Intervention de Jean-Louis Roumegas

Séance en hémicycle du 10 juin 2014 à 21h30
Mise en accessibilité des établissements recevant du public des transports publics des bâtiments d'habitation et de la voirie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées exigeait la mise en accessibilité des établissements recevant du public au 1er janvier 2015, et celle des transports publics au 13 février 2015. En 2011, déjà, un rapport de trois inspections générales indiquait que ces échéances ne pourraient être tenues, le retard accumulé étant trop important. Il convenait donc de redonner des perspectives réalisables à ce chantier.

Sur la base du rapport Réussir 2015 de la sénatrice Claire-Lise Campion, une concertation avec l’ensemble des parties prenantes a été engagée pour mettre en place un dispositif d’échéanciers, les agendas d’accessibilité programmée, communément appelés Ad’AP. Ces agendas, documents de programmation financière des travaux d’accessibilité, constituent un engagement des acteurs publics et privés qui ne sont pas en conformité avec la loi de 2005 à réaliser les travaux requis dans un calendrier précis et resserré. En contrepartie, les sanctions pénales prévues par la loi de 2005 ne leur seront pas applicables au 1er janvier 2015.

Le projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui aborde un enjeu majeur. Les derniers chiffres publiés par l’INSEE en 2011 et cités par l’AGEFIPH établissent que la France comptait, en 2007, 9,6 millions de personnes handicapées au sens large, soit plus de 14 % de la population française. On ne peut que déplorer que cette question de société cruciale ait été quasiment laissée de côté par les gouvernements pendant sept années, entre 2005 et 2012. On peut regretter un manque de suivi flagrant des pouvoirs publics, qui n’ont pas su coordonner et mobiliser les acteurs de terrain, avec les conséquences que l’on connaît : outre un très gros retard dans les travaux de mise en accessibilité des établissements, des sanctions menacent les contrevenants à partir du 1er janvier 2015. Les contraintes financières et administratives qui pèsent sur les infrastructures soumises à la loi de 2005 doivent bien sûr être prises en compte, mais elles ne peuvent servir de prétextes pour repousser indéfiniment les délais.

L’accessibilité universelle n’est toujours pas réalisée dans notre pays, quarante ans après la première loi d’orientation en faveur des personnes handicapées votée en 1975, dix ans après la loi du 11 février 2005, et neuf ans après la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées inscrivant l’accessibilité au coeur des priorités des États et signée par la France. On ne peut que regretter cette absence de suivi des pouvoirs publics depuis trop d’années. Aussi, le projet de loi discuté aujourd’hui est un bon signe : il représente une impulsion nouvelle et manifeste une volonté ferme d’intégrer nos populations les plus fragiles.

Selon l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité, compte tenu des évolutions prévisibles, seuls 20 % des établissements du second degré seront accessibles en 2015. Pourtant, nous savons que l’accès des jeunes handicapés à la formation et à l’éducation supérieure doit être développé dans notre pays. Le ministère du travail indiquait en novembre 2013 que le taux de chômage des travailleurs handicapés s’élevait à 21 %. L’accessibilité des lieux de formation est donc un enjeu fort. D’après les estimations du ministère de l’enseignement supérieur, seul un quart des universités est accessible.

Le manque d’autonomie et le manque d’accessibilité ne sont pas des difficultés pour les seules personnes atteintes d’un handicap : elles le sont aussi, il faut le rappeler, pour toute personne confrontée un jour ou l’autre à une difficulté de déplacement, qu’elle soit temporaire ou durable, qu’il s’agisse d’une maladie, d’un transport d’enfants en bas âge ou d’une grossesse. Au vu du vieillissement de la population, cette approche transversale constitue un enjeu considérable.

Lors de l’examen de ce projet de loi au Sénat, les écologistes ont fait adopter deux amendements. Le premier vise à améliorer le suivi de l’application de la loi par la mise en place d’une concertation, au moins tous les deux ans, entre tous les acteurs du dossier de l’accessibilité : cela permettra d’établir un état des lieux rigoureux de la situation, de garantir une large information et d’assurer la sensibilisation des citoyens sur ce sujet. Le second amendement vise à faciliter l’identification des établissements publics ou privés recevant du public et des services de transport qui se sont rendus accessibles ou qui ont déposé un Ad’AP, par l’établissement d’une liste publique consultable en ligne.

Les associations représentatives concernées par le handicap n’ont pas manqué de nous alerter, et nous les avons entendues. Je remercie notre rapporteur, M. Sirugue, d’avoir répondu sans tabou, avec pédagogie et exhaustivité, à toutes les interrogations que nous avons relayées de la part des associations concernées. Ainsi, des précisions ont été apportées en commission quant aux délais pour rendre les Ad’AP et aux sanctions prévues en cas de manquement. Plus généralement, les amendements adoptés en commission permettent d’améliorer le suivi de la mise en accessibilité.

En définitive, le groupe écologiste voit dans cette initiative gouvernementale un moyen clair et ferme de réhabiliter une ambition de solidarité souvent annoncée, déclarée mais perpétuellement repoussée. Ce projet de loi a le mérite de s’appuyer sur deux piliers, la simplification des procédures et la remobilisation des acteurs publics et privés, dans un esprit qui favorise la concertation et la co-responsabilité.

En ces temps où la crise frappe durement nos concitoyens, en particulier les plus fragiles, il y a lieu de réaffirmer certains principes et de les traduire en actes. Chaque citoyen, chaque citoyenne de notre pays doit pouvoir exercer pleinement sa citoyenneté, quel que soit son handicap. Le droit à la mobilité, c’est l’accès aux services publics, à la culture, à la formation, à la citoyenneté tout simplement. Un changement culturel s’impose pour retisser les liens brisés par le sentiment de relégation que partagent trop de personnes dans notre pays.

Le groupe écologiste votera donc ce projet de loi d’habilitation. Nous souhaitons que le recours aux ordonnances reste exceptionnel ; par principe, nous n’aimons pas cette procédure, mais nous comprenons qu’il y a urgence, d’autant qu’il s’agit non pas de voter une loi nouvelle, mais d’assurer l’exécution d’une loi déjà adoptée en 2005.

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