Intervention de Ségolène Royal

Réunion du 10 juin 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je remercie chacune et chacun d'entre vous de ces questions très riches, qui me laissent penser que nous aurons un débat très intéressant.

Je termine actuellement les consultations afin que l'équipe qui préfigurera l'Agence nationale pour la biodiversité soit en place le 24 juin, date à laquelle vous commencerez l'examen des articles.

Vous avez été nombreux à m'interroger, et j'ai pris note de chacune de vos questions. Plusieurs d'entre elles concernent le rôle de l'Agence nationale pour la biodiversité, qui peut être comparé à celui que joue l'ADEME dans le domaine énergétique – c'est en effet le modèle dont nous nous sommes inspirés.

L'Agence conseillera les porteurs de projets, favorisera la sensibilisation, soutiendra la reconquête de la biodiversité, ainsi que les missions de recherche ou de gestion des milieux naturels. Elle appuiera les actions de gestion des aires protégées ou des parcs nationaux, ainsi que celles de la police de l'eau et des milieux aquatiques. Elle accueillera en son sein l'ONEMA, l'Agence des aires marines protégées, les Parcs nationaux de France, l'Atelier technique des espaces naturels, le service du patrimoine naturel, ainsi que certains personnels techniques de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux, de celle des réserves naturelles de France, des conservatoires d'espaces naturels et des parcs naturels régionaux. Il s'agit, non de faire fusionner brutalement ces structures, mais de les aider à travailler intelligemment ensemble.

Vous m'avez demandé comment l'Agence travaillerait avec les régions. En Poitou-Charentes, où quatre ou cinq structures s'intéressent à la biodiversité, la mise en place d'un réseau national permet de supprimer les doublons et, en mettant en commun des forces de recherche et d'expertise, de définir des priorités sur lesquelles le pays peut s'engager. Chaque région réfléchira au regroupement des structures, qui seront mises en réseau, pour gagner en efficacité. Grâce aux partenariats ou à la constitution d'établissements publics de coopération environnementale, l'Agence signera des conventions ou des contrats avec ses déclinaisons régionales et territoriales. Loin de nous l'idée d'uniformiser les dispositifs : ce serait un comble quand on veut défendre la biodiversité ! Il faut au contraire prendre en compte les savoir-faire spécifiques à chaque territoire : mer, montagne, outre-mer. Dans les territoires régionaux, regroupements et mises en réseau sont déjà amorcés. La réflexion nationale donnera une impulsion au niveau territorial.

L'Agence bénéficiera d'une meilleure utilisation des moyens existants, ainsi que de certaines mises en commun. Elle profitera aussi – j'y ai veillé personnellement – du programme d'investissements d'avenir. Pour cela, elle arrêtera chaque année ses priorités, en partenariat avec les structures territorialisées.

L'agriculture fait partie intégrante de la biodiversité. Pour M. Robert Barbault, directeur du département « Écologie et gestion de la biodiversité » du Muséum national d'histoire naturelle, « les agricultures sont le résultat d'une coopération entre Homo sapiens et de nombreuses espèces végétales et animales qui ont été domestiquées et dont l'évolution a été orientée en fonction de nos propres intérêts. La composante agricole s'inscrit donc dans le vaste champ de la diversité du vivant. » Si la prise en compte de l'agriculture par le texte ne vous semble pas suffisante, nous pourrons la renforcer. D'ailleurs, j'ai rencontré les représentants des organisations agricoles. En uniformisant les cultures, l'agriculture intensive a fait reculer la biodiversité. C'est pourquoi nous devons soutenir la reconquête des différentes variétés dans laquelle s'est engagé le monde agricole.

Les missions de l'ONCFS ou de l'ONF excédant largement le champ de la biodiversité, il n'y a pas lieu d'inclure ces structures dans l'Agence, avec lesquelles elles vont toutefois collaborer. Nous réfléchirons, au cours du débat, à la manière dont se nouera ce partenariat.

Vous avez soulevé la contradiction qui peut exister entre la loi et les ordonnances. Pour avoir longtemps été députée, je comprends votre inquiétude. C'est pourquoi j'ai demandé que les ordonnances soient rédigées à l'avance. Vendredi dernier, six textes ont été communiqués à la rapporteure : ils sont à votre disposition. En l'occurrence, le recours à l'ordonnance ne vise qu'à faire appliquer rapidement la loi.

L'augmentation du nombre de sites inscrits a entraîné une charge de travail très lourde pour les services de l'État. Dès lors que l'inscription devient quasiment un label touristique – sans préluder nécessairement au classement, comme c'était le cas à l'origine –, il faut trouver un nouveau système de gestion ou d'inventaire, sans pour autant diminuer l'exigence qui présidait à l'inscription. Le délai actuel de cinq ans peut sans doute être allongé, mais il faut surtout réfléchir au statut d'une inscription qui n'est plus effectuée en vue d'un classement.

La composition du conseil d'administration de l'Agence, qui a retenu votre attention, pourra être modifiée par amendement.

Comme plusieurs d'entre vous, je considère que le texte réserve une place trop restreinte aux outre-mer et je m'emploierai à la renforcer. Ces territoires abritent en effet 80 % de notre biodiversité et, même s'il faut se méfier en l'espèce d'une approche purement quantitative, la biodiversité étant plus menacée sur terre que dans la mer, il convient de préserver cette richesse. J'entends donc vos propositions de décliner l'Agence française pour la biodiversité dans les outre-mer. Il conviendra pour cela de s'appuyer sur des structures existantes, comme les aires marines protégées, que l'on trouve en Guadeloupe. Nous verrons comment mettre ces dispositifs en réseau.

En attendant, je me réjouis que les élus des outre-mer soient ainsi mobilisés. Je veillerai également à ce que le texte sur l'énergie respecte la spécificité de ces territoires, qui doivent accéder à l'autonomie énergétique. Il existe un lien étroit entre la maîtrise de l'énergie – par conséquent de la pollution – et la protection de la biodiversité.

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