Intervention de Volodymyr Viatrovitch

Réunion du 4 juin 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Volodymyr Viatrovitch, historien et directeur de l'Institut national de mémoire :

En tant qu'historien, j'évoquerai surtout le passé – le passé qui détermine l'avenir. Le mouvement de Maïdan a été la troisième tentative des Ukrainiens de dire adieu au passé totalitaire, la première ayant été la grève de la faim des étudiants au début des années 1990, qui a conduit à l'indépendance, la deuxième la Révolution orange de 2004. Nous avons atteint aujourd'hui un point de non-retour dans la condamnation du communisme. En effet, jusqu'à présent, les communistes étaient restés dans les rouages du pouvoir et bloquaient le processus de désoviétisation.

Pendant les vingt-trois années qui ont suivi l'indépendance, l'opposition a pu remporter toutes les élections sauf les législatives de 2002. Le système politique était donc relativement ouvert jusqu'à ce que le pouvoir essaie de le verrouiller, provoquant la Révolution orange en 2004 et Maïdan récemment. La décommunisation est un mouvement de fond en Ukraine alors que, avec Poutine, la Russie revient aux symboles et aux pratiques soviétiques.

La tentative de resoviétisation de l'Ukraine par le président Ianoukovitch, en matière culturelle et de gestion de l'État, par le biais, notamment, de la censure, d'emprisonnements pour raisons politiques, a conduit à Maïdan. La révolte a été provoquée par la violence exercée contre les étudiants qui protestaient pacifiquement et par les snipers qui ont tiré sur les manifestants. Dès lors, tout a basculé. Dans de nombreuses villes, on a enfin mis bas les statues de Lénine, symboles de cette fausse idéologie.

Le renversement de Ianoukovitch a signé l'échec de sa tentative de resoviétiser le pays, hormis dans le Donbass où les habitants ont conservé des éléments d'identité soviétique : c'est là qu'étaient envoyés ceux que le système réprimait, et cette région – où règne encore l'industrie à la soviétique – est en pleine dépression économique. Ceux qui sympathisent avec l'idéologie poutinienne ne sont pas les pro-Russes ni les russophones d'Ukraine, mais les homo sovieticus nourris par la propagande russe qui, d'anti-Maïdan est devenue de plus en plus anti-ukrainienne, anti-européenne, anti-occidentale, anti-libérale. On note par conséquent un décalage : les partisans de Poutine en Ukraine ne rêvent pas de la Russie actuelle, mais de l'URSS passée, cependant que le reste de l'Ukraine entend tirer un trait définitif sur ce passé totalitaire et écrire un nouveau chapitre de son histoire.

Poutine voit que cette démocratie ukrainienne efficace, qui réussit, pourrait constituer une entrave pour ses plans ambitieux de restauration de l'empire, plans qui menacent non seulement l'Ukraine, mais également l'Europe – ce pour quoi nous devons agir ensemble.

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