Vous avez su, monsieur le secrétaire d’État, faire accepter par Bruxelles votre modèle d’organisation intégrée qui n’avait pas les faveurs de M. Siim Kallas, le commissaire européen aux transports et à l’énergie. Cette bataille-là, vous l’avez aussi gagnée et la réforme que vous défendez sera compatible avec la doxa européenne qui laisse à chacun le soin de choisir son mode d’organisation ferroviaire pourvu qu’il respecte les principes fixés par la Commission et le Parlement européen.
La réforme proposée remet-elle en cause le statut social des cheminots ? En aucune façon. Non seulement leur statut est garanti, mais les nouvelles embauches pourront aussi, si les salariés le souhaitent, s’opérer dans le cadre du statut.
La loi permet d’autres avancées, et offre par exemple la possibilité de négocier une convention collective de branche. Une telle convention est nécessaire pour tous les salariés des entreprises ferroviaires opérant sur notre territoire depuis l’ouverture à la concurrence du fret et du trafic international de voyageurs, et le sera plus encore après 2022, lorsque cette concurrence concernera également les transports régionaux de voyageurs.
En outre, monsieur le secrétaire d’État, les négociations que vous avez poursuivies avec les organisations syndicales ont abouti, vendredi dernier, à un accord signé par l’UNSA et la CFDT dont les conclusions renforcent encore le caractère unifié de la nouvelle entreprise ainsi que la communauté des cheminots.
Cette réforme n’est donc pas une remise en cause du service public ferroviaire, mais le socle qui permettra à notre système ferroviaire de se renforcer, de se moderniser et de se préparer à la concurrence.
Les cheminots n’avaient pas tort lorsqu’ils dénonçaient le « tout TGV » voici près de quinze ans. Le revers de ce choix, qui a permis de développer un des premiers réseaux à grande vitesse en Europe – le deuxième après l’Espagne –, c’est la fragilisation du reste du réseau, les ralentissements, la congestion des noeuds. Nous sommes conscients, depuis le rapport Rivier de 2005, de la nécessité de stopper cette dégradation et de veiller à un bon entretien des infrastructures pour préserver la qualité du transport ferroviaire. C’est d’ailleurs la recommandation que nous avions faite dans le rapport Mobilité 21 – un rapport de raison et de responsabilité et non pas « décliniste », monsieur Bussereau.
Autre défi, la maîtrise de la trajectoire financière du système ferroviaire. La dette, cantonnée au sein de RFF depuis 1997, n’a cessé de croître pour dépasser aujourd’hui 40 milliards d’euros. C’est certes la conséquence du lancement de grands projets, notamment des quatre lignes à grande vitesse actuellement en construction. Mais c’est aussi le résultat d’un système ferroviaire qui ne parvient plus à équilibrer ses recettes et ses dépenses, malgré les 13 milliards d’euros de subventions octroyées par l’État et les régions. Le déficit, évalué à 1,5 milliard d’euros par an lors des Assises du ferroviaire fin 2011, atteint aujourd’hui 3 milliards par an – et ce n’est pas de la bonne dette ! Or, grâce à une organisation plus efficace, la réforme permettra d’économiser chaque année plus d’un milliard et demi d’euros.
Enfin, le système ferroviaire doit se moderniser pour renforcer sa sécurité et faire face à l’accroissement des trafics. Il doit développer l’ERTMS – European Rail Traffic Management System – ou le système européen de gestion s’il veut rester à armes égales avec ses concurrents les plus modernes.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la modernisation du système ferroviaire est une nécessité – pour notre pays, pour les usagers, pour l’économie, mais aussi bien sûr pour la grande famille des cheminots. La réforme que vous proposez, monsieur le secrétaire d’État – et qui a fait l’objet, jusqu’à ces derniers jours, d’échanges et de négociations – s’inscrit pleinement dans la conception française du service public ferroviaire, et c’est pourquoi vous trouverez sur ces bancs des parlementaires nombreux pour lui apporter leur soutien.