La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées (nos 1896, 1985, 1959).
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames, messieurs les députés, je suis ici devant vous pour vous présenter le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. Les termes sont techniques, alors qu’il s’agit en réalité de savoir dans quelle société nous voulons vivre.
Depuis la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il a été admis que c’est l’environnement qui crée le handicap et qu’il est donc nécessaire d’adapter cet environnement à toutes les formes de handicap pour aboutir à l’accessibilité universelle.
Avant de dresser l’état des lieux actuel de l’accessibilité en France, je voudrais faire un bref rappel historique, qui peut permettre de mieux identifier les raisons ayant abouti à la situation actuelle.
Comment les pouvoirs publics et la société française se sont-ils comportés vis-à-vis des situations de handicap au cours de l’histoire ?
Il a fallu attendre la fin du XVIIe siècle et surtout le XVIIIe siècle pour voir apparaître une prise de conscience avec, d’une part, la reconnaissance des mutilés de guerre par Louis XIV, et, d’autre part, au XVIIIe siècle, les premières méthodes éducatives pour les enfants considérés à l’époque comme infirmes.
Lors de la Révolution française, il a été écrit que l’assistance est, non pas une charité, mais une obligation nationale. Malheureusement, cette affirmation n’a pas été suivie d’effet.
C’est à la fin du XIXe siècle, sous la Troisième République, que l’écart par rapport à la norme est défini, sans que soit encore prononcé le mot de handicap.
La loi de 1905 – celle qui concerne le sujet d’aujourd’hui – affirme que l’assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables est le devoir de l’État.
Entre les deux guerres, sous l’impulsion d’associations, apparaît la notion de compensation du désavantage, pouvant permettre une intégration sociale des personnes ayant un handicap.
À partir de 1945, la sécurité sociale établit le principe de réadaptation et de rééducation professionnelle. Surtout, le secteur associatif se développe très fortement.
Avec la loi de 1975, les devoirs de la société envers les personnes handicapées sont reconnus ; il s’agit de maintenir celles-ci dans un cadre ordinaire de travail et de vie et de permettre leur accès aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population.
En 1991, une nouvelle loi comporte des mesures pour favoriser la vie sociale des personnes handicapées, dont l’accessibilité des locaux d’habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public.
Enfin, la loi du 3 février 2005 crée le droit à une compensation des conséquences du handicap, impose que les établissements publics et privés recevant du public soient accessibles à tous avant le 1er janvier 2015 et que les transports collectifs le soient eux aussi avant le 13 février 2015.
Si je prends le temps de vous rappeler ces éléments historiques, c’est parce que nous devons tous avoir conscience que le progrès social auquel chaque citoyen a droit a toujours été beaucoup plus tardif pour les personnes handicapées que pour le reste de la population.
L’exemple du droit de vote est flagrant. À l’école, il y a de cela une trentaine d’années, on apprenait que le suffrage universel, en France, datait de 1848. En réalité, les femmes ont dû attendre 1945 pour voter. Les personnes ayant un handicap mental et placées sous tutelle, quant à elles, ont dû attendre 2009. Comme vous pouvez le constater, l’accessibilité universelle, c’est vaste et c’est long ; c’est même trop long.
Où en est-on aujourd’hui de l’application de la loi de 2005, à quelques mois de l’échéance du 1er janvier 2015 ?
Les rapports se sont succédé, pour aboutir tous au même constat : la généralisation de l’accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie ne pourra pas être effective en 2015.
En octobre 2012, la sénatrice Claire-Lise Campion a été chargée par le Premier ministre d’évaluer l’accessibilité en France et de rechercher les solutions concrètes permettant à notre pays de mettre en oeuvre les objectifs de la loi de 2005.
Je souhaite vous livrer quelques données extraites du rapport de votre collègue parlementaire, intitulé Réussir 2015.
En France, 86 % des communes ont installé leur commission communale d’accessibilité, mais seulement 13 % d’entre elles ont adopté leur plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics. Il existe près de 300 000 établissements communaux recevant du public ; un diagnostic d’accessibilité a été réalisé pour 56 % d’entre eux. Le nombre total d’établissements recevant du public – ERP –, qu’ils soient publics ou privés, est estimé entre 1 million et 2 millions. Parmi ces établissements, 330 000 ont déjà fait l’objet de travaux d’ensemble ou partiels.
Dans les transports publics urbains, entre 65 % et 90 % des autobus sont équipés, selon le type de handicap. Les données ne sont pas disponibles pour les transports interurbains. Dans les transports publics ferroviaires, sur les 3 000 gares existantes, seules 172 sont dites de référence et sont sous l’entière responsabilité de la SNCF. Parmi elles, 50 sont entièrement accessibles et 122 le seront en 2015.
Ces quelques éléments révèlent deux choses. D’une part, les données sont très parcellaires et incomplètes. Nous ne disposons, en France, d’aucun système exhaustif permettant de connaître l’état exact de l’accessibilité. D’autre part, étant donné le retard accumulé, il est totalement utopique d’imaginer que tous les établissements recevant du public, tous les systèmes de transport public et toutes les voiries seront en conformité avec la loi de 2005 d’ici à quelques mois.
Ce retard, je le sais, suscite de l’impatience. Cette impatience est bien légitime et le Gouvernement la comprend. Oui, c’est vrai, il y a urgence pour toutes les personnes pour lesquelles la vie quotidienne peut devenir un vrai parcours du combattant du fait d’aménagements insuffisants.
Face à ce constat, le Comité interministériel du handicap du 25 septembre 2013 a décidé d’engager des travaux de concertation, afin de faire évoluer le cadre juridique de manière consensuelle, l’objectif étant d’être pragmatique. Marie-Arlette Carlotti, qui m’a précédée dans cette fonction, y a mis toute son énergie et toute sa détermination, avec la sénatrice Claire-Lise Campion, laquelle a présidé les réunions de concertation.
Les premières ont porté sur la mise en oeuvre des agendas d’accessibilité programmée, plus communément appelés Ad’AP, qui permettront aux acteurs publics et privés de s’engager sur un calendrier précis et chiffré de travaux d’accessibilité, rendant ainsi concrète et réelle l’accessibilité pour tous établie par la loi de 2005. C’est l’objet principal du projet de loi d’habilitation qui vous est soumis.
En parallèle, d’autres réunions de concertation ont eu lieu sur les normes d’accessibilité du cadre bâti, de la voirie et des transports publics. L’objectif était d’adapter ces normes à l’évolution des techniques, de les simplifier pour les rendre plus efficaces en tenant compte des contraintes et de les compléter pour mieux prendre en compte l’ensemble des formes de handicap. En effet, l’accessibilité concerne non seulement le handicap moteur, mais aussi le handicap mental, visuel, auditif et psychique.
Au total, 140 heures de concertation ont eu lieu avec l’ensemble des parties prenantes : les associations de personnes handicapées, les associations d’élus, les collectivités locales, les fédérations professionnelles des secteurs économiques concernés, ainsi que les professionnels de l’accessibilité.
L’objet du projet de loi est de permettre, par voie d’ordonnances, la mise en oeuvre des décisions prises par le Gouvernement à partir des préconisations issues de la concertation, du moins pour celles qui nécessitent des mesures de niveau législatif.
L’article 1er du projet de loi rassemble les mesures qui doivent être prises pour donner la possibilité de prolonger au-delà de 2015 le délai permettant d’effectuer les travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public. Il s’agit de mettre en place un nouvel outil, l’agenda d’accessibilité programmée, et d’un dispositif de suivi et de sanctions, puisque la loi de 2005 n’avait pas prévu la situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui.
L’agenda d’accessibilité programmée, document de programmation financière des travaux d’accessibilité, permettra à ceux qui ne sont pas en conformité avec la loi de 2005 de s’engager sur un calendrier précis. Il s’agit, pour le Gouvernement, de créer une dynamique en faveur de l’accessibilité et de garantir son prolongement au-delà du 1er janvier 2015.
L’ordonnance définira le contenu de l’agenda d’accessibilité programmée, les procédures applicables à son dépôt et à sa validation par l’autorité administrative et les modalités de suspension ou de prolongation éventuelles.
À mon sens, la condition nécessaire à la réussite de ce dispositif est sa simplicité : le document à remplir doit être court ; le libellé des questions doit être simple. En fait, le dossier ne doit pas être un problème pour les personnes qui auront à le remplir. Je le précise, car il ne faut pas perdre de vue l’objectif : l’accessibilité effective.
Sera également mis en place par l’ordonnance un suivi de l’avancement des travaux prévus, avec la transmission de bilans. Ce suivi pourra conduire à des sanctions en cas de non-respect des engagements pris par le signataire de l’agenda. Ce dispositif de contrôle constituera la contrepartie de la souplesse nouvelle donnée au calendrier. Il ne faut pas oublier qu’une des raisons de la non-application de la loi de 2005 est l’absence de dispositif de contrôle pendant dix ans. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement dans ce sens, pour systématiser l’évaluation à mi-parcours des agendas de plus de trois ans.
L’article 2 tend à habiliter le Gouvernement à modifier les exigences d’accessibilité pour les services de transport public de voyageurs et les gares, et à créer un agenda pour les transports, le schéma directeur d’accessibilité « Agenda d’accessibilité programmée ».
L’article 3 tend à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances les dispositions relatives à l’outre-mer ainsi que diverses mesures relevant du domaine de la loi. Ainsi, il prévoit d’exempter les communes de moins de 500 habitants de l’obligation d’élaborer le plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics. Le seuil de 500 habitants a été inséré par un amendement de vos collègues du Sénat.
Pour les communes dépassant ce seuil, mais comptant moins de 1 000 habitants, l’article 3 prévoit une simplification du plan de mise en accessibilité.
Par ailleurs, l’article 3 tend à autoriser plus largement les chiens guides d’aveugle et les chiens d’assistance des personnes handicapées dans les transports et les lieux publics. Je vous proposerai tout à l’heure un amendement qui permet d’exprimer plus clairement encore l’intention du Gouvernement sur ce sujet.
Enfin, cet article sollicite votre habilitation pour créer un fonds consacré à l’accompagnement de l’accessibilité universelle. Les ressources de ce fonds proviendront des sanctions financières prononcées du fait du non-respect des agendas d’accessibilité programmée et des schémas directeurs d’accessibilité. Ce fonds sera rattaché à la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie.
Le choix de recourir à une ordonnance a pu surprendre, tant le sujet nous concerne tous, et en premier lieu la représentation nationale.
Je connais les réticences de certains d’entre vous à ce propos et je les comprends. Je voudrais vous dire à ce sujet deux choses : tout d’abord, il ne s’agit pas de changer la loi, puisque nous gardons celle de 2005. Il s’agit seulement de se donner les moyens de l’appliquer plus efficacement. Ensuite, il faut reconnaître qu’il y a urgence à agir pour mettre en place les agendas d’accessibilité programmée, si nous voulons obtenir dès 2015 de réelles avancées concrètes dans l’accessibilité pour tous.
Au-delà de ce projet de loi d’habilitation, je suis venue vous parler aujourd’hui de l’ensemble de la réforme de l’accessibilité. J’entends çà et là des inquiétudes bien légitimes. On me dit : « Les collectivités locales ont de moins en moins d’argent ; les entreprises sont dans la difficulté à cause de la crise, elles ne pourront jamais investir dans des travaux d’accessibilité, ou alors elles déposeront le bilan… » Cette réalité est prévue dans la loi, elle l’était déjà en partie dans la loi de 2005 : les acteurs publics comme privés pourront demander une dérogation ou un allongement de l’agenda, si les travaux de mise en accessibilité mettent en danger leur équilibre économique.
De plus, je signerai le 26 juin, avec le ministre des finances et des comptes publics Michel Sapin, une convention avec la Caisse des dépôts et consignations et BPI France, afin de faciliter dès 2014 l’accompagnement financier des collectivités locales et des entreprises dans leurs travaux d’accessibilité.
J’engagerai également d’ici à l’été une vaste campagne de communication, pour expliquer le nouveau dispositif et sensibiliser à l’accessibilité universelle. J’irai moi-même sur le terrain pour expliquer la réforme, et je serai aidée par 1 000 jeunes en service civique.
Par ailleurs, la réforme comporte un réajustement, voire une simplification des normes, qui va permettre à des milliers d’établissements de réaliser des travaux alors que, jusqu’à présent, ils les avaient jugés irréalisables. Ce réajustement, fruit de la discussion entre l’ensemble des acteurs concernés, traduit un équilibre entre les attentes et les contraintes des uns et des autres. L’ensemble des propositions issues de la concertation présidée par Claire-Lise Campion ont été retenues par le Gouvernement.
Ainsi, la réglementation sera simplifiée pour la rendre plus efficace. Par exemple, les solutions techniques alternatives aux normes réglementaires seront autorisées dès lors que la démonstration sera faite que les solutions équivalentes proposées offrent le même niveau de service. Cette accessibilité pragmatique permettra aux collectivités locales, comme aux acteurs privés, de définir plus facilement leur stratégie d’accessibilité.
Autre exemple : dans les commerces, en dernier ressort, l’installation d’une rampe amovible sera autorisée. Hôtels et restaurants verront aussi leurs normes plus adaptées à leur activité.
En parallèle, l’ensemble des formes de handicap seront mieux prises en compte. La formation des personnels chargés de l’accueil et de la sécurité à l’accueil de clients et usagers handicapés, quel que soit le type de handicap, sera généralisée : je vous proposerai tout à l’heure un amendement à ce sujet. Un registre d’accessibilité devra être tenu par tous les établissements recevant du public pour préciser les modalités d’accès aux prestations des personnes handicapées, tous handicaps confondus. Dans un souci d’efficacité et de simplicité, ce registre sera fusionné avec celui existant déjà sur la sécurité.
D’autres mesures de simplification et d’amélioration des normes sont prévues. Elles seront très rapidement traduites par des textes réglementaires pour être mises en oeuvre dès cette année, en même temps que les agendas d’accessibilité programmée.
Pour conclure, je veux revenir à mes propos introductifs : les progrès d’une société se mesurent, entre autres, à sa capacité à se rendre accessible à tous sans distinction. Notre mission collective consiste donc à supprimer ou à réduire autant que possible les situations de handicap que peuvent rencontrer quotidiennement plusieurs millions de nos concitoyens. C’est l’autonomie, la participation et la citoyenneté qui sont en jeu. C’est l’accès à l’école, à la formation, à l’emploi, aux soins, à la consommation, aux services publics, à la culture, au logement, à la vie démocratique, qui en dépend. La question qui se pose aujourd’hui, c’est bien celle-ci : dans quelle société voulons-nous vivre ?
Si ce que nous souhaitons est une société plus juste et plus solidaire, alors nous devons agir, pour permettre enfin l’application généralisée de la loi de 2005. Regarder vers le passé est utile pour comprendre les difficultés actuelles et éviter de reproduire les mêmes erreurs. Mais il ne sert à rien de passer du temps à regretter ce qui n’a pas été fait ou à énumérer ce qui aurait pu être fait.
Mesdames, messieurs les députés, ce que je vous propose aujourd’hui, c’est de regarder vers l’avenir : considérer l’accessibilité non plus comme une charge supplémentaire, mais bel et bien comme un investissement d’avenir. En France, on estime à douze millions le nombre de personnes dont on peut améliorer le quotidien par l’accessibilité universelle. Dans le monde, des centaines de millions de personnes voyagent et choisissent leur destination en fonction de l’accessibilité des lieux publics et touristiques, des hôtels, des restaurants et des commerces. Il est temps que la France, pour développer son attractivité, ajoute à ses nombreux atouts l’accessibilité pour tous.
Pour aboutir à ce résultat, il nous faut enclencher une véritable réforme de société ; c’est l’objectif que nous poursuivons aujourd’hui. L’accessibilité, c’est aussi, avant tout, une question d’égalité de tous les citoyens, c’est donc une exigence républicaine. Le Gouvernement y est attaché et je sais que vous l’êtes aussi sur l’ensemble de ces bancs. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, ce soir, je compte sur vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le projet de loi qui nous rassemble ce soir fait suite à l’échec de la mise en oeuvre des objectifs d’accessibilité universelle fixés par le législateur dans la loi du 11 février 2005.
Pour mémoire, cette loi contenait des dispositions organisant notamment la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des bâtiments d’habitation, des transports et de la voirie à l’horizon des 1er janvier et 13 février 2015. La mise en accessibilité se voulait « universelle », c’est-à-dire adaptée à tous, au-delà du handicap.
Passé ce délai, un dispositif de sanctions pénales vise les personnes physiques et morales qui ne se seraient pas mises à jour de leurs obligations au début 2015. Mais il s’agit là, reconnaissons-le, de la seule disposition contraignante puisque aucun dispositif de suivi intermédiaire n’avait été prévu, lacune expliquant sans doute, pour beaucoup, le retard conséquent de l’accessibilité dans notre pays.
Dès lors, la perspective d’un couperet au 1er janvier 2015 est devenue de plus en plus difficilement tenable, comme l’ont signalé plusieurs rapports de 2012 : celui des sénatrices Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, ainsi que le rapport conjoint du Conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier.
Devant ce constat, voici les termes de l’alternative. Nous pourrions faire ce qui a été fait depuis trop longtemps, c’est-à-dire ne rien faire. Or, ne rien faire, c’est laisser le contentieux devenir l’arbitre de la mise en accessibilité. Le risque est surtout social : soit, au niveau national, celui d’un dialogue conflictuel entre les associations de personnes handicapées et les responsables d’ERP, de transport, de collectivités ; soit, à l’inverse, au niveau local, que nous fassions comme si les personnes en situation de handicap allaient saisir la justice pour faire condamner leur médecin, leur épicier, le bar de la ville, le centre des impôts, le tribunal de ressort ou encore la salle de sport. Cela n’a pas beaucoup de sens et je comprends bien que nul ne souhaite en arriver là.
L’autre option était de reconnaître le retard et de se donner les outils pour se mettre à jour rapidement et sérieusement, dans une démarche de bon sens et, je dirai, de recherche d’harmonie sociale.
C’est l’idée générale qui est ressortie du processus de concertation conduit par notre collègue sénatrice Claire-Lise Campion.
Deux chantiers ont été conduits, débouchant sur deux rapports remis en février et mars derniers, l’un portant sur les mesures de simplification réglementaire, l’autre sur la création d’un agenda d’accessibilité programmée, que l’on commence à connaître sous le nom d’Ad’AP, ainsi que ses déclinaisons.
Les prescriptions des quatre articles de ce projet de loi s’inscrivent clairement dans cette démarche.
Réunie le 28 mai dernier, la commission des affaires sociales a conduit un travail de qualité pour enrichir ce texte. Dans un climat particulièrement constructif et consensuel, nous avons adopté d’importantes modifications.
En premier lieu, à l’article 1er, la commission des affaires sociales a adopté un amendement rendant les Ad’AP obligatoires. Nous partons en effet du postulat, audacieux dans l’histoire de l’accessibilité, que chacun doit se conformer à la loi.
Nous considérons que tous les propriétaires ou exploitants d’ERP qui ne seraient pas à jour avec les règles d’accessibilité doivent naturellement déposer un Ad’AP. Il est donc logique de prévoir qu’ils déposent obligatoirement un agenda et d’assujettir le non-dépôt au dispositif de sanctions.
En outre, nous avons précisé les délais de dépôt de ces agendas, ceux-ci étant circonscris aux douze mois suivant la publication de l’ordonnance. Soyons clairs, là encore : il n’est pas question de permettre à nouveau de jouer la montre.
Constatant que l’une des raisons de l’échec de la loi de 2005 tenait à l’absence de rendez-vous d’étape, nous avons adopté un amendement prévoyant des formalités de suivi à mi-période pour les Ad’AP d’au moins trois ans. Cette mesure ne vise donc que les ERP de grande taille. Dans l’esprit du texte en effet, la plupart des petits ERP devraient se voir accorder des agendas d’un an ou deux, correspondant à des travaux légers, mais indispensables.
De même, à l’article 2, nous avons prévu que les SDA-Ad’AP, spécifiques aux transports, seront déposés au plus tard dans les douze mois suivant la publication des ordonnances.
À l’article 3, nous avons souhaité apporter des précisions sur la gouvernance du fonds qui est créé afin de recueillir le produit des sanctions financières liées aux Ad’AP. Il s’agit de garantir la représentation des acteurs publics et privés ainsi que des représentants des associations.
Nos discussions ont également mis en évidence la nécessité de mieux formuler l’alinéa relatif à la circulation des chiens guides d’aveugle qui, en l’état, nous le confessons, semble relativement ambigu.
L’examen en séance de ce projet de loi me donne l’occasion de mettre en avant quelques points complémentaires.
En premier lieu, il nous semble nécessaire de réfléchir à la mise en place plus systématique d’une formation ou d’une sensibilisation des personnels des ERP sur les questions d’accessibilité. C’est une demande forte des associations qui, je crois pouvoir le dire, est parfaitement légitime.
J’ajoute que ce souci de formation vaudra également pour les ambassadeurs de l’accessibilité dont, d’ailleurs, certains pourraient être des personnes handicapées puisque les connaissances dont elles disposent en feraient des acteurs importants de la transmission du savoir.
Ensuite, nous souhaitons que la mise en place de sanctions financières ait aussi pour corollaire la mise en oeuvre de dispositifs incitatifs.
Nous souhaitons que le Gouvernement promeuve un système clair et accessible à tous à travers, par exemple, des prêts bonifiés, qui seraient des éléments incitatifs particulièrement intéressants.
Au-delà, je constate que nous disposons de peu d’outils pour évaluer réellement et complètement la situation et pour contrôler effectivement les avancées de la mise en accessibilité. Est-il normal que, dix ans après la loi du 11 février 2005, nous ne soyons même pas capables de mesurer l’ampleur de l’inaccessibilité et, partant, le nombre d’établissements à mettre en conformité avec la loi ?
Nous avons donc besoin d’outils efficaces. C’est pourquoi je rejoins la proposition de Mme la secrétaire d’État visant à mettre en place des registres de sécurité devenant également des registres de sécurité et d’accessibilité.
Il faut travailler le plus ardemment possible pour qu’en amont et en aval nous bénéficiions de « dispositifs-balais » permettant de vérifier la réalité de l’accessibilité ainsi réalisée.
Par ailleurs, vous le savez, le Défenseur des droits a constaté lors d’une étude test qu’un tiers des taxis parisiens sollicités avaient refusé des personnes accompagnées de chiens guides bien que le droit soit très clair sur cette question.
Les associations représentant les personnes aveugles dénoncent régulièrement les entraves au déplacement qu’imposent certains commerçants ou certains vigiles, malgré des dispositions législatives protectrices, car il y aurait peu de risques à refuser un chien guide d’aveugle, même si c’est illégal.
Là encore, seul le travail de sensibilisation permettra de fonder une culture commune rendant l’entrave au déplacement avec un chien guide définitivement inacceptable.
Nous touchons là une question politique et culturelle profonde que la menace d’amendes ou de sanctions pénales, finalement assez lointaine, ne réglera jamais à elle seule. Il relève de notre responsabilité de faire comprendre que l’accessibilité doit être l’affaire de tous. Nous sommes en effet tous bénéficiaires de ces normes à un moment ou un autre de nos vies, chacun doit le comprendre.
Le handicap résulte de l’interaction entre les possibilités de la personne et les obstacles que lui oppose son environnement. De fait, une personne en fauteuil face à des toilettes adaptées n’est pas en situation de handicap. Cette définition a l’avantage de déplacer le point de vue des limitations fonctionnelles vers le milieu dans lequel évolue la personne handicapée et devrait progressivement être adoptée par les politiques d’accessibilité.
Il importe de comprendre que le retard indigne de la France en matière d’accessibilité s’explique grandement par l’incapacité de la société à changer de point de vue sur le handicap.
Le législateur devra donc apporter une vigilance particulière à la sensibilisation, car toutes les associations représentant les personnes en situation de handicap ont souligné que l’échec de la loi de 2005 était dû non seulement à l’absence de volonté politique, mais également à l’absence invraisemblable de prise de conscience collective du problème de l’inaccessibilité.
Peut-être pourrais-je former le voeu que l’État accompagne résolument ce nouvel élan – vous venez d’ailleurs de nous le démontrer – dans la mise en accessibilité, mais qu’il le fasse en devenant lui-même, enfin, exemplaire !
En conclusion, mes chers collègues, l’urgence nous contraint à recourir aux ordonnances. C’est un fait…
…lequel plaît d’ailleurs rarement aux parlementaires.
Pour autant, à l’issue des travaux de la commission, je crois pouvoir dire que nous sommes face à un projet de loi sérieux et équilibré, largement renforcé par le Parlement. Ce texte apporte une réponse réaliste et acceptable par tous aux difficultés que nous devons traiter. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite bien évidemment à l’adopter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Je tiens, en préambule, à remercier notre collègue Christophe Sirugue, rapporteur de la commission saisie au fond, pour la qualité de son travail dans lequel il a intégré toute la dimension transversale du sujet.
La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de ce projet d’habilitation qui concerne à la fois le cadre bâti et les transports, mais qui nous questionne aussi sur l’aménagement de notre territoire.
Que recouvre, en effet, cette exigence d’accessibilité ? Il s’agit tout à la fois de concevoir sur le temps long et d’adapter des infrastructures à l’exigence de mobilité de tous nos concitoyens, car l’accessibilité nous concerne tous, chacun d’entre nous pouvant malheureusement, un jour, être victime d’un accident, chacun d’entre nous devant s’accommoder du vieillissement.
L’accessibilité participe également de l’accompagnement des familles et peut constituer un réel avantage économique dans des secteurs concurrentiels comme, par exemple, le tourisme.
Madame la secrétaire d’État, je partage pleinement l’idée selon laquelle l’accessibilité est non pas une charge, mais un investissement d’avenir pour nos concitoyens en situation permanente de handicap, car l’accessibilité, notamment celle des transports, est essentielle et structurante. Comment travailler, avoir une vie sociale, exister, tout simplement, si l’on ne peut pas se déplacer ? C’est un investissement d’avenir, aussi, pour nos territoires, compte tenu des prévisions démographiques.
Je ne reviens pas sur l’apport majeur de la loi du 11 février 2005, constat largement partagé sur tous nos bancs, tout comme est partagé celui de son relatif échec sur la question de l’accessibilité en dehors du neuf. Un tel constat, nul ne peut s’en satisfaire, nul ne doit s’en satisfaire et les gouvernements successifs, depuis juin 2012, ne s’en sont pas satisfaits.
Aujourd’hui, des dispositions urgentes doivent être prises pour atteindre l’objectif de la loi de 2005 sur la base d’une longue concertation et des quarante propositions du rapport « Réussir 2015 », unanimement salué par l’ensemble des acteurs.
L’outil de la réussite est l’agenda d’accessibilité programmée. Il s’agit de s’engager, de recenser et d’évaluer les travaux à mettre en oeuvre, de programmer la faisabilité financière sur un calendrier et à partir d’un budget précis. La programmation est cadrée sur une à trois périodes de trois ans selon les difficultés.
Nous avons besoin de principes et d’une méthode pour réussir.
Le premier principe, c’est un accompagnement de l’autorité administrative. L’engagement du pétitionnaire est conforté par la compréhension des difficultés quelquefois financières ou architecturales et, au final, la validation du délai nécessaire à la réussite.
Le second principe consiste à faciliter plutôt qu’échouer.
Il faut en effet admettre que l’exigence d’accessibilité a parfois été excessive dans ses modalités pratiques. Là encore, c’est le fruit de la concertation qui oriente le texte qui nous est proposé vers l’adaptation et la clarification des règles.
Faciliter plutôt qu’échouer, c’est aussi introduire la notion de « disproportion manifeste », la prise en compte du cas particulier des copropriétés refusant de façon motivée de donner leur accord aux travaux nécessaires, le respect de la « visitabilité » du logement pour les ventes en l’état futur d’achèvement – les VEFA – et le choix de définir les arrêts prioritaires dans les transports.
La méthode, quant à elle, s’incarne dans une volonté de transparence accrue. L’accessibilité, après tout, est aussi une question de citoyenneté, le meilleur contrôle qui puisse être effectué étant celui des citoyens eux-mêmes.
Contrairement à ce qui a été dit, ce dispositif ne donne pas raison à ceux qui ne se sont pas beaucoup investis en matière d’accessibilité : il réaffirme l’obligation d’accessibilité tout en « traçant un chemin » car il nous faut aussi être réaliste. C’est un enjeu financier, technique et patrimonial important pour nombre de collectivités et de propriétaires privés.
Les débats au sein de la commission du développement durable l’ont montré : dans la grande majorité des cas, nous ne sommes pas confrontés à une simple mauvaise volonté à se conformer à l’exigence de mise en accessibilité, mais celle-ci nécessite un accompagnement plutôt qu’un couperet, même si des garanties sont prévues et si des sanctions administratives financières graduées seront appliquées en cas de non-respect des engagements.
En matière de transports, l’absence de coordination entre les acteurs a pour conséquence la rupture de la chaîne du déplacement. L’articulation entre les gestionnaires des gares et RFF, qui gère les quais, est indispensable. J’évoquerai ce sujet lors du débat sur la réforme ferroviaire.
La commission du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions du projet de loi, mais je souhaite, pour conclure, insister sur deux points et poser quelques questions.
Compte tenu des courts délais envisagés, la réussite des Ad’Ap dépendra de leur simplicité de mise en oeuvre. Dans cette optique, quel sera le rôle des ambassadeurs ?
Si certaines communes peuvent être exonérées totalement ou partiellement de l’élaboration d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics – PAVE –, il faut veiller à maintenir la continuité dans la chaîne de déplacements. La proposition du rapporteur de la commission saisie au fond de les confier aux structures intercommunales va dans le bon sens.
Il est absolument indispensable de renforcer aussi le rôle et la fréquence des réunions des commissions communales ou intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées.
En conclusion, je veux souligner que ce texte nous protège de toutes les excuses avancées pour ne pas faire et nous conforte quant aux raisons d’agir et, tout simplement, de réussir.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Ce projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances une série de mesures visant la mise en accessibilité de notre société.
Le recours aux ordonnances, cela a été dit par M. Sirugue, n’est certes jamais tout à fait satisfaisant du point de vue parlementaire mais, dans la situation où nous sommes, il n’existait pas de meilleure alternative.
Ce texte rappelle à nouveau l’engagement profond de ce Gouvernement de faire du handicap une préoccupation générale de son action.
D’ailleurs, dès le 4 septembre 2012, une circulaire du Premier ministre relative à la prise en compte du handicap dans les projets de loi demandait à ce que, dans toutes les études d’impact, figurât une fiche diagnostic présentant l’impact du texte sur la situation des personnes handicapées.
Donc, le projet de loi que nous examinons ce soir fait suite au constat d’échec de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005.
Cela a été dit, cette loi avait posé des objectifs ambitieux dans le domaine de la mise en accessibilité par la prise en compte de tous les handicaps, la mise en accessibilité « automatique » des constructions nouvelles et des moyens de transport entrant en service, la fixation d’un délai de dix ans pour la mise en accessibilité de l’existant.
Cette loi avait suscité de nombreux espoirs, mais, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons trouvé une situation particulièrement préoccupante. La législation mise en place en 2005 révélait ses faiblesses : absence d’outils incitatifs ou contraignants pour accompagner les efforts de mise en accessibilité, délégation tacite du soin de vérifier la bonne exécution de la loi aux associations et juges, absence de recensement et d’outils statistiques pour connaître l’état réel de la mise en accessibilité des établissements recevant du public, trop faible investissement de l’État pour la mise en accessibilité de ses propres sites.
La même majorité qui votait la loi de 2005 aurait dû, je crois, passer davantage aux actes pour que l’État soit exemplaire dans la mise oeuvre de cette loi.
Que faire face à un tel constat ?
Un proverbe arabe dit : « Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse. » Nous avons refusé les excuses et cherché un moyen. Ce moyen, c’est le projet de loi dont nous allons débattre ce soir.
Ne rien faire conduirait en effet à un risque contentieux important et à des tensions dans le corps social. Au contraire, le Gouvernement a retenu l’option la plus courageuse et la plus efficace : maintenir cap tout en créant des outils pratiques et consensuels permettant à tous de l’atteindre.
Le Gouvernement a donc agi très rapidement en initiant d’abord un travail de concertation dont la coordination a été confiée à Mme la sénatrice Claire-Lise Campion.
La concertation était nécessaire, indispensable, car il fallait rassurer les associations concernées – à qui on avait beaucoup promis en 2005 – tout en tenant compte de certaines réalités pratiques s’imposant aux personnes chargées de mettre en oeuvre l’accessibilité.
Les conclusions de cette concertation portant sur les possibilités d’évolutions législatives et réglementaires ont été rendues au début de cette année.
Entre autres mesures, il s’agit notamment de permettre aux exploitants ou aux propriétaires d’établissements recevant du public et n’étant pas encore en conformité de déposer auprès des préfets un agenda d’accessibilité programmée. Ils bénéficient alors d’un délai supplémentaire, sous réserve d’engagements très précis dans le temps. Des dispositions comparables sont prévues pour les autorités organisatrices de transport.
C’est sur cette base que le Gouvernement a déposé le présent projet de loi, qui a été adopté au Sénat le 29 avril. La commission des affaires sociales l’a examiné et adopté après lui avoir apporté des enrichissements substantiels. Ces améliorations doivent beaucoup au travail et à l’investissement de notre rapporteur, M. Christophe Sirugue, dont je salue l’action menée depuis sept ans en faveur de la lutte contre l’exclusion, ainsi qu’aux éclaircissements du rapporteur pour avis, M. Jean-Louis Bricout.
Je ne doute pas que l’examen du texte en séance sera l’occasion de poursuivre ce travail de qualité. La société se doit de tenir ses engagements envers les personnes handicapées, dans toute leur diversité. J’apporte donc mon soutien, madame la secrétaire d’État, à ce projet de loi pragmatique qui ne renonce en rien aux ambitions fortes qui doivent être les nôtres pour faciliter l’existence de nos concitoyens atteints de handicap. Ce texte constitue la meilleure réponse possible à la situation où nous nous trouvons, ainsi qu’à l’inaction constatée sous la précédente législature.
En conclusion je voudrais citer cette belle phrase d’Albert Camus, qui écrivait dans La peste : « Le bien public est fait du bonheur de chacun. » C’est exactement l’ambition portée par ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Comme l’a fait Mme la secrétaire d’État, je voudrais commencer par rendre hommage à Mme Marie-Arlette Carlotti, qui fut à l’origine du travail que nous poursuivons ce soir.
La grandeur et la force d’une société se mesurent à sa capacité à intégrer tous les membres qui la composent et à offrir à chacun d’entre eux une égalité de traitement. Nous sommes tous d’accord, j’en suis convaincue, pour dire qu’un pays comme la France, fort de ses valeurs et de ses idéaux, ne pourra jamais se résigner à laisser en marge une partie de ceux qui le composent. Sur un sujet comme celui qui nous réunit ce soir, il ne devrait pas y avoir d’opposition ou de désaccord entre nous. Nous sommes tous ici conscients des enjeux, des attentes et des réalités de la prise en compte du handicap.
Alors, pourquoi une nouvelle loi aujourd’hui ? Il faut bien reconnaître qu’en matière de mise en accessibilité, même si elle était ambitieuse et si ses objectifs étaient tout à fait honorables, la loi du 11 février 2005 a besoin d’aménagements. Ses objectifs ne sont hélas pas atteints aujourd’hui. Dix années ont été laissées aux établissements et aux transports pour se rendre accessibles ; dix années pour organiser, financer et réaliser l’accessibilité. Et pourtant, après dix ans, seule une école sur quatre est accessible ; moins de la moitié des transports et très peu de commerces le sont.
Cette situation n’est pas acceptable, et elle dure depuis plus de quarante ans. Elle est d’abord le résultat de normes trop contraignantes : certaines structures n’avaient ni les moyens techniques ni les moyens financiers de réaliser de telles adaptations .Cette situation est due aussi à un manque d’accompagnement et d’incitation, qui auraient pu faciliter la mise aux normes. Elle est, enfin, le résultat d’un manque total de suivi et de contrôle, qui a laissé à chacun le soin de s’adapter. Nous en constatons aujourd’hui les résultats.
Le texte que vous nous présentez, madame la secrétaire d’État, tient compte de tous ces handicaps, si vous me permettez l’expression. Mais il ne faudrait pas non plus perdre de vue que l’accessibilité est aussi une affaire de choix et de volonté politiques : c’est bien la volonté de changer les choses qui doit tous nous animer ce soir. Nous nous devions donc d’imaginer de nouvelles dispositions pour pallier ces manques et pour atteindre nos objectifs : c’est ce à quoi nous nous sommes attelés.
Les attentes sont énormes, et elles sont justifiées. Chaque personne doit pouvoir emprunter les transports en commun, faire ses courses, se rendre à l’école ou dans sa mairie. Chaque personne doit pouvoir emprunter les trottoirs de sa propre rue ou aller au restaurant sans s’en voir refuser l’accès sous prétexte que son chien guide n’y est pas toléré. La mise en accessibilité est un facteur d’indépendance et de bien-être pour les personnes, car le handicap est toujours lié à une situation : c’est la situation et l’environnement qui créent le handicap, et non l’inverse.
La question de l’accessibilité dépasse d’ailleurs le simple cadre du handicap. Je souhaite vous rappeler, à cet égard, que notre société est vieillissante et qu’il est donc primordial de replacer l’individu, dans sa singularité et son évolution, au centre de notre organisation sociale. Chacun doit pouvoir évoluer tout au long de sa vie dans un environnement qui lui est favorable. Sur ce point, le Gouvernement prend ses responsabilités et propose aujourd’hui un nouveau texte qui permettra d’agir de manière cohérente et pragmatique, notamment grâce au recours aux ordonnances. Ce texte permettra la réalisation de la mise en accessibilité grâce à l’encadrement et au suivi prévus par les Ad’AP.
En obligeant les établissements à s’engager dans un processus daté et encadré, et en proposant des sanctions graduelles et des contrôles suivis et réguliers, il assurera une réelle effectivité de la mise en accessibilité. Ce texte prévoit aussi de prendre en compte les réalités propres à chaque situation, et particulièrement les structures les plus en difficulté. Il prévoit notamment la création d’un fonds pour venir en aide à ces dernières.
Je salue le travail des parlementaires et celui de nos deux rapporteurs sur ce sujet et je vous appelle, mes chers collègues, à faire preuve de réalisme et de responsabilité en soutenant ce texte équilibré et cohérent, qui répond aux attentes de notre société en matière d’accessibilité.
Mais il reste encore tant à faire pour les personnes en situation de handicap ! Je ne peux m’empêcher de rappeler les difficultés que rencontrent encore bon nombre d’enfants dans leur scolarisation, et bon nombre d’adultes face à la formation, à l’emploi, au logement, ainsi que dans l’accès à la citoyenneté, au numérique, aux loisirs, à la santé et aux équipements coûteux. Le Président de la République, en exigeant que chaque loi comporte un volet relatif au handicap, a fixé un cap : à nous de nous mobiliser pour en faire une réalité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
L’acte majeur de la lutte contre la discrimination dans le domaine des handicaps reste la loi du 11 février 2005.
J’ai été un peu peiné d’assister tout à l’heure à quelques tirs groupés contre cette loi, qui a constitué une avancée majeure, reconnue par tous en ce domaine.
Elle a été voulue et soutenue par Jacques Chirac et s’est inscrite dans la continuité de nombreuses initiatives venues – j’y insiste – de droite, comme de gauche. À l’origine, dix ans ont été jugés indispensables pour réaliser les adaptations nécessaires. Or chacun reconnaît aujourd’hui que la mise en oeuvre de la politique d’accessibilité a rencontré des difficultés techniques et financières, particulièrement au niveau des communes. Il a malheureusement fallu plus de deux ans, madame la secrétaire d’État, pour que, à l’approche de l’échéance, votre gouvernement se décide enfin à agir. Parce que nous sommes aujourd’hui au pied du mur, vous proposez une initiative de dernière minute, par voie d’ordonnances. Malheureusement, comme à chaque fois, le recours à l’article 38 se fait au détriment de la qualité des travaux parlementaires, puisqu’il prive notre assemblée de la possibilité de réfléchir sur le fond, ce qui entraîne souvent d’importants oublis.
C’est pourtant l’esprit de la loi de 2005, et son élan, qu’il faut retrouver pour aller plus loin dans la réalisation de ses objectifs. Ainsi, à l’initiative de l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, j’ai souhaité, le premier, attirer l’attention sur la nécessité de tenir compte des différentes formes de handicap, et notamment celui des personnes handicapées mentales, en formant des personnels dans tous les établissements recevant du public. Il convient en effet de dépasser le cadre étriqué du bâti, car l’accessibilité passe d’abord par l’accueil humain.
En effet, assurer l’accessibilité, c’est aussi offrir à chacun la possibilité de remplir correctement un formulaire, de comprendre une démarche et d’avoir un temps d’écoute suffisant. Nous sommes tous des citoyens à part entière, mais hélas, en l’état actuel, le texte ne prévoit pas d’embrasser l’ensemble des enjeux du handicap, puisqu’il oublie purement et simplement les 700 000 personnes subissant ce type de handicap. Si le Gouvernement corrige cette anomalie, madame la secrétaire d’État, nous voterons, sans esprit partisan, toute avancée allant en ce sens. Mes chers collègues, en prolongeant l’esprit de 2005, il est temps de changer de braquet, d’accélérer et d’élargir notre horizon. Dans cette perspective, il est nécessaire, sans perdre de temps, de présenter un projet sérieux et réaliste. C’est dans cet esprit que nous avons, avec mes collègues de l’UMP, déposé des amendements qui vont tous dans le sens de la clarification et de l’efficacité.
À l’issue du processus de mise en accessibilité, nous devrons en effet sanctionner sans faiblesse les retardataires ayant manifesté peu d’entrain. Il convient cependant de leur avoir donné suffisamment de moyens pour se mettre en conformité avec les règles.
À ce sujet, comment ne pas regretter que l’exécutif, une fois encore, exige des efforts de la part des collectivités, sans contrepartie ?
Compte tenu du contexte, essayons aussi, point par point, d’améliorer le contenu de ce texte. S’agissant de la date limite de dépôt des agendas d’accessibilité, ne vaudrait-il pas mieux, pour le sérieux de la préparation, accorder un délai plus long, pour que la sanction soit ensuite plus efficace ? Il faut parfois savoir donner du temps au temps, au début d’un processus, pour en gagner davantage par la suite. Je déposerai un amendement dans ce sens. Pourquoi, en revanche, introduire des délais de concertation et de mise en accessibilité différents selon les acteurs ? Dans les transports, par exemple, les délais retenus pour la concertation peuvent être de trois, six ou neuf ans, selon le type de transport.
Ne vaudrait-il pas mieux clarifier et harmoniser ces exigences, afin de ne pas favoriser certains acteurs au détriment des autres, souvent des petites communes ? De plus, pareils aménagements représentent parfois, pour des petites communes, plus d’un point de fiscalité par établissement !
Par ailleurs, au-delà du handicap mental, ce texte n’oublie-t-il pas trop souvent des personnes susceptibles d’avoir besoin d’une meilleure accessibilité ? Les femmes enceintes ou les parents avec poussette, momentanément, et les personnes âgées, durablement, doivent pouvoir bénéficier de ces avancées. Ne serait-il pas souhaitable, par exemple, de leur réserver des places de parking ? Ne conviendrait-il pas d’aménager mieux notre société, y compris pour ces personnes ? Nous présenterons également des amendements dans ce sens.
Au total, si l’esprit de 2005 souffle ce soir, madame la secrétaire d’État, vous accueillerez avec bienveillance un certain nombre de nos propositions dont celle, essentielle, de l’élargissement des dispositions prévues par le texte aux personnes atteintes de déficience mentale et aux autres personnes ayant besoin d’une meilleure accessibilité. Vous nous trouverez alors à vos côtés et il ne nous restera qu’à vous soutenir. Dans le cas inverse, ces personnes n’étant pas prises en considération, nous nous verrions dans l’obligation de nous opposer à un texte trop éloigné des préoccupations du monde du handicap, partial et parcellaire. Il y va de notre fidélité à l’esprit de 2005 et de notre défense de la cause du handicap.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, chers collègues, dès 2011, un rapport de trois inspections générales l’avait révélé : il était clair qu’en l’absence d’accompagnement des acteurs concernés, les délais fixés par la grande loi de 2005 sur le handicap ne seraient pas tenus, malgré le délai de dix années laissé pour la mise en conformité.
Si rien n’avait été fait, face au retard accumulé, des sanctions auraient éventuellement pu être prises sans pour autant inciter davantage à une mise en conformité par les acteurs privés ou publics. Oui, certains se seraient contentés de payer les amendes sans effectuer de travaux. Nous sommes tous trop bien instruits, sur ces bancs, du triste exemple donné par ces municipalités qui refusent de construire du logement social et préfèrent payer les pénalités prévues par la loi SRU : ne soyons donc pas naïfs !
Il fallait viser l’efficacité, et il convenait de trouver les moyens d’une mise en application réelle des dispositions de la loi de 2005. Le Premier ministre a ainsi annoncé l’engagement d’une concertation avec l’ensemble des parties prenantes lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre 2013. Sur la base des conclusions de cette large concertation menée par la sénatrice Campion, le Premier ministre a alors confirmé deux mesures.
Premièrement : la mise en place des agendas d’accessibilité programmée, les fameux Ad’AP, qui permettront aux acteurs publics et privés qui ne seraient pas en conformité avec les règles d’accessibilité au 1erjanvier 2015 de s’engager sur un calendrier précis et resserré de travaux d’accessibilité. J’insiste sur cet aspect central du présent projet de loi : en l’absence de dépôt d’un Ad’AP, le non-respect de l’échéance du 1erjanvier 2015 sera pénalement sanctionné.
Deuxièmement : l’évolution de certaines normes relatives à l’accessibilité pour tenir davantage compte de la qualité d’usage, permettre de simplifier et d’actualiser de nombreuses normes et dispositions réglementaires, ainsi que de les compléter pour mieux prendre en compte l’ensemble des formes de handicap.
Ces engagements sont traduits dans le présent projet de loi, qui ne concerne donc pas seulement le volet accessibilité de la loi de 2005, mais qui s’inscrit dans le cadre d’une réforme plus large. L’allégement de l’environnement normatif, voulu par le Président de la République, trouve aussi sa place ici et constitue un moyen de faciliter la vie quotidienne de nos concitoyens porteurs de handicap, qui doivent pouvoir accéder à tout dans les établissements recevant du public.
J’ajoute que l’approche transversale du handicap, validée par la loi de 2005, doit être confortée afin de déployer cette problématique dans l’ensemble des politiques publiques, à tous les échelons. Aussi, je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour saluer et rappeler l’engagement de nombreuses régions dans la démarche des Agendas 22 – je pense notamment aux initiatives prises en ce sens par les conseils régionaux des Pays-de-la-Loire et de Poitou-Charentes. Dans les mesures que le Gouvernement sera amené à prendre conformément au cadre que définira le Parlement dans le présent projet de loi, il me semble donc fondamental que soient intégrés les efforts des collectivités territoriales, afin d’éviter les doublons et de favoriser la complémentarité pour gagner en lisibilité et en cohérence. C’est cela aussi, la simplification.
Je prendrai le seul exemple du transport ferroviaire, largement évoqué à l’article 2 du présent projet de loi. Même si les collectivités locales sont associées à l’élaboration et à la mise en oeuvre des mesures d’accessibilité, via l’adoption des schémas directeurs d’accessibilité, dont le contenu est défini par l’État, il me semble indispensable que les principaux financeurs du transport ferroviaire régional, à savoir les conseils régionaux, soient davantage associés qu’ils ne le sont aujourd’hui à la prise de décision, globalement et en amont. Cette association sera d’autant plus nécessaire si les régions sont amenées, demain, à voir certaines de leurs compétences renforcées et clarifiées. Madame la secrétaire d’État, dans ce futur contexte institutionnel rénové, un dialogue État-régions préalable à toute évolution réglementaire ne pourrait-il pas être inventé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées exigeait la mise en accessibilité des établissements recevant du public au 1er janvier 2015, et celle des transports publics au 13 février 2015. En 2011, déjà, un rapport de trois inspections générales indiquait que ces échéances ne pourraient être tenues, le retard accumulé étant trop important. Il convenait donc de redonner des perspectives réalisables à ce chantier.
Sur la base du rapport Réussir 2015 de la sénatrice Claire-Lise Campion, une concertation avec l’ensemble des parties prenantes a été engagée pour mettre en place un dispositif d’échéanciers, les agendas d’accessibilité programmée, communément appelés Ad’AP. Ces agendas, documents de programmation financière des travaux d’accessibilité, constituent un engagement des acteurs publics et privés qui ne sont pas en conformité avec la loi de 2005 à réaliser les travaux requis dans un calendrier précis et resserré. En contrepartie, les sanctions pénales prévues par la loi de 2005 ne leur seront pas applicables au 1er janvier 2015.
Le projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui aborde un enjeu majeur. Les derniers chiffres publiés par l’INSEE en 2011 et cités par l’AGEFIPH établissent que la France comptait, en 2007, 9,6 millions de personnes handicapées au sens large, soit plus de 14 % de la population française. On ne peut que déplorer que cette question de société cruciale ait été quasiment laissée de côté par les gouvernements pendant sept années, entre 2005 et 2012. On peut regretter un manque de suivi flagrant des pouvoirs publics, qui n’ont pas su coordonner et mobiliser les acteurs de terrain, avec les conséquences que l’on connaît : outre un très gros retard dans les travaux de mise en accessibilité des établissements, des sanctions menacent les contrevenants à partir du 1er janvier 2015. Les contraintes financières et administratives qui pèsent sur les infrastructures soumises à la loi de 2005 doivent bien sûr être prises en compte, mais elles ne peuvent servir de prétextes pour repousser indéfiniment les délais.
L’accessibilité universelle n’est toujours pas réalisée dans notre pays, quarante ans après la première loi d’orientation en faveur des personnes handicapées votée en 1975, dix ans après la loi du 11 février 2005, et neuf ans après la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées inscrivant l’accessibilité au coeur des priorités des États et signée par la France. On ne peut que regretter cette absence de suivi des pouvoirs publics depuis trop d’années. Aussi, le projet de loi discuté aujourd’hui est un bon signe : il représente une impulsion nouvelle et manifeste une volonté ferme d’intégrer nos populations les plus fragiles.
Selon l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité, compte tenu des évolutions prévisibles, seuls 20 % des établissements du second degré seront accessibles en 2015. Pourtant, nous savons que l’accès des jeunes handicapés à la formation et à l’éducation supérieure doit être développé dans notre pays. Le ministère du travail indiquait en novembre 2013 que le taux de chômage des travailleurs handicapés s’élevait à 21 %. L’accessibilité des lieux de formation est donc un enjeu fort. D’après les estimations du ministère de l’enseignement supérieur, seul un quart des universités est accessible.
Le manque d’autonomie et le manque d’accessibilité ne sont pas des difficultés pour les seules personnes atteintes d’un handicap : elles le sont aussi, il faut le rappeler, pour toute personne confrontée un jour ou l’autre à une difficulté de déplacement, qu’elle soit temporaire ou durable, qu’il s’agisse d’une maladie, d’un transport d’enfants en bas âge ou d’une grossesse. Au vu du vieillissement de la population, cette approche transversale constitue un enjeu considérable.
Lors de l’examen de ce projet de loi au Sénat, les écologistes ont fait adopter deux amendements. Le premier vise à améliorer le suivi de l’application de la loi par la mise en place d’une concertation, au moins tous les deux ans, entre tous les acteurs du dossier de l’accessibilité : cela permettra d’établir un état des lieux rigoureux de la situation, de garantir une large information et d’assurer la sensibilisation des citoyens sur ce sujet. Le second amendement vise à faciliter l’identification des établissements publics ou privés recevant du public et des services de transport qui se sont rendus accessibles ou qui ont déposé un Ad’AP, par l’établissement d’une liste publique consultable en ligne.
Les associations représentatives concernées par le handicap n’ont pas manqué de nous alerter, et nous les avons entendues. Je remercie notre rapporteur, M. Sirugue, d’avoir répondu sans tabou, avec pédagogie et exhaustivité, à toutes les interrogations que nous avons relayées de la part des associations concernées. Ainsi, des précisions ont été apportées en commission quant aux délais pour rendre les Ad’AP et aux sanctions prévues en cas de manquement. Plus généralement, les amendements adoptés en commission permettent d’améliorer le suivi de la mise en accessibilité.
En définitive, le groupe écologiste voit dans cette initiative gouvernementale un moyen clair et ferme de réhabiliter une ambition de solidarité souvent annoncée, déclarée mais perpétuellement repoussée. Ce projet de loi a le mérite de s’appuyer sur deux piliers, la simplification des procédures et la remobilisation des acteurs publics et privés, dans un esprit qui favorise la concertation et la co-responsabilité.
En ces temps où la crise frappe durement nos concitoyens, en particulier les plus fragiles, il y a lieu de réaffirmer certains principes et de les traduire en actes. Chaque citoyen, chaque citoyenne de notre pays doit pouvoir exercer pleinement sa citoyenneté, quel que soit son handicap. Le droit à la mobilité, c’est l’accès aux services publics, à la culture, à la formation, à la citoyenneté tout simplement. Un changement culturel s’impose pour retisser les liens brisés par le sentiment de relégation que partagent trop de personnes dans notre pays.
Le groupe écologiste votera donc ce projet de loi d’habilitation. Nous souhaitons que le recours aux ordonnances reste exceptionnel ; par principe, nous n’aimons pas cette procédure, mais nous comprenons qu’il y a urgence, d’autant qu’il s’agit non pas de voter une loi nouvelle, mais d’assurer l’exécution d’une loi déjà adoptée en 2005.
C’est pourquoi nous acceptons, exceptionnellement, le recours à cette procédure. Madame la secrétaire d’État, nous souhaitons que la mise en oeuvre de ces dispositions ne souffre plus aucun délai et que les moyens nécessaires, financiers et humains, soient au rendez-vous du budget pour 2015 et des budgets postérieurs. Sur ce point, vous pouvez compter sur notre vigilance.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes malheureusement contraints de dire ce soir : « Mieux vaut tard que jamais ». Heureusement, nous ne disons pas : « Tout vient à point à qui sait attendre ».
Nous commençons enfin à étudier au sein de notre assemblée un texte permettant d’avancer sur la question de l’accessibilité universelle dans notre pays. Déjà en 2010, j’avais interrogé le Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap : chaque jour, plusieurs milliers d’entre elles doivent affronter des problèmes d’accessibilité qui ne sont plus tolérables en 2014 dans notre pays.
L’Association des paralysés de France – APF – a diffusé son baromètre annuel au mois de février et le moins que l’on puisse dire est que les conclusions sont – je cite l’association – « accablantes ». En effet, d’après ce baromètre, seules 42 % des lignes de bus sont accessibles et la moitié des écoles ne sont toujours pas accessibles pour les personnes en situation de handicap.
Il faut toutefois comprendre que, pour certaines structures, l’accessibilité restera compliquée. J’appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que le projet de loi mentionne que plusieurs mesures pourront être décidées par voie d’ordonnance. Il serait à cet effet intéressant de se pencher sur divers cas concrets dans lesquels, au-delà de considérations financières ou de non-volonté, les travaux seraient parfois impossibles à réaliser, dans des secteurs sauvegardés par exemple.
C’est notamment pour cette raison que nous avions proposé un amendement permettant de définir l’information, qui serait visible depuis la voirie, des modalités d’un agenda d’accessibilité programmée. À ce propos, je m’étonne que cet amendement, qui a été discuté en commission, ait été déclaré irrecevable.
Admettons-le, la loi de 2005 a conduit au développement d’une meilleure accessibilité et d’une qualité d’usage toujours plus grande. De plus en plus de lieux, d’année en année, ont été aménagés et se sont développés afin d’être accessibles à tous. Des efforts incontestables ont été déployés par les acteurs concernés pour faire avancer l’accessibilité et, bien que soumises à de fortes contraintes, les communes apportent chaque jour la preuve de leur volonté d’améliorer l’accueil de tous les publics dans les équipements communaux et de faciliter ainsi l’accès au service public.
Si la volonté du Gouvernement est de s’engager fortement pour faciliter et intégrer les personnes en situation de handicap dans la vie de tous les jours, les défis restent pourtant énormes tout autant pour les personnes en situation de handicap que pour les pouvoirs publics dans leur tâche de permettre un accès aux services publics de qualité à travers tout le territoire de la République.
Il faut rappeler, encore et encore, que les personnes handicapées sont des citoyens comme les autres, qu’elles appartiennent à la communauté nationale et disposent des mêmes droits ! C’est pourquoi, comme tout un chacun, elles doivent avoir accès aux transports et lieux publics. Il faut le répéter : le handicap n’est pas en soi un facteur d’exclusion. Mais si tout devient inaccessible, alors au handicap vient nécessairement s’ajouter l’injustice par manque de volonté politique.
Déjà en 2010, je notais que cinq ans après la promulgation de la loi du 11 février 2005 sur le handicap, l’injustice demeurait. Je relevais également qu’il nous restait cinq années supplémentaires pour atteindre l’objectif de la loi de 2005. Il est donc venu le temps de se donner les moyens, et plus uniquement de porter l’idée par la parole. J’évoquerai en premier lieu le fait que l’accessibilité est trop souvent perçue comme une charge. Bien sûr, en ces temps de restrictions budgétaires, il est difficile de tenir un discours qui encourage à la dépense.
Cependant, il nous faut absolument changer notre perspective, prendre un peu de hauteur et considérer que l’accessibilité n’est pas seulement un problème qui crée des charges. En effet, nous devrions changer notre point de vue et considérer que c’est aussi une source importante de création d’emplois, qui plus est des emplois non délocalisables.
Lors de son assemblée générale, en mars dernier, le Conseil national consultatif des personnes en situation de handicap – CNCPH – a adopté une motion après quarante années d’attente causées par les deux lois inappliquées du 30 juin 1975 et du 11 février 2005 en matière d’accessibilité. Dans cette motion, il a demandé notamment que le Gouvernement fasse des agendas d’accessibilité programmée un processus réellement obligatoire pour engager la société française à se rendre accessible et il a « manifesté sa réprobation la plus totale » en ce qui concerne les délais envisagés pouvant aller jusqu’à dix années supplémentaires.
En outre, le CNCPH a émis notamment de vives préoccupations concernant le projet de loi d’habilitation relative aux Ad’AP concernant l’absence de sanction pour non-dépôt de ces derniers. Je suis donc très satisfaite que le groupe des radicaux de gauche et apparentés ait fait adopter un amendement en commission qui sanctionnera le non-dépôt d’Ad’AP. Il suffit de voir comment l’accessibilité est mise en place partout en France. Certes, des lieux sont adaptés, mais la majorité d’entre eux ne le sont pas encore.
L’exemple de l’Assemblée nationale est assez significatif quant aux difficultés que peut rencontrer un public en situation de handicap : monte-charges parfois difficiles d’accès, rampes très raides, peu de places dans les tribunes pour les personnes en situation de handicap. Et ce ne sont ni M. le directeur général de l’APF ni M. le conseiller national « accessibilité et conception universelle » qui me contrediront.
Nous n’avons aucune baguette magique, nous ne pourrons pas rattraper le temps perdu depuis de si longues années. Mais ce projet de loi est un signal fort qui met en place les bases légales afin de nous diriger, tous ensemble, vers l’accessibilité pour toutes et tous.
En outre, j’aimerais appeler votre attention, mes chers collègues, sur les termes que nous devrions employer afin de parler du sujet de l’accessibilité. Je comprends bien que l’expression « personne handicapée » permet de raccourcir les énoncés, mais il me semble plus judicieux d’utiliser celle de « personne en situation de handicap ». Cette locution peut sembler être un élément de langage relevant du politiquement correct, mais elle permet d’englober une plus grande partie des personnes concernées par l’accessibilité : il devient effectivement impérieux d’opérer un changement de communication sur le sujet de l’accessibilité, car de trop nombreux amalgames sont effectués pour ne discerner qu’un seul type de public bénéficiaire, à savoir les personnes vivant avec une déficience.
En réalité, les publics concernés par l’accessibilité représentent une grande part de la population, notamment les femmes enceintes, les parents avec poussettes, les personnes âgées ou encore les personnes blessées de façon temporaire pour ne citer que ces exemples.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste présentera plusieurs amendements afin d’améliorer le projet de loi et de renforcer la visibilité de l’information sur l’accessibilité ou encore les agendas d’accessibilité programmée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Ce projet de loi d’habilitation a pour objet de retarder la date limite de mise en accessibilité, prévue par la loi du 11 février 2005, des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
La loi de 2005, bien que discutable sur certains points, a été présentée comme une véritable loi d’égalité, comme une reconnaissance par la République des besoins spécifiques des personnes handicapées et, au-delà, de l’ensemble des personnes en situation de handicap permanent ou transitoire.
Elle permettait également de répondre aux besoins des personnes accompagnées d’enfants, des parents avec poussette ou simplement des personnes âgées. L’allongement de la durée de vie rendait cette question d’autant plus aigüe puisque, selon l’INSEE, en 2050, un citoyen sur trois aurait soixante ans ou plus, contre un sur cinq au moment de l’adoption de la loi en 2005.
Celle-ci a donc été, à juste titre, considérée comme une avancée en ce qu’elle prévoyait des règles précises et des obligations de résultat qui ont nourri beaucoup d’espoirs, notamment de la part des personnes handicapées et de leurs associations, tant il s’agit pour elles d’un préalable à la scolarisation, à l’accès au logement, à l’obtention d’un travail, à l’accès à la culture. Bref, à une vie citoyenne pleine et entière, comme l’indiquait d’ailleurs l’intitulé de ce texte : « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Nous sommes aujourd’hui en 2014 – soit presque dix ans plus tard – et force est de constater que la loi de 2005 n’est pas appliquée, ou du moins qu’elle l’est très incomplètement, puisque selon l’Association des paralysés de France, seulement 15 % des bâtiments recevant du public seraient en conformité avec elle.
Comment expliquer cette situation ? Il ne suffit pas de proclamer des obligations dans une loi pour qu’elles se concrétisent : encore faut-il en prévoir le suivi et les moyens d’application, deux points essentiels qui manquaient cruellement dans le texte de 2005, comme nous n’avions pas manqué de le souligner lors de son adoption.
Depuis, nous avons plusieurs fois alerté sur l’impossibilité de tenir le délai prévu par la loi sans une politique volontariste de la part des pouvoirs publics. D’ailleurs, en 2011, devant le retard accumulé, nous avions proposé dans cet hémicycle une proposition de résolution invitant le gouvernement français à prendre des décisions pour permettre la mise en oeuvre d’une réelle politique d’accessibilité universelle en conformité avec ses engagements internationaux.
D’autres ont lancé cette alerte. Ainsi, un rapport d’information du Sénat, publié en 2012, révélait les retards considérables pris en la matière. La même année, un rapport conjoint du conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’Inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier constatait que l’obligation de mise en conformité des établissements recevant du public ne pouvait être tenue dans les délais. Mais aucune mesure particulière n’a été prise.
Aujourd’hui, avec le texte qui nous est soumis, nous nous trouvons dans une situation pour le moins ambiguë, puisque celui-ci se fixe enfin pour objectif l’application de la loi de 2005 et propose à cet effet de reculer la date de sa mise en oeuvre complète, initialement prévue avant le 1erjanvier 2015 pour les établissements recevant du public et avant le 13 février 2015 pour les transports collectifs.
Sur la base du rapport de notre collègue sénatrice Mme Campion, ce texte propose de repousser l’échéance prévue par la loi de 2005 et d’échapper ainsi aux sanctions pénales, à condition d’avoir élaboré un « agenda d’accessibilité programmée » décrivant les travaux pluriannuels de mise en conformité et leur programmation financière. Le dépôt d’un tel agenda serait obligatoire et soumis au contrôle de l’autorité administrative également chargée du suivi de l’avancement des travaux. Il s’agirait d’exiger que tous les acteurs adhèrent à cette démarche, intention indiscutablement louable.
D’autres aspects de ce texte, telles, par exemple, les dérogations accordées pour disproportion manifeste, vont dans le sens d’une simplification et vers davantage de pragmatisme. Autant de propositions que nous ne saurions contester, même si certains points restent opaques, comme par exemple les critères permettant de déterminer le délai de prorogation.
Mais au bout du compte, une fois de plus, ce projet de loi passe complètement sous silence la question essentielle du financement de la mise aux normes de tous les bâtiments accueillant du public, des transports, des bâtiments d’habitation et des voiries.
Ces travaux représentent des sommes considérables laissées notamment à la charge des collectivités.
Ainsi, dans une ville comme Nanterre, préfecture des Hauts-de-Seine, qui, dès 2005, a mis en place une mission handicap entre les groupes scolaires et centres de loisirs, les crèches et centres de santé, les mairies de quartier, les médiathèques, les salles de sport, de spectacle et de réunions associatives, ce sont 140 établissements recevant du public qu’il faut mettre en conformité, et auxquels s’ajoutent les voiries.
Dans cette commune, ces dossiers sont traités chaque année comme une priorité transversale, de la même manière que les préconisations du Grenelle de l’environnement, dans le cadre des débats budgétaires en tenant compte des contraintes, des urgences et des priorités.
Mais à l’impossible nul n’est tenu. Car si l’État ne se prive pas de faire des déclarations humanistes en faveur des personnes handicapées – et je ne le lui reproche pas –, il ne verse pas un sou – ça je lui reproche ! Et c’est au moment où il envisage d’obliger les collectivités à présenter un agenda programmé et financé – sans d’ailleurs distinguer celles qui ont fait le maximum pour tenter de respecter la loi et celles qui l’ont contournée – que le Gouvernement exige de ces mêmes collectivités qu’elles diminuent leurs dépenses en décidant de leur supprimer 11 milliards d’euros de dotation, une réduction de leurs moyens financiers sans précédent, dans des proportions jamais atteintes.
À titre d’exemple, toujours dans ma ville de Nanterre, nos ressources diminueront de 3,5 millions d’euros par an uniquement pour la dotation globale de fonctionnement. Ce sont près de 12 millions d’euros de budget en moins pour les années 2014 à 2018 et 20 millions en moins si l’on ajoute les effets de la péréquation.
Face à ces injonctions contradictoires, on a envie de demander au Gouvernement à quoi il joue, car il ne se contente pas de placer les collectivités territoriales dans une situation intenable pour respecter leurs obligations : il met celles-ci au banc des accusés en les rendant responsables de la non-accessibilité pour les personnes handicapées. C’est un comble alors que, depuis des mois, nous ne cessons de dire et répéter que la diminution de la dépense publique tourne le dos à la fois à la réponse aux besoins des citoyens et à la relance de l’activité économique. En voilà une nouvelle et édifiante démonstration !
Alors j’ai envie de demander au Gouvernement dans quelles dépenses l’on doit couper pour compenser cette réduction des moyens tout en accélérant le financement de la mise en accessibilité. Faut-il, par exemple, supprimer des postes d’animateur au moment où nous devons mettre en place la réforme des rythmes scolaires ? Les membres du Gouvernement se gardent bien de nous donner des conseils sur les coupes budgétaires à opérer, et je les comprends.
Madame la secrétaire d’État, je connais votre attachement au dossier que vous défendez et votre volonté n’est pas en cause. Mais dans ce contexte de réduction des moyens des collectivités territoriales, nous ne pouvons accepter d’habiliter ainsi le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur un tel sujet sans aucun débat sérieux au Parlement. Ce projet de loi est un leurre, une hypocrisie, parce qu’il ne pourra pas permettre de rattraper le retard dont le Gouvernement prétend s’émouvoir.
Pour ces raisons, dans un souci de clarté et de vérité, les députés du groupe GDR ont majoritairement décidé de voter contre ce texte.
La question de l’accessibilité a fait l’objet d’une attente considérable de la part des personnes en situation de handicap, de leur famille et des associations. Malgré les étapes législatives que vous avez rappelées, madame la secrétaire d’État, le retard en matière d’accessibilité est encore considérable dans notre pays. Il nous appartient donc de déployer l’arsenal législatif adéquat qui permettra enfin d’impulser un nouvel élan.
Tel est le défi qui nous est proposé. Il prend appui sur les propositions du comité interministériel du handicap qui s’est réuni pour la première fois le 25 septembre 2013 alors qu’il fut créé en 2009. Trois principes gouvernaient alors la mise en mouvement de l’accessibilité : planifier, former, communiquer. Ces objectifs ont été largement poursuivis grâce à la volonté sans faille du Gouvernement et à une très forte concertation des acteurs, des fédérations et des associations, de toutes celles et tous ceux qui agissent depuis des années au bénéfice des personnes en situation de handicap.
Les agendas programmés seront l’outil adéquat, car ils permettront de réussir 2015 en ne cédant pas sur les délais fixés par la loi du 11 février 2005. Ils permettront de lancer un plan national de l’accessibilité dans notre pays, nous mettant sur le chemin d’une société ouverte à tous.
Il faudra, dans le même temps, soutenir des dispositifs de formation adaptés, nécessairement obligatoires, pour irriguer une culture commune de l’accessibilité. Il conviendra dorénavant que chaque projet définisse concrètement les dispositifs propres à garantir l’accessibilité. Mille ambassadeurs d’accessibilité accompagneront ce mouvement, effort que nous voulons saluer.
Rendre la société accessible, c’est aussi soutenir la citoyenneté. Votre projet, madame la secrétaire d’État, marque l’ouverture d’une ère nouvelle pour les personnes en situation de handicap, bientôt dix ans après la loi établissant les fondements d’un projet inclusif au sein de la société française. La traduction en actes se révèle cependant laborieuse.
Je tiens à souligner que c’est l’ultime occasion de ne pas perdre la confiance que font aux pouvoirs publics les personnes en situation de handicap et les associations, car leur déception a été très grande et beaucoup d’inquiétudes restent encore à lever. C’est donc, madame la secrétaire d’État, comme vous l’avez rappelé, une exigence républicaine.
Cependant, ce mouvement ne doit pas s’arrêter à la simple question régie par lesdites ordonnances ; il doit être générateur d’un nouvel élan dans notre pays. Le principe d’accessibilité de notre cité, qui se veut à vocation universelle, doit ouvrir la voie à une société pleinement inclusive permettant aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, d’être véritablement des citoyens à part entière.
Une société inclusive implique que le handicap soit considéré comme un défi humain et social à relever solidairement, un défi dont l’une des composantes les plus fondamentales est l’accessibilité.
L’universalité de ce principe est une exigence plus large que le seul cadre du bâti, du logement, de la voirie et des transports ; elle doit aussi s’appliquer au sport, à la culture, aux loisirs, à l’information, aux activités de l’ensemble notre société. L’accessibilité doit se préparer dès le plus jeune âge.
Partant de là, d’autres étapes doivent être préparées dès à présent pour mettre en oeuvre cette pleine accessibilité de notre cité. Il nous faut fixer un cap et des horizons sur ces points qui remettent en cause une vision étroite du principe puisque toute personne en situation de handicap est en droit de bénéficier des mêmes liens sociaux, des mêmes conditions d’accès aux savoirs ou à la santé que ses concitoyens valides.
C’est une nouvelle organisation de la société à laquelle nous devons aboutir pour parvenir à l’égalité des droits, mais plus encore à une société respectueuse et sans entrave pour les plus fragiles. Dans quelle société voulons-nous vivre ? L’accessibilité universelle est l’un des piliers de la reconnaissance et du respect de tous. Elle anticipe l’avenir de chacun d’entre nous en palliant les difficultés de ceux qui sont touchés par une perte d’autonomie plus ou moins grande, à tous les moments de la vie. L’autonomie et l’émancipation des personnes handicapées représentent donc un enjeu très fort. Oui, l’accessibilité est un investissement d’avenir, vous l’avez rappelé également, madame la secrétaire d’État. Plus notre société sera accessible, plus le besoin de compensation diminuera.
Il convient de nous lancer dans une nouvelle étape, tout aussi ambitieuse et tout aussi forte, pour rappeler que notre préoccupation va bien au-delà du simple cadre de l’aménagement public afin que chaque citoyen puisse vivre dignement son parcours de vie.
Pour finir, je remercierai nos deux rapporteurs qui ont permis que nos débats soient conduits de manière apaisée et constructive.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Or force est de constater qu’aujourd’hui, en 2014, subsistent encore de profondes inégalités dans notre société. L’existence ou la survenue d’un handicap interroge profondément l’exercice de ces droits fondamentaux par ceux d’entre nous qui en sont victimes.
La France accuse en effet un retard important en matière d’insertion sociale des personnes handicapées. Si la loi du 30 juin 1975 en a fait une obligation nationale et si la loi du 11 février 2005 a fixé des objectifs ambitieux reposant sur un principe d’accessibilité universelle et un droit à compensation des conséquences du handicap, ces textes, bien que fondamentaux, n’ont pas suffisamment contribué à changer notre façon de considérer le handicap et à créer les conditions d’une véritable société inclusive.
Madame la secrétaire d’État, face à de tels enjeux, votre projet de loi est bien en deçà des attentes des personnes handicapées et de l’ensemble de nos concitoyens.
C’est malheureusement un texte de renoncement par rapport à l’objectif d’accessibilité fixé à 2015 pour tous les transports et les bâtiments recevant du public. Renoncement dont il est vrai que vous n’êtes pas la seule responsable tant il est le fruit d’une faillite collective de nos gouvernants. Mais ce qui m’inquiète, c’est l’indifférence généralisée dans laquelle nous nous apprêtons à renoncer à cet objectif d’accessibilité pour tous.
Oui, il est illusoire de croire que, par un coup de baguette magique, tous nos bâtiments recevant du public et tous nos transports publics pourraient répondre aux normes d’accessibilité dans quelques mois.
Mais non, il n’est pas illusoire d’afficher une volonté politique forte qui viserait à faire de l’accessibilité une priorité nationale et de mettre les moyens humains, financiers et juridiques qui vont avec.
Or, force est de constater que l’on se dirige vers un système dont la mise en place est beaucoup plus longue que prévu, qui n’est pas très encadré, et qui repose surtout sur la bonne volonté de chacun.
Parce qu’il est volontairement flou sur les délais, le contenu, les sanctions, les moyens financiers et les obligations d’information que doivent contenir les agendas d’accessibilité programmée définis à l’article 1er pour les établissements recevant du public et à l’article 2 pour les transports publics, votre projet de loi est un texte de reniement de l’engagement no 32 du Président Hollande visant à construire les bases d’une société inclusive, reniement malheureusement confirmé lorsque seul le groupe PS, pour d’obscures raisons politiciennes, a rejeté ma proposition de loi visant à ce qu’on intègre un réflexe handicap dans chaque loi.
Alors, face à de tels renoncements, oui, nous sommes déçus, que nous soyons personnes en situation de handicap, membres du secteur associatif ou simples citoyens. Nous sommes déçus et en colère, comme le montre le large succès que connaît la pétition de l’APF dont plus de 225 000 signataires refusent le report de l’accessibilité. Déçus et en colère, car nous nous interrogeons sur la tenue de la prochaine conférence nationale du handicap.
Déçus et en colère que le Gouvernement ait choisi de légiférer par ordonnances sur un sujet aussi important, ce qui signifie un débat escamoté avec une seule lecture et une absence de suivi et de contrôle du législateur s’agissant de la mise en oeuvre des agendas d’accessibilité programmée.
Pour quoi faire ? Pour aller vite, madame la secrétaire d’État ? Cela fait deux ans déjà que le rapport Campion a été publié. Deux ans durant desquels votre prédécesseur, qui brille ce soir par son absence, n’a rien fait pour faire avancer les choses.
Madame, il ne sert à rien de crier, le handicap mérite mieux que cela. Il n’a pas à être l’otage partisan de la droite ou de la gauche.
Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous ! Vous n’avez pas le monopole du coeur !
Pourtant, il y a urgence à agir : seulement 50 % de nos écoles, 42 % des lignes de bus et 15 % des établissements recevant du public sont accessibles à tous.
Urgence à agir aussi quand on compare la France à d’autres pays européens comme les pays anglo-saxons ou scandinaves.
Urgence à agir quand on voit que, parfois, la mauvaise volonté est de mise. Je peux comprendre, ici ou là, la difficulté et le coût que représente la mise aux normes d’accessibilité pour une petite commune, un hôtel ancien ou un petit commerce. Mais je ne peux comprendre que des hôtels de standing, des commerces rénovés ou des communes qui ont les moyens s’assoient allègrement sur ces mises aux normes.
Eh oui, madame, et je l’assume. La différence entre vous et moi, c’est que je considère que le handicap n’a pas à être l’otage de la politique politicienne. Il relève d’une action de droite comme de gauche. Nous en sortirons grandis si nous évoluons chacun en ce sens.
Et je comprends encore moins l’absence de mise aux normes d’accessibilité pour ce qui concerne les transports publics.
Enfin, il y a urgence à agir quand on sait que 10 millions de personnes sont en situation de handicap en France. Rendre accessibles les transports, les lieux publics, les magasins profite en réalité à l’ensemble de la population : les personnes âgées, les parents et leurs enfants en poussette, les voyageurs encombrés de bagages, les personnes accidentées. L’accessibilité pour tous, ce n’est pas le combat des personnes handicapées contre tous ; c’est le combat de tous pour les personnes handicapées !
Pour conclure, gardons à l’esprit que l’accessibilité est un droit fondamental pour notre société qui a pour devise « Liberté, égalité, fraternité » : liberté de se mouvoir, égalité des chances, et fraternité qui se traduit par le devoir d’entraide. Cessons de considérer que l’accessibilité pour tous est un fardeau. C’est aussi une formidable opportunité de développement économique et de création d’emplois, comme l’atteste la mise en place récente d’Handibat. C’est aussi un formidable moyen de créer du lien social. C’est enfin un puissant levier pour une société inclusive empreinte de tolérance, de respect et de dignité. L’accessibilité n’est pas une option, elle est une nécessité.
Alors, entendons la voix de ceux qui réclament l’accessibilité pour tous depuis près de quarante ans et portons haut et fort les couleurs d’une France plus fraternelle qui porte un regard nouveau sur le handicap, comme en témoignent les récents succès des films Intouchables ou De toutes nos forces.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, chers collègues, tout comme en son temps la loi de 1975, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a marqué une étape importante et un progrès considérable. Elle a également suscité beaucoup d’espoirs chez les personnes handicapées, leurs familles et les associations. Force est de constater, neuf ans après, que les craintes qui s’étaient exprimées dès 2005 sur certains bancs se sont révélées justifiées, et le bilan de l’avancement du chantier plus que mitigé.
Pour autant, il ne faudrait pas stigmatiser tel ou tel acteur car tous – collectivités locales, associations, chambres consulaires, unions des commerçants et artisans, sociétés de transport, acteurs économiques – se sont acharnés dans bien des cas à trouver des solutions, à engager des réflexions. Dans son baromètre de l’accessibilité, l’Association des paralysés de France relève d’ailleurs que, si les échéances ne seront pas tenues, des efforts ont été déployés ; elle a noté en outre, dans son système de notation, une progression de toutes les communes.
Je comprends la déception et l’impatience légitimes des personnes en situation de handicap : elles attendent depuis longtemps, bien trop longtemps, qu’un effort en faveur de l’accessibilité se concrétise. Et pourtant, il nous faut admettre que le texte de 2005 manquait peut-être un peu d’humilité devant l’ampleur de la tâche, et certainement aussi d’un dispositif financièrement incitatif. De plus, il y a eu de la part de certains un manque de volonté politique, ne le nions pas.
Dans ce contexte, il nous faut trouver un équilibre entre les attentes légitimes des uns et ce que peuvent faire les autres ; cherchons les meilleures solutions – ou les moins mauvaises, comme vous le souhaiterez. De ce point de vue, il me semble essentiel que le projet de loi non seulement ne remette pas en cause l’objectif de 2015, mais le maintienne en complétant utilement la loi de 2005.
Il faut tout d’abord accompagner les maîtres d’ouvrage, notamment avec la mise en place des agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP. Mais ces documents doivent être simples, avec des engagements dans un calendrier précis sous peine de sanction. Merci, madame la secrétaire d’État, de veiller à ce que ces agendas ne deviennent pas un nouveau diagnostic détaillé avec des coûts supplémentaires, mais constituent bien un échéancier pouvant se faire sous la responsabilité des maîtres d’ouvrage et sans nouvel intermédiaire ; donnez la priorité aux travaux et allégez les coûts de procédure.
Il convient ensuite d’adapter un certain nombre de normes et de simplifier celles, trop nombreuses et parfois contradictoires, qui existent. Il faut par ailleurs rappeler aux préfets qu’ils peuvent trancher en cas d’avis contradictoires entre la commission d’accessibilité et les architectes du patrimoine ou les architectes des bâtiments de France. L’État doit en outre donner l’exemple car, s’il s’est souvent montré intransigeant avec les collectivités locales, il n’a pas toujours été lui-même exemplaire dans l’accessibilité de ses bâtiments. Enfin, il est nécessaire d’indiquer très clairement qui bénéficiera des fonds issus de la collecte des amendes.
Madame la secrétaire d’État, comme beaucoup d’associations de personnes en situation de handicap, c’est avec espoir que nous attendons ces ordonnances. Nous avons apprécié à de nombreuses reprises votre détermination en commission des affaires sociales et nous ne doutons pas que vous aurez à coeur de proposer des mesures pragmatiques, réalistes économiquement et administrativement, dans des délais resserrés. Plus votre ambition dans ce sens sera perceptible dans vos décisions, plus la réactivité des acteurs publics et privés sera encouragée et plus la sanction apparaîtra légitime quand elle devra intervenir.
Le degré d’humanité d’une société s’apprécie au regard de sa capacité à faire une place à tous et à toutes, à accueillir les différences, toutes les différences, mais également au regard de sa capacité à lever les obstacles existants pour que chacun devienne un acteur de la vie sociale, économique, culturelle et sportive. Je ne doute pas, chers collègues, que nous partagions cet objectif et j’aurais aimé que nous puissions nous retrouver sur un vote unanime en faveur de ce texte. Ce pourrait être un signe positif pour tous, pour les personnes en situation de handicap comme pour les maîtres d’ouvrage. Ils pourraient en effet y voir un encouragement et une volonté unanime de les soutenir afin de trouver les meilleures solutions juridiques, techniques et financières dans un secteur porteur de travaux et d’emplois, avec le plus bel objectif qui soit : mettre chacun en situation de vivre pleinement sa vie, quelle que soit la situation de handicap qu’il connaît. Cet objectif ne peut nous diviser, chers collègues : il doit au contraire nous rassembler pour ne pas perdre plus de temps. Nous le devons aux personnes en situation de handicap, aux familles et aux associations qui attendent de nous que nous montrions le chemin de la cohésion nationale derrière ce bel objectif de l’accessibilité universelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, la loi du 11 février 2005 reste une avancée majeure dans le domaine du handicap et prévoit que l’ensemble des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public, des lieux de travail, doivent être accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap – physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique.
En 2005, un délai de dix ans avait été prévu pour permettre aux acteurs de mettre en oeuvre concrètement ce dispositif. Chacun a convenu que l’application législative ne pourrait être tenue dans les délais, c’est-à-dire au 1er janvier 2015. En tant que parlementaires, madame la secrétaire d’État, si nous pouvons comprendre que nous ayons à voter une loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance en raison de l’urgence à régler ce problème, je regrette que le débat ait été réduit. Comme vous l’avez déclaré devant la commission des affaires sociales, les communes de moins de 3 000 habitants sont concernées par ces difficultés car trois ou quatre établissements, le plus souvent, reçoivent du public – la mairie, l’église, l’école, la salle polyvalente –, le coût de la mise en accessibilité avoisinant 10 000 euros par établissement. Le coût moyen, pour les communes de plus de 3 000 habitants, est d’environ 73 000 euros par établissement.
Concernant le domaine privé, sur presque 34 millions de logements, 80 % sont soit dotés d’un ascenseur, soit situés au rez-de-chaussée. Même si la présence d’un ascenseur ne garantit pas nécessairement l’accessibilité aux personnes handicapées, elle y contribue singulièrement ; encore faut-il que les copropriétés aient les moyens d’en assumer la charge. L’accessibilité dans les transports pose également difficulté : sur 3 000 gares en France, cinquante sont totalement accessibles au handicap physique et une centaine le sera en 2015.
Je demeure préoccupée par la situation des associations, des collectivités territoriales et des acteurs privés qui doivent engager les investissements nécessaires. L’idée d’accorder des prêts bonifiés aux collectivités locales et aux acteurs privés pour qu’ils envisagent sereinement leurs travaux va dans le bon sens, mais révèle les difficultés financières qui leur incombent.
La principale disposition de ce projet de loi vise à créer l’agenda d’accessibilité programmée pour proroger le délai de mise en accessibilité des établissements recevant du public, fixé au 1er janvier 2015. L’accessibilité concerne 12 millions de personnes en France, mais dépasse les seuls lieux, le seul cadre bâti. Il est indispensable de prévoir une mise en accessibilité des informations, notamment en direction des personnes atteintes de surdité. À titre d’exemple, les informations dans les gares sont difficiles à appréhender pour tout un chacun, et je n’ose évoquer ce que ressentent les personnes frappées de surdité. La formation d’interprètes en langue des signes, la signalétique, le sous-titrage, doivent être renforcés ainsi que la formation de personnels d’accueil.
Si je voulais dire toute ma satisfaction de voir ce débat traduit en langue des signes, je pense néanmoins que tous nos débats devraient l’être, ainsi que les émissions et les débats sur nos chaînes télévisées publiques.
Le handicap est toujours, hélas, un parcours du combattant. Naturellement, tout ce qui peut contribuer à assurer une bien meilleure intégration et une entière participation des personnes handicapées à la vie de la société va dans le bon sens. Il convient donc de soutenir toutes les initiatives permettant de faire évoluer les mentalités dans ce domaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, chère Catherine, messieurs les rapporteurs…
Mêmes mouvements.
…le principe d’une mise en oeuvre progressive de l’accessibilité du cadre bâti et des transports a été consacré par la loi de 2005. Pour la première fois, une loi définissait de manière précise des objectifs et des délais pour faire de l’obligation de mise en accessibilité une réalité. Elle a ainsi constitué le point de départ d’une véritable dynamique permettant de mobiliser notre société tout entière autour d’une exigence de cohésion sociale. Elle a surtout oeuvré à faire évoluer les mentalités : nous pouvons être fiers, chers collègues de l’opposition, de cette dynamique de 2005 car, à l’époque, nos collègues de l’actuelle majorité n’ont peut-être pas été au rendez-vous. Mais aujourd’hui, nous le sommes !
Au groupe UDI, en tout cas, nous considérons qu’il serait inutile et improductif de pointer du doigt les erreurs des uns et des autres, les défaillances de l’État, des collectivités, des acteurs divers et variés. Nous considérons même que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a été utile sur ce point, en lançant sur ce vaste chantier une concertation sérieuse et qui doit être incontestable.
Ce projet de loi prévoit la création d’un nouvel outil de pilotage. En 2005, dans la joie et l’allégresse, beaucoup de gens se sont portés sur ce texte que, à l’époque, chacun savait difficilement applicable. Près de dix ans plus tard, nous devons nous montrer sérieux.
Le recours aux ordonnances n’est pas satisfaisant pour le Parlement, il est vrai, mais il semble dans notre esprit constituer l’outil le plus efficace, madame la secrétaire d’État. Pour autant, déposséder le Parlement de son droit de légiférer est assez rare ; à titre personnel, j’ai dû le connaître à trois reprises. Ce n’est jamais satisfaisant mais, j’étais le premier, madame la présidente de la commission – si vous voulez bien m’écouter –,…
Sourires.
…à dire en commission qu’il était bon que, sur un sujet aussi difficile, le Gouvernement prenne ses responsabilités et légifère par ordonnance.
Au groupe UDI, nous considérons que l’obligation de dépôt de l’agenda d’accessibilité programmée et la création d’un dispositif de suivi de l’effectivité des travaux de mise en accessibilité nécessitent un peu de recul. Nous sommes en revanche plus réservés sur le dispositif de suivi et de sanctions qui accompagne ces agendas. Nous souhaitons, madame la secrétaire d’État – et le fait de légiférer par ordonnance vous oblige plus que jamais à être extrêmement précise dans vos réponses –, que vous preniez des engagements afin de veiller à ce que l’on ne pénalise pas durement et inutilement des acteurs qui s’engagent de bonne foi pour la mise en oeuvre de cette accessibilité.
Nous défendrons un amendement lors de nos débats qui précisera ces agendas et leur mise en oeuvre dans le cadre d’une programmation budgétaire pluriannuelle.
Cette modalité permettrait de voir se concrétiser les progrès réels, année après année, et d’éviter l’attentisme que nous avons connu de la part de gestionnaires d’établissement recevant du public ou de services de transport public.
Je souhaiterais, au nom du groupe UDI, interroger de façon extrêmement formelle le Gouvernement sur quelques points.
Tout d’abord, nous souhaitons que vous puissiez nous indiquer comment vous comptez faire en sorte que la durée totale maximale des travaux soit fixée en fonction des spécificités des établissements recevant du public et des caractéristiques du patrimoine et que le propriétaire ou le gestionnaire d’établissement prévoira de mettre en accessibilité dans le cadre d’un agenda d’accessibilité programmée.
Ensuite, madame la secrétaire d’État, ne devrait-on pas envisager cette fois-ci une méthode différente, avec des rendez-vous réguliers impliquant l’ensemble des acteurs engagés au service de cette démarche ? Nous pourrions ainsi anticiper les difficultés qui pourraient survenir et définir en amont les solutions consensuelles pour y répondre rapidement.
L’amendement, adopté en commission, qui permettra de favoriser la diffusion des solutions innovantes et efficientes de mise en accessibilité retenues sur chacun des territoires, en complétant le suivi quantitatif par une évaluation qualitative, ne semble malheureusement répondre qu’imparfaitement à cet objectif.
Le dernier point sur lequel je souhaitais interroger de façon très formelle le Gouvernement, et vous-même, chère Ségolène,
Sourires
est le volet financier de ce projet de loi, ou plutôt son absence de volet financier. Malgré le report de la date butoir du 1er janvier 2015, la mise en oeuvre de l’accessibilité suppose que les collectivités territoriales consentent un effort financier conséquent, alors que le Gouvernement vient, par la voix du Premier ministre, d’annoncer une baisse importante, en tout cas jamais connue jusqu’à présent de la dotation globale de fonctionnement. Il est à craindre que les collectivités territoriales soient contraintes de sacrifier leurs dépenses d’investissement pour respecter les obligations d’accessibilité.
Là aussi, certes, la commission des affaires sociales a précisé que les ressources du fonds créé par la loi seraient exclusivement consacrées à la mise en accessibilité, mais cela ne nous semble pas de nature à répondre à l’ensemble des inquiétudes des élus ici présents et de toute la France.
Madame la secrétaire d’État, sur un sujet aussi grave que celui dont nous discutons ce soir, mes collègues qui se sont exprimés avant moi ont tenu des propos très réfléchis et très sérieux. Ce texte, par sa forme, par la manière dont il nous a été présenté et par la voie choisie de l’ordonnance, est pétri d’imperfections. Mais, même s’il n’est pas totalement satisfaisant, nous lui apporterons notre soutien au vu de ce qui nous est proposé aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le principe d’égal accès à tout pour tous, inscrit dans la loi du 11 février 2005, est loin d’être une réalité pour ceux qui sont confrontés à une situation de handicap. Cela est et restera encore une préoccupation importante de tous les porteurs de projets. Plus qu’une obligation, c’est un état d’esprit, un souci de tous les instants pour ouvrir et adapter notre société à la différence. Les progrès accomplis sont réels, mais le chemin qui reste à parcourir reste immense.
La loi de 2005 est une très grande loi, qui reconnaît tous les types de handicap : physique, sensoriel, mental et psychique. Elle a suscité de grands espoirs car elle reconnaît l’accessibilité de tous les droits pour tous, quelles que soient nos différences. Elle a permis des avancées significatives et a fait évoluer les mentalités.
Toutefois, entre l’esprit de la loi et son application concrète, les écarts sont grands et, très vite, de mauvaises raisons sont avancées pour retarder la mise en conformité. Chacun voit le monde qui l’entoure à travers son prisme personnel ou ses priorités du moment.
La question des handicaps doit donc devenir une question incontournable pour mener tous nos projets. Elle doit être au coeur de toutes nos réflexions.
Nous avons la chance d’avoir dans notre pays des associations très actives, militantes, pour guider les prises d’orientations et de décisions. Nous avons besoin de la représentation de toute la diversité des citoyens de notre pays pour tenir compte des spécificités de chacun et trouver les bonnes solutions, permettre l’organisation de notre environnement en l’adaptant le mieux possible à l’ensemble des situations.
Ainsi, dans son article 3, le projet de loi dont nous débattons ce soir renforce le rôle des commissions communales pour l’accessibilité aux personnes handicapées et élargit leur composition afin de faire partager plus largement la préoccupation de l’accessibilité universelle. Dans la pratique, ces commissions devront se réunir régulièrement et effectuer un réel travail, évalué dans un rapport d’activité, comme le prévoit la loi.
Trop souvent les décideurs ont eux-mêmes considéré la loi de 2005 comme un obstacle d’un point de vue financier, et nous l’avons encore entendu ce soir : ce sont de nouvelles dépenses imposées aux collectivités pour la mise aux normes de leurs équipements. Trop souvent, des arguments techniques sont mis en avant pour éviter de faire face à la mise aux normes : trottoirs trop étroits, rues pentues, caractère historique et qualité patrimoniale d’un bâtiment.
C’est en effet un défi difficile à relever, mais qui peut l’être à une condition et une seule : qu’il existe à tous les niveaux la farouche volonté de prendre en compte les spécificités et de trouver des solutions sans se préoccuper de coût ou de l’impossibilité technique constatée a priori.
Certaines villes, par exemple, illuminent des édifices. Mais se sont-elles seulement préoccupées de l’accès des malvoyants au service public ? Ce n’est donc pas seulement une question de moyens : c’est une manière différente d’appréhender l’accessibilité de nos services publics.
Les parents munis de poussettes mesurent à l’occasion tous les obstacles qu’ils doivent affronter lorsqu’ils se déplacent en ville. Je vous invite à faire l’exercice de circuler en fauteuil roulant dans votre ville. Vous prendrez alors conscience de la difficulté des déplacements quotidiens : hauteur du trottoir, déclivité de la rue, qualité du pavage, marches pour accéder à un commerce ou à un service public, commerçants qui installent des chevalets dans les rues sans se préoccuper du passage des personnes en fauteuil. Les obstacles sont nombreux, parfois infranchissables.
Parfois, la préoccupation des personnes en fauteuil roulant existe, mais on oublie celles atteintes de handicaps sensoriels ou psychiques. Il faut donc une politique volontariste, avec des échéances définies car les investissements sont importants et portent leurs fruits dans la durée.
L’objectif est difficile à atteindre. C’est donc d’abord le chemin pour y parvenir qu’il faut indiquer clairement. Tel est bien le sens de ce projet de loi. Il ne s’agit en aucun cas de faire le constat de notre incapacité à parvenir à notre objectif et de reporter seulement le délai de mise en accessibilité universelle. Il s’agit, dès maintenant, de se donner les moyens d’y parvenir.
Face au retard accumulé et au constat partagé que cette échéance de 2015 n’est pas réaliste, Jean-Marc Ayrault et son gouvernement ont souhaité faire un point de situation et organiser un échéancier de réalisation ainsi qu’une adaptation des normes. L’objectif est donc de créer toutes les conditions pour parvenir enfin à une accessibilité universelle. C’est l’enjeu des agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, créés pour les établissements recevant le public et les installations ouvertes au public. Ces agendas seront assortis de sanctions.
Je forme le voeu que ce projet de loi d’habilitation soit un nouvel élan pour lever les freins exprimés pour ne pas agir. Il exprime et renforce la détermination de tous à adapter notre environnement quotidien aux personnes en situation de handicap. Ce sont des actes concrets qui sont attendus. C’est, en fait, la simple application de notre devise républicaine à tous les citoyens : liberté d’aller et venir avec la plus grande autonomie possible ; égalité d’accès de chacun à la vie économique, politique, culturelle et sociale ; fraternité, en faisant de l’accessibilité un enjeu pour changer le regard de l’autre sur la différence.
Telle est l’attente de nos concitoyens, et j’ai pu constater qu’elle était partagée sur ces bancs. Je souhaite que nous soyons réunis pour voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRCRRDP.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l’occasion d’apporter quelques précisions. J’ai le sentiment de ne pas avoir été suffisamment précise dans mon propos introductif. Comme j’avais déjà tenu ces propos au Sénat et en commission des affaires sociales lors de l’examen de ce texte, je pensais que toutes les personnes présentes avaient pris connaissance de l’ensemble des éléments.
Pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui ? J’ai dit tout à l’heure qu’il ne me semblait pas utile de revenir sur l’énumération de ce qui aurait dû être fait et sur les tenants et les aboutissements de ce qui ne l’a pas été. Ce qui compte, c’est de regarder vers l’avenir. Cela dit, je veux tout de même apporter quelques précisions chronologiques.
Un premier rapport parlementaire, réalisé par les sénatrices Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, avait conclu en juillet 2012 que l’accessibilité universelle au 1er janvier 2015 ne serait pas possible. La mission parlementaire confiée par le Premier ministre en octobre 2012 à Claire-Lise Campion consistait à trouver par conséquent des solutions. Cette mission a duré plusieurs mois, ce qui est bien normal, et a rendu son rapport au mois de mars 2013, suite à quoi il a été décidé de lancer une concertation – qui n’avait jamais eu lieu jusqu’à présent – entre les associations de défense des personnes handicapées, les associations d’élus locaux, les fédérations de professionnels – commerces, restaurants, tenanciers d’établissements recevant du public, mais aussi les professionnels du logement et de l’accessibilité. Cette concertation a également duré plusieurs mois, car il a fallu du temps pour se mettre d’accord non seulement sur le principe des agendas d’accessibilité programmée, mais aussi sur un ensemble de réajustements de normes, qui ne figurent pas dans le projet de loi d’habilitation car elles ne relèvent pas du domaine législatif. C’est toute la difficulté de l’exercice d’aujourd’hui, mais je suis là pour répondre à vos questions précises sur le contenu de l’ordonnance.
La concertation a donc duré jusqu’au mois de janvier 2014 et le projet de loi est arrivé juste après. Je ne vois donc rien d’étonnant dans cette chronologie, ni comment nous aurions pu être prêts d’ici le 31 décembre 2014. Or, je vous rappelle que, si nous ne faisons rien, dès janvier 2015 c’est la loi de 2005 qui s’appliquera, avec des sanctions pénales et une amende pouvant atteindre 45 000 euros chaque fois qu’un établissement n’est pas aux normes. Il est donc urgent d’agir.
Vous avez été nombreux à demander quelle forme prendrait l’évaluation de l’accessibilité, il est vrai peu mise en oeuvre actuellement. Les sénateurs ont décidé que l’OBIAÇU – Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, présidé par une parlementaire – serait chargé du suivi de cette réforme.
S’agissant des bâtiments lui appartenant, l’État devra déposer des Ad’AP, comme pour toute autre structure recevant du public.
Malgré la période d’économies budgétaires, le Gouvernement a décidé de déployer, dès 2014, du personnel supplémentaire pour assurer l’instruction des dossiers Ad’AP. Il me semble important, pour faciliter la tâche des personnes appelées à le remplir, mais aussi des personnels concernés, que le formulaire soit d’une grande simplicité – l’objectif, faut-il le rappeler, est de favoriser l’accessibilité, pas de remplir un dossier !
Vous avez été nombreux à vous inquiéter du financement à la charge des collectivités. Il est vrai que notre époque est marquée par des difficultés financières qui n’existaient pas en 2005. L’État, comme les collectivités et les entreprises privées, doit faire face à cette situation, due à la crise et à sa dette abyssale. Mais, contrairement à ce qui a été dit, ce n’est pas maintenant, alors que les dotations sont en baisse, que l’État exige des collectivités ces dépenses : la loi de 2005 a posé les jalons et, messieurs les députés de l’opposition, certains d’entre vous siégeaient déjà sur ces bancs lorsque la date de 2015 a été décidée. Le présent projet de loi vise, d’ailleurs, à assouplir la loi de 2005.
À celles et ceux qui souhaiteraient que l’État subventionne davantage les collectivités, je souhaite rappeler qu’une circulaire de janvier 2013 indiquait aux préfets que les dotations d’équipement des territoires ruraux devaient être réservées, dans un certain nombre de cas, à la mise en accessibilité des bâtiments dans les communes. C’est ce qui s’est passé dans soixante-dix départements.
Par ailleurs, des prêts bonifiés pourront être accordés aux collectivités locales et aux entreprises privées, via la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance ; je signerai avec Michel Sapin une convention en ce sens le 26 juin. Enfin, l’accessibilité constituera l’une des priorités dans les négociations entre l’État et la région, dans le cadre des futurs contrats de plan État-région. L’accord entre les différentes tutelles permettra ainsi d’éviter les doublons.
À celles et ceux qui pensent que l’État devrait donner davantage d’argent aux collectivités pour réaliser tel ou tel projet, je leur demande à mon tour d’où vient l’argent de l’État. Si les collectivités locales veulent disposer de plus de ressources, elles peuvent augmenter les impôts.
En effet ; il n’existe pas trente-six solutions. Or l’objectif actuel du Gouvernement est précisément de diminuer les impôts. Ne pensez pas que l’argent puisse entrer par miracle dans les caisses de l’État, pour être ensuite redistribué aux collectivités. Ou alors, donnez-nous la solution !
Enfin, certains d’entre vous ont évoqué la possibilité de rendez-vous réguliers. Parallèlement à l’observatoire chargé du suivi national, les commissions départementales de sécurité et d’accessibilité remplissent ce rôle au niveau local. J’espère qu’à l’occasion de cette réforme, elles s’empareront des agendas d’accessibilité, regarderont chaque année quels établissements, quelles structures auront déposé des Ad’AP et contrôleront, de façon aléatoire, en fonction de ce qu’elles estimeront prioritaire, la mise en place effective des Ad’AP.
Bien entendu, le suivi sera organisé. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, j’ai déposé un amendement prévoyant une évaluation à mi-parcours, dès lors que la période excédera les trois ans.
Mesdames et messieurs les députés, je ne doute pas que je serai amenée à répondre à vos questions, tout au long des débats à venir.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.
La parole est à M. Philip Cordery.
Je me félicite de ce projet de loi qui confirme l’action déterminée et ambitieuse du Gouvernement en faveur des personnes handicapées. Marie-Arlette Carlotti d’abord, puis Ségolène Neuville, ne ménagent pas leurs efforts pour faire avancer l’égalité, malgré les contraintes budgétaires que nous connaissons.
Ce projet de loi a pour ambition d’accorder aux personnes en situation de handicap une véritable liberté de circulation, grâce à l’aménagement de tous les bâtiments recevant du public, des transports publics et de la voirie.
Cet objectif d’accessibilité a une déclinaison dans les services publics français à l’étranger. Ambassades, consulats, lycées français, instituts français : ces locaux reçoivent chaque jour du public en situation de handicap, des concitoyens établis à l’étranger comme des usagers locaux. Ils doivent bénéficier de la même accessibilité que les bâtiments situés sur le territoire français.
Beaucoup de projets ont été engagés, des travaux lancés ces dernières années. Ainsi, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, grâce à une politique active, a scolarisé cette année près de 2 200 enfants en situation de handicap, contre 1 640 il y a deux ans. De la même manière, le ministère des affaires étrangères a lancé une procédure interne pour planifier la mise en accessibilité du réseau consulaire, diplomatique et culturel.
La loi que nous allons adopter donnera une nouvelle impulsion pour poursuivre et intensifier ces travaux. Les bâtiments que la France détient et occupe à l’étranger doivent tous être aménagés pour permettre leur accessibilité à toutes les personnes en situation de handicap.
Je compte sur votre vigilance, madame la ministre. Il y va de l’image de la France, de l’égalité de tous devant le service public. La France peut et doit être exemplaire dans ce domaine. Elle montre, avec l’adoption de cette loi, son ambition.
L’article 1er de ce texte expose les solutions proposées pour faire face à la non-application des règles d’accessibilité prévues par la loi de 2005. Cette loi, votée sous la présidence de Jacques Chirac, est une grande loi, comme le fut déjà celle de 1975. Toutes deux sont de grandes étapes de notre droit, reconnaissant le handicap et la place des handicapés dans notre société.
La loi de 2005 a eu le grand mérite de porter un regard différent sur le handicap, sur près de 10 millions de Français en situation de handicap. Dans son article 41, elle a posé une notion particulièrement exigeante, le principe de l’accès universel, « quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ». Malheureusement, compte tenu notamment de l’environnement économique dégradé, de problèmes techniques indéniables dans de nombreux cas, cette exigence s’est révélée difficile à tenir. La date butoir de 2015 approchant, le réalisme imposait de trouver une solution.
Vous avez choisi, une fois de plus, de procéder par ordonnances, ce que nous pouvons regretter. Dans cet article 1er, vous mettez en place les Ad’AP, documents de programmation financière des travaux d’accessibilité, avec des échéanciers allant de trois à neuf ans.
Vous avez opté pour une procédure lourde et bureaucratique. Vous fixez en effet des étapes où il faudra rendre compte périodiquement de l’état d’avancement des travaux, avec des formalités administratives décourageantes. De plus, les délais impartis auront du mal à être tenus et l’examen de ces Ad’Ap exigera des recrutements. Le Gouvernement nous parle de simplification, mais les textes qu’il nous propose n’en sont pas la preuve, loin de là.
Pensez aux petites communes, notamment en zone rurale, dont les charges sont déjà immenses, et dont les moyens budgétaires sont rabotés par le Gouvernement. Ne peut-on mutualiser ces travaux, afin d’aider les communes et faciliter l’accessibilité ?
Ce projet va dans le bon sens, car il garde l’objectif de la loi de 2005 – proroger l’effort vers l’accessibilité – mais les solutions proposées sont bien rigides et source de complications.
Sur le million d’établissements recevant du public, seuls 15 % répondraient aujourd’hui aux normes d’accessibilité. Ce constat est affligeant et intolérable. Comment accepter de mettre au ban de la société 14 % de la population ?
Aux difficultés inhérentes à la situation de handicap, notre société ajoute ainsi des obstacles pour que ces personnes puissent vivre, exercer leurs droits ou leur citoyenneté. On devrait, au contraire, adapter l’existant pour permettre aux personnes concernées de ne pas se soucier d’actes quotidiens comme se rendre à la mairie, prendre le métro, assister à un spectacle ou encore suivre des cours. Le taux de chômage particulièrement inquiétant des travailleurs handicapés exige d’ailleurs de s’intéresser à l’accessibilité des lieux de formation – y compris les établissements d’enseignement supérieur.
Oui, l’accessibilité universelle doit être une priorité. Il y va de l’égalité dans l’accès à la vie sociale, économique, politique et culturelle. Il y va de l’égalité réelle entre les citoyens, principe absolu pour une démocratie soucieuse de l’intérêt général et d’un vivre-ensemble qui fait défaut aujourd’hui.
Alors, après la scolarisation des élèves en situation de handicap – bataille qui, si on regarde les faits, n’est pas encore gagnée, il faut bien l’admettre – , il s’agit aujourd’hui de poser les jalons permettant enfin aux établissements recevant du public de devenir accessibles.
Si l’on peut déplorer, comme beaucoup l’ont fait, l’incapacité initiale à tenir les délais prévus par la loi de 2005, ou encore le recours aux ordonnances, nous espérons que les Ad’AP permettront, s’ils évitent les écueils de ces dix dernières années, d’avancer vers cette société inclusive que nous appelons de nos voeux. Nous y veillerons.
La loi du 11 février 2005 avait prévu la date butoir du 1er janvier 2015 pour l’élaboration, dans chaque commune, d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics. Je veux soutenir ici la volonté d’un très grand nombre d’élus locaux, qui considèrent l’accessibilité non pas comme une charge supplémentaire, mais comme une nécessité, voire une chance pour les collectivités locales.
En tant qu’élu local en charge, pendant un temps, de l’accessibilité sur la voirie, j’ai pu mesurer l’ampleur de la tâche et la faiblesse des aides, dans un contexte financier déjà très dégradé. J’ai pu mesurer aussi combien les difficultés pouvaient être grandes pour réaliser des équipements susceptibles de permettre aux personnes en situation de handicap de se déplacer en toute autonomie, ce qui doit demeurer notre objectif.
Aussi, face au constat de l’impossibilité de respecter l’échéance du 1er janvier 2015 pour la mise en accessibilité, votre projet de loi propose-t-il des mesures transitoires et un report de la date butoir.
Je comprends les critiques et mesure les attentes légitimes des associations des personnes en situation de handicap. Il faut cependant analyser objectivement les raisons du rendez-vous manqué de 2015 : il s’explique par la complexité et la rigueur des règles, l’absence de prise en compte du coût des travaux, la mauvaise appréciation des délais et un environnement économique dégradé.
La loi du 11 février 2005 a été un marqueur politique majeur pour les personnes en situation de handicap et les associations qui les accompagnent. Il faut aujourd’hui adapter l’objectif de la loi de 2005 sans en amoindrir l’exigence. Mais cet objectif doit se faire dans une démarche de modernisation du droit et d’assouplissement des procédures.
La loi du 11 février 2005, nous l’avons suffisamment rappelé, avait fixé un délai de dix ans pour rendre les lieux publics, les écoles, les habitations, les transports et la voirie accessibles à toutes les personnes en situation de handicap. Le regretter sans cesse ne peut être que vain si la réflexion ne s’accompagne pas de moyens opérationnels et efficaces.
Ainsi, à l’issue d’une longue concertation, lorsque le Gouvernement a annoncé la mise en place de l’agenda d’accessibilité programmée et introduit des délais supplémentaires pour se mettre aux normes sans encourir de sanction, l’échéancier s’en est trouvé plus réaliste.
Cela doit donc être une assurance pour le tissu associatif de notre pays, si riche, mais qui s’est montré inquiet ces derniers mois. L’association des paralysés de France considérait que seuls 15 % des établissements recevant du public étaient aux normes. De surcroît, la moitié des cabinets médicaux et paramédicaux restent aujourd’hui incapables d’accueillir des personnes en situation de handicap.
Les associations, que nous avons tous reçues fort nombreuses dans nos circonscriptions, ont craint, face aux retards accumulés et au constat partagé que l’échéance du 1er janvier 2015 devenait un objectif irréaliste, qu’il n’y ait plus de solution. Les Ad’AP constituent aujourd’hui un outil capable de poursuivre la mise en accessibilité en redéfinissant les normes applicables aux ERP et en les complétant pour satisfaire des attentes oubliées par la réglementation. S’ils demeurent un dispositif d’exception, ils permettront de poursuivre les travaux en toute sécurité juridique.
Des échéances intermédiaires sont aussi un élément important puisqu’elles sont fixées à l’issue de chaque période de l’Ad’AP. Elles permettront également de sécuriser et de rassurer tous nos partenaires locaux, les habitants, les associations puisque l’un des enjeux de la réussite des Ad’AP est bien leur caractère adapté, à la fois pour le signataire et pour les publics qui bénéficieront in fine de la mise en accessibilité réalisée à travers ces derniers. Je me félicite par conséquent de la mise en place de cet outil.
Ce projet de loi relatif à la mise en accessibilité des établissements relevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie, comporte quatre articles. Le premier, que nous allons examiner, habilite le Gouvernement à créer l’agenda d’accessibilité programmée pour les établissements recevant du public.
Avant de l’examiner, rappelons que le président Jacques Chirac avait fait du handicap l’un des trois grands chantiers de son quinquennat. C’est donc sous son impulsion et avec le soutien de parlementaires UMP que la loi du 11 février 2005 a été votée. Rappelons encore que les socialistes, à l’époque, avaient voté contre.
La loi « Handicap » a, pour la première fois en 2005, fixé un concept d’accessibilité universelle qui s’adresse à tous. Cette loi a eu un effet considérable sur les mentalités qui ont beaucoup évolué cette dernière décennie.
Certes, aujourd’hui, l’objectif d’accessibilité en 2015 pour toutes les infrastructures n’est plus crédible. Le Gouvernement prendra une ordonnance pour définir le contenu des agendas, les modalités, les délais de présentation. L’autorité administrative contrôlera le contenu des agendas, procédera aux opérations de suspensions, autorisera éventuellement les prorogations. Elle pourra également solliciter l’avis du public concerné pour évaluer les agendas.
Une question n’a toujours pas reçu de réponse : le Gouvernement a-t-il pris la mesure des moyens matériels et humains qui devront être déployés au niveau de l’autorité administrative pour répondre à tous ces engagements ? Si tel n’était pas le cas, non seulement l’article 1er, mais aussi le projet de loi tout entier, n’auraient pas de sens.
Le projet de loi tend à habiliter le Gouvernement à adapter des mesures législatives en vue de la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports, des habitations et de la voirie. Force est de constater, en effet, que notre pays a pris beaucoup de retard. La loi de 2005 a presque dix ans et elle est loin d’être appliquée partout.
Vous demandez à la représentation nationale de vous laisser le soin de proroger le délai et de repousser la date du 1er janvier 2015 dès lors que les parties prenantes s’engagent à respecter un agenda, sous peine de sanction. Les associations nous regardent. Elles ont conscience des difficultés éprouvées par les collectivités, les autorités organisatrices de transports, les bailleurs privés et sociaux mais elles insistent pour que la loi soit effectivement mise en oeuvre dans les meilleurs délais possibles. Les parties prenantes, quant à elles, souhaitent que les normes évoluent. Elles sont de surcroît confrontées, en particulier les collectivités, à la baisse non négligeable de leurs dotations, ce qui, nous disent-elles, les empêchera de mener aussi loin qu’elles le voudraient les engagements à prendre.
Mais les engagements doivent être tenus. C’est pourquoi l’article 1er définit les conditions de prorogation du délai. À travers nos amendements, nous insisterons pour que, à tout le moins, l’agenda d’accessibilité programmée continue à programmer pluriannuellement des actions. C’est très important.
La parole est à M. Marc Le Fur, dernier orateur inscrit sur l’article 1er.
Je suis un peu triste ce soir, tout d’abord parce que nous sommes très peu nombreux, ce qui n’est pas à l’honneur de notre assemblée, pour un débat de cette nature, surtout un mardi soir. Ensuite, je ne ressens pas de volontarisme dans votre propos, madame la secrétaire d’État. Je ne doute ni de votre compétence, ni de votre bonne volonté, mais il vous manque le volontarisme nécessaire pour défendre ce genre de texte. En 1975, il en fallait, du volontarisme, et je voudrais ici citer le nom de Marie-Madeleine Dienesch, à qui j’ai en quelque sorte l’honneur de succéder, car elle fut non seulement secrétaire d’État chargée de ces questions, mais aussi la première femme vice-présidente de l’Assemblée : elle sut faire preuve d’un volontarisme considérable, comme l’Assemblée du moment.
Soulignons encore le volontarisme qui avait présidé au texte de 2005, voulu par Jacques Chirac, qui était déjà Premier ministre en 1975, un vrai volontarisme politique qui lui a permis de soulever des montagnes. Vous aviez voté contre à l’époque. J’avais cru comprendre que vous vous étiez finalement ralliés à cette grande loi. J’entends d’ailleurs régulièrement chez moi les élus socialistes, dans les réunions, les congrès, devant les associations du monde du handicap, affirmer qu’ils sont favorables à ce texte.
Et voilà que, par un curieux retour en arrière, vous faites preuve d’une absence totale de volontarisme qui m’inquiète. Comment réagira le monde du handicap dont nous avons tous entendu les responsables ? Comment réagiront les élus, les commerçants, les chefs d’entreprise qui ont travaillé pour améliorer l’accessibilité ? Je peux ainsi témoigner d’une région que je connais un peu mieux que d’autres, la Bretagne, où beaucoup a été fait, y compris dans des établissements scolaires publics ou privés alors qu’il n’est pas toujours évident d’installer des ascenseurs dans le privé, en raison du coût. Eh bien, ils l’ont fait mais ils se demandent à quoi bon, aujourd’hui. Vous donnez un mauvais signe en ne récompensant absolument pas les bons élèves !
Et surtout, vous allez procéder par ordonnance ! Voici l’un des premiers textes qui sera pris par ordonnance, depuis deux ans, alors que le sujet est essentiel ! Cela signifie que vous préférez la technocratie au débat démocratique, l’opacité au débat public. Je le regrette profondément.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la secrétaire d’État, vous seriez crédible pour envisager un décalage de calendrier si votre position évoluait sur d’autres sujets. Or, je ne vous entends pas parler de ces autres sujets majeurs à propos desquels nous avons des attentes : le vieillissement des personnes handicapées, l’autisme, énorme sujet qu’on ne pouvait pas entrevoir dès 2005. J’aimerais savoir ce que vous en pensez plutôt que de vous voir décaler les contraintes à la charge des pouvoirs publics ou des entreprises.
Vous seriez également crédible, madame, si vous apportiez des compensations. Or, je ne suis pas le seul à dénoncer l’absence de moyens alloués à votre politique. Il n’y en a strictement aucun ! Vous imposez des contraintes aux collectivités auxquelles vous retirez par ailleurs 11 milliards d’euros. Les contraintes existaient, je vous l’accorde, mais c’est votre Gouvernement qui a décidé de retirer 11 milliards et vous l’assumez, ce qui est bien normal puisque vous appartenez à un collègue gouvernemental. C’est tout à l’honneur de la politique que d’assumer des décisions collectives. Il n’en demeure pas moins que vous défendez ce texte sans aucun moyen effectif, ce que je regrette et ce qui justifie le dépôt de cet amendement.
Il s’agit là d’un amendement d’appel. Le report du délai est inacceptable pour les personnes handicapées et, plus largement, pour tous les citoyens. L’on peut craindre surtout que ce report n’en entraîne un autre. Quelle garantie avons-nous que les délais de ce texte et ceux fixés dans le cadre de la mise en oeuvre de l’ordonnance seront tenus ?
Les réponses que vous nous avez apportées tout à l’heure m’amènent à vous poser quelques questions. S’agissant tout d’abord de l’observatoire interministériel de l’accessibilité, vous avez indiqué que sa présidente serait une parlementaire mais qu’en sera-t-il de sa composition, du rythme de ses réunions, des moyens dont il disposera ?
Quant aux sanctions administratives, comment comptez-vous les appliquer ? Avez-vous envisagé des incitations financières pour encourager les établissements recevant du public à accélérer les démarches d’accessibilité, par exemple en liant les avantages du pacte de responsabilité aux ERP qui seraient de « bons élèves » ?
Le diable est dans les détails, et il est important que la représentation nationale dispose ce soir de ces éléments puisqu’il s’agit d’un projet de loi pour habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances.
Soyons pragmatiques, mes chers collègues : vos interventions ne se rapportent pas du tout au contenu de vos amendements !
De surcroît, il ne s’agit pas d’un amendement d’appel car, s’il devait être formulé comme vous le présentez, cela signifierait que nous ne disposerions plus de délai supplémentaire et que nous devrions appliquer les sanctions pénales prévues par la loi du 11 février 2005, soit 45 000 euros d’amende et des peines d’emprisonnement ! Vos interventions signifient-elles que vous auriez deux circonscriptions totalement à part en France, où aucun commerçant, aucune profession libérale, aucune collectivité n’aurait rencontré de difficulté ? Si nous n’avions pas ce souci, nous ne serions pas en train de légiférer ce soir, même par voie d’ordonnance, pour des raisons de calendrier que tout le monde comprend.
L’adoption de vos amendements nous obligerait, au 31 décembre 2014, à sanctionner tous les responsables d’établissement qui n’auraient pas pu se mettre aux normes dans les temps. Pour toutes ces raisons, qui n’ont rien à voir avec les exposés des motifs, la commission a rejeté ces amendements.
Je partage l’avis de M. Sirugue. Je vois dans ces amendements, dont le motif n’a pas été défendu, que vous mettez tout le monde dans le même sac. Il n’y a pas de demi-mesure, vous ne distinguez pas entre ceux qui n’avaient que de mauvaises excuses et ceux qui ont pu éprouver une réelle difficulté à appliquer le texte. Vous devez bien connaître des commerçants qui se sont retrouvés dans cette situation !
Les difficultés peuvent être d’ordre financier ou liées à l’architecture. En tout cas, de petites collectivités peuvent parfois en rencontrer de sérieuses.
Vous n’accordez pas non plus de circonstances atténuantes à qui que ce soit, puisque vous ne tenez pas compte des défauts de la loi de 2005, qui présente tout de même des lacunes en termes de suivi et de contrôle.
Il faut tout de même considérer son bilan et les circonstances de sa mise en oeuvre. Vous n’excusez personne ; vous ne faites que sanctionner. Or, la sanction est l’aboutissement d’un échec. Nous voulons précisément le contraire : réussir grâce à de nouveaux outils, de nouvelles méthodes, de nouveaux principes.
J’estime que vos propositions sont non seulement hors-sol, mais aussi quelque peu méprisantes à l’égard de personnes qui souhaitent ou auraient souhaité réussir !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
L’amendement que vous défendez, messieurs les députés, vise à rejeter le principe même des agendas d’accessibilité programmée. Permettez-moi de revenir sur la chronologie des faits, car sans doute ne vous ai-je pas encore fourni assez de détails.
En 2011, l’Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l’environnement et du développement durable et le Contrôle général économique et financier avaient été mandatés pour évaluer la politique d’accessibilité et formuler des propositions pour accélérer le processus. Ces trois instances ont conclu que seuls 15 % des établissements recevant du public étaient accessibles. C’est ensuite qu’a eu lieu la mission de Claire-Lise Campion et qu’il a été proposé de créer les agendas d’accessibilité programmée, lesquels constituaient un nouvel instrument de politique publique. Au cours de la concertation, les associations de personnes handicapées ont reconnu qu’il s’agissait là de la moins mauvaise des solutions.
Naturellement, chacun souhaite que tous les établissements et que tous les transports soient accessibles à tous au 1er janvier 2015 ! Mais que proposez-vous donc aujourd’hui, le 10 juin 2014, pour que tous les établissements soient aux normes d’ici la fin de l’année ? J’ai du mal à suivre votre raisonnement. Certains, sur vos bancs, estiment que la tâche est trop difficile et vouée à l’échec, que les collectivités locales n’y arriveront pas et qu’il faut plus d’argent. À cet égard, je voudrais bien savoir si vous êtes soudain devenus favorables à l’augmentation de la dépense publique ! Je m’en étonne, car ce n’est pas ce que l’on entend d’habitude.
Abandonnez la réforme des rythmes scolaires et vous ferez les économies nécessaires !
D’autres, sur les mêmes bancs, veulent subitement supprimer les agendas d’accessibilité programmée. Je ne vous suis plus !
Une dernière remarque : je ne fais pas d’idéologie. Que la loi de 2005 ait été votée par la droite ou par la gauche, cela m’est complètement égal.
Cette loi de 2005 a établi de bons principes.
Il s’agit désormais de l’appliquer : voilà mon objectif aujourd’hui. Nous ne sommes plus au stade des grands discours ; il faut du concret. Les personnes handicapées nous demandent que les choses bougent. Or, l’objectif des Ad’AP vise à ce que tous les établissements recevant du public soient, au 31 décembre 2014, obligés de s’engager sur un agenda. Voilà la réalité concrète !
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est donc naturellement défavorable.
Les écologistes rejetteront également ces amendements. J’ajouterai que je les trouve hypocrites : vous vous drapez, chers collègues de l’opposition, dans une position apparemment radicale et même intransigeante à l’égard des établissements qui ne respecteraient pas la loi de 2005, mais il est un peu tard pour s’en préoccuper !
Vous savez bien que l’objectif ne sera pas atteint d’ici la fin de l’année. Quoi qu’il en soit, vous ne proposez aucune solution.
De surcroît, vous nous reprochez de manière hypocrite d’accorder un délai supplémentaire. C’est faux ! Il n’y aura pas seulement un délai supplémentaire : nous prévoyons également un élément que vous n’aviez jamais proposé – le suivi. Voilà ce qui nous distingue ! Nous instaurons un délai assorti d’un suivi intermédiaire et prévoyons la publication, mais aussi la sanction si l’agenda n’est pas proposé.
J’estime qu’il est trop facile de se draper dans une attitude intransigeante qui ne sert à rien. Sommes-nous ici pour distribuer des amendes et des peines de prison, ou pour garantir une réelle accessibilité aux personnes handicapées ? Cette loi est pragmatique. Elle vise concrètement à l’intégration des personnes handicapées, plutôt qu’à faire des effets de manche et à distribuer des sanctions !
Je suppose que le propos de M. Roumegas valait pour Mme Carlotti, car il ne s’est pas passé grand-chose depuis deux ans !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je constate quelque chose de très simple, chers collègues. Il existe de nombreuses normes qui menacent l’existence d’entreprises et les finances des communes, mais il n’y en a qu’une seule dont on réduira la portée : celle qui bénéficie aux personnes handicapées. Je ne sache pas que de tels débats aient été engagés dans d’autres domaines – où, pourtant, ils sont peut-être nécessaires. Comme par hasard, seule la loi de 2005 est concernée.
Je suis sans doute ici l’un des rares à avoir modestement contribué à son élaboration. Il s’agit d’une grande loi…
Il s’agit d’une très grande loi sur la compensation du handicap, sur la présence des enfants ayant de difficultés en milieu ordinaire, sur l’accès des personnes handicapées au travail. Nous n’avons pas encore parachevé son application, mais nous avons beaucoup progressé, jusqu’à ce que la crise brise cet élan voici quelques mois.
Il est vrai qu’en matière d’accessibilité nous n’avons pas progressé autant que nous le souhaitions. Or, on baisse désormais la garde en indiquant à tous ceux qui ont fait des efforts qu’il n’était pas nécessaire de les faire, puisque l’on s’accorde neuf ans de plus, si j’ai bien compris.
Je constate également que l’on pourrait se doter de tous les agendas que l’on veut si les moyens financiers correspondants étaient mobilisés. Vous nous parlez des contrats de plan, madame la ministre : allez donc écouter l’ensemble des élus régionaux, qui savent qu’une année blanche se profile – une année au cours de laquelle les contrats de plan ne s’appliqueront pas.
Que l’on ne nous dise donc pas que les contrats de plan sont la solution, alors même qu’ils ne seront pas appliqués cette année !
Vous n’avez pas dû entendre le début de mon intervention sur cet amendement, messieurs les rapporteurs. J’ai indiqué qu’il s’agissait d’un amendement d’appel…
Si. Il faut répondre aux questions, sans quoi rien ne sert d’organiser un débat – lequel est déjà escamoté par la lecture unique. La moindre des choses est donc de répondre aux questions, comme l’a d’ailleurs dit Mme la ministre puisque le Gouvernement légiférera par ordonnances.
Je crois donc avoir été clair : il s’agit d’un amendement d’appel visant à comprendre ce dont ces Ad’AP sont faits. Je vous ai posé des questions très concrètes, madame la ministre, auxquelles j’attends des réponses tout aussi concrètes.
Je répète donc ma première question : quelle sera la composition de l’observatoire interministériel de l’accessibilité qui, selon vous, constitue l’outil d’évaluation de l’accessibilité ? Combien de fois se réunira-t-il ? Comment fonctionnera-t-il ?
Deuxième question : quelles sanctions administratives allez-vous prévoir concrètement dans les ordonnances ?
Enfin, troisième question : allez-vous instaurer des mécanismes d’incitation financière pour encourager les ERP à emprunter le chemin de l’accessibilité ?
Voici donc trois questions concrètes et non polémiques, qui visent à savoir si ce texte a un contenu, si les modalités financières nécessaires sont prévues et si, au fond, ce report ne sert qu’à gagner du temps et à acheter la paix sociale, ou si, au contraire, le Gouvernement est réellement déterminé. Il ne sert à rien d’adopter des positions caricaturales ; il suffit tout simplement de répondre à ces questions concrètes.
En sus des contraintes financières, les établissements seront soumis à des contraintes administratives. Imaginons en effet que chacune de nos 36 000 communes dépose en moyenne trois dossiers – certaines n’en déposeront pas, d’autres beaucoup plus que trois – et nous parvenons à un nombre total avoisinant 100 000 dossiers qui seront soumis aux services pour étude en fin d’année. Les services de l’État ont-ils aujourd’hui la capacité d’examiner ces 100 000 dossiers dans des délais raisonnables ? La question mérite d’être posée.
Cet amendement n’est pas seulement rédactionnel ; il vise à modifier le sens du texte. L’alinéa 2 est ainsi rédigé : « Définir les conditions dans lesquelles peut être prorogé le délai fixé… ». Je vous propose de remplacer le verbe « peut » par le verbe « doit ». Nous enverrions ainsi un signal très fort au monde du handicap !
Madame la ministre vient de le dire : ces amendements sont pour le moins incohérents ! Les deux précédents visaient à ne surtout pas dépasser le délai du 31 décembre 2014 ; celui-ci, au contraire, vise à proroger le délai au-delà de cette date pour tous les établissements.
Bien sûr que si : en remplaçant « peut » par « doit », vous rendez la prorogation obligatoire pour tous les établissements, y compris ceux pour lesquels l’accessibilité est d’ores et déjà achevée ou engagée après le 31 décembre de cette année – chose aisée à vérifier…
Je partage votre souci de sécuriser le dispositif, et nous en avons discuté en commission où nous avons d’ailleurs adopté des dispositions permettant de lever votre inquiétude. Ainsi, nous obligeons les établissements qui ne seraient pas en conformité avec la loi de 2005 à déposer un Ad’AP et, d’autre part, nous prévoyons des sanctions. Nous sommes donc allés dans la direction que vous suggérez. Cela étant, vous proposez de rendre le report obligatoire pour tous, ce qui est impossible.
Ensuite, j’ai entendu dire plusieurs fois que rien n’aurait été fait depuis deux ans. Pardonnez-moi, mais ce n’est pas en 2011 que l’on s’est aperçu que l’on ne parviendrait pas à rendre accessibles tous les établissements recevant du public ! C’est en 2011 que les premiers rapports ont été publiés. Est-ce à dire qu’entre 2005 et 2011, personne ne s’est inquiété de savoir si les ERP seraient accessibles ou non ? Aurait-on subitement découvert le problème au lendemain du mois de mai 2012 ?
Il a d’ailleurs fallu une concertation sur ce sujet. Le laps de temps qui s’est écoulé entre la remise des rapports, notamment celui des sénatrices Campion et Debré, et aujourd’hui, s’explique donc.
Ainsi, je ne crois pas que ce soit un bon procès. Nous devons désormais faire preuve de pragmatisme. Nous ne pourrons pas être au rendez-vous du 31 décembre prochain et nous le regrettons tous. Certains établissements seront prêts, beaucoup d’autres ne le seront pas, comme le démontrent les rapports. Nous devons éviter toute fuite en avant grâce à l’obligation de déposer un Ad’AP, mais aussi faire preuve de pragmatisme dans une situation où il n’est pas nécessaire d’être puriste pour savoir que l’ensemble des ERP et des structures de transport ne pourront pas être accessibles à la fin de l’année.
Même avis. Cet amendement vise à donner au report un caractère obligatoire. Je veux vous rassurer : pour ceux qui ne déposeront pas d’Ad’AP, la loi de 2005 s’appliquera et des sanctions pénales pourront être prononcées. En outre, des sanctions administratives, qui seront précisées dans l’ordonnance, pourront être prises. Il s’agira d’amendes dont le montant ne sera naturellement pas aussi élevé que celui des sanctions pénales, car l’objectif est d’inciter les établissements. Votre amendement est donc déjà satisfait, en quelque sorte.
Parce qu’il est superfétatoire. À mon grand regret, j’y suis donc défavorable.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne comprends pas le sens de votre refus. Puisque vous dites que nous sommes d’accord sur le fond, pourquoi ne pas envoyer un message symbolique à toutes ces associations qui sont inquiètes ? C’est le sens de mon amendement.
Il est satisfait par les éléments que nous avons adoptés en commission, lesquels complètent ce qui était dans le texte, comme vient de le rappeler Mme la secrétaire d’État.
En outre, votre amendement comporte une ambiguïté.
Le mot « doit » introduit une ambiguïté pour ceux qui sont d’ores et déjà inscrits dans un processus d’accessibilité, car il lest incite à reporter leur action après le 1er janvier 2015. Je ne dis pas que c’est ce que vous voulez faire, monsieur Aboud, mais c’est la lecture juridique qui peut être faite de votre proposition.
Votre objectif, nous l’atteignons au travers des amendements que nous avons adoptés en commission. Le texte de la commission le prévoit, Mme la secrétaire d’État vient de le préciser. En outre, l’amendement crée une difficulté par rapport à ces éléments, ce qui explique notre rejet.
L’amendement no 13 n’est pas adopté.
J’espère, cette fois, une réponse positive. Il s’agit d’ajouter, après les mots « d’accessibilité programmée » les mots « devant être ». Lorsque nous avons débattu de cette question en commission, nous ne sommes pas allés assez loin.
En droit, le présent de l’indicatif a une valeur de prescription impérative.
Votre proposition est superfétatoire. Je vous renvoie une nouvelle fois au texte de la commission, sur lequel nous débattons : contrairement à ce que vous dites, ce texte ne pose pas de difficultés.
Avis défavorable, donc, sauf si vous retirez votre amendement, qui n’a pas d’objet.
Défavorable. Mais je voudrais rassurer M. Aboud.
Je vous confirme, monsieur le député, que le Gouvernement prévoit une validation de l’autorité administrative pour qu’un agenda d’accessibilité programmée puisse, en toute sécurité juridique, permettre à un propriétaire ou à un exploitant d’établissement recevant du public de poursuivre la mise en accessibilité après le 1er janvier 2015.
Cette disposition, dans sa rédaction actuelle, ne présente, selon moi, aucune ambiguïté. Votre amendement étant satisfait, monsieur Aboud, mieux vaudrait le retirer.
L’amendement no 21 n’est pas adopté.
Cet amendement propose de compléter l’alinéa 3 en insérant, après la seconde occurrence du mot « accessibilité », les mots : « incluant notamment, selon les caractéristiques de l’établissement, une formation ou une sensibilisation du personnel en contact direct avec le public à l’accueil et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap ».
L’accessibilité universelle repose non seulement sur la mise en oeuvre d’aménagements, mais également sur les conditions dans lesquelles les personnes souffrant de handicap sont accueillies, orientées ou accompagnées. Cet amendement prévoit une prise en compte systématique de la nécessaire formation ou sensibilisation des personnels conduits à les accueillir ou à leur fournir une prestation. Cette obligation pourrait être allégée selon la catégorie d’établissement concernée.
C’est une demande qui nous a été faite et sur laquelle nous avons travaillé pour améliorer le texte, s’agissant de la formation.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour soutenir l’amendement no 59 .
La mise en accessibilité des établissements recevant du public ne doit pas se limiter à l’aménagement du cadre bâti, mais inclure la mise en accessibilité des informations et services offerts par les établissements recevant du public.
En effet, les handicaps sont multiples. Il y a, bien sûr, les handicaps physiques, mais aussi les handicaps psychiques ou sensoriels. Est également essentiel l’accueil des personnes atteintes de cécité ou malvoyantes, ou encore des personnes atteintes de surdité ou malentendantes.
Afin de créer une société accessible au plus grand nombre, il est proposé d’encourager, dans ces établissements, la formation et la sensibilisation de leurs personnels en contact direct du public, au même titre que celle prévue dans le secteur des transports, notamment pour les différents types de handicap, l’accessibilité, le confort d’usage et les conditions nécessaires pour proposer un accueil et un accompagnement de qualité.
C’est une véritable préoccupation de ce gouvernement, comme du gouvernement précédent. Je rappelle que Jean-Marc Ayrault a décidé, en début d’année, de lancer une mission associant handicap et élections. Les conclusions de cette mission, qui vont dans ce sens, seront bientôt rendues.
La disposition proposée par notre amendement permet à toute personne rencontrant des difficultés, temporairement ou durablement, de bénéficier d’un accueil et d’un accompagnement de qualité. Elle permet également de contribuer au changement de regard sur le handicap, à chacun d’exercer sa citoyenneté et de créer les conditions pour une société accessible au plus grand nombre.
Ces amendements ont été acceptés par la commission et, à titre personnel, j’y suis très favorable.
Nos collègues de l’opposition l’ont également dit, la nécessité de la formation est un élément extrêmement important. Cependant, placé à cet endroit du texte, votre amendement signifie que la formation n’est destinée qu’aux établissements ayant déposé un Ad’AP. Or le problème se pose de la même façon dans les établissements d’ores et déjà accessibles.
Je crois savoir que le Gouvernement proposera, à l’article 3, un amendement no 71 , tendant à généraliser la mesure. Bien que la commission ait adopté ces amendements identiques et que j’y sois favorable, le fait qu’ils limitent la formation aux établissements ayant déposé un Ad’AP m’amène à vous suggérer de vous rallier à l’amendement déposé par le Gouvernement à l’article 3, qui prendra plus globalement en compte la question de la formation.
Mesdames les députées, le Gouvernement rejoint complètement vos préoccupations puisqu’il s’agit de la formation des personnels qui accueillent dans les établissements recevant du public. Mais il s’agit plus globalement de l’accueil de toutes les personnes dans un service public ou privé. Vous avez raison de souligner que l’accessibilité ne doit pas être prise en compte pour les seuls handicaps moteurs. Il s’agit de prendre en compte toutes les formes de handicap.
Je proposerai, à l’article 3, un amendement visant à généraliser cette formation pour tous les personnels d’accueil, en précisant tous les types de handicaps : moteur, visuel, auditif, mental, cognitif et psychique. Il me semble important de les préciser dans la loi.
Par ailleurs, j’ai continué, dans mon ministère, un travail lancé par Marie-Arlette Carlotti, qui consiste à promouvoir, voire à généraliser l’usage du français simple et compréhensible pour tous. Souvent, dans les administrations, ainsi que les milieux politiques, nous employons des termes trop compliqués pour ceux qui ne connaissent pas parfaitement le sujet. L’usage du français simple et compréhensible pour tous serait une bonne chose pour tout le monde, pas seulement pour les personnes ayant un handicap mental.
Je citerai l’exemple de la mission que conduit actuellement Dominique Orliac sur l’accessibilité électorale, je pense notamment à l’accessibilité de l’information électorale. Vous tous, mes chers collègues, vous avez déjà rédigé des tracts électoraux. Vous êtes-vous posé la question de la compréhension des personnes qui les lisent ? Bien souvent, ces documents sont trop touffus et trop techniques, car nous nous laissons progressivement envahir par le langage administratif et technique. Avant d’arriver ici, nous avions tous un autre métier, et certains d’entre nous parlent encore normalement !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je tiens à préciser tous ces éléments, car je veux vous dire combien mon engagement est fort dans ce domaine. Il s’agit de l’accessibilité pour l’ensemble des handicaps, et là, nous sommes complètement dans le sujet. Il y aura effectivement dans ce projet de loi l’obligation de formation pour l’ensemble des personnels qui reçoivent du public, parce que le Gouvernement est convaincu qu’il s’agit d’un élément essentiel de l’accessibilité.
Nous soutenons la démarche de nos collègues, qui nous paraît bienvenue. L’accessibilité ne peut se résumer à la seule accessibilité physique des lieux : elle nécessite aussi de tenir compte de l’accès aux informations et aux services dans le bâtiment. Quand on parle des personnes en situation de handicap, Mme la secrétaire d’État l’a dit, il y a derrière ce terme générique une multitude de situations qui doivent toutes être prises en compte pour permettre un accueil adapté à chaque situation, que le handicap soit physique ou mental.
Or la méconnaissance du handicap mental, qui est souvent invisible, est un phénomène particulièrement alarmant. C’est sur ce point que je souhaitais insister. Si pas moins de 700 000 personnes sont concernés, on constate que qu’elles n’accèdent que très rarement aux informations, services et produits disponibles pour leurs concitoyens. Elles doivent en effet faire face à des difficultés spécifiques pour se repérer dans le temps et dans l’espace, pour comprendre les informations orales et sonores, ou encore pour comprendre l’utilisation des appareillages, automates et autres dispositifs mis à disposition.
Face à ces difficultés, les personnels accueillant du public peuvent, aujourd’hui, se sentir démunis. C’est pourquoi un travail de sensibilisation et de formation auprès des équipes en contact direct avec le public est nécessaire.
Nous aurions aimé que des dispositions spécifiques soient prévues à ce propos pour mieux prendre en compte le handicap mental, car cette sensibilisation contribue, en modifiant la vision du handicap, à l’évolution des mentalités et à la construction de la société inclusive que nous souhaitons. Si les personnels reçoivent cette formation, ils deviendront, de fait, porteurs et acteurs de cette société inclusive que nous appelons de nos voeux.
J’ai entendu la proposition de Mme la secrétaire d’État. Je ne sais pas ce que vont faire mes collègues, mais, pour moi, l’essentiel est que cette mesure, qui n’était pas prévue au départ, soit inscrite dans le texte de loi : les personnels doivent être formés.
J’estime, moi aussi, particulièrement intéressant de sensibiliser, voire de former au handicap, les personnes qui accueillent le public.
Toutefois, j’aimerais savoir si vous avez mesuré l’impact de cette mesure qui, si j’en crois Mme la secrétaire d’État, sera une obligation. Des contacts ont-ils déjà été pris, par rapport aux collectivités locales avec, par exemple, le Centre national de la fonction publique territoriale ?
Notre collègue abordait tout à l’heure la question de la région. Nous venons de voter une loi sur la formation professionnelle, nous avons créé un compte personnel de formation. Toutes ces questions ont-elles d’ores et déjà été examinées ? Y a-t-il des réponses à ces questions ? Pourra-t-on activer son compte personnel de formation pour suivre une formation d’accueil des personnes handicapées ?
Les explications de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État me satisfont, dans la mesure où nous aurons tout à l’heure, à l’article 3, une proposition qui sera plus large que celle que nous proposons.
Pour cette raison, je retire l’amendement no 37 .
Je regrette sincèrement qu’à ce moment de la discussion, ces amendements ne soient pas pris en compte. Toutefois, j’ai entendu les explications du rapporteur et de la secrétaire d’État. Je retire donc mon amendement, au profit de celui que présentera le Gouvernement à l’article 3.
Il s’agit de lier la programmation à une budgétisation pluriannuelle, ce qui paraît frappé au coin du bon sens. Je comprendrais que Mme la secrétaire d’État dise que ce n’est pas totalement opérationnel en termes de dépenses publiques. Néanmoins, inscrire la programmation de manière budgétaire pluriannuelle me semble être une bonne chose.
Il va dans le même sens. En français pur et simple, comme disait Mme la secrétaire d’État, prévoir une programmation pluriannuelle ne laisserait pas la possibilité aux différents acteurs de retarder la mise en oeuvre ni de favoriser les postures attentistes.
Vos amendements, mes chers collègues, réduisent le champ des Ad’AP. Ceux-ci comportent certes une programmation budgétaire, mais aussi une programmation technique déterminant le déroulement des travaux tout au long de l’échéancier par-delà leur strict aspect financier. Adopter vos amendements réduirait les Ad’AP à une programmation budgétaire, ce qui n’est pas du tout leur objet.
Pour répondre à la question que vous avez posée tout à l’heure, M. Abad, je vous renvoie au rapport où l’on trouve le détail de ce que comportent les Ad’AP, qui ne sont pas uniquement des programmations budgétaires. En outre, qu’advient-il des Ad’AP d’un an dans le cadre d’une programmation budgétaire pluriannuelle ? Je comprends la problématique de votre approche, chers collègues, mais elle me semble extrêmement réductrice de ce que sont les Ad’AP. C’est pourquoi, comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, j’émets un avis défavorable à ces amendements. Il serait trop dommage de réduire les Ad’AP à des aspects exclusivement financiers.
Identique. Je comprends tout à fait la louable intention des auteurs des amendements, mais comme l’a très bien dit M. le rapporteur, ils réduisent la portée des Ad’AP. Leur résultat risque donc d’être inverse des intentions qui les fondent. C’est pourquoi je propose le retrait des amendements et émets à défaut un avis défavorable.
Je retire mon amendement, mais pour des raisons autres que celles qui viennent d’être avancées par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État. Tout d’abord, il s’agit d’un amendement d’intention, extrêmement symbolique. Comme je l’ai dit lors de ma présentation, je comprends tout à fait que l’on me demande de le retirer. Quant aux dimensions techniques que vous évoquez, monsieur le rapporteur, elles impliquent une dépense pluriannuelle ! Et que les Ad’AP d’une année ne rentrent pas dans le cadre d’une programmation pluriannuelle n’est pas un argument sur lequel on peut débattre !
Je retire donc mon amendement, mais en aucun cas sur le fondement de votre réponse.
L’amendement no 15 est retiré.
À ce stade de la discussion, nous avons posé, mes collègues Abad et Louwagie en particulier, des questions précises relatives à la composition de l’observatoire et aux moyens alloués aux uns et aux autres.
L’objet du débat, c’est de débattre ! Nous attendons des arguments, pas des pages du rapport !
Nous attendons des réponses de Mme la secrétaire d’État ! On nous dit que des amendes sont prévues. Je ne vois pas très bien comment l’État imposera des amendes à ses propres services. Comment l’État s’impose des amendes à lui-même, voilà ce qu’il faudra m’expliquer, madame la secrétaire d’État ! Je ne sais comment vous vous y prenez, mais vous allez certainement nous l’expliquer ! J’aimerais également que vous répondiez à la question de Mme Louwagie. À raison de trois documents par commune, ce qui est plus que raisonnable, on en comptera donc à peu près 100 000 ! Nous venons en outre d’apprendre que ces documents comporteront non seulement des aspects financiers mais aussi techniques comme des plans etc. Vous imaginez le nombre de personnes qu’il faudra mobiliser ? Mais pourquoi pas ! Il s’agit d’une priorité, comme je l’ai toujours dit. Mobilisons donc des fonctionnaires pour cette tâche, ils seront certainement plus utiles qu’à d’autres !
Vous n’en devez pas moins nous indiquer où vous allez, madame la secrétaire d’État, et nos questions sont d’autant plus légitimes qu’il s’agit d’un texte prévoyant des ordonnances. Autrement dit, à partir du moment où nous aurons voté le texte, c’est vous qui dirigerez tout et nous n’aurons plus du tout la main ! Dès lors, la contrepartie de l’habilitation à prendre des ordonnances, c’est que vous nous indiquiez comment vous travaillerez. Nous posons quatre questions auxquelles nous souhaitons obtenir quatre réponses précises. Ou peut-être faut-il vous laisser quelques instants de réflexion ?
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement visant à tenir compte des difficultés liées au dépôt d’Ad’AP par le propriétaire ou l’exploitant d’un établissement recevant du public ou d’une installation ouverte au public. En effet, on ne sait pas finalement à qui il incombe de déposer l’Ad’AP. Est-ce le propriétaire ou le responsable de l’établissement ? Il conviendrait à tout le moins que les ordonnances précisent à qui incombe la responsabilité du dépôt de l’Ad’AP. Il s’agit donc d’un amendement d’appel, afin que nous déterminions dans quelles conditions clarifier ce point. L’amendement propose donc de rendre obligatoire la prescription pour les baux nouveaux afin de déterminer qui est le responsable, ce qui élimine une difficulté. Quant au problème des baux déjà en vigueur, il reste certes entier. Tel est le contenu de l’amendement.
L’amendement vise en effet à préciser un élément dont on peut considérer qu’il mérite de l’être. En effet, il est difficile de déterminer si le dépôt d’un agenda d’accessibilité programmé relève du propriétaire ou du locataire. La précision que vous proposez d’introduire dans le texte, monsieur le rapporteur, est de nature à améliorer l’habilitation à légiférer sur ce point. L’ordonnance prise par le Gouvernement renverra explicitement au contenu des baux, ce qui est bénéfique au texte. La responsabilité de déposer un agenda incombe à celui qui est responsable des travaux selon le bail commercial, professionnel ou mixte.
À défaut de clause relative aux travaux prescrits par l’administration, en l’espèce d’accessibilité, le propriétaire bailleur les prend en charge dans la mesure où il doit, selon l’article 1719 du code civil, fournir au preneur un local en conformité avec sa destination d’établissement recevant du public, précisée dans le bail. En revanche, si le bail comporte une clause spécifique, les travaux de mise en accessibilité seront à la charge de la partie mentionnée dans le bail. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable à l’amendement. Et pour répondre à vos questions, messieurs les députés de l’opposition, à vrai dire …
Veuillez m’excuser, madame la secrétaire d’État, mais vous aurez l’occasion de répondre lors de la discussion des nombreux amendements qui restent à débattre.
Je ne vais pas répondre tout de suite, mais simplement dire que j’attends sagement la discussion d’un amendement relatif aux questions posées. Je suis habituellement pragmatique et organisée, je réponds donc aux questions lors de la discussion d’amendements qui les appellent.
L’amendement no 53 est adopté.
Il sera très bref. Je pose des questions relatives aux moyens et souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous y répondiez. Par définition, je ne les ai pas posées…
Sur quel article votre rappel au règlement se fonde-t-il, monsieur Le Fur ?
Voyons, madame la présidente ! À l’évidence, je ne pouvais pas poser une question relative à…
Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous répondiez à la question des moyens car vous savez parfaitement qu’il nous est interdit, au titre de l’article 40 de la Constitution, de déposer des amendements à ce sujet. Mais cela ne nous interdit pas de nous interroger…
suite
Nous reprenons la discussion de l’article 1er.
La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement no 22 .
L’alinéa 4 dispose que le délai ne peut excéder douze mois à compter de la publication des ordonnances prévues au premier alinéa. L’amendement propose de le porter à dix-huit mois. En effet, la limite annuelle peut constituer une contrainte de nature à faire échouer le processus. Mieux vaut donc donner un délai légèrement accru à certaines communes ou intercommunalités afin de mieux préparer les demandes de subventions à telle ou telle collectivité.
Ce dont nous parlons, cher collègue, c’est la date de dépôt de l’Ad’AP, rien d’autre. Douze mois pour clarifier les travaux à opérer …
Non ! Il ne s’agit pas de l’engagement mais du dépôt du dossier. Pour définir la programmation budgétaire de dossiers qui auraient dû être traités depuis dix ans, très objectivement, il me semble que le délai de douze mois proposé est suffisant, dans l’intérêt du message envoyé aux associations. Comme je l’ai dit à la tribune tout à l’heure, nous sommes engagés dans une course contre la montre. Il importe de trouver un point d’équilibre entre accepter que l’on ne soit pas prêt au 31 décembre et refuser de laisser courir les choses. Il me semble donc que le délai de douze mois pour le dépôt des Ad’AP est largement suffisant.
Mme la secrétaire d’État nous dira, lors de la discussion d’amendements relatifs à ces éléments, comment les personnels seront mobilisés. Pour ma part, j’ai été amené à l’interroger à ce sujet dans le cadre de mon travail de rapporteur, et c’est normal. Très sincèrement, chers collègues, je ne comprends pas votre objectif. Nous essayons pour l’instant d’avoir un débat éclairant nos concitoyens sur la problématique commune des enjeux dont nous discutons, et non d’opposer les défenseurs de tel ou tel cas ! Nous sommes là pour faire avancer les choses. Je pense très raisonnablement que le délai de douze mois est un bon délai. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’amendement.
Je voudrais simplement préciser que le délai de douze mois à compter de la publication de l’ordonnance n’est pas né brutalement dans mon esprit ni dans celui de Marie-Arlette Carlotti. Il est le fruit de la concertation entre l’ensemble des acteurs concernés, dont les associations de personnes handicapées, les collectivités locales et les professionnels. Tous se sont mis d’accord sur ce délai. Je comprends votre préoccupation, monsieur le député, mais il me semble important de conserver cet élément de la concertation qui n’a pas été facile à obtenir. En outre, il est difficile de trop s’éloigner du 1er janvier 2015 car il faut quand même se souvenir que nous souhaitons préserver l’esprit de la loi votée en 2005.
Je voudrais aussi vous rassurer à propos du dépôt des Ad’AP. Je me suis engagée à plusieurs reprises sur la simplicité du formulaire. Je ne sais plus dans quelle langue vous le dire : le formulaire sera simple pour les personnes qui auront à le remplir. Les questions seront courtes, claires et compréhensibles et le formulaire sera simple. Des personnels de l’État seront mobilisés et, comme le formulaire sera simple, ils pourront traiter beaucoup de dossiers dans une même journée. Plusieurs ministères sont actuellement mobilisés pour trouver des personnels à redéployer sur la question précise des Ad’AP dès 2014 et pendant toute la période de dépôt des Ad’AP.
Pour une fois que l’on nous donne des explications claires, je retire mon amendement.
L’amendement no 22 est retiré.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ; vote solennel sur la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’impact de la réduction du temps de travail ; débat sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique (salle Lamartine).
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 11 juin à une heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron