Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est partagé sur nombre de ces bancs : le système ferroviaire français est à bout de souffle. Alors que le réseau, qui a souffert d’un manque d’investissement, est vieillissant, la dette cumulée des deux établissements publics, RFF et SNCF, s’élève déjà à 40 milliards d’euros et continue malheureusement d’augmenter.
La réforme de 1997, qui a créé Réseau ferré de France, a complexifié le système sans le rendre plus performant. RFF est propriétaire du réseau, mais c’est SNCF Infra qui l’entretient pour son compte. Les intérêts des deux entreprises publiques sont souvent opposés, alors même que l’État n’a pas toujours assumé son rôle en matière de stratégie ferroviaire.
Aujourd’hui, ces dysfonctionnements pèsent sur la production, donc sur la qualité de service. Ils pénalisent les voyageurs et les chargeurs. Quel élu n’a pas rencontré des difficultés en tentant, pour faire avancer un projet, d’identifier le bon interlocuteur au sein d’un système ferroviaire parfois incompréhensible ?
Enfin, si l’ouverture à la concurrence du trafic de marchandises, en 2006, a permis à des opérateurs privés de prendre des parts de marché à l’opérateur historique, elle n’a malheureusement pas permis l’essor du fret ferroviaire, la route restant toujours plus compétitive.
Cette expérience nous prouve la nécessité de mieux préparer l’ouverture à la concurrence du trafic domestique de voyageurs.
Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur la nécessité de réformer le système. En 2011, les Assises du ferroviaire, que Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avions organisées, avaient d’ailleurs abouti à la même conclusion. À l’époque, nous avions mandaté nos services, en relation avec RFF et SNCF, pour élaborer un schéma de gouvernance à la française qui ne serait ni un système de séparation stricte, ni un retour à l’organisation d’avant 1997.
Pour une fois, mes chers collègues, ne faisons pas de politique politicienne, et tâchons d’être unis, comme savent l’être nos voisins allemands, afin de réformer le système ferroviaire dans l’intérêt de tous.
Je ne reviendrai pas sur le contenu du projet de loi, me contentant d’en rappeler les grands axes : renforcement du rôle de l’État ; création d’un groupe public ferroviaire composé de trois établissements publics industriels et commerciaux – un EPIC de tête, la SNCF, et deux EPIC « filles », SNCF Réseau et SNCF Mobilités – ; réunification du gestionnaire d’infrastructure, sous la dénomination de SNCF Réseau, qui regroupera l’actuel RFF, SNCF Infra et la DCF, la Direction des circulations ferroviaires, qui alloue les sillons ; création d’un cadre social harmonisé, applicable à tous les salariés des entreprises de la branche ferroviaire – le statut cheminot est maintenu, mais toutes les conditions d’emploi seront fixées par une convention collective de branche, ce qui me paraît positif – ; renforcement des pouvoirs du régulateur.
Je me réjouis de ce que les travaux de la commission du développement durable aient permis de corriger la copie du Gouvernement, en réintroduisant l’avis conforme de l’Agence de régulation des activités ferroviaires – ARAF – sur les redevances d’infrastructures, et en élargissant cet avis aux redevances d’utilisation des gares et installations de service.
En définitive, si, il y a deux ans, les électeurs avaient reconduit la majorité à laquelle j’appartenais, le projet que nous aurions présenté n’aurait peut-être pas été très différent.
Mais nous serions allés plus loin, car sur deux points majeurs, le Gouvernement s’est, une fois de plus, arrêté au milieu du gué.
C’est le cas, tout d’abord, du traitement de la dette du système. Non seulement la dette cumulée s’élève aujourd’hui à 40 milliards d’euros mais, si rien n’est fait, elle atteindra rapidement 50 milliards d’ici cinq ans. J’ai certes noté que les présidents de RFF et SNCF se sont engagés à faire des économies à hauteur d’environ 1 milliard d’euros. À l’heure où la majorité cherche à réaliser 50 milliards d’euros d’économies, il convient de saluer cette contribution à la stabilisation de la dette. Mais cet effort ne concerne que le flux ; que prévoit le Gouvernement s’agissant du stock de la dette ?
De même, le projet de loi reste insuffisant sur la question de l’ouverture à la concurrence. La Commission européenne a pourtant publié le 2 juin dernier ses propositions de recommandations au Conseil sur le programme national de réforme de la France, dans lesquelles, constante dans sa position, elle recommande de prendre des mesures pour ouvrir, avant 2019, le marché intérieur du transport de passagers à la concurrence.
C’est une évolution inéluctable, et plutôt que de pratiquer la politique de l’autruche en affirmant « que la concurrence n’est pas pour aujourd’hui », le Gouvernement ferait donc mieux de la préparer en amont. Je retiens d’ailleurs des propos tenus régulièrement par le président de la SNCF que celui-ci ne s’oppose pas à la concurrence dès lors qu’il dispose des moyens de s’y préparer.
Autrement dit, il faut donner de la visibilité à long terme aux acteurs du ferroviaire et tracer dès maintenant les évolutions qui interviendront dans les prochaines années.
Malgré ces deux réserves, qui ne sont pas négligeables, mes engagements passés me poussent aujourd’hui, par cohérence, à ne pas m’opposer à la première étape qui nous est proposée. À titre personnel, je voterai donc en faveur de ce texte, sauf si la discussion des articles devait conduire à en modifier le contenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)