Tout d’abord, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je veux rebondir sur ce qui vient d’être dit. Moi, je voudrais partir du concret, de la réalité, pas de discours idéologiques. Chers collègues, aucun gouvernement, même parmi ceux que vous souteniez, n’a su régler le problème. Ne sous-estimons donc pas le travail, dans un contexte de conflit social compliqué, peut-être hors sujet, ne sous-estimons pas le travail fait aujourd’hui par le secrétaire d’État aux transports. Cela permettrait à l’Assemblée nationale de travailler à la réforme d’une manière peut-être plus structurelle, et pas simplement politicienne.
Il faut que l’organisation de la SNCF change, bien sûr, parce que demain nous ne pourrons plus gagner de marchés à l’extérieur si nous ne jouons pas la réciprocité, parce que le modèle économique des régions, aujourd’hui, ne permet plus de soutenir la SNCF, les trains, comme c’est le cas depuis dix ans. Ce constat concerne plusieurs gouvernements. Ne sous-estimons donc pas les efforts de Frédéric Cuvillier dans ce domaine.
Je reviendrai sur des points critiques tout à l’heure mais, quelles que soient les remarques que nous, législateurs, acteurs de terrain, pouvons faire sur le modèle de la SNCF aujourd’hui, qu’il s’agisse de son absence de transparence, de la complexité de son organisation, notamment au niveau des infrastructures, et il faut revenir sur le modèle choisi, que ce soit sur l’acquisition du matériel – je rappelle que les régions françaises sont engagées pour quinze milliards d’euros, qu’elles représentent deux tiers de l’activité de la SNCF, que nous ne pourrions pas, aujourd’hui rénover le réseau secondaire, dont a parlé tout à l’heure Gilles Savary si elles ne faisaient pas l’avance à l’État d’un certain nombre de régénérations –, il faut qu’on aille au-delà. Il faut qu’on soit performants, il faut que nous puissions faire exister un modèle industriel nouveau. La SNCF est une entreprise, une entreprise publique, d’accord, mais c’est une entreprise industrielle. Il faut que la maintenance, l’organisation des rotations, le service au public soient gérés d’une manière transparente et efficace. Il faut que les frais de siège de la SNCF soient connus de tous, comme dans l’ensemble des délégations de service public. Je crois que Gilles Savary l’a exprimé avec beaucoup de pertinence : nous ne devrons pas, en 2019 ou en 2022, être obligé d’appliquer à toute vitesse, à la dernière minute, en urgence, les réglementations européennes.
Cela suppose, mes chers collègues, que nous puissions avoir un discours national à l’égard de ce service public national, pas simplement un discours de critique : « c’est pas suffisant », « ça va pas »… C’est une marche. Les régions françaises pensent que ce texte ne va pas assez loin, bien sûr, il ne va pas assez loin sur la transparence, sur leur représentation à l’intérieur des conseils d’administration ou des conseils de surveillance des EPIC, sur le rôle du Parlement, mais c’est un pas qu’il faut faire, qu’il faut faire ensemble. Ne pas pouvoir fixer ses tarifs, monsieur le secrétaire d’État, est un problème pour une région.
Et je ne peux pas accepter le chantage de Bercy qui nous menace : « Si vous voulez fixer les tarifs, eh bien, moi, je vous retire sous les pieds le tapis des aides aux tarifs sociaux, d’autant que nous les finançons largement. » Si nous nous engagions sur cette voie, il faudrait que nous n’intervenions absolument pas sur la modernisation de la régénération ferroviaire, puisque ce n’est pas de la compétence des régions. Voilà, les régions ne sont pas propriétaires des trains. Elles doivent financer 400 % des systèmes de maintenance. Il y a un effort à faire sur l’information des voyageurs, il y a la nécessité, pour les régions, d’obtenir une ressource fiscale pour rendre de nouveau dynamique le fait que les régions ont permis une augmentation de plus de 50 % de la fréquentation des TER, et, je rappelle, un engagement de quinze milliards d’euros, pour notre industrie, en faveur de la régénération du matériel.
Alors, demain, que se passera-t-il ? Demain, l’Europe nous imposera l’ouverture à la concurrence, qu’on le veuille ou non. Si nous n’assumons pas le vocabulaire, nous n’assumerons pas la préparation à cette chance. Ce serait de la lâcheté que de ne pas le faire, et ce alors même que tous les acteurs, y compris les acteurs syndicaux, sont parfaitement conscients du problème.
La meilleure façon d’agir, c’est – comme l’a fait la Deutsche Bundesbahn – de préparer cette ouverture à la concurrence.
J’espère que vous pourrez intervenir au niveau européen, monsieur le ministre, pour que les régions – mais aussi l’État, qui est devenu autorité organisatrice dans le cadre des liaisons nationales ou interrégionales – puissent choisir entre la régie, une structure administrative, ou une délégation de service public. Je pense qu’il y a un effort à faire dans ce domaine.
Le corps social a besoin de vérité. Le corps social a besoin de transparence. Sur un dossier tel que celui-ci, le corps politique a besoin d’être rassemblé.