Intervention de Vira Nanivska

Réunion du 4 juin 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Vira Nanivska, présidente du Centre ukrainien des perspectives politiques :

Je vous suis très reconnaissante de m'avoir invitée à prendre la parole en ces lieux. Évidemment, l'événement numéro un en Ukraine est Euromaïdan qui a brisé toutes les attentes russes et provoqué une déchirure entre la société civile et le Gouvernement. Les idées au nom desquelles les Ukrainiens sont descendus dans la rue – les valeurs démocratiques – font presque sourire en Europe occidentale. Pour elles, pourtant, les Ukrainiens acceptent de mourir. Les Européens ont sans doute oublié les sacrifices qui leur furent nécessaires tout au long de l'histoire pour aboutir à l'Union européenne, construction très fragile, mais qui revêt une très grande importance pour tous les peuples qui l'entourent, une importance que je qualifierais de matérielle.

Ainsi sommes-nous prêts à tout abandonner pour la suprématie de la loi, à savoir l'absence de corruption. Notre centre a conduit une étude révélant que 73 % de la population de l'est de l'Ukraine plaçait la lutte contre la corruption au premier plan, contre 63 % à l' échelle nationale. Chaque fonctionnaire doit agir en fonction de la loi et non du pouvoir dont il dispose.

Maïdan continue à vivre, à influer sur le Gouvernement afin que le système change. Nous ne sommes peut-être pas tout à fait conscients de ce que veut dire « changer de système », mais tout le monde comprend ce que signifie « ne pas changer de système ». Si la position de rejet est bien affirmée, la position constructive n'est pas encore bien définie et dépendra de notre capacité à apprendre des Européens. Aussi l'euroscepticisme, qui considère que l' Union européenne a vécu, mais aussi la propagande russe, selon laquelle les valeurs européennes n'existent plus, n'ont-ils plus de sens pour nous, car nous savons que ces valeurs sont éternelles, que l'Union européenne était la première à les défendre – et nous sommes bien décidés à reprendre le flambeau.

Comment est-il possible que, dans l'espace post-soviétique, l'Ukraine ait pu se retrouver dans cette situation ? Nous étions en tous points semblables à la Russie et aux autres pays dans les années 1990 : nous avons subi une thérapie de choc fort peu efficace, car il n'y a pas eu de développement institutionnel à même de jeter les bases d'un nouveau système politique et économique susceptible d'organiser démocratiquement l'économie de marché. Comme tous les autres pays, l' Ukraine s'est retrouvée dans le chaos libéral, mais chaque pays a adopté une voie différente. Il était impossible en Russie de gérer ce libéralisme débridé sans institutions fortes : il ne lui restait donc qu'à restaurer ses institutions autoritaires et totalitaires. La Biélorussie et le Kazakhstan lui ont emboîté le pas. L' Ukraine, elle, s'obstine à prôner la démocratie.

Pour nous, la déstalinisation du pouvoir d'État, des organes d'État, des organes de gestion de l'économie sont l'objet d'études détaillées pour la réalisation desquelles il nous faut coopérer avec l'Union européenne. Le partenariat oriental, dans ce contexte, apparaît très important. En effet, en dehors du fait que certains pays sont revenus en arrière, même si d'autres, comme l'Ukraine, ont connu, depuis, deux, voire trois révolutions, le travail de désoviétisation entamé au début des années 1990 reste inachevé. C'est pourquoi l'on ne saurait se limiter à l'organisation d'élections : il convient de construire un pouvoir exécutif et un pouvoir législatif démocratiques.

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