La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Le président de l’Assemblée nationale a reçu du Premier ministre communication du décret du Président de la République en date de ce jour portant convocation du Parlement en session extraordinaire le mardi 1er juillet 2014.
L’ordre du jour de cette session extraordinaire sera publié au Journal officiel de demain.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant réforme ferroviaire (nos 1468, 1990, 1965) et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF (nos 1877, 1999, 1991).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites sur ces textes, à la fois pendant les questions au Gouvernement et au cours des explications de vote sur les motions de procédure.
S’agissant de la grève en cours, il me semble important de rappeler que les cheminots ne font pas la grève pour le plaisir et que si ce mouvement de grève s’est développé, c’est parce que les cheminots, qui sont attachés à la réforme ferroviaire, ne retrouvent pas ce qu’ils attendaient dans celle que vous proposez. Ils espéraient des garanties de la part de ce gouvernement de gauche et attendaient une grande réforme ferroviaire, fondée sur les grandes valeurs du service public.
S’ils ont exprimé un tel mécontentement et un tel rejet, c’est parce qu’ils considèrent que la réforme ferroviaire a déjà été mise en oeuvre par anticipation à la SNCF : pour la seule année 2014, on compte en effet 2 453 suppressions d’emploi. Les choix qui sont faits en ce moment à la SNCF sont considérés comme une forme d’anticipation de la réforme, et c’est ce qui explique en grande partie que celle-ci soit mal perçue. Pour autant, les cheminots ne sont pas opposés à l’évolution de notre système ferroviaire, et je dirai pour ma part que le maintien du statu quo aurait des effets désastreux – je crois que cet avis est largement partagé.
La question qui se pose ensuite est celle de la nature de cette réforme. Le projet qui est présenté correspond-il, dans sa réalité et dans son écriture, à ce qui a été affiché, notamment par vous, monsieur le secrétaire d’État ? Ce projet de loi va-t-il véritablement créer ce grand service public unifié que vous prônez et que souhaitent aussi bien les cheminots que les acteurs du ferroviaire dans notre pays ? Le texte de loi, tel qu’il nous est proposé, donne-t-il toutes les garanties que la holding, qui réunira l’établissement public mère et les deux établissements publics « filles », ne pourra pas être cassée, avec d’un côté le système ferroviaire, le réseau et l’infrastructure, et de l’autre la mobilité et le transport ?
Lors de l’examen du texte en commission du développement durable, et lorsque certains de ses représentants se sont exprimés tout à l’heure – je pense notamment à M. Bussereau –, la droite nous dit clairement que lorsqu’elle arrivera au pouvoir, elle sera en mesure de supprimer l’EPIC de tête pour avoir deux établissements publics susceptibles d’entrer dans la concurrence européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La question qui nous est posée aujourd’hui – et c’est tout le sens de la lutte engagée par les cheminots –, c’est de savoir si les avancées qui seront inscrites dans le texte au cours de notre discussion permettront d’obtenir toutes les garanties attendues. Prenons quelques exemples précis. Est-ce que l’EPIC central portera la propriété de la maison SNCF ? Les infrastructures, les rails, les gares seront-ils la propriété de la maison centrale de l’établissement public de tête, ou bien resteront-ils propriété de la SNCF Réseau ? La question centrale est bien celle-ci : va-t-on pouvoir inscrire dans le marbre que la SNCF est un établissement qui intègre la totalité de ses activités et de ses propriétés ?
Les mêmes questions se posent d’ailleurs à propos du personnel : est-ce que, comme le prévoit actuellement le projet de loi, le personnel dépendra de deux structures, la SNCF Réseau, d’une part, et la SNCF Mobilité d’autre part ? Serons-nous à même, dans les jours qui viennent, de faire avancer le contenu de ce projet de loi, de façon à y introduire toutes les garanties nécessaires ? Il faut que nous disions clairement que l’établissement de tête n’est pas un établissement croupion, mais bel et bien le service public intégré du chemin de fer dans notre pays.
Sourires.
Il faudrait que cet établissement de tête soit suffisamment musclé pour qu’on ne puisse pas le morceler demain. Il faut qu’il soit inaliénable : c’est cela, le débat de fond !
L’examen du texte permettra-t-il, par ailleurs, de faire avancer la question du statut ? Les cheminots auront-ils la garantie que les futurs recrutements privilégieront le statut, et que l’on n’arrivera plus, comme c’est le cas aujourd’hui, à 30 % de recrutement contractuel ? Peut-on prendre l’engagement que ce taux de recrutement contractuel va baisser ?
Les institutions représentatives du personnel seront-elles organisées au niveau des EPIC secondaires, ou bien est-ce au niveau de l’EPIC central que se réuniront le comité central d’entreprise et les commissions consultatives ?
Voilà un enjeu important !
La propriété sera-t-elle le monopole de l’EPIC de tête, ou bien chaque EPIC sera-t-il propriétaire de ses propres infrastructures, de ses gares ? Y aura-t-il un véritable bloc unifié ? Le cheminot changera-t-il d’employeur lorsqu’il passera d’un EPIC à l’autre ? Le cheminot aura-t-il un employeur unique, la SNCF ?
La feuille de paie sera-t-elle la même pour l’ensemble des cheminots ? Y aura-t-il un contrat de travail unique, valable pour l’ensemble de la holding ? Voilà les questions qu’il faut se poser ! Voilà les réponses que nous attendons ! Et c’est en fonction des réponses que vous nous ferez – en particulier sur la question de l’employeur unique – que nous voterons ou non ce texte.
Une autre question essentielle est celle de la dette, qui a déjà été maintes fois évoquée. Peut-on envisager un devenir de la SNCF si la dette, qui dépasse les 40 milliards d’euros, et qui augmente chaque année de 1,7 ou 2 milliards d’euros, est internalisée dans la maison SNCF ? Mesure-t-on bien les conséquences de ce choix, qui a bien été fait, puisque le texte dit qu’il faut maintenir des équilibres financiers ?
Un tel choix aura trois types de conséquences, qu’il faut bien évaluer.
Premièrement, et c’est le point le plus important, il aura des conséquences pour les usagers, car il ne fait aucun doute que si la dette est supportée par la SNCF, la qualité de service va se détériorer et que les tarifs vont augmenter.
Deuxièmement, ce texte aura des conséquences pour les cheminots, puisque la dette pèsera sur les conditions de travail et sur les salaires et qu’elle limitera les emplois – c’est déjà, du reste, ce qui se produit à la SNCF. Une inquiétude réelle s’exprime aujourd’hui chez les cheminots, et c’est elle qui motive en partie le mouvement de grève qui se poursuit aujourd’hui.
Troisièmement, est-ce que les investissements seront à la hauteur ? Est-ce que nous aurons les moyens financiers de régénérer les lignes qui, dans nos régions, sont en très grande difficulté et qui demandent des investissements importants ? Est-ce que les lignes nouvelles que nous avons retenues, cher Philippe Duron, dans le cadre de Mobilité 21, pourront être créées si nous n’avons pas les financements nécessaires ?
Ce que nous proposons, c’est de sortir la dette de la SNCF pour en faire une dette d’État. Elle est une dette d’État !
Parce que c’est l’État qui a pris la décision politique qui a créé la dette. Mais chacun sait que pour se plier aux injonctions européennes, il ne faut surtout pas augmenter le déficit, et que pour ne pas augmenter le déficit, on se refuse, au niveau de l’État, à prendre en compte cette dette.
Créons une caisse de défaisance ! Créons une caisse d’amortissement, avec des recettes propres, qu’il convient d’imaginer. Plusieurs des amendements déposés par des députés du Front de gauche feront des propositions dans ce sens, car il faut que cette caisse de défaisance ait ses propres recettes. Sans cela, on ne réglera pas le problème de la SNCF, ni celui de ses dysfonctionnements ; on n’aura pas le service de qualité dont notre pays a besoin. En définitive, si l’on ne prend pas à bras-le-corps les vrais problèmes qui se posent, ce texte de loi ne sera que la déclinaison des mesures qu’attend l’Europe, à savoir une organisation ferroviaire qui, sous l’apparence d’un grand service public national, ne sera que la préparation de l’ouverture à la concurrence.
Il faut une politique forte, une politique volontariste ! Il faut qu’un gouvernement de gauche soit capable de dire, au niveau européen, qu’il n’accepte pas la concurrence généralisée, en particulier celle du chemin de fer.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
C’est un choix politique !
Il faut que l’organisation ferroviaire de notre pays donne toutes les garanties de protection à l’opérateur public, parce qu’on sait bien que le développement de la concurrence aura les mêmes conséquences que celles qu’a connues le fret : en dix ans, avec l’ouverture à la concurrence, 50 % du fret a été supprimé, avec les conséquences terribles que l’on sait. Demain, les lignes rentables seront ouvertes aux opérateurs privés, qui viendront se faire de l’argent là où il y aura de la rentabilité ; et sur les lignes à petit trafic, qui ne sont pas rentables, ce sera la disparition, des taches blanches !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes ici rassemblés pour débattre d’un texte très important, chacun des intervenants l’a souligné – mon prédécesseur avec la fougue qu’on lui connaît –, en pensant d’abord et avant tout aux quatre millions de voyageurs qui empruntent notre système ferroviaire tous les jours. Nous pensons aussi, bien évidemment, aux 250 000 cheminots qui font fonctionner ces trains. Sans eux, rien ne serait possible. Il faut également penser, et peut-être surtout, à toutes celles et à tous ceux qui dans notre pays ne peuvent pas bénéficier de ce service indispensable à la vie quotidienne, d’autant plus indispensable à l’heure où l’intermodalité nécessite l’interconnexion permanente avec le système ferroviaire, je pense par exemple aux 30 % des allocataires du RSA qui, aujourd’hui, ne peuvent pas retourner à l’emploi pour des problèmes de mobilité.
Le groupe socialiste est fier, monsieur le secrétaire d’État, d’être à vos côtés pour défendre ce texte. Je salue tout d’abord le travail réalisé par vous-même et par vos services, et surtout l’engagement qui a été le vôtre dans l’élaboration de ce projet de loi, dans la négociation avec l’Europe et dans l’écoute dont vous avez fait preuve avec l’ensemble des acteurs concernés. Je salue également le travail remarquable de notre rapporteur, Gilles Savary, qui a non seulement été au coeur de l’élaboration de ce travail parlementaire mais qui a également amené dans le débat bon nombre d’amendements indispensables à son amélioration.
Notre responsabilité est considérable eu égard à l’état actuel du système ferroviaire français. Il ne s’agit pas ici d’en cacher les difficultés, et le malaise social des cheminots exprimé ces derniers jours, eux qui sont partagés entre désir de réforme et de révolte, nous les rappelle : une dette de plus en plus insoutenable à moyen terme pour l’ensemble du système ; un corps social en manque de repère et de stratégie claire face aux nouveaux enjeux du ferroviaire à l’échelle de la France ; un modèle basé sur le tout TGV, qui a tourné le dos au train de proximité tellement attendu aujourd’hui par nos concitoyens. Je le dis clairement : ce projet de loi est une étape et n’a pas vocation à répondre à l’ensemble de ces difficultés.
Le groupe SRC prendra ses responsabilités dans le débat : ce texte est pour nous l’occasion d’apporter le maximum de garanties qui permettront de redonner un nouveau souffle à une SNCF bientôt réunifiée.
La première de ces garanties est de préserver l’offre ferroviaire grâce à un grand service public. C’est ce que symbolise avec force la création des trois nouveaux EPIC, qui permettront d’adapter la SNCF aux nouveaux enjeux européens. Le groupe socialiste rappellera le caractère intégré du futur groupe public ferroviaire à travers un certain nombre d’amendements indispensables. Ceux-ci viseront notamment à affirmer explicitement le caractère indissociable de ces EPIC. Ils rappelleront également l’unité de gestion du groupe public à travers le transfert de nouvelles compétences transverses à l’EPIC de tête.
Nous assurerons également la garantie pour les cheminots de voir leur statut préservé. La famille cheminote, réunie par ce texte, en sortira renforcée. C’est une condition de la réussite de cette réforme et le groupe SRC sera particulièrement vigilant sur cette question. Il est en effet important de recréer de la confiance dans notre système ferroviaire et de nous appuyer sur l’acteur principal : les cheminots. Leur statut sera donc réaffirmé à l’occasion de plusieurs amendements de la majorité ; les garanties relatives à leurs conditions de travail seront également renforcées, dans la perspective de la négociation collective qui suivra la mise en oeuvre de cette réforme.
À tous les cheminots, qu’ils fassent grève ou qu’ils soient aujourd’hui au travail, je le dis : vos craintes et vos ambitions ont été entendues, et seront traduites dans le texte. C’est au total plus de cinquante d’amendements que nous avons déposés pour l’examen en séance, tous porteurs de cette ambition. Le temps du dialogue social a eu lieu. Il a été riche, fructueux, difficile ; je pense aux organisations syndicales qui ont apporté leur contribution comme à ceux qui, par un choix qui leur appartient, ont préféré le rapport de forces.
Nous allons aussi apporter des garanties au niveau de la dette du système ferroviaire car cela reste une véritable difficulté, un héritage difficile à gérer comme l’état de la France que nous avons trouvé en arrivant aux affaires.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le transfert de la dette du système ferroviaire depuis la SNCF vers RFF n’a en aucun cas permis de la résorber. Celle-ci s’est au contraire creusée pour atteindre plus de 40 milliards d’euros aujourd’hui. La création de RFF devait dans l’esprit du gouvernement Juppé de 1997,…
…selon les mots de M. Pons, ministre en charge de cette réforme, « permettre à l’État d’assumer complètement à l’avenir ses responsabilités dans l’étude, le financement et le développement des infrastructures ». C’est peu de dire que ces responsabilités non pas été assumées par le gouvernement de l’ancienne majorité quand il a engagé ces dernières années des projets de nouvelles infrastructures dont le coût sera en grande partie supporté par RFF au détriment de la rentabilité et du bon fonctionnement du système ferroviaire dans sa globalité !
Notre responsabilité, et nous en avons fait une exigence absolue, c’est de préparer l’avenir. Mais notre système ferroviaire ne pourra avoir un avenir que si sa dette s’en trouve, au moins à moyen terme, maîtrisée. Nous avons l’intention de différencier, dans cette nouvelle règle de bonne gestion, les investissements visant à créer de nouvelles infrastructures, des investissements visant à entretenir ou à renouveler notre réseau car ce projet de loi est loin d’être un sujet uniquement technique : il doit également et surtout être l’occasion de porter un nouveau modèle ferroviaire, un modèle qui nous permette de sortir définitivement du tout TGV pour renouer avec des objectifs de proximité et de services aux voyageurs, fidèle en cela à la tradition de la SNCF. Il s’agit du modèle français. J’entendais dire tout à l’heure qu’il y avait beaucoup de modèles en Europe, mais soyons fiers de défendre l’originalité de notre système ferroviaire. Notre modèle s’inscrit dans une histoire du rail déjà longue en France, une histoire qui se confond depuis plus de cent cinquante ans avec l’histoire de notre pays, je devrais même dire avec la géographie de notre pays tant le ferroviaire a été un acteur-clé de l’aménagement du territoire tout au long du XXe siècle et un facteur important d’égalité en permettant au plus grand nombre de se déplacer facilement et financièrement – tout le monde n’a pas les moyens de se payer un billet de TGV.
Qui peut sérieusement penser que la majorité socialiste que nous sommes, héritière comme d’autres d’un tel patrimoine national, ne le préserve en adaptant à notre époque ce système ferroviaire exemplaire ? La SNCF a déjà connu des évolutions : ses effectifs ont fondu durant les Trente Glorieuses, passant de 500 000 salariés à moins de 200 000 aujourd’hui ; l’aménagement du territoire et l’intérêt public ont laissé peu à peu la place à la technologie, à la vitesse, au raccourcissement des distances. Chacun connaît à cet égard les succès répétés de la technologie ferroviaire française et, j’insiste sur ce point, de son industrie, qui détient depuis de nombreuses années le record du monde de vitesse sur rail. Ce projet de loi permet de garantir son futur en redonnant à l’État tout son rôle dans le pilotage de la filière ferroviaire.
La demande en matière d’infrastructures et de technologie ferroviaire à travers la planète, avec l’essor économique des pays émergents, est énorme. Ces nouveaux marchés représentent un enjeu considérable pour le devenir de la SNCF. La famille cheminote sait bien qu’elle doit être rassemblée pour être plus forte, plus compétitive, plus efficace à l’échelle de l’Europe et du monde. Notre groupe public ferroviaire pourra ainsi se recentrer avec plus d’efficacité sur l’essentiel : l’entretien et le renouvellement du réseau existant, la sécurité et la qualité du service rendu aux usagers. Il est logique et sain que les préoccupations de tous puissent s’exprimer sur un sujet aussi sensible qui touche directement le quotidien des Français. Notre pays ne peut pas faire l’économie, monsieur le secrétaire d’État, d’une véritable réflexion nationale sur la manière dont il entend préserver, orienter et développer les conditions de notre mobilité. Ce n’est pas l’objectif ni le sens de ce projet de loi, mais il me paraît indispensable de prendre date pour un grand débat d’orientation cette année ou dans les années à venir. Le Gouvernement et l’État, sous l’impulsion du Parlement, doivent clairement énoncer leur ligne directrice en matière de transport pour les prochaines années.
Nous avons aujourd’hui devant nous une opportunité pour que la SNCF puisse rester elle-même, fière de son histoire, de ses racines et de ses valeurs de service public, une SNCF au plus près de nos territoires mais également compétitive hors de ses frontières d’origine, une SNCF héritière du Front Populaire,…
…c’est-à-dire liée à la notion du service public, notion que vous avez certainement comme moi, chevillée au corps, monsieur Bussereau, au vu de l’héritage auquel vous avez fait référence dans votre intervention. Gardons en mémoire, mes chers collègues, l’engagement résistant des cheminots il y a soixante-dix ans. Et puis la SNCF peut être fière de ses ingénieurs qui ont su inventer le TGV…
Mais nous sommes au XXIe siècle. Cette loi représente aujourd’hui un point d’appui, une réforme ambitieuse qui doit nous permettre de porter dans les années qui viennent un véritable projet d’avenir pour notre système ferroviaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le chemin de fer suscite des débats souvent passionnés.
Le train, c’est bien sûr une formidable avancée technique, au coeur de la révolution des transports au XIXe siècle, mais c’est plus encore : un enjeu politique qui mobilise légitimement les élus et les territoires, cher Dominique Bussereau, mais aussi un enjeu social d’importance car les sociétés de transports ferroviaires emploient des milliers, voire des centaines de milliers de salariés, et, dorénavant, un enjeu environnemental majeur.
Depuis les débuts de l’aventure ferroviaire, les débats ont, notamment au sein de notre Assemblée, souvent été passionnés, vifs, clivants, quand ils portaient sur des questions d’organisation. Monopole ou concurrence ? Si la question de la séparation verticale se pose dès la naissance du rail vers 1830, elle sera tranchée assez vite, vers 1880, et ne fera plus débat pendant plus d’un siècle. Léon Blum, en 1919 – bien avant le Front Populaire, monsieur Bussereau –, se posait déjà la question de savoir si le chemin de fer était une industrie ou un service public. Il répondait qu’il s’agissait d’un service public et industriel. On voit bien que le secrétaire d’État est dans le droit fil de ce grand ancêtre.
Il faut attendre les années 1990 pour que les lignes bougent et qu’émerge une doctrine européenne – la directive 91440, le Livre blanc de 1996 –, puis, dans notre pays, avec la loi Pons-Idrac de 1997, que soit créé un gestionnaire d’infrastructures, RFF,…
…distinct de l’opérateur historique de transport SNCF.
La mobilisation sociale qui dure depuis une semaine s’explique-t-elle par une rupture avec le monopole ? Est-elle révélatrice des germes d’un démembrement des chemins de fer ? S’explique-t-elle par un alignement sur une doctrine européenne d’inspiration libérale ou par une remise en cause des garanties sociales que constitue le statut des cheminots ? Si cela était le cas, on pourrait comprendre l’indignation, l’inquiétude, voire la colère des cheminots. Le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, vise au contraire à inclure RFF dans un groupe public et intégré. On revient donc sur la loi de 1997, combattue à l’époque par les mêmes organisations syndicales et par les cheminots.
L’organisation en trois EPIC a posé question, notamment en termes de conformité au futur quatrième paquet ferroviaire de la Commission européenne, mais regardons l’Allemagne et la Deutsche Bahn, qui ont adopté en 1994 un modèle unifié avec cinq branches : vingt ans plus tard, la DB va bien, très bien même, et n’envisage pas de démembrement de son organisation, dont le principe a été d’ailleurs inscrit à l’article 87 de la Constitution allemande.
Vous avez su, monsieur le secrétaire d’État, faire accepter par Bruxelles votre modèle d’organisation intégrée qui n’avait pas les faveurs de M. Siim Kallas, le commissaire européen aux transports et à l’énergie. Cette bataille-là, vous l’avez aussi gagnée et la réforme que vous défendez sera compatible avec la doxa européenne qui laisse à chacun le soin de choisir son mode d’organisation ferroviaire pourvu qu’il respecte les principes fixés par la Commission et le Parlement européen.
La réforme proposée remet-elle en cause le statut social des cheminots ? En aucune façon. Non seulement leur statut est garanti, mais les nouvelles embauches pourront aussi, si les salariés le souhaitent, s’opérer dans le cadre du statut.
La loi permet d’autres avancées, et offre par exemple la possibilité de négocier une convention collective de branche. Une telle convention est nécessaire pour tous les salariés des entreprises ferroviaires opérant sur notre territoire depuis l’ouverture à la concurrence du fret et du trafic international de voyageurs, et le sera plus encore après 2022, lorsque cette concurrence concernera également les transports régionaux de voyageurs.
En outre, monsieur le secrétaire d’État, les négociations que vous avez poursuivies avec les organisations syndicales ont abouti, vendredi dernier, à un accord signé par l’UNSA et la CFDT dont les conclusions renforcent encore le caractère unifié de la nouvelle entreprise ainsi que la communauté des cheminots.
Cette réforme n’est donc pas une remise en cause du service public ferroviaire, mais le socle qui permettra à notre système ferroviaire de se renforcer, de se moderniser et de se préparer à la concurrence.
Les cheminots n’avaient pas tort lorsqu’ils dénonçaient le « tout TGV » voici près de quinze ans. Le revers de ce choix, qui a permis de développer un des premiers réseaux à grande vitesse en Europe – le deuxième après l’Espagne –, c’est la fragilisation du reste du réseau, les ralentissements, la congestion des noeuds. Nous sommes conscients, depuis le rapport Rivier de 2005, de la nécessité de stopper cette dégradation et de veiller à un bon entretien des infrastructures pour préserver la qualité du transport ferroviaire. C’est d’ailleurs la recommandation que nous avions faite dans le rapport Mobilité 21 – un rapport de raison et de responsabilité et non pas « décliniste », monsieur Bussereau.
Autre défi, la maîtrise de la trajectoire financière du système ferroviaire. La dette, cantonnée au sein de RFF depuis 1997, n’a cessé de croître pour dépasser aujourd’hui 40 milliards d’euros. C’est certes la conséquence du lancement de grands projets, notamment des quatre lignes à grande vitesse actuellement en construction. Mais c’est aussi le résultat d’un système ferroviaire qui ne parvient plus à équilibrer ses recettes et ses dépenses, malgré les 13 milliards d’euros de subventions octroyées par l’État et les régions. Le déficit, évalué à 1,5 milliard d’euros par an lors des Assises du ferroviaire fin 2011, atteint aujourd’hui 3 milliards par an – et ce n’est pas de la bonne dette ! Or, grâce à une organisation plus efficace, la réforme permettra d’économiser chaque année plus d’un milliard et demi d’euros.
Enfin, le système ferroviaire doit se moderniser pour renforcer sa sécurité et faire face à l’accroissement des trafics. Il doit développer l’ERTMS – European Rail Traffic Management System – ou le système européen de gestion s’il veut rester à armes égales avec ses concurrents les plus modernes.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la modernisation du système ferroviaire est une nécessité – pour notre pays, pour les usagers, pour l’économie, mais aussi bien sûr pour la grande famille des cheminots. La réforme que vous proposez, monsieur le secrétaire d’État – et qui a fait l’objet, jusqu’à ces derniers jours, d’échanges et de négociations – s’inscrit pleinement dans la conception française du service public ferroviaire, et c’est pourquoi vous trouverez sur ces bancs des parlementaires nombreux pour lui apporter leur soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est partagé sur nombre de ces bancs : le système ferroviaire français est à bout de souffle. Alors que le réseau, qui a souffert d’un manque d’investissement, est vieillissant, la dette cumulée des deux établissements publics, RFF et SNCF, s’élève déjà à 40 milliards d’euros et continue malheureusement d’augmenter.
La réforme de 1997, qui a créé Réseau ferré de France, a complexifié le système sans le rendre plus performant. RFF est propriétaire du réseau, mais c’est SNCF Infra qui l’entretient pour son compte. Les intérêts des deux entreprises publiques sont souvent opposés, alors même que l’État n’a pas toujours assumé son rôle en matière de stratégie ferroviaire.
Aujourd’hui, ces dysfonctionnements pèsent sur la production, donc sur la qualité de service. Ils pénalisent les voyageurs et les chargeurs. Quel élu n’a pas rencontré des difficultés en tentant, pour faire avancer un projet, d’identifier le bon interlocuteur au sein d’un système ferroviaire parfois incompréhensible ?
Enfin, si l’ouverture à la concurrence du trafic de marchandises, en 2006, a permis à des opérateurs privés de prendre des parts de marché à l’opérateur historique, elle n’a malheureusement pas permis l’essor du fret ferroviaire, la route restant toujours plus compétitive.
Cette expérience nous prouve la nécessité de mieux préparer l’ouverture à la concurrence du trafic domestique de voyageurs.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité de réformer le système. En 2011, les Assises du ferroviaire, que Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avions organisées, avaient d’ailleurs abouti à la même conclusion. À l’époque, nous avions mandaté nos services, en relation avec RFF et SNCF, pour élaborer un schéma de gouvernance à la française qui ne serait ni un système de séparation stricte, ni un retour à l’organisation d’avant 1997.
Pour une fois, mes chers collègues, ne faisons pas de politique politicienne, et tâchons d’être unis, comme savent l’être nos voisins allemands, afin de réformer le système ferroviaire dans l’intérêt de tous.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du projet de loi, me contentant d’en rappeler les grands axes : renforcement du rôle de l’État ; création d’un groupe public ferroviaire composé de trois établissements publics industriels et commerciaux – un EPIC de tête, la SNCF, et deux EPIC « filles », SNCF Réseau et SNCF Mobilités – ; réunification du gestionnaire d’infrastructure, sous la dénomination de SNCF Réseau, qui regroupera l’actuel RFF, SNCF Infra et la DCF, la Direction des circulations ferroviaires, qui alloue les sillons ; création d’un cadre social harmonisé, applicable à tous les salariés des entreprises de la branche ferroviaire – le statut cheminot est maintenu, mais toutes les conditions d’emploi seront fixées par une convention collective de branche, ce qui me paraît positif – ; renforcement des pouvoirs du régulateur.
Je me réjouis de ce que les travaux de la commission du développement durable aient permis de corriger la copie du Gouvernement, en réintroduisant l’avis conforme de l’Agence de régulation des activités ferroviaires – ARAF – sur les redevances d’infrastructures, et en élargissant cet avis aux redevances d’utilisation des gares et installations de service.
En définitive, si, il y a deux ans, les électeurs avaient reconduit la majorité à laquelle j’appartenais, le projet que nous aurions présenté n’aurait peut-être pas été très différent.
Mais nous serions allés plus loin, car sur deux points majeurs, le Gouvernement s’est, une fois de plus, arrêté au milieu du gué.
C’est le cas, tout d’abord, du traitement de la dette du système. Non seulement la dette cumulée s’élève aujourd’hui à 40 milliards d’euros mais, si rien n’est fait, elle atteindra rapidement 50 milliards d’ici cinq ans. J’ai certes noté que les présidents de RFF et SNCF se sont engagés à faire des économies à hauteur d’environ 1 milliard d’euros. À l’heure où la majorité cherche à réaliser 50 milliards d’euros d’économies, il convient de saluer cette contribution à la stabilisation de la dette. Mais cet effort ne concerne que le flux ; que prévoit le Gouvernement s’agissant du stock de la dette ?
De même, le projet de loi reste insuffisant sur la question de l’ouverture à la concurrence. La Commission européenne a pourtant publié le 2 juin dernier ses propositions de recommandations au Conseil sur le programme national de réforme de la France, dans lesquelles, constante dans sa position, elle recommande de prendre des mesures pour ouvrir, avant 2019, le marché intérieur du transport de passagers à la concurrence.
C’est une évolution inéluctable, et plutôt que de pratiquer la politique de l’autruche en affirmant « que la concurrence n’est pas pour aujourd’hui », le Gouvernement ferait donc mieux de la préparer en amont. Je retiens d’ailleurs des propos tenus régulièrement par le président de la SNCF que celui-ci ne s’oppose pas à la concurrence dès lors qu’il dispose des moyens de s’y préparer.
Autrement dit, il faut donner de la visibilité à long terme aux acteurs du ferroviaire et tracer dès maintenant les évolutions qui interviendront dans les prochaines années.
Malgré ces deux réserves, qui ne sont pas négligeables, mes engagements passés me poussent aujourd’hui, par cohérence, à ne pas m’opposer à la première étape qui nous est proposée. À titre personnel, je voterai donc en faveur de ce texte, sauf si la discussion des articles devait conduire à en modifier le contenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous entamons la discussion du projet de loi sur la réforme ferroviaire dans un climat social difficile, mais compréhensible. En effet, le monde change, et le service public, tel qu’il a été structuré au sortir de la guerre grâce à un consensus rassemblant de Gaulle, Blum et Thorez, n’a plus le même sens en 2014. La crise interne que vivent les cheminots et la SNCF, comme les débats sur l’école ou la poste, reflète les inquiétudes de la société face à un monde en pleine mutation. Mais c’est justement pour répondre à ces inquiétudes que nous allons voter ce projet de loi.
La SNCF de 1946 a permis un accès très large à des services assurant la satisfaction des besoins essentiels. Il était alors clairement indiqué que ces services publics, pris en charge par des entreprises publiques, apporteraient des garanties à leurs personnels. La place singulière du chemin de fer était due au fait que ni l’avion ni la voiture n’étaient alors généralisés. À cette époque, le service public répondait à une « ardente obligation » – pour reprendre l’expression du général de Gaulle –, celle de la survie économique du pays.
Aujourd’hui, l’apparition de la concurrence, la notion d’efficacité économique, l’obligation de rendre des comptes et la pression des contribuables nous obligent. De plus, deux dimensions géographiques sont apparues : la décentralisation, qui a fait une place importante aux régions – sans vraiment aboutir pour autant – ; et bien sûr l’Europe, qui a remis en cause les monopoles nationaux.
Une première rupture a eu lieu en 1997 avec la séparation des activités entre RFF et la SNCF, mais force est de constater qu’elle s’est avérée destructrice. La nouvelle organisation est une usine à gaz dont les effets confinent à l’absurde : il suffit d’évoquer les gares qui appartiennent à la SNCF à l’exception de leurs quais et de leurs verrières, possessions de RFF ; ou encore les péages dont s’acquitte la SNCF, qui ne suffisent pas à couvrir les coûts assumés par RFF.
Dix-sept ans plus tard, la réforme dont nous allons discuter est donc absolument nécessaire, d’autant que le système ferroviaire est dans l’impasse, confronté notamment à une dette de plus de 33 milliards d’euros qui l’oblige à payer chaque année 1,5 milliard d’euros d’intérêts. Le projet de loi répond aux réalités d’aujourd’hui, car nous voulons à la fois solidifier le service public, sauver notre patrimoine national, revenir sur la loi de séparation – vécue comme une manière de cantonner la dette – et suppléer les défaillances de l’État, qui a privilégié les lignes à grande vitesse au détriment du réseau historique.
Comme notre rapporteur, Gilles Savary, qui a une longue expérience du sujet – nous connaissons les travaux qu’il a accomplis en tant que député européen – l’a excellemment démontré il y a deux semaines en commission des finances, nous sommes d’ores et déjà en mesure de résoudre un certain nombre de difficultés. Le projet nous montre par ailleurs un chemin, c’est-à-dire le cadre législatif sur lequel nous nous appuierons au fil du temps, notamment en matière financière. Ainsi, SNCF Réseau ne pourra plus s’endetter au-delà d’un certain niveau.
Mais je voudrais souligner quelques points qui me tiennent à coeur.
Tout d’abord, et contrairement à ce que j’ai pu entendre, ce texte est issu d’un travail participatif, les Assises du ferroviaire, et de la négociation avec les syndicats.
Ensuite, la réunification de Réseau ferré de France et de la Société nationale des chemins de fer français est une bonne chose. En la réalisant, nous donnons certes satisfaction aux cheminots qui ont toujours dénoncé la séparation, mais surtout nous imposons, aux côtés de l’Allemagne, un nouveau modèle : celui de l’entreprise verticalement intégrée et incarnée par le statut d’EPIC.
Enfin, le statut des cheminots n’est pas remis en cause, comme en atteste le premier alinéa de l’article 12. Le projet de loi pose en effet les bases juridiques de la négociation, entre patronat et syndicats, d’une convention collective de branche destinée à éviter le dumping social entre les entreprises du ferroviaire, qui sont – ne l’oublions pas – une trentaine aux côtés de la SNCF. Cette gestion unifiée des ressources humaines représente une véritable avancée pour les salariés les moins protégés.
J’en terminerai avec la question de la régionalisation. Depuis la réforme de 2002, les conseils régionaux ont été fortement impliqués dans la modernisation des réseaux, au point que les TER représentent désormais, avec la formation professionnelle et l’éducation, l’un des premiers postes budgétaires dans ces collectivités. Les discussions en commission ont permis de prévoir la présence des régions au conseil d’administration de SNCF Réseau ; j’espère qu’à la suite des débats en séance publique, elles seront également représentées au conseil de surveillance de l’EPIC. Ce serait pour elles une véritable forme de reconnaissance.
De la même manière, à l’heure où la réforme territoriale fait une place particulière aux régions, il serait juste que celles-ci soient reconnues comme autorités organisatrices, et que leur soient donc conférées la liberté de fixer les tarifs, la propriété des matériels roulants dont elles financent l’achat, ainsi que la ressource dédiée.
Voilà ce que je voulais exprimer ce soir, redisant notre attachement au fer et aux cheminots, ainsi que notre reconnaissance pour la structuration apportée à notre pays par la SNCF.
Voter ce projet de loi si bien défendu par le ministre Cuvillier, c’est parler de notre pays et de son modèle social et économique, c’est parler de la liberté de se déplacer, c’est parler de mixité sociale, c’est parler d’environnement, c’est évoquer la décentralisation bien comprise, ce n’est pas pour autant, regarder en arrière, ce n’est pas le repli sur soi. C’est aimer et solidifier notre patrimoine humain et industriel dans un monde et une Europe qui bougent.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer d’abord, ici, notre rapporteur, pour son gros travail. Même si nous sommes en désaccord sur le fond, on peut souligner et saluer le travail qui a été fait. J’aimerais aussi saluer mon président de commission et le remercier pour l’esprit d’amitié et de tolérance dans lequel nous travaillons régulièrement.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais vous livrer une réflexion. J’étais heureux d’entendre votre prédécesseur, cet après-midi, parce que, depuis deux ans, vous critiquez allègrement vos prédécesseurs,…
…en critiquant le tout TGV, en critiquant le manque de crédits disponibles pour l’entretien des réseaux. Peut-être avez-vous raison, mais j’aurais tant aimé vous entendre une fois, une seule fois, nous dire quelle ligne de TGV vous n’auriez pas faite si vous aviez été au pouvoir.
Et j’aurais aimé entendre la réaction des présidents de région socialistes, ou encore socialistes. À mon avis, ils vous auraient applaudi d’une main de manchot.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le secrétaire d’État, pour la réforme, j’aimerais évoquer deux aspects positifs.
Le premier est la séparation claire de l’exploitation des trains et de la gestion du réseau ferroviaire. Même si nous ne sommes pas d’accord sur un certain nombre de modalités, il y a dans cette dichotomie officialisée, organisée, un aspect particulièrement positif.
Le deuxième concerne la trajectoire financière. C’est vrai qu’avec plus de quarante milliards d’euros de dettes, avec une dette qui s’accroît, nous allons vers des difficultés majeures. Encore une fois, l’objectif visé est louable, même si les modalités sont discutables. On a noté qu’il y aura moins d’investissements au total, et que l’État devrait renoncer à 500 millions d’euros de recettes chaque année, ce qui est peu crédible à moyen terme.
Au-delà de ces deux aspects positifs, relativement du moins, j’aimerais exprimer cinq critiques majeures.
Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, franchement, les gares, que vous rattachez à SNCF Mobilité, devraient être rattachées à SNCF Réseau. Il y a quand même une question qui se pose à ce propos, puisque vous décalez de deux ans la décision finale, avec une clause de revoyure, ce qui est une source d’incertitude pour les 15 000 agents. Nous aurons demain d’autres mouvements sociaux, parce que vous êtes incapable de trancher et de décider aujourd’hui.
Ma deuxième critique porte sur l’EPIC de tête. Au fond, il vous sert à maintenir la fiction du grand système ferroviaire unique public. Vous l’habillez, vous lui donnez une dimension symbolique, mais, comme M. Chassaigne l’a fort bien dit en commission, en coupant trois petits fils, une vraie réforme sera faite, avec une séparation entre le réseau, bien commun de toute la nation, et l’activité transports qui sera opérée par différents acteurs, dont un principal, la SNCF, qui doit gagner en compétitivité pour rester le fer de lance du service public dans notre pays.
Une troisième limite de cette réforme tient au silence assourdissant sur une question essentielle : la productivité du système ferroviaire français. Si le système est endetté, s’il souffre en termes d’entretien, s’il souffre de sous-investissement, c’est parce que les coûts de fonctionnement, les coûts de production sont trop élevés en France. Dans notre pays, on peut supprimer des régions pour des économies illusoires, mais, là où on doit faire de vraies économies, le sujet est tabou, monsieur le ministre.
Quatrième limite, où est passé, dans cette réforme, cet homme ou cette femme particulièrement indispensable dans notre pays, le contribuable ? Le système ferroviaire est gorgé d’argent public. Régime de retraite, régions, État : les milliards coulent à flots, et le flot va grandir, puisque la contribution de l’État augmente.
J’aimerais remercier M. Duron, qui nous a cité tout à l’heure le chiffre de 13 milliards d’euros. C’est la première fois. Nous parlons depuis des heures de cette réforme, et personne n’a cité le montant consacré chaque année au fonctionnement de notre système ferroviaire, comme si cela devait être naturel, pour l’éternité !
La cinquième limite, au fond, est la plus grave. Je vous cite : « Le projet pose les jalons législatifs permettant la construction d’un cadre social commun à tous les travailleurs de la branche ferroviaire, le tout afin de garantir l’absence de concurrence déloyale. » J’aimerais le dire ici, et les Français doivent l’entendre : la concurrence déloyale, pour vous, c’est le droit commun à tous les salariés du secteur privé de France. C’est sidérant, monsieur le secrétaire d’État !
Votre logique est simple : à défaut de rendre la SNCF compétitive, il faut empêcher qu’elle soit en compétition avec d’autres entreprises françaises !
En faisant cela, vous condamnez les Français à payer, à brûler des milliards chaque année. En faisant cela, vous offrez le réseau français à la concurrence européenne, non soumise à votre statut particulier. En faisant cela, monsieur le secrétaire d’État, eh bien, vous affaiblissez le train par rapport à la route, ce qui, convenons-en, n’est pas très développement durable.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette modeste réforme. Mais j’aimerais terminer sur une note d’humour. Vous êtes fier, oui, qu’une filiale privée de la SNCF gagne marché sur marché sur le réseau ferroviaire anglais. Pensez-vous qu’elle aurait pu les gagner avec les coûts qui sont ceux de la SNCF ? Alors une question simple, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi n’envisagez-vous même pas de chercher à faire aussi bien en France que ce que vous savez faire à Londres ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Tout d’abord, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je veux rebondir sur ce qui vient d’être dit. Moi, je voudrais partir du concret, de la réalité, pas de discours idéologiques. Chers collègues, aucun gouvernement, même parmi ceux que vous souteniez, n’a su régler le problème. Ne sous-estimons donc pas le travail, dans un contexte de conflit social compliqué, peut-être hors sujet, ne sous-estimons pas le travail fait aujourd’hui par le secrétaire d’État aux transports. Cela permettrait à l’Assemblée nationale de travailler à la réforme d’une manière peut-être plus structurelle, et pas simplement politicienne.
Il faut que l’organisation de la SNCF change, bien sûr, parce que demain nous ne pourrons plus gagner de marchés à l’extérieur si nous ne jouons pas la réciprocité, parce que le modèle économique des régions, aujourd’hui, ne permet plus de soutenir la SNCF, les trains, comme c’est le cas depuis dix ans. Ce constat concerne plusieurs gouvernements. Ne sous-estimons donc pas les efforts de Frédéric Cuvillier dans ce domaine.
Je reviendrai sur des points critiques tout à l’heure mais, quelles que soient les remarques que nous, législateurs, acteurs de terrain, pouvons faire sur le modèle de la SNCF aujourd’hui, qu’il s’agisse de son absence de transparence, de la complexité de son organisation, notamment au niveau des infrastructures, et il faut revenir sur le modèle choisi, que ce soit sur l’acquisition du matériel – je rappelle que les régions françaises sont engagées pour quinze milliards d’euros, qu’elles représentent deux tiers de l’activité de la SNCF, que nous ne pourrions pas, aujourd’hui rénover le réseau secondaire, dont a parlé tout à l’heure Gilles Savary si elles ne faisaient pas l’avance à l’État d’un certain nombre de régénérations –, il faut qu’on aille au-delà. Il faut qu’on soit performants, il faut que nous puissions faire exister un modèle industriel nouveau. La SNCF est une entreprise, une entreprise publique, d’accord, mais c’est une entreprise industrielle. Il faut que la maintenance, l’organisation des rotations, le service au public soient gérés d’une manière transparente et efficace. Il faut que les frais de siège de la SNCF soient connus de tous, comme dans l’ensemble des délégations de service public. Je crois que Gilles Savary l’a exprimé avec beaucoup de pertinence : nous ne devrons pas, en 2019 ou en 2022, être obligé d’appliquer à toute vitesse, à la dernière minute, en urgence, les réglementations européennes.
Cela suppose, mes chers collègues, que nous puissions avoir un discours national à l’égard de ce service public national, pas simplement un discours de critique : « c’est pas suffisant », « ça va pas »… C’est une marche. Les régions françaises pensent que ce texte ne va pas assez loin, bien sûr, il ne va pas assez loin sur la transparence, sur leur représentation à l’intérieur des conseils d’administration ou des conseils de surveillance des EPIC, sur le rôle du Parlement, mais c’est un pas qu’il faut faire, qu’il faut faire ensemble. Ne pas pouvoir fixer ses tarifs, monsieur le secrétaire d’État, est un problème pour une région.
Et je ne peux pas accepter le chantage de Bercy qui nous menace : « Si vous voulez fixer les tarifs, eh bien, moi, je vous retire sous les pieds le tapis des aides aux tarifs sociaux, d’autant que nous les finançons largement. » Si nous nous engagions sur cette voie, il faudrait que nous n’intervenions absolument pas sur la modernisation de la régénération ferroviaire, puisque ce n’est pas de la compétence des régions. Voilà, les régions ne sont pas propriétaires des trains. Elles doivent financer 400 % des systèmes de maintenance. Il y a un effort à faire sur l’information des voyageurs, il y a la nécessité, pour les régions, d’obtenir une ressource fiscale pour rendre de nouveau dynamique le fait que les régions ont permis une augmentation de plus de 50 % de la fréquentation des TER, et, je rappelle, un engagement de quinze milliards d’euros, pour notre industrie, en faveur de la régénération du matériel.
Alors, demain, que se passera-t-il ? Demain, l’Europe nous imposera l’ouverture à la concurrence, qu’on le veuille ou non. Si nous n’assumons pas le vocabulaire, nous n’assumerons pas la préparation à cette chance. Ce serait de la lâcheté que de ne pas le faire, et ce alors même que tous les acteurs, y compris les acteurs syndicaux, sont parfaitement conscients du problème.
La meilleure façon d’agir, c’est – comme l’a fait la Deutsche Bundesbahn – de préparer cette ouverture à la concurrence.
J’espère que vous pourrez intervenir au niveau européen, monsieur le ministre, pour que les régions – mais aussi l’État, qui est devenu autorité organisatrice dans le cadre des liaisons nationales ou interrégionales – puissent choisir entre la régie, une structure administrative, ou une délégation de service public. Je pense qu’il y a un effort à faire dans ce domaine.
Le corps social a besoin de vérité. Le corps social a besoin de transparence. Sur un dossier tel que celui-ci, le corps politique a besoin d’être rassemblé.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi a été examiné par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire au cours de quatre réunions. Plus de 500 amendements y ont été passés au tamis. Les membres de cette commission – dont je salue le président, M. Chanteguet – ont cherché à faire la clarté sur ce projet de loi qui relève d’une stratégie confuse. L’implication de l’État dans le secteur ferroviaire reste trop floue ; nous manquons d’explications à propos de la résorption de la dette de la future SNCF Réseaux ; enfin, ce texte oeuvre à une ouverture à la concurrence qui ne dit pas son nom.
Ce projet de loi vise, d’une part, à rétablir l’équilibre financier du système ferroviaire français, d’autre part, à créer un champion européen du rail, mais ce dernier n’est pas encore sur le bon sillon. Certes, je vous concède qu’il ne sera pas aisé de réunir sous l’autorité d’un même EPIC de tête le gestionnaire du réseau, RFF, et l’opérateur ferroviaire, la SNCF, deux entités séparées depuis 1997. La SNCF doit en effet affronter des problèmes cruciaux, qui sont susceptibles de faire dérailler cette vénérable institution : une dette ferroviaire géante ; un réseau vieillissant, détérioré, mis à mal aux yeux du public par les douloureux incidents d’un récent passé ; et la perspective d’une mise en concurrence mal préparée.
Lors de nos débats en commission, notre attention s’est tout particulièrement portée sur le rôle de l’État-stratège et sur les moyens dont disposera le Parlement pour suivre les engagements pris dans le cadre de cette réforme. Entre l’État et les trois futurs EPIC, des contrats d’objectifs seront conclus pour fixer le cap ; ces contrats seront révisables tous les trois ans. Mais quel sera le rôle dévolu à l’EPIC de tête ? Quelles seront les relations entre celui-ci et les deux autres EPIC ? Ses missions doivent être explicitement définies. Les débats n’ont pas permis d’éclaircir certaines zones d’ombre, ni de lever les ambiguïtés sur le rôle de cet EPIC de tête.
Une séparation des fonctions aurait permis de clarifier le rôle de ces trois acteurs et de les responsabiliser, les pouvoirs publics définissant la politique des transports ferroviaires et arbitrant entre gestionnaire d’infrastructures et opérateur. La structure que vous avez choisie empêche cette clarification ; elle porte en elle un risque d’effacement de l’État-stratège et de mise sous tutelle du gestionnaire du réseau par l’opérateur SNCF. Elle contient aussi les germes de conflits de fonctionnement et de pouvoir, conflits qui causent des surcoûts et conduisent à l’immobilisme.
Cette structure ne garantit pas non plus les conditions nécessaires à une saine concurrence entre entreprises ferroviaires, notamment en ce qui concerne l’attribution des sillons. Comment cette attribution pourrait-elle être équitable, avec un opérateur dominant à 95 % ? Elle ne garantira pas non plus une amélioration de la compétitivité du réseau ferroviaire public par rapport aux opérateurs privés.
D’une façon générale, ce texte comporte toujours de nombreux points de crispation, que nos échanges en commission n’ont pas permis de faire disparaître. Ils conduisent notre groupe à être majoritairement en désaccord avec cette réforme. Deux visions idéologiques s’opposent : je pense notamment à la question de l’indépendance de l’ARAF – l’Autorité de régulation des activités ferroviaires –, dont la tutelle ministérielle reste, pour l’heure, marquée. Ses pouvoirs seront-ils limités ? Sa mission de conciliation – qui est l’une de ses prérogatives essentielles – va-t-elle disparaître ?
Ce texte ne fait que peu référence à l’enjeu croissant du sauvetage des trains d’équilibre du territoire. Certes, une convention de financement pour la première tranche du renouvellement des trains Intercités a été signée en décembre dernier, mais le soutien de l’État n’est pas sans défaut. Ces trains se trouvent au milieu du gué ; pourtant, ils sont fondamentaux pour toute une partie du territoire.
Autres points d’achoppement : la gestion des gares et la cession des biens immobiliers.
La répartition des rôles en matière de financement de l’entretien des gares fait encore débat, car il y a là un risque d’inégalité entre communes rurales et villes. De même, la cession des biens immobiliers aux collectivités territoriales est plutôt logique, car ce sont en grande partie les communes et les intercommunalités qui ont entretenu et rénové le patrimoine de la SNCF. Il ne faudrait pas que les collectivités paient deux fois !
Enfin, la question des gares est essentielle. Laisser les gares dans le giron de SNCF Mobilités est une erreur.
Monsieur le ministre, ce projet de loi comporte de nombreuses zones d’obscurité, et je ne suis pas sûre qu’avec cette réforme, les Français voient la sortie du tunnel ! D’ailleurs, la stratégie des grévistes est vraisemblablement de reconduire la grève tout au long de nos débats. Mes collègues du groupe UMP et moi ne prendrons donc pas la responsabilité de les prolonger. Encore une fois, les usagers sont pris en otage : c’est inadmissible.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi portant réforme ferroviaire est paradoxal. Sur le plan des principes hérités de la loi de 1997 séparant la SNCF et RFF, il semble mettre les choses en ordre avant une future mise en concurrence. En pratique, tout est fait pour limiter la concurrence ; il s’agit de créer le groupe public ferroviaire compatible avec le droit européen le plus intégré possible.
En 1997, la création de RFF a été bâclée, car la priorité était alors de sortir la dette de la SNCF des critères européens de comptabilité. Depuis dix-sept ans, les usagers et les salariés ont souffert d’un système ferroviaire qui marche mal. Le projet de loi présenté par Frédéric Cuvillier corrige cette malfaçon en constituant un véritable opérateur de réseau, public et cohérent. Depuis dix-sept ans, la dette ferroviaire de RFF s’est alourdie à cause du sous-financement systématique des plans d’investissement par les donneurs d’ordre. Ce projet de loi vise à responsabiliser les donneurs d’ordres, qui ne pourront plus se contenter de se débarrasser de la question du financement au détriment de RFF.
Cette responsabilisation supplémentaire des donneurs d’ordre va dans le bon sens, à condition, monsieur le ministre, qu’elle ne fasse pas prévaloir une logique malthusienne, dans laquelle le meilleur investissement serait l’absence d’investissement. La SNCF doit en effet dégager des moyens pour mieux entretenir son réseau, le sécuriser, le pérenniser et le développer. Nous voulons donc rester ambitieux pour le système ferroviaire : cela suppose de mobiliser des financements, mais aussi de traiter la question de la dette ferroviaire dont RFF a hérité et qui grossit au point d’être quasi impossible à rembourser.
Contrairement à l’Allemagne en 1997, la France n’a pas choisi l’option d’une nationalisation de la dette. À mon avis, elle aurait dû choisir cette voie. Les députés du Mouvement républicain citoyen ont déposé un amendement qui propose d’étudier rapidement cette piste. L’ensemble de la réforme peut en effet échouer, si l’on ne libère pas le futur groupe public unique de la dette ferroviaire.
Comme je le disais au début de mon intervention, ce projet de loi est paradoxal. Il témoigne en effet d’une certaine duplicité vis-à-vis du droit européen. Je comprends l’hostilité et les craintes des syndicats majoritaires de la SNCF ; je comprends donc que l’on défende l’idée d’un établissement unique, comme avant. Je comprends cette position, mais je ne la partage pas. Autant je suis partisan d’un bras de fer européen sur l’euro et l’austérité budgétaire, autant je crois que sur la question des transports, il faut savoir s’économiser. Nous prenons le parti de feindre de nous plier à l’impératif de concurrence, et de tout faire en pratique pour l’éviter : ce procédé me semble de bonne guerre pour repousser les vieilles lunes libérales de la concurrence libre et non faussée – qui seront sans doute passées de mode d’ici 2022.
Il ne faut pas oublier que dans les années à venir, les principaux concurrents ne seront pas les autres opérateurs ferroviaires, comme la Deutsche Bahn ou l’entreprise franco-italienne Thello, mais les modes alternatifs de transports. L’explosion du covoiturage et des voyages en bus à l’échelle nationale en témoigne. Monsieur le ministre, la nouvelle SNCF devra relever ces défis en étant très attentive aux besoins des usagers et des territoires. Grâce à la convention collective du ferroviaire, ce projet de loi nous protégera des opérateurs qui voudraient compresser les coûts en recourant au dumping social.
La politique ne se découpe pas en tranches, mais forme un tout : il me semble donc important d’ajouter un point. Mes chers collègues, libérer la nouvelle SNCF de la contrainte financière, c’est aussi lui permettre de prendre part à la mobilisation du foncier public – dont RFF et l’actuelle SNCF sont bien dotés. Ce thème m’est cher, tout comme à de nombreux députés sur ces bancs. Il faut en effet sortir notre pays de la crise du logement. C’est également ainsi que la nouvelle SNCF sera au rendez-vous du service public.
Pour conclure, monsieur le ministre, les députés du Mouvement républicain et citoyen voteront pour votre projet. Nous voulons encore l’améliorer au cours de la discussion parlementaire afin, en théorie, de tout faire pour nous conformer au droit européen de la concurrence, mais en pratique, de tout faire pour limiter au maximum cette concurrence en constituant un groupe public ferroviaire puissant.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, chers collègues, dans la continuité du travail que j’ai accompli il y a plusieurs semaines en tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, je concentrerai mon propos sur la question de la mise en accessibilité de notre système ferroviaire.
L’étude d’impact annexée au projet de loi dont nous débutons l’examen aujourd’hui précise que « la séparation en 1997 entre RFF, propriétaire de l’infrastructure, et la SNCF, notamment gestionnaire d’infrastructure délégué, a engendré un manque de coordination, de lourds dysfonctionnements et une augmentation des coûts de transaction, au détriment de la qualité de service offerte aux utilisateurs du réseau ferroviaire ».
S’il fallait ne retenir qu’un exemple pour illustrer ce point de l’étude d’impact, ce serait l’accessibilité. L’actualité nous rappelle ce sujet : les travaux d’adaptation de certains quais entraînés par le remplacement des rames, travaux dont nous avons abondamment parlé ces derniers jours, serviront aussi à améliorer l’accès au train pour les personnes en situation de handicap. Elles pourront ainsi rentrer dans les rames de façon autonome.
Vous savez sans doute qu’en matière d’accessibilité, c’est dans le domaine du ferroviaire que les retards sont les plus importants. Cela est dû à la multiplicité des acteurs concernés, qui peinent à s’organiser et à se coordonner, notamment sur les aspects financiers. La loi du 11 février 2005 impose aux transports – notamment ferroviaires – d’être accessibles à la date du 13 février 2015. Quelle est la situation à l’heure actuelle ?
Le patrimoine est réparti entre RFF et la SNCF. Certains schémas d’accessibilité régionaux ne prévoient pas la mise en accessibilité de la totalité des gares ; le coût est l’obstacle principal. De plus, la loi de 2005 n’a pas précisé comment répartir la charge financière entre les autorités organisatrices de transports et les opérateurs. Ainsi, près de neuf ans après sa promulgation, des accords ont été trouvés dans la moitié des régions, mais les discussions se poursuivent dans un quart d’entre elles, et sont à l’arrêt dans le dernier quart.
Les matériels ferroviaires ont, quant à eux, des durées de vie très importantes, de l’ordre de trente à quarante ans. Nous pouvons les classer en trois familles : premièrement, les matériels anciens – Corail, TER conçus avant l’an 2000 –, qui représentent le quart du parc et ne sont pas accessibles, ou le sont peu ; deuxièmement, les TGV et matériels TER récents, qui sont assez largement accessibles sans pour autant l’être sur tous les aspects, car ils ont été conçus avant l’établissement des normes européennes d’accessibilité de 2008 ; troisièmement, les TGV et TER extrêmement récents ou en commande, qui sont pleinement accessibles.
Beaucoup reste à faire pour aboutir à l’objectif fixé par la loi de 2005. Plus que jamais, je le rappelle, l’accessibilité de nos trains et de nos gares est un enjeu d’avenir pour ceux de nos concitoyens en situation permanente de handicap. En effet, l’accessibilité, notamment des transports, est un enjeu essentiel et structurant : comment travailler, avoir une vie sociale, si l’on ne peut pas se déplacer ?
Pour que soient effectifs les futurs agendas d’accessibilité programmée, que nous avons votés mercredi dernier et que les acteurs du ferroviaire devront avoir remplis d’ici au 31 décembre 2014, il faudra surtout éviter les écueils de coordination qui persistent aujourd’hui.
Par exemple, l’accessibilité du matériel est améliorée lors de rénovations lourdes ou de renouvellement de matériel. Ces temps forts méritent, bien sûr, vigilance, programmation, et surtout coordination avec tous les acteurs.
C’est la raison pour laquelle, je soumettrai à notre examen plusieurs amendements visant à intégrer la coordination de la mise en accessibilité dans les missions de l’EPIC de tête SNCF, d’une part, et dans celles du Haut comité du ferroviaire, d’autre part.
Par ailleurs, et pour conclure, je souhaite que cette meilleure prise en compte de l’accessibilité permette dans le même temps d’agir sur le développement de l’intermodalité. Il s’agit là d’un élément essentiel pour lutter contre les trop nombreuses ruptures qui persistent encore dans la chaîne de déplacement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Sans préjuger de la teneur et de la discussion des amendements, nous entamons l’examen de ce projet de réforme ferroviaire avec de nombreux doutes sur sa pertinence et avec le sentiment d’une certaine improvisation, alors même qu’il est prêt depuis plusieurs mois.
Nous voilà encore une fois devant une belle occasion manquée par le Gouvernement car, si une réforme est nécessaire, elle ne l’est pas sous cette forme.
Je ne m’attarderai pas sur la grève qui paralyse actuellement le pays, car ce serait lui donner trop d’importance. Le statut des cheminots est en effet complètement épargné. Si les syndicats avaient pris le temps de lire le texte, ils se rendraient sans doute compte eux-mêmes de leur propre inconscience.
Je retiendrai, en revanche, deux objections principales : premièrement, la raison d’être de cette réforme devrait être l’ouverture à la concurrence, à l’horizon 2019. Nous constatons chaque jour à quel point cette ouverture peut s’avérer salutaire, à condition qu’elle soit bien mise en oeuvre.
Il faut donc s’y préparer dès maintenant, ce que le texte ne fait pas suffisamment. Par exemple, l’équité et la non-discrimination ne faisaient même pas partie des objectifs mentionnés à l’article 1 du texte initial. Autre exemple : l’Autorité de régulation des activités ferroviaire, l’ARAF, avait perdu son avis conforme sur les redevances d’accès au réseau. Le renforcement de l’ARAF, autorité administrative indépendante, est pourtant indispensable, dans un contexte d’ouverture à la concurrence.
Pour les mêmes raisons, la séparation entre le gestionnaire de réseau et SNCF Mobilités doit être la plus étanche possible. Les dispositifs d’indépendance ou de lutte contre les conflits d’intérêts pour les membres des conseils d’administration sont, à ce titre, tout sauf annexes. Là encore, les exigences ne sont pas remplies et la question de l’eurocompatibilité du projet de loi est posée.
La Commission européenne souhaite, non pas contraindre la France, mais s’assurer de l’effectivité de la fin du monopole. C’est pourquoi n’y répondre qu’à moitié est une erreur.
S’agissant de l’Union européenne, une autre question se pose, à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 3 avril dernier, alors même que le projet de loi sacralise le statut d’EPIC. Je n’ai pas l’impression que le Gouvernement ait levé les doutes et les incertitudes, notamment financières, qui découlent de cet arrêt, dont les conséquences pourraient être lourdes.
Ma deuxième objection concerne précisément les finances et la dette colossale que connaît le système ferroviaire, qui s’élève à plus de 40 milliards d’euros. Je ne vois malheureusement pas dans ce texte les moyens nécessaires au désendettement, la simple stabilisation n’étant pas suffisante.
Malgré ces objections, je tiens à souligner le travail important qui a été fait en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Certains de mes amendements ont été adoptés ou satisfaits, et plusieurs évolutions sur les questions d’indépendance et sur les pouvoirs de l’ARAF ont permis de rendre ce projet de loi légèrement plus acceptable qu’il ne l’était initialement.
Cet esprit constructif est sans doute davantage à mettre au crédit du rapporteur qu’à celui du Gouvernement.
Sourires.
Je le salue, même si je répète que l’architecture du texte et la future organisation du système ferroviaire français ne sont pas adaptées aux enjeux.
Je terminerai par une remarque sur la proposition de loi relative à la nomination des futurs dirigeants de la SNCF par le Président de la République, après avis des commissions parlementaires. Si l’on reste dans votre logique, cette proposition de loi est le pendant normal du projet de réforme. Sachant que les présidents de RFF et de la SNCF étaient nommés de cette manière, il semble cohérent que les trois dirigeants de l’EPIC de tête le soient également.
Simplement, je me permets de noter qu’en fin d’année dernière, le Gouvernement avait défendu bec et ongles la nomination des Présidents de l’audiovisuel public par le CSA, soi-disant pour en assurer absolument l’indépendance.
J’avais alors répondu que, si l’on calquait cette logique au ferroviaire, le président de RFF devrait être nommé par l’ARAF. Je réitère ce constat aujourd’hui. Pourquoi le Président de SNCF Réseau ne serait-il pas nommé par l’ARAF ?
Certes, la nouvelle architecture prévue complique cette évolution, mais la question mérite d’être posée. Cela démontre simplement le côté bancal de votre position, qui diffère selon les autorités administratives indépendantes.
Cette question est néanmoins annexe car, vous l’aurez compris, comme beaucoup de mes collègues du groupe UMP, je considère qu’en l’état actuel, cette réforme ne va pas assez loin et ne répond pas aux défis des années à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Au-delà des textes dont nous débattons aujourd’hui, celui portant réforme ferroviaire, d’une part, et celui relatif à la nomination des dirigeantes de la SNCF, d’autre part, je souhaite dire un mot du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
Je tiens d’abord à souligner l’attachement viscéral de la majorité au droit fondamental que constitue, pour toute société démocratique vivante, le droit de grève. À tous les cheminots qui suivent nos débats, et je sais qu’ils sont nombreux malgré l’heure tardive, je veux dire notre profond respect car, qu’ils soient ou non en grève aujourd’hui, je sais qu’ils sont tous tendus vers un seul objectif, que nous partageons également : celui de l’avenir du service public ferroviaire français.
Les cheminots, grévistes ou non, défendent, non des privilèges, mais des acquis sociaux conquis de haute lutte. C’est bien légitime. À cet égard, ils méritent respect et écoute. C’est la raison pour laquelle je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement se soit engagé à laisser jusqu’au bout la porte ouverte à la discussion. En effet, les cheminots défendent, non des corporatismes, mais une vision de l’intérêt général.
La question est aujourd’hui de savoir si l’ambition du présent projet de loi peut être compatible avec celle qui est parfois défendue hors de ces murs. Je le crois. Néanmoins, pour que nous aboutissions à une vision complètement partagée de l’avenir du système public ferroviaire, ce texte doit naturellement évoluer, comme tout texte soumis à examen parlementaire.
À ce titre, nombre d’amendements parlementaires défendus par le groupe majoritaire, mais aussi certains déposés par le groupe Front de gauche, peuvent permettre, s’ils sont adoptés, de faire converger les points de vue et d’aboutir à une véritable réforme de progrès, souhaitée par tous.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
En ce sens, je pense à tous les amendements sociaux déposés par le groupe majoritaire, à l’initiative de Rémi Pauvros : la création d’un comité central d’entreprise pour que les salariés jouissent tous des mêmes droits, la garantie d’un même régime d’assurance chômage pour tous les salariés, ou encore la possibilité d’intégrer le statut de cheminots pour les personnels de RFF qui ne l’ont pas.
Mais je pense surtout aux amendements qui garantiront la véritable intégration du service public ferroviaire et permettront d’en finir avec une logique de cloisonnement et d’étanchéité entre activités qui, tous les jours, sur le terrain, produit des effets néfastes.
Certains doutent que les trois EPIC constituent bien un ensemble unifié. Nos débats doivent permettre de lever ces doutes et la loi devra offrir une solide garantie au principe d’unicité de ces EPIC au sein du groupe public ferroviaire, comme vous vous y êtes engagés, monsieur le secrétaire d’État.
Au demeurant, au-delà des questions de structure, nos débats doivent surtout permettre de garantir solidement le statut des cheminots.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
À cet égard, la loi doit clairement garantir le respect de la primauté d’embauche au statut et assurer que toute nouvelle convention de branche ne pourra être moins favorable que l’actuelle.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
En effet, il est bien évidemment hors de question pour la majorité parlementaire d’imaginer que d’éventuelles faiblesses du texte puissent un jour être instrumentalisées par de mauvais génies, qui ne verraient dans les agents de la SNCF qu’une variable d’ajustement.
En réalité, beaucoup s’inquiètent de savoir si ce train de réforme peut en cacher un autre, qui se traduirait par une réduction des droits sociaux, la polyvalence à outrance, l’externalisation sans borne.
Évidemment, la majorité souhaite tout l’inverse, parce qu’elle défend avec vous, monsieur le secrétaire d’État, l’idée que la SNCF est et doit rester un grand service public, aux antipodes de la logique libérale défendue par la droite, en France et en Europe. Sur ce sujet également, les débats vont permettre, j’en suis certain, de lever les doutes persistants.
Enfin, je salue votre engagement, monsieur le secrétaire d’État, d’imposer la mise en place rapide d’états généraux du dialogue social au sein de la SNCF. Néanmoins, je me permets de dire, à titre personnel, que, pour que ces derniers se déroulent dans un climat d’apaisement et de confiance, l’État, redevenu pleinement stratège en matière ferroviaire, devra peut-être se demander si les dirigeants actuels de la SNCF doivent être également ceux de demain. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il s’agit de réussir ensemble la refondation même du service ferroviaire français, dans l’intérêt des cheminots, des usagers et de la France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
D’abord, je vous prie d’excuser Yves Albarello, député de Seine-et-Marne, qui souhaitait prendre la parole ce soir, mais qui a été rappelé en circonscription.
L’examen du présent projet de loi est un rendez-vous important pour l’avenir du rail en France, mais également en Europe. Les précédentes allocutions ont bien montré que ce sont les enjeux européens qui, en définitive, sont au coeur du texte.
Le système ferroviaire français actuel accumule les dettes financières et perd des clients au profit de la route.
La réforme devrait avoir deux objectifs : premièrement, la performance opérationnelle au service de l’intérêt général, avec la maîtrise des coûts et la sécurité des réseaux ; deuxièmement, la qualité et la diversité des services ferroviaires qui sont proposés aux voyageurs ; troisièmement, l’adaptation aux futurs défis du rail français – l’Europe et la mise en concurrence.
C’est à ces trois conditions que notre système ferroviaire redeviendrait attractif et participerait activement au report modal. Malheureusement, ce n’est pas avec le projet de loi que nous propose le Gouvernement que nous atteindrons ces objectifs.
Bien sûr, ce projet de loi comporte bien quelques points forts : l’engagement de l’État dans la gouvernance du système ferroviaire ; la création du gestionnaire d’infrastructure unifié qui regroupera RFF, SNCF Infra et la direction des circulations ferroviaires pour devenir SNCF Réseau ; les économies et l’effet d’entraînement pour moderniser un système en crise financière.
Rappelons qu’avec la dette de RFF et celle de la SNCF, nous atteignons la somme colossale de 41 milliards d’euros fin 2013. Et, si rien n’est fait, elle s’élèvera à 80 milliards d’euros en 2025.
Le groupe UMP a d’ailleurs déposé un amendement pour que le Gouvernement remette un rapport au Parlement afin de l’informer des économies réalisées grâce à cette réforme. Votre projet de loi comporte aussi quelques faiblesses. Je citerai, notamment, la création de ce fameux EPIC de tête susceptible de rassembler les trois autres EPIC.
On peut se demander, et d’autres l’ont fait à cette tribune, ce qu’il restera du rôle de stratège de l’État, quelle forme prendra cette organisation et surtout comment ces multiples EPIC au sein de l’EPIC de tête pourront être compétitifs face aux concurrents européens alors que l’Europe met fin à ce genre d’EPIC et s’oriente vers des sociétés anonymes au sein desquelles l’État pourrait d’ailleurs jouer un rôle déterminant comme c’est le cas dans d’autres structures.
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires doit être renforcée. La gestion des gares de voyageurs doit être indépendante de SNCF Mobilités et transférée au gestionnaire d’infrastructure unifié pour garantir un accès non discriminatoire aux autres opérateurs. C’est également un élément très important d’ouverture à la concurrence et de préparation de l’avenir. Il y a aussi de grandes absences. En effet, il n’est pas prévu de renforcer le rôle des régions en tant qu’autorités organisatrices de transport s’agissant des réseaux express régionaux.
La loi devrait leur conférer tous les pouvoirs d’une autorité organisatrice de transport : propriété du matériel et des centres de maintenance, liberté tarifaire et libre choix de l’opérateur. La mise en conformité de la loi d’orientation sur les transports intérieurs de décembre 1982 avec le règlement européen relatif aux services publics est également un manque criant. Ce règlement aurait dû encadrer l’ouverture progressive à la concurrence d’ici à 2020 et donner aux autorités organisatrices de transport la liberté de choisir entre attribution directe à un opérateur interne ou attribution compétitive à un opérateur externe.
Une réforme bien menée aurait pu avoir des conséquences positives. Regardons ce qui s’est passé en Allemagne qui s’est engagée dès 1994 dans une réforme ferroviaire. Nous ne sommes pas dans ce cas. C’est ce qui est le plus frappant dans votre projet de loi. Les propos de l’orateur précédent m’ont beaucoup étonné. En effet, ce texte ne garantit pas l’avenir, car il vise à reconduire l’existant en essayant de verrouiller un système français dont on constate les limites au quotidien.
Je crois que vous avez raté le coche, monsieur le secrétaire d’État, et que vous êtes passé à côté de l’avenir !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je demande une suspension de séance, monsieur le président.
Discussion générale commune
La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.
La séance est reprise.
La parole est à M. le Secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, permettez-moi tout d’abord de remercier chacun et chacune des intervenants pour la qualité des débats. Ils n’en sont qu’à leur début, et la représentation nationale marque ainsi tout l’intérêt qu’elle porte à notre ambition ferroviaire.
Je l’avais dit lors de mon propos introductif, il est important de mesurer les enjeux auxquels se trouve confronté le système ferroviaire français, et non simplement l’opérateur historique. En effet, dans un certain nombre de secteurs, en particulier le fret, la SNCF n’est plus seule et de nouveaux opérateurs interviennent.
Je reviendrai sur l’absence de préparation de cette forme d’ouverture à la concurrence. Du moins cette expérience nous a-t-elle permis de ne pas tomber dans les erreurs ou les errements du passé ; de ce point de vue, vos interventions ont été riches d’enseignements, d’abord, sur ce que doit représenter ce texte.
Dans le contexte actuel, s’expriment un certain nombre d’inquiétudes ; nous les entendons et nous devons y répondre avec clarté. C’est l’enjeu de ce texte. Je l’ai qualifié de technique, il a cependant une dimension politique mais également économique et concerne l’ensemble de nos territoires.
Cinq thèmes principaux structurent le projet, et d’abord l’affirmation que le service public doit être renforcé et unifié.
Bon nombre d’entre vous ont marqué leur attachement au rôle du service public ferroviaire pour l’aménagement équilibré et l’égalité des territoires. Ce rôle doit être renforcé car force est de constater qu’avec l’organisation actuelle de ce service public, l’égalité des territoires n’est pas au rendez-vous.
Il faut mieux le piloter : l’État, la nation et ses représentants doivent non seulement s’inviter mais reprendre pleinement leur place dans ce débat sur cet enjeu stratégique.
L’État doit impulser. Vous avez mis en relief l’action des régions notamment financer le ferroviaire. Là encore, il nous faut tirer toutes les conséquences de cette importante évolution institutionnelle.
Nous souhaitons la création d’un groupe public industriel intégré, que j’ai appelé nouvelle SNCF. Je m’adresserai à l’un de mes prédécesseurs, sachant que tous n’ont pas la vision d’un modèle unique, une vision libérale amenant à s’aligner, peut-être même à anticiper une position de la Commission européenne, comme si l’enseignement des élections européennes d’il y a quelques semaines ne suffisait pas à faire comprendre que nous devons peser sur les débats européens.
Il n’y a pas de modèle unique, il n’y a pas un modèle séparatiste gage d’efficacité du ferroviaire. Le conservatisme n’est pas là où on l’a dit. Nous avons vu combien la séparation absolue des métiers et des responsabilités mise en place depuis un certain nombre d’années a été source d’errements du système ferroviaire, d’inefficacité et, parfois, lors d’événements dramatiques, d’absence de coordination.
Or ce que réclament nos concitoyens et les usagers, c’est l’efficacité, la régularité, la sécurité, la modernité. La puissance du groupe public industriel intégré doit nous permettre de renouer avec la clarté et la lisibilité dans l’organisation du ferroviaire.
Un thème a été évoqué par un certain nombre d’intervenants, nous y reviendrons demain lors de l’examen des articles, celui du pacte national, qui doit assurer l’avenir financier du service public.
Bien sûr, il ne s’agit pas ici de se renvoyer stérilement la responsabilité d’une situation extrêmement dégradée. Cet après-midi, le Premier ministre a souligné à quel point l’enjeu relevait de la responsabilité nationale. Si rien n’était fait alors que le secteur ferroviaire est lesté de 40 milliards de dette, nous en serions dans les dix ans à 80 milliards de dettes. Je ne vais pas chercher à savoir s’il s’agit de bonnes ou de mauvaises dettes. Ce que je sais simplement, c’est que, même si nous sommes d’accord sur le fait que c’est une dette d’État, cette dette a été en quelque sorte sanctuarisée à l’intérieur même du secteur ferroviaire et met en cause aujourd’hui sa pérennité.
Le problème n’est pas de savoir s’il fallait ou non engager des chantiers certes structurants, créateurs d’emploi, nous en sommes d’accord ; le keynésianisme désormais avoué de Dominique Bussereau,
Sourires
cette politique de la relance par les travaux et par la planification de l’État fait plaisir à entendre ! C’est une heureuse découverte.
Pour autant, lorsque l’État décide d’engager des travaux, encore faut-il qu’il n’en fasse pas peser le poids sur un système ferroviaire qui n’est pas à même d’y répondre.
Quatrième thème, la construction d’un cadre social commun. Je répondrai à André Chassaigne dans quelques minutes et la discussion qui nous occupera dans les prochains jours permettra de préciser la notre conception.
Nous ne sommes plus dans un système où la SNCF intervient seule. Il y a une vingtaine d’opérateurs dans le fret ferroviaire, et se pose aujourd’hui se pose la question du cadre social et, au-delà, celle de la possibilité pour chacun des intervenants d’être à armes égales face aux enjeux. L’opérateur historique ne peut pas être soumis à des règles pénalisantes, fort coûteuses même si elles sont aussi synonymes d’acquis sociaux, face à des opérateurs entrants qui ne seraient pas confrontés aux mêmes exigences.
Il faut donc traiter des deux aspects à la fois : La question de l’ouverture à la concurrence n’est pas taboue, mais il faut organiser cette concurrence à venir dans le respect des vertus du service public.
Qu’on me permette de citer les conclusions du rapport du Conseil économique et social relatif à l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs, en juillet 2012 – Je venais d’être nommé ministre des transports. Elles étaient claires. Le rapporteur précisait qu’une concertation devrait être auparavant engagée avec l’Association des régions de France et les régions elles-mêmes pour définir le calendrier et les modalités d’ouverture à la concurrence des TER et lancer assez rapidement les premières expérimentations, qui devraient ainsi pouvoir débuter début 2015.
Je n’aurai pas le manque d’élégance de rappeler qui était l’auteur de ce rapport. Il est aujourd’hui responsable d’une grande confédération syndicale qui n’a pas de mots assez durs pour critiquer ce projet de loi.
Pour autant, la démarche a le mérite de la clarté et de la sincérité et il ne s’agit pas ici de jouer de la caricature. Lorsque M. Le Paon parle de la concurrence,…
Sourires.
J’avais dit que je ne le citerai pas !
…il a le mérite de ne pas reculer et de ne pas refuser une réalité qui s’impose.
Pour autant, la démarche du Gouvernement n’est pas celle que suggérait ce rapport du Conseil économique et social, parce que nous avons eu le précédent de l’ouverture à la concurrence du fret. Dès que j’ai pris mes fonctions, je me suis refusé à suivre ces recommandations d’une ouverture même anticipée, même expérimentale à la concurrence, considérant que le secteur public n’y était pas préparé.
Le Gouvernement a tenu le même discours durant ces dix-huit mois de travaux préparatoires, le même devant la Commission européenne, considérant que le maintien du service public était un préalable et que, derrière cette notion de service public, il y avait nécessairement des obligations. Je l’ai indiqué à mon homologue italien, M. Lupi, qui présidera le Conseil des ministres européens et qui s’engageait à procéder à l’ouverture à la concurrence du système ferroviaire.
La France est forte de son secteur public, de son service public qui font partie de notre patrimoine national. Il faut leur donner force et robustesse pour qu’ils puissent ensuite se trouver à armes égales avec d’éventuels autres opérateurs.
C’est pour nous un préalable indispensable alors que d’autres, en d’autres temps, ont préféré ouvrir prématurément, expérimenter, anticiper. Je me souviens de certains propos qui m’étaient tenus lorsque nous parlions des prémices de cette réforme ferroviaire, de propos qui sont encore tenus et dont je vais démontrer le manque de pertinence. Cette réforme ne serait pas eurocompatible, faute de se plier au dogme du libéralisme et d’une ouverture à tous crins à une concurrence qui n’aurait pas comme rempart la réalité du service public.
Je l’ai indiqué au commissaire Siim Kallas et à mes homologues européens, l’organisation même du secteur ferroviaire ne doit pas se fonder sur un modèle unique, une organisation éclatée, séparatiste comme dogme absolu, une vision unique au niveau européen d’un mode d’organisation.
Notre secteur ferroviaire a son histoire, ses racines comme bon nombre d’entre vous l’avez rappelé. Il nous faut lui apporter les garanties nécessaires sur le fait que le périmètre même, l’organisation et les obligations de service public n’entraînent pas une privatisation des bénéfices et une nationalisation des déficits.
Il faut, au-delà, construire un cadre social commun et, en maintenant le statut des cheminots, unifier la famille cheminote. L’opérateur public historique ne doit pas avoir affaire à d’autres qui ne seraient pas soumis aux mêmes règles ni aux mêmes obligations que lui. Des règles disparates seraient en effet synonyme de concurrence déloyale.
Je remercie encore l’ensemble des orateurs pour la qualité de leurs interventions. Tous ont exprimé la responsabilité, à laquelle nous appelons tous. Il s’agit de porter un message d’avenir et, au terme de ce débat parlementaire, d’avoir construit un secteur ferroviaire public solide. Nous allons avec fierté ouvrir un débat riche et passionnant, qui se doit aussi d’être un message de confiance adressé aux Français et aux usagers. Ils en ont besoin. Comment aujourd’hui ne pas écouter les préoccupations des quatre millions de voyageurs, qu’évoquait Rémi Pauvros ? Et celles des deux cent mille cheminots, aujourd’hui soucieux, mais fiers aussi, André Chassaigne l’a dit, de cette tradition cheminote, de ces métiers qui ont tant apporté à la France, il nous faut également y répondre avec clarté.
Permettez-moi tout d’abord de revenir sur l’eurocompatibilité de la réforme, de façon que cette ombre, régulièrement agitée autour de ce texte, ne vienne pas polluer les débats des prochains jours. Bertrand Pancher et Dominique Bussereau, et d’autres encore, ont fait part de leur crainte sincère que la réforme que nous souhaitons ne soit de ce fait remise en cause demain. Cette sincérité nous engage, et je les en remercie, car cela guidera certainement les travaux du Parlement. Cette réforme en effet ne doit pas pouvoir être, au gré des alternances, remise en cause.
Nous souhaitons un secteur ferroviaire s’appuyant sur des fondations solides.
Je l’ai déjà dit ici, ceux qui espéreraient une forme d’incompatibilité avec les règles européennes en seront pour leurs frais. Le projet que je soumets à la représentation nationale est compatible avec le droit européen. Le Conseil d’État, qui s’est prononcé sur le texte, s’en est assuré.
Permettez-moi également de rapporter les termes du courrier que j’ai reçu en mai dernier du commissaire européen Kallas : il s’y félicitait « de l’attention portée à la compatibilité de la réforme avec le cadre européen » et de « la création – je cite – d’un gestionnaire d’infrastructures de plein exercice qui s’inscrit tout à fait dans la vision européenne visant à encourager la gestion optimale du réseau. »
Par ailleurs, alors que le quatrième paquet ferroviaire devait, disait-on à l’origine, marquer la séparation institutionnelle et empêcher toute réforme visant à un système intégré, nous faisons la démonstration, nous en avons quasiment convaincu le commissaire Siim Kallas, qu’il peut exister un système intégré, 100 % public, composé d’établissements publics, garantissant l’égalité d’accès, avec un régulateur répondant à l’exigence d’impartialité dans l’accès au réseau.
C’est la preuve que lorsque la France est forte de ses convictions, elle peut faire bouger les lignes, elle peut faire bouger l’Europe. C’est ce qui s’est produit. La France a joué un grand rôle dans cette évolution. Nous saurons démontrer à la Commission et à nos partenaires dont beaucoup, contrairement à ce que l’on pense, partagent nos points de vue, qu’il est possible de concilier organisation intégrée et impartialité dans l’accès au réseau.
Comme il a été fait état d’un contentieux qui opposerait l’Allemagne à la Cour de justice européenne, je me permets de rappeler que si un pays est aujourd’hui condamné par la Cour européenne de justice, c’est la France.
C’est en France qu’à une certaine époque, la DCF, la direction des circulations ferroviaires, a été rattachée à la SNCF. C’est le projet qu’avait défendu mon prédécesseur – il est dommage qu’il ne soit plus parmi nous à cet instant, car je prendrais plaisir à lui rappeler que c’est bien cette organisation-là que la Cour de justice européenne a condamnée. Ce n’est pas nous qui étions alors aux responsabilités. Mais maintenant soyons clairs : le rattachement de la DCF à SNCF Réseau permettra de mettre un terme à ce contentieux. C’est d’ailleurs pourquoi je souhaite que cette réforme soit soutenue par la majorité la plus large possible, cher André Chassaigne, une majorité qui englobe l’ensemble de l’hémicycle à ma gauche, et au-delà, car ainsi pourra être éteint ce contentieux.
M. Furst nous a reproché…
…de ne pas faire de réelles économies. Eh bien, parlons de la réalité financière. Je vais prendre quelques instants pour parler de la dette, sujet que plusieurs d’entre vous ont évoqué, notamment M. Faure, M. Pancher et M. Furst qui nous a dit, lui, que cette réforme ne permettrait ni d’optimiser ni de faire des économies.
Pour ma part, je crois dans les engagements pris à la fois par le président de RFF et le président de la SNCF qui, anticipant cette réforme, au moins dans ses projections, ont considéré que l’organisation que nous soumettons à votre vote – que je souhaite, je le redis, le plus large possible – conduirait, à l’horizon 2025, RFF à réaliser jusqu’à neuf cents millions d’économies et la SNCF jusqu’à un milliard. A cela, s’ajouteront cinq cents millions en provenance de l’État qui s’est engagé à ne pas percevoir de dividendes, et les économies intrinsèques que la nouvelle organisation du système permettra. Je n’ai pas aujourd’hui de raison de douter de ces engagements des deux présidents.
Ce que je sais en revanche, messieurs les rapporteurs, est que la représentation nationale devra être vigilante et que les rendez-vous prévus dans le texte pour qu’elle vérifie la stratégie et l’évolution de la dette constitueront un élément de contrôle supplémentaire. Ce suivi fera la robustesse du système.
Je le disais, il nous faut d’abord stabiliser le système ferroviaire. Certains considèrent qu’il faudrait effacer, comme par un coup d’éponge magique, les quarante-quatre milliards d’euros de dette – lesquels, dans dix ans, seront montés à quatre-vingts milliards –, alors même que le système n’aurait pas été ramené à l’équilibre et remis en ordre de marche, et que les contribuables pourraient en supporter le coût.
Au contraire, ce projet de loi propose une méthode. Tout d’abord, stabiliser cette dette, replacer le système ferroviaire sur des bases solides, lui donner la capacité de faire avec la réalité du financement des infrastructures et de la participation de la puissance publique, État et collectivités locales. Une fois l’endettement stabilisé, l’État pourra prendre la pleine mesure d’une reprise de dette. Comme pour un ménage en situation de surendettement, il ne sert à rien d’effacer ses dettes et les réalités financières qui s’imposent à lui si dans le même temps, on ne prend pas les mesures appropriées pour lui permettre de vivre correctement, d’optimiser ses ressources, de mieux gérer son budget et de s’assurer un avenir plus serein.
Par ailleurs, vous le savez, l’INSEE vient d’établir que sur les trente-sept milliards de la dette de RFF, environ dix milliards doivent être considérés comme de la dette publique au sens de Maastricht. Si l’État décidait à court terme de reprendre ces dix milliards, le déficit public en serait dégradé d’autant. Si à d’autres périodes il eût été plus aisé de l’assumer, la situation actuelle des finances publiques ne le permet guère.
Pour autant, le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de traiter cette question à moyen terme. Il proposera un amendement exigeant de l’État qu’il remette au Parlement un rapport sur l’évolution de la dette ferroviaire et les moyens d’y faire face. La création d’une « CADES ferroviaire », qu’Olivier Faure appelle de ses voeux, est une piste, parmi d’autres. Nul doute que le débat parlementaire permettra de répondre aux interrogations. Elles sont importantes, majeures même. Mais il y va de la crédibilité de la parole de l’État. Lorsqu’on a fait supporter au secteur ferroviaire des charges qui étaient de la responsabilité de l’État, il faut savoir, à un moment, sous le contrôle du Parlement, à la fois apporter de la stabilité à court terme et donner des perspectives à moyen terme pour la gestion de cette dette.
Plusieurs orateurs ont évoqué le rôle du régulateur. Je souhaiterais être précis sur ce point mais le débat à venir et les amendements qui seront présentés illustreront mieux mon propos. Le projet de loi élargit très sensiblement les missions de ce régulateur. Il lui en confie une nouvelle, directement liée à la mise en place du nouveau groupe public ferroviaire. Tout d’abord, le contrôle des règles d’impartialité de SNCF Réseau. L’ARAF pourra aussi s’opposer à la nomination ou à la cessation anticipée de fonctions du président du conseil d’administration. Elle sera également chargée de superviser, et ce n’est pas rien, que l’objectif de rétablissement des équilibres financiers est bien pris en compte. Dans cette perspective, elle examinera chaque année le projet de budget de SNCF Réseau.
Enfin, monsieur le président de la commission du développement durable, votre commission, avec ma pleine approbation, a prévu que l’ARAF donnerait un avis conforme, non seulement sur les péages mais aussi sur les redevances gare.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué le rôle des régions, notamment Alain Rousset et François-Michel Lambert ; à juste titre. D’ailleurs, le projet de loi réaffirme – ou affirme – ce qui est désormais une réalité institutionnelle du ferroviaire. Alain Rousset a très justement souligné l’importance des financements et des investissements consentis par les régions. Un certain nombre de demandes ont été formulées sur le sujet et il est vrai que puisque les régions participent de façon majeure au financement, aux investissements, et donc à l’organisation du ferroviaire français, il est légitime qu’elles soient présentes, aux côtés de l’État, dans les instances de gouvernance, aussi bien de SNCF Mobilités, du groupe de tête, que de SNCF Réseau, pour y faire entendre leurs préoccupations et faire que l’enjeu régional ne soit pas absent du pilotage du groupe ferroviaire.
S’agissant de la liberté tarifaire qui nous a conduits à un débat important en commission, j’y suis favorable. Cela doit, pour autant, être compatible avec des tarifs sociaux nationaux et aller de pair avec des transferts en ressources et en charges d’une partie des redevances d’accès que l’État paie actuellement pour le compte des régions. Nous devrons préciser ce point dans les débats. Il faut aller au plus loin dans la logique de clarification des rôles, y compris des relations financières entre l’État et les régions dans ce secteur. S’agissant du transfert de propriété du matériel roulant, là encore j’y serai favorable. Cela pourrait certes être réglé autrement que par la loi, mais autant que le débat parlementaire vienne acter cette réalité. Les régions qui financent l’acquisition du matériel roulant sont en droit d’en demander la pleine propriété ; encore faut-il que celle-ci ne puisse pas être considérée comme une forme d’anticipation à la libéralisation. Nous aurons également ce débat afin de pouvoir garantir les missions dont la SNCF conservera le monopole, ces prochaines années.
Il faut aussi une plus grande transparence des relations entre la SNCF et les régions. Cette question n’est pas récente. J’avais d’ailleurs eu le plaisir et l’honneur de faire figurer, dans la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, un article permettant de présenter plus clairement les comptes régionaux, et par là même les relations entre les régions et la SNCF et de sécuriser les liens financiers. S’agissant des gares, il faut accroître le rôle des régions dans les décisions d’investissement ; mais, encore une fois, le thème ayant été abordé en commission, l’occasion d’éclaircir les positions des différents groupes et du Gouvernement.
Cher André Chassaigne, vous vous êtes fait le porte-parole des interrogations exprimées par la rue et par deux syndicats, qui s’inquiètent de la réalité de l’intégration économique du groupe. Le projet de loi doit vous apporter des réponses, de même que les discussions de demain et les amendements qui seront présentés. Je l’ai toujours dit, devant les parlementaires comme devant les syndicalistes : ce texte doit être enrichi par des amendements, qu’ils soient issus du travail en commission et présentés par les rapporteurs ou qu’ils soient le fruit de discussions en séance publique. Nous y voici ! Le temps du dialogue est celui du débat parlementaire. Je sais, monsieur Chassaigne, que vous défendrez un certain nombre d’amendements sur l’intégration économique du groupe, de même que des députés d’autres groupes.
Ainsi la mise en place du contrat-cadre entre l’État et la SNCF pour assurer la cohérence et l’unité stratégique, industrielle et économique entre les deux contrats SNCF Réseau et SNCF Mobilités est bien prévue dans le projet : voilà la première garantie. Intégrer dans la loi le principe selon lequel le groupe remplit solidairement des missions de transport et de gestion des infrastructures ferroviaires est un deuxième engagement. Affirmer le caractère non séparable des établissements composant le groupe public ferroviaire est un troisième engagement clair, que la discussion parlementaire permettra d’affirmer. Centraliser au sein de l’EPIC de tête les fonctions support est un gage de sécurité attendu par un certain nombre de personnes – c’est le cas pour les ressources humaines, la communication, l’audit, le contrôle des risques ou encore la paye. Ces points pourront être précisés par décret.
Intégrer dans l’EPIC de tête les activités relatives à la sûreté et à la sécurité des personnes et des biens qui doivent pouvoir s’exercer au bénéfice de chacune des entités du groupe public ferroviaire est un autre engagement que j’ai pris. Nous assurerons également au sein de l’EPIC de tête une gestion des parcours professionnels. Vous y avez insisté, monsieur Chassaigne, et il est évident que, dans la loi encadrant le ferroviaire, il faut donner des perspectives à la famille cheminote et à chacun des métiers la possibilité de bénéficier de mobilités internes au groupe. Pour les métiers à forte composante systémique, il s’agira de faire en sorte, notamment pour la filière Transport-Mouvement, qu’il y ait une logique d’ensemble du secteur public ferroviaire. Voilà une garantie supplémentaire que le débat nous permettra d’apporter aux acteurs sociaux ! Permettre enfin l’intégration fiscale au niveau du groupe public ferroviaire et que le conseil de surveillance de la SNCF et les deux conseils d’administration du futur groupe soient composés d’un tiers de représentants de salariés, c’est une autre garantie encore.
Vous nous interrogez également, monsieur Chassaigne, sur la nécessité d’assurer une unité sociale en mettant en place un comité central d’entreprise. Vous défendrez, de même que Rémi Pauvros, des amendements dans cette perspective. J’ai entendu cette revendication, qui est partagée par toutes les organisations syndicales : non seulement par celles qui, craignant que la parole du Gouvernement ne soit trop fragile, se sont réfugiées dans la grève, mais également par celles qui, portées par une volonté progressiste, ont signé des accords dits de modernisation. De fait, la mise en place d’un comité central d’entreprise au niveau du groupe constituera une garantie supplémentaire. Nous assurerons également une gestion mutualisée des oeuvres sociales communes ; les modalités de cette gestion seront définies au niveau central et au niveau régional par décret, après concertation avec les organisations syndicales. Il est prévu de mettre en place une représentativité syndicale sur l’ensemble du périmètre du futur groupe public : encore une autre garantie. Mentionnons enfin, parmi les axes proposés, l’harmonisation des accords collectifs existants au sein de RFF et de la SNCF.
Nous sommes loin des noirs desseins que nous prête l’un de mes prédécesseurs qui ne demande qu’à remettre en cause l’architecture du ferroviaire que nous bâtissons aujourd’hui. Au contraire, nous souhaitons avoir un groupe public unifié, fort et capable de mener une démarche d’ensemble, en garantissant les valeurs du service public et un réel équilibre territorial. Je vous ai vu, monsieur Chassaigne, mimer d’un geste du poing le lien fort qui devrait exister entre les différents EPIC et l’EPIC mère. Nous partageons votre volonté, et faisons en sorte que ce service public solide, que nous construisons avec fierté, ne puisse être remis en cause au gré d’une éventuelle et malheureuse alternance. Je veux dire à ceux qui manifestent aujourd’hui que la plus grande des sécurités pour éviter que l’on ne revienne en arrière, une fois ce projet devenu loi, c’est de faire en sorte que d’autres ne puissent revenir sur ce que nous construisons. Il faut nous faire confiance et nous encourager dans notre volonté de doter la France d’un acteur ferroviaire puissant et moderne.
De nombreux thèmes ont été abordés au cours de la discussion générale. Je pourrais également revenir sur les logiques stratégiques, la manière de mieux organiser l’équilibre des territoires, la nécessité d’investir réellement dans les transports quotidiens, donner des assurances sur les modalités du financement des grands systèmes de transport – une de nos obsessions quotidiennes, cher président Duron. Après des choix qui ont pénalisé les territoires, après le constat accablant fait par l’École polytechnique de Lausanne sur l’état de nos infrastructures, tournons la page et assumons les engagements pris par Jean-Marc Ayrault et confirmés par Manuel Valls de renouveler les trains qui assurent l’équilibre du territoire et d’accompagner RFF dans son grand plan de modernisation des infrastructures de plus de 2,5 milliards d’euros.
Voilà le retour de l’État stratège ! La représentation nationale doit réaffirmer les choix et les priorités, propres à moderniser les transports en relevant le défi environnemental.
Pour cela, nous avons lancé les autoroutes ferroviaires. Il nous faut développer le report modal et faire de l’intermodalité une réponse aux enjeux de la société et de l’environnement. Il y va de l’avenir des infrastructures ferroviaires de notre pays, auxquelles nous devons apporter solidité, sécurité, fiabilité grâce à un mode de financement pérennisé et…
…dans le cadre d’un statut social garanti. Ainsi, dans le débat parlementaire, nous démontrerons collectivement notre capacité à répondre à ceux qui aujourd’hui s’interrogent, mais aussi aux territoires qui se mobilisent pour l’avenir de notre nation.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 18 juin, à zéro heure.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron