettant que ces promesses du Président de la République soient appliquées.