La grandeur et la force d’une société se mesurent à sa capacité à intégrer tous les membres qui la composent et à offrir à chacun d’entre eux une égalité de traitement. Nous sommes tous d’accord, j’en suis convaincue, pour dire qu’un pays comme la France, fort de ses valeurs et de ses idéaux, ne pourra jamais se résigner à laisser en marge une partie de ceux qui le composent. Sur un sujet comme celui qui nous réunit ce soir, il ne devrait pas y avoir d’opposition ou de désaccord entre nous. Nous sommes tous ici conscients des enjeux, des attentes et des réalités de la prise en compte du handicap.
Alors, pourquoi une nouvelle loi aujourd’hui ? Il faut bien reconnaître qu’en matière de mise en accessibilité, même si elle était ambitieuse et si ses objectifs étaient tout à fait honorables, la loi du 11 février 2005 a besoin d’aménagements. Ses objectifs ne sont hélas pas atteints aujourd’hui. Dix années ont été laissées aux établissements et aux transports pour se rendre accessibles ; dix années pour organiser, financer et réaliser l’accessibilité. Et pourtant, après dix ans, seule une école sur quatre est accessible ; moins de la moitié des transports et très peu de commerces le sont.
Cette situation n’est pas acceptable, et elle dure depuis plus de quarante ans. Elle est d’abord le résultat de normes trop contraignantes : certaines structures n’avaient ni les moyens techniques ni les moyens financiers de réaliser de telles adaptations .Cette situation est due aussi à un manque d’accompagnement et d’incitation, qui auraient pu faciliter la mise aux normes. Elle est, enfin, le résultat d’un manque total de suivi et de contrôle, qui a laissé à chacun le soin de s’adapter. Nous en constatons aujourd’hui les résultats.
Le texte que vous nous présentez, madame la secrétaire d’État, tient compte de tous ces handicaps, si vous me permettez l’expression. Mais il ne faudrait pas non plus perdre de vue que l’accessibilité est aussi une affaire de choix et de volonté politiques : c’est bien la volonté de changer les choses qui doit tous nous animer ce soir. Nous nous devions donc d’imaginer de nouvelles dispositions pour pallier ces manques et pour atteindre nos objectifs : c’est ce à quoi nous nous sommes attelés.
Les attentes sont énormes, et elles sont justifiées. Chaque personne doit pouvoir emprunter les transports en commun, faire ses courses, se rendre à l’école ou dans sa mairie. Chaque personne doit pouvoir emprunter les trottoirs de sa propre rue ou aller au restaurant sans s’en voir refuser l’accès sous prétexte que son chien guide n’y est pas toléré. La mise en accessibilité est un facteur d’indépendance et de bien-être pour les personnes, car le handicap est toujours lié à une situation : c’est la situation et l’environnement qui créent le handicap, et non l’inverse.
La question de l’accessibilité dépasse d’ailleurs le simple cadre du handicap. Je souhaite vous rappeler, à cet égard, que notre société est vieillissante et qu’il est donc primordial de replacer l’individu, dans sa singularité et son évolution, au centre de notre organisation sociale. Chacun doit pouvoir évoluer tout au long de sa vie dans un environnement qui lui est favorable. Sur ce point, le Gouvernement prend ses responsabilités et propose aujourd’hui un nouveau texte qui permettra d’agir de manière cohérente et pragmatique, notamment grâce au recours aux ordonnances. Ce texte permettra la réalisation de la mise en accessibilité grâce à l’encadrement et au suivi prévus par les Ad’AP.
En obligeant les établissements à s’engager dans un processus daté et encadré, et en proposant des sanctions graduelles et des contrôles suivis et réguliers, il assurera une réelle effectivité de la mise en accessibilité. Ce texte prévoit aussi de prendre en compte les réalités propres à chaque situation, et particulièrement les structures les plus en difficulté. Il prévoit notamment la création d’un fonds pour venir en aide à ces dernières.
Je salue le travail des parlementaires et celui de nos deux rapporteurs sur ce sujet et je vous appelle, mes chers collègues, à faire preuve de réalisme et de responsabilité en soutenant ce texte équilibré et cohérent, qui répond aux attentes de notre société en matière d’accessibilité.
Mais il reste encore tant à faire pour les personnes en situation de handicap ! Je ne peux m’empêcher de rappeler les difficultés que rencontrent encore bon nombre d’enfants dans leur scolarisation, et bon nombre d’adultes face à la formation, à l’emploi, au logement, ainsi que dans l’accès à la citoyenneté, au numérique, aux loisirs, à la santé et aux équipements coûteux. Le Président de la République, en exigeant que chaque loi comporte un volet relatif au handicap, a fixé un cap : à nous de nous mobiliser pour en faire une réalité.