Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le principe d’égal accès à tout pour tous, inscrit dans la loi du 11 février 2005, est loin d’être une réalité pour ceux qui sont confrontés à une situation de handicap. Cela est et restera encore une préoccupation importante de tous les porteurs de projets. Plus qu’une obligation, c’est un état d’esprit, un souci de tous les instants pour ouvrir et adapter notre société à la différence. Les progrès accomplis sont réels, mais le chemin qui reste à parcourir reste immense.
La loi de 2005 est une très grande loi, qui reconnaît tous les types de handicap : physique, sensoriel, mental et psychique. Elle a suscité de grands espoirs car elle reconnaît l’accessibilité de tous les droits pour tous, quelles que soient nos différences. Elle a permis des avancées significatives et a fait évoluer les mentalités.
Toutefois, entre l’esprit de la loi et son application concrète, les écarts sont grands et, très vite, de mauvaises raisons sont avancées pour retarder la mise en conformité. Chacun voit le monde qui l’entoure à travers son prisme personnel ou ses priorités du moment.
La question des handicaps doit donc devenir une question incontournable pour mener tous nos projets. Elle doit être au coeur de toutes nos réflexions.
Nous avons la chance d’avoir dans notre pays des associations très actives, militantes, pour guider les prises d’orientations et de décisions. Nous avons besoin de la représentation de toute la diversité des citoyens de notre pays pour tenir compte des spécificités de chacun et trouver les bonnes solutions, permettre l’organisation de notre environnement en l’adaptant le mieux possible à l’ensemble des situations.
Ainsi, dans son article 3, le projet de loi dont nous débattons ce soir renforce le rôle des commissions communales pour l’accessibilité aux personnes handicapées et élargit leur composition afin de faire partager plus largement la préoccupation de l’accessibilité universelle. Dans la pratique, ces commissions devront se réunir régulièrement et effectuer un réel travail, évalué dans un rapport d’activité, comme le prévoit la loi.
Trop souvent les décideurs ont eux-mêmes considéré la loi de 2005 comme un obstacle d’un point de vue financier, et nous l’avons encore entendu ce soir : ce sont de nouvelles dépenses imposées aux collectivités pour la mise aux normes de leurs équipements. Trop souvent, des arguments techniques sont mis en avant pour éviter de faire face à la mise aux normes : trottoirs trop étroits, rues pentues, caractère historique et qualité patrimoniale d’un bâtiment.
C’est en effet un défi difficile à relever, mais qui peut l’être à une condition et une seule : qu’il existe à tous les niveaux la farouche volonté de prendre en compte les spécificités et de trouver des solutions sans se préoccuper de coût ou de l’impossibilité technique constatée a priori.
Certaines villes, par exemple, illuminent des édifices. Mais se sont-elles seulement préoccupées de l’accès des malvoyants au service public ? Ce n’est donc pas seulement une question de moyens : c’est une manière différente d’appréhender l’accessibilité de nos services publics.
Les parents munis de poussettes mesurent à l’occasion tous les obstacles qu’ils doivent affronter lorsqu’ils se déplacent en ville. Je vous invite à faire l’exercice de circuler en fauteuil roulant dans votre ville. Vous prendrez alors conscience de la difficulté des déplacements quotidiens : hauteur du trottoir, déclivité de la rue, qualité du pavage, marches pour accéder à un commerce ou à un service public, commerçants qui installent des chevalets dans les rues sans se préoccuper du passage des personnes en fauteuil. Les obstacles sont nombreux, parfois infranchissables.
Parfois, la préoccupation des personnes en fauteuil roulant existe, mais on oublie celles atteintes de handicaps sensoriels ou psychiques. Il faut donc une politique volontariste, avec des échéances définies car les investissements sont importants et portent leurs fruits dans la durée.
L’objectif est difficile à atteindre. C’est donc d’abord le chemin pour y parvenir qu’il faut indiquer clairement. Tel est bien le sens de ce projet de loi. Il ne s’agit en aucun cas de faire le constat de notre incapacité à parvenir à notre objectif et de reporter seulement le délai de mise en accessibilité universelle. Il s’agit, dès maintenant, de se donner les moyens d’y parvenir.
Face au retard accumulé et au constat partagé que cette échéance de 2015 n’est pas réaliste, Jean-Marc Ayrault et son gouvernement ont souhaité faire un point de situation et organiser un échéancier de réalisation ainsi qu’une adaptation des normes. L’objectif est donc de créer toutes les conditions pour parvenir enfin à une accessibilité universelle. C’est l’enjeu des agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, créés pour les établissements recevant le public et les installations ouvertes au public. Ces agendas seront assortis de sanctions.
Je forme le voeu que ce projet de loi d’habilitation soit un nouvel élan pour lever les freins exprimés pour ne pas agir. Il exprime et renforce la détermination de tous à adapter notre environnement quotidien aux personnes en situation de handicap. Ce sont des actes concrets qui sont attendus. C’est, en fait, la simple application de notre devise républicaine à tous les citoyens : liberté d’aller et venir avec la plus grande autonomie possible ; égalité d’accès de chacun à la vie économique, politique, culturelle et sociale ; fraternité, en faisant de l’accessibilité un enjeu pour changer le regard de l’autre sur la différence.
Telle est l’attente de nos concitoyens, et j’ai pu constater qu’elle était partagée sur ces bancs. Je souhaite que nous soyons réunis pour voter ce texte.