Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 21h30
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi portant réforme ferroviaire est paradoxal. Sur le plan des principes hérités de la loi de 1997 séparant la SNCF et RFF, il semble mettre les choses en ordre avant une future mise en concurrence. En pratique, tout est fait pour limiter la concurrence ; il s’agit de créer le groupe public ferroviaire compatible avec le droit européen le plus intégré possible.

En 1997, la création de RFF a été bâclée, car la priorité était alors de sortir la dette de la SNCF des critères européens de comptabilité. Depuis dix-sept ans, les usagers et les salariés ont souffert d’un système ferroviaire qui marche mal. Le projet de loi présenté par Frédéric Cuvillier corrige cette malfaçon en constituant un véritable opérateur de réseau, public et cohérent. Depuis dix-sept ans, la dette ferroviaire de RFF s’est alourdie à cause du sous-financement systématique des plans d’investissement par les donneurs d’ordre. Ce projet de loi vise à responsabiliser les donneurs d’ordres, qui ne pourront plus se contenter de se débarrasser de la question du financement au détriment de RFF.

Cette responsabilisation supplémentaire des donneurs d’ordre va dans le bon sens, à condition, monsieur le ministre, qu’elle ne fasse pas prévaloir une logique malthusienne, dans laquelle le meilleur investissement serait l’absence d’investissement. La SNCF doit en effet dégager des moyens pour mieux entretenir son réseau, le sécuriser, le pérenniser et le développer. Nous voulons donc rester ambitieux pour le système ferroviaire : cela suppose de mobiliser des financements, mais aussi de traiter la question de la dette ferroviaire dont RFF a hérité et qui grossit au point d’être quasi impossible à rembourser.

Contrairement à l’Allemagne en 1997, la France n’a pas choisi l’option d’une nationalisation de la dette. À mon avis, elle aurait dû choisir cette voie. Les députés du Mouvement républicain citoyen ont déposé un amendement qui propose d’étudier rapidement cette piste. L’ensemble de la réforme peut en effet échouer, si l’on ne libère pas le futur groupe public unique de la dette ferroviaire.

Comme je le disais au début de mon intervention, ce projet de loi est paradoxal. Il témoigne en effet d’une certaine duplicité vis-à-vis du droit européen. Je comprends l’hostilité et les craintes des syndicats majoritaires de la SNCF ; je comprends donc que l’on défende l’idée d’un établissement unique, comme avant. Je comprends cette position, mais je ne la partage pas. Autant je suis partisan d’un bras de fer européen sur l’euro et l’austérité budgétaire, autant je crois que sur la question des transports, il faut savoir s’économiser. Nous prenons le parti de feindre de nous plier à l’impératif de concurrence, et de tout faire en pratique pour l’éviter : ce procédé me semble de bonne guerre pour repousser les vieilles lunes libérales de la concurrence libre et non faussée – qui seront sans doute passées de mode d’ici 2022.

Il ne faut pas oublier que dans les années à venir, les principaux concurrents ne seront pas les autres opérateurs ferroviaires, comme la Deutsche Bahn ou l’entreprise franco-italienne Thello, mais les modes alternatifs de transports. L’explosion du covoiturage et des voyages en bus à l’échelle nationale en témoigne. Monsieur le ministre, la nouvelle SNCF devra relever ces défis en étant très attentive aux besoins des usagers et des territoires. Grâce à la convention collective du ferroviaire, ce projet de loi nous protégera des opérateurs qui voudraient compresser les coûts en recourant au dumping social.

La politique ne se découpe pas en tranches, mais forme un tout : il me semble donc important d’ajouter un point. Mes chers collègues, libérer la nouvelle SNCF de la contrainte financière, c’est aussi lui permettre de prendre part à la mobilisation du foncier public – dont RFF et l’actuelle SNCF sont bien dotés. Ce thème m’est cher, tout comme à de nombreux députés sur ces bancs. Il faut en effet sortir notre pays de la crise du logement. C’est également ainsi que la nouvelle SNCF sera au rendez-vous du service public.

Pour conclure, monsieur le ministre, les députés du Mouvement républicain et citoyen voteront pour votre projet. Nous voulons encore l’améliorer au cours de la discussion parlementaire afin, en théorie, de tout faire pour nous conformer au droit européen de la concurrence, mais en pratique, de tout faire pour limiter au maximum cette concurrence en constituant un groupe public ferroviaire puissant.

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