Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 21h30
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Sans préjuger de la teneur et de la discussion des amendements, nous entamons l’examen de ce projet de réforme ferroviaire avec de nombreux doutes sur sa pertinence et avec le sentiment d’une certaine improvisation, alors même qu’il est prêt depuis plusieurs mois.

Nous voilà encore une fois devant une belle occasion manquée par le Gouvernement car, si une réforme est nécessaire, elle ne l’est pas sous cette forme.

Je ne m’attarderai pas sur la grève qui paralyse actuellement le pays, car ce serait lui donner trop d’importance. Le statut des cheminots est en effet complètement épargné. Si les syndicats avaient pris le temps de lire le texte, ils se rendraient sans doute compte eux-mêmes de leur propre inconscience.

Je retiendrai, en revanche, deux objections principales : premièrement, la raison d’être de cette réforme devrait être l’ouverture à la concurrence, à l’horizon 2019. Nous constatons chaque jour à quel point cette ouverture peut s’avérer salutaire, à condition qu’elle soit bien mise en oeuvre.

Il faut donc s’y préparer dès maintenant, ce que le texte ne fait pas suffisamment. Par exemple, l’équité et la non-discrimination ne faisaient même pas partie des objectifs mentionnés à l’article 1 du texte initial. Autre exemple : l’Autorité de régulation des activités ferroviaire, l’ARAF, avait perdu son avis conforme sur les redevances d’accès au réseau. Le renforcement de l’ARAF, autorité administrative indépendante, est pourtant indispensable, dans un contexte d’ouverture à la concurrence.

Pour les mêmes raisons, la séparation entre le gestionnaire de réseau et SNCF Mobilités doit être la plus étanche possible. Les dispositifs d’indépendance ou de lutte contre les conflits d’intérêts pour les membres des conseils d’administration sont, à ce titre, tout sauf annexes. Là encore, les exigences ne sont pas remplies et la question de l’eurocompatibilité du projet de loi est posée.

La Commission européenne souhaite, non pas contraindre la France, mais s’assurer de l’effectivité de la fin du monopole. C’est pourquoi n’y répondre qu’à moitié est une erreur.

S’agissant de l’Union européenne, une autre question se pose, à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 3 avril dernier, alors même que le projet de loi sacralise le statut d’EPIC. Je n’ai pas l’impression que le Gouvernement ait levé les doutes et les incertitudes, notamment financières, qui découlent de cet arrêt, dont les conséquences pourraient être lourdes.

Ma deuxième objection concerne précisément les finances et la dette colossale que connaît le système ferroviaire, qui s’élève à plus de 40 milliards d’euros. Je ne vois malheureusement pas dans ce texte les moyens nécessaires au désendettement, la simple stabilisation n’étant pas suffisante.

Malgré ces objections, je tiens à souligner le travail important qui a été fait en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Certains de mes amendements ont été adoptés ou satisfaits, et plusieurs évolutions sur les questions d’indépendance et sur les pouvoirs de l’ARAF ont permis de rendre ce projet de loi légèrement plus acceptable qu’il ne l’était initialement.

Cet esprit constructif est sans doute davantage à mettre au crédit du rapporteur qu’à celui du Gouvernement.

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