Intervention de Frédéric Cuvillier

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 21h30
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Discussion générale commune

Frédéric Cuvillier, secrétaire d’état :

…de ne pas faire de réelles économies. Eh bien, parlons de la réalité financière. Je vais prendre quelques instants pour parler de la dette, sujet que plusieurs d’entre vous ont évoqué, notamment M. Faure, M. Pancher et M. Furst qui nous a dit, lui, que cette réforme ne permettrait ni d’optimiser ni de faire des économies.

Pour ma part, je crois dans les engagements pris à la fois par le président de RFF et le président de la SNCF qui, anticipant cette réforme, au moins dans ses projections, ont considéré que l’organisation que nous soumettons à votre vote – que je souhaite, je le redis, le plus large possible – conduirait, à l’horizon 2025, RFF à réaliser jusqu’à neuf cents millions d’économies et la SNCF jusqu’à un milliard. A cela, s’ajouteront cinq cents millions en provenance de l’État qui s’est engagé à ne pas percevoir de dividendes, et les économies intrinsèques que la nouvelle organisation du système permettra. Je n’ai pas aujourd’hui de raison de douter de ces engagements des deux présidents.

Ce que je sais en revanche, messieurs les rapporteurs, est que la représentation nationale devra être vigilante et que les rendez-vous prévus dans le texte pour qu’elle vérifie la stratégie et l’évolution de la dette constitueront un élément de contrôle supplémentaire. Ce suivi fera la robustesse du système.

Je le disais, il nous faut d’abord stabiliser le système ferroviaire. Certains considèrent qu’il faudrait effacer, comme par un coup d’éponge magique, les quarante-quatre milliards d’euros de dette – lesquels, dans dix ans, seront montés à quatre-vingts milliards –, alors même que le système n’aurait pas été ramené à l’équilibre et remis en ordre de marche, et que les contribuables pourraient en supporter le coût.

Au contraire, ce projet de loi propose une méthode. Tout d’abord, stabiliser cette dette, replacer le système ferroviaire sur des bases solides, lui donner la capacité de faire avec la réalité du financement des infrastructures et de la participation de la puissance publique, État et collectivités locales. Une fois l’endettement stabilisé, l’État pourra prendre la pleine mesure d’une reprise de dette. Comme pour un ménage en situation de surendettement, il ne sert à rien d’effacer ses dettes et les réalités financières qui s’imposent à lui si dans le même temps, on ne prend pas les mesures appropriées pour lui permettre de vivre correctement, d’optimiser ses ressources, de mieux gérer son budget et de s’assurer un avenir plus serein.

Par ailleurs, vous le savez, l’INSEE vient d’établir que sur les trente-sept milliards de la dette de RFF, environ dix milliards doivent être considérés comme de la dette publique au sens de Maastricht. Si l’État décidait à court terme de reprendre ces dix milliards, le déficit public en serait dégradé d’autant. Si à d’autres périodes il eût été plus aisé de l’assumer, la situation actuelle des finances publiques ne le permet guère.

Pour autant, le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de traiter cette question à moyen terme. Il proposera un amendement exigeant de l’État qu’il remette au Parlement un rapport sur l’évolution de la dette ferroviaire et les moyens d’y faire face. La création d’une « CADES ferroviaire », qu’Olivier Faure appelle de ses voeux, est une piste, parmi d’autres. Nul doute que le débat parlementaire permettra de répondre aux interrogations. Elles sont importantes, majeures même. Mais il y va de la crédibilité de la parole de l’État. Lorsqu’on a fait supporter au secteur ferroviaire des charges qui étaient de la responsabilité de l’État, il faut savoir, à un moment, sous le contrôle du Parlement, à la fois apporter de la stabilité à court terme et donner des perspectives à moyen terme pour la gestion de cette dette.

Plusieurs orateurs ont évoqué le rôle du régulateur. Je souhaiterais être précis sur ce point mais le débat à venir et les amendements qui seront présentés illustreront mieux mon propos. Le projet de loi élargit très sensiblement les missions de ce régulateur. Il lui en confie une nouvelle, directement liée à la mise en place du nouveau groupe public ferroviaire. Tout d’abord, le contrôle des règles d’impartialité de SNCF Réseau. L’ARAF pourra aussi s’opposer à la nomination ou à la cessation anticipée de fonctions du président du conseil d’administration. Elle sera également chargée de superviser, et ce n’est pas rien, que l’objectif de rétablissement des équilibres financiers est bien pris en compte. Dans cette perspective, elle examinera chaque année le projet de budget de SNCF Réseau.

Enfin, monsieur le président de la commission du développement durable, votre commission, avec ma pleine approbation, a prévu que l’ARAF donnerait un avis conforme, non seulement sur les péages mais aussi sur les redevances gare.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le rôle des régions, notamment Alain Rousset et François-Michel Lambert ; à juste titre. D’ailleurs, le projet de loi réaffirme – ou affirme – ce qui est désormais une réalité institutionnelle du ferroviaire. Alain Rousset a très justement souligné l’importance des financements et des investissements consentis par les régions. Un certain nombre de demandes ont été formulées sur le sujet et il est vrai que puisque les régions participent de façon majeure au financement, aux investissements, et donc à l’organisation du ferroviaire français, il est légitime qu’elles soient présentes, aux côtés de l’État, dans les instances de gouvernance, aussi bien de SNCF Mobilités, du groupe de tête, que de SNCF Réseau, pour y faire entendre leurs préoccupations et faire que l’enjeu régional ne soit pas absent du pilotage du groupe ferroviaire.

S’agissant de la liberté tarifaire qui nous a conduits à un débat important en commission, j’y suis favorable. Cela doit, pour autant, être compatible avec des tarifs sociaux nationaux et aller de pair avec des transferts en ressources et en charges d’une partie des redevances d’accès que l’État paie actuellement pour le compte des régions. Nous devrons préciser ce point dans les débats. Il faut aller au plus loin dans la logique de clarification des rôles, y compris des relations financières entre l’État et les régions dans ce secteur. S’agissant du transfert de propriété du matériel roulant, là encore j’y serai favorable. Cela pourrait certes être réglé autrement que par la loi, mais autant que le débat parlementaire vienne acter cette réalité. Les régions qui financent l’acquisition du matériel roulant sont en droit d’en demander la pleine propriété ; encore faut-il que celle-ci ne puisse pas être considérée comme une forme d’anticipation à la libéralisation. Nous aurons également ce débat afin de pouvoir garantir les missions dont la SNCF conservera le monopole, ces prochaines années.

Il faut aussi une plus grande transparence des relations entre la SNCF et les régions. Cette question n’est pas récente. J’avais d’ailleurs eu le plaisir et l’honneur de faire figurer, dans la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, un article permettant de présenter plus clairement les comptes régionaux, et par là même les relations entre les régions et la SNCF et de sécuriser les liens financiers. S’agissant des gares, il faut accroître le rôle des régions dans les décisions d’investissement ; mais, encore une fois, le thème ayant été abordé en commission, l’occasion d’éclaircir les positions des différents groupes et du Gouvernement.

Cher André Chassaigne, vous vous êtes fait le porte-parole des interrogations exprimées par la rue et par deux syndicats, qui s’inquiètent de la réalité de l’intégration économique du groupe. Le projet de loi doit vous apporter des réponses, de même que les discussions de demain et les amendements qui seront présentés. Je l’ai toujours dit, devant les parlementaires comme devant les syndicalistes : ce texte doit être enrichi par des amendements, qu’ils soient issus du travail en commission et présentés par les rapporteurs ou qu’ils soient le fruit de discussions en séance publique. Nous y voici ! Le temps du dialogue est celui du débat parlementaire. Je sais, monsieur Chassaigne, que vous défendrez un certain nombre d’amendements sur l’intégration économique du groupe, de même que des députés d’autres groupes.

Ainsi la mise en place du contrat-cadre entre l’État et la SNCF pour assurer la cohérence et l’unité stratégique, industrielle et économique entre les deux contrats SNCF Réseau et SNCF Mobilités est bien prévue dans le projet : voilà la première garantie. Intégrer dans la loi le principe selon lequel le groupe remplit solidairement des missions de transport et de gestion des infrastructures ferroviaires est un deuxième engagement. Affirmer le caractère non séparable des établissements composant le groupe public ferroviaire est un troisième engagement clair, que la discussion parlementaire permettra d’affirmer. Centraliser au sein de l’EPIC de tête les fonctions support est un gage de sécurité attendu par un certain nombre de personnes – c’est le cas pour les ressources humaines, la communication, l’audit, le contrôle des risques ou encore la paye. Ces points pourront être précisés par décret.

Intégrer dans l’EPIC de tête les activités relatives à la sûreté et à la sécurité des personnes et des biens qui doivent pouvoir s’exercer au bénéfice de chacune des entités du groupe public ferroviaire est un autre engagement que j’ai pris. Nous assurerons également au sein de l’EPIC de tête une gestion des parcours professionnels. Vous y avez insisté, monsieur Chassaigne, et il est évident que, dans la loi encadrant le ferroviaire, il faut donner des perspectives à la famille cheminote et à chacun des métiers la possibilité de bénéficier de mobilités internes au groupe. Pour les métiers à forte composante systémique, il s’agira de faire en sorte, notamment pour la filière Transport-Mouvement, qu’il y ait une logique d’ensemble du secteur public ferroviaire. Voilà une garantie supplémentaire que le débat nous permettra d’apporter aux acteurs sociaux ! Permettre enfin l’intégration fiscale au niveau du groupe public ferroviaire et que le conseil de surveillance de la SNCF et les deux conseils d’administration du futur groupe soient composés d’un tiers de représentants de salariés, c’est une autre garantie encore.

Vous nous interrogez également, monsieur Chassaigne, sur la nécessité d’assurer une unité sociale en mettant en place un comité central d’entreprise. Vous défendrez, de même que Rémi Pauvros, des amendements dans cette perspective. J’ai entendu cette revendication, qui est partagée par toutes les organisations syndicales : non seulement par celles qui, craignant que la parole du Gouvernement ne soit trop fragile, se sont réfugiées dans la grève, mais également par celles qui, portées par une volonté progressiste, ont signé des accords dits de modernisation. De fait, la mise en place d’un comité central d’entreprise au niveau du groupe constituera une garantie supplémentaire. Nous assurerons également une gestion mutualisée des oeuvres sociales communes ; les modalités de cette gestion seront définies au niveau central et au niveau régional par décret, après concertation avec les organisations syndicales. Il est prévu de mettre en place une représentativité syndicale sur l’ensemble du périmètre du futur groupe public : encore une autre garantie. Mentionnons enfin, parmi les axes proposés, l’harmonisation des accords collectifs existants au sein de RFF et de la SNCF.

Nous sommes loin des noirs desseins que nous prête l’un de mes prédécesseurs qui ne demande qu’à remettre en cause l’architecture du ferroviaire que nous bâtissons aujourd’hui. Au contraire, nous souhaitons avoir un groupe public unifié, fort et capable de mener une démarche d’ensemble, en garantissant les valeurs du service public et un réel équilibre territorial. Je vous ai vu, monsieur Chassaigne, mimer d’un geste du poing le lien fort qui devrait exister entre les différents EPIC et l’EPIC mère. Nous partageons votre volonté, et faisons en sorte que ce service public solide, que nous construisons avec fierté, ne puisse être remis en cause au gré d’une éventuelle et malheureuse alternance. Je veux dire à ceux qui manifestent aujourd’hui que la plus grande des sécurités pour éviter que l’on ne revienne en arrière, une fois ce projet devenu loi, c’est de faire en sorte que d’autres ne puissent revenir sur ce que nous construisons. Il faut nous faire confiance et nous encourager dans notre volonté de doter la France d’un acteur ferroviaire puissant et moderne.

De nombreux thèmes ont été abordés au cours de la discussion générale. Je pourrais également revenir sur les logiques stratégiques, la manière de mieux organiser l’équilibre des territoires, la nécessité d’investir réellement dans les transports quotidiens, donner des assurances sur les modalités du financement des grands systèmes de transport – une de nos obsessions quotidiennes, cher président Duron. Après des choix qui ont pénalisé les territoires, après le constat accablant fait par l’École polytechnique de Lausanne sur l’état de nos infrastructures, tournons la page et assumons les engagements pris par Jean-Marc Ayrault et confirmés par Manuel Valls de renouveler les trains qui assurent l’équilibre du territoire et d’accompagner RFF dans son grand plan de modernisation des infrastructures de plus de 2,5 milliards d’euros.

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