Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 10 juin 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Le groupe écologiste partage pleinement l'esprit de ce texte, fondé sur une vision dynamique de la biodiversité, et non sur la simple protection des espaces et des espèces pour leur seule valeur patrimoniale ou récréative.

Nous sommes là devant une nouvelle frontière : après avoir légiféré sur la biodiversité remarquable et sur la protection de nos espaces les plus riches en biodiversité, il nous faut protéger également la biodiversité ordinaire et les espaces concourant à faire vivre les écosystèmes.

Nous sommes favorables au titre Ier qui inscrit cette vision dynamique de la biodiversité dans la loi. Nous regrettons cependant qu'il n'impose pas un principe de non-régression du droit de l'environnement au moment où nombreux sont ceux qui essaient de mettre à mal les avancées en matière environnementale – en témoigne, par exemple, la proposition de loi relative à la charte de l'environnement adoptée au Sénat.

S'agissant du titre II, la complémentarité entre instances sociétale et scientifique de la biodiversité est nécessaire, mais la composition de ces structures et les modalités de leur saisine devraient être précisées.

Il manque aussi dans ce projet une vision de l'organisation territoriale des politiques de préservation de la biodiversité, notamment de son articulation avec les régions. Je sais que nous sommes en plein chantier territorial, mais il est nécessaire que les acteurs de terrain soient au fait de cette architecture pour être efficaces.

Au titre III, nous saluons l'avancée que constitue la création de l'Agence française pour la biodiversité, mais celle-ci ne doit pas être une instance technique, qui ne servirait qu'à rationaliser l'emploi des moyens. Une véritable ambition politique est indispensable pour donner aux actions menées un souffle nouveau. Or, à cet égard, trois points suscitent notre inquiétude. Le premier tient à la quasi-absence de la biodiversité terrestre dans les compétences de cette agence, qui apparaît surtout pour l'instant comme une agence de l'eau et des espaces marins, alors que l'ensemble des associations de protection de l'environnement et des acteurs de la biodiversité réclament qu'y soit intégré l'ONCFS. Le deuxième réside dans l'opacité sur la nature des ressources de l'agence : il est nécessaire qu'elle bénéficie de financements dédiés, comme la redevance pour pollutions diffuses. Faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité nécessite qu'elle dispose des moyens financiers et humains suffisants, même s'ils ne doivent pas égaler ceux qui sont consacrés à d'autres politiques publiques. Enfin, nous sommes préoccupés par le flou qui entoure la police de l'environnement, tiraillée notamment entre l'Agence, l'ONCFS et l'ONF : une rationalisation se révélerait bien utile !

Le vaste titre V comporte plusieurs entrées, mais aucune sur la biodiversité terrestre, qu'elle soit ordinaire ou remarquable. À cet égard, le projet de loi dans son ensemble est à l'image de l'Agence pour la biodiversité ! Cela étant, la plupart des mesures de ce titre vont dans le bon sens, notamment la définition de zones sous contrainte environnementale – même si l'expression « sous contrainte » n'est pas heureuse, en raison d'une connotation punitive que la ministre souhaitera probablement abandonner. Les zones de conservation halieutique constituent également une réelle avancée, mais la rédaction proposée crée un malaise, car elle dessine un outil conçu davantage pour les pêcheurs que pour la protection de la biodiversité ; or ces zones doivent servir à protéger la biodiversité, et pas seulement à garantir le maintien de stocks de poissons. Enfin, le recours aux ordonnances est trop important.

Le dernier titre ne nous paraît malheureusement offrir que des dispositions minimales en faveur des paysages. Sans être opposés au toilettage des règles applicables aux sites inscrits, les écologistes regrettent l'abandon de cette procédure simple, qui a fait ses preuves.

Les textes sur la biodiversité et la nature sont trop rares pour que nous ne mettions pas celui-ci à profit en présentant des amendements sur des sujets qu'il n'aborde pas : la publicité, la biodiversité en milieu urbain, la chasse – dont l'absence dans un texte sur la biodiversité est difficilement compréhensible – ou encore le statut juridique de l'animal sauvage. Les députés écologistes espèrent que la discussion parlementaire permettra de réaliser des avancées dans l'ensemble de ces domaines.

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