Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que nous avons l’honneur, Christian Eckert et moi-même, de vous présenter est la première étape – j’ai coutume de dire l’« acte I » – de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République et le Premier ministre.
Ce pacte de responsabilité répond à une exigence, qui est d’accélérer le rythme de la reprise, et il s’appuie sur un triple constat : la France a d’abord besoin de retrouver sa compétitivité car lorsqu’un pays souffre, comme le nôtre, d’un déficit commercial chronique, c’est d’abord la production qu’il faut soutenir. La France a aussi besoin que nous allégions la pression fiscale et sociale, notamment celle qui pèse sur les ménages aux revenus modestes. La France a enfin besoin, et c’est une évidence, de poursuivre sa politique d’assainissement budgétaire et financier pour stabiliser puis résorber le stock de dette et les déficits qui nous ont été laissés.
Compétitivité, pouvoir d’achat et maîtrise de nos comptes publics : voilà les trois enjeux du pacte de responsabilité et de solidarité, et ils correspondent chacun à une nécessité profonde et, me semble-t-il, à une volonté largement partagée par nos concitoyens.
L’annonce du pacte de responsabilité et de solidarité a créé une attente dans notre pays : l’enjeu aujourd’hui est d’être au rendez-vous de cette attente. Au rendez-vous des nouvelles marges de manoeuvre dont nos entreprises ont besoin pour embaucher et investir. Au rendez-vous du pouvoir d’achat pour les ménages aux revenus proches du SMIC, dont l’impôt et les cotisations seront allégés. Et puis, mesdames et messieurs les députés – et parce que chaque budget implique de faire des choix – nous devons être aussi au rendez-vous des économies budgétaires qui permettent de financer ces mesures de soutien à l’activité dans le respect de nos objectifs de redressement.
Le Chef de l’État et le Gouvernement se sont engagés devant vous à ce que les premières mesures de ce pacte entrent en vigueur le plus rapidement possible. Dans un contexte de reprise de l’activité, c’est la clé de notre réussite.
Les acteurs économiques ont besoin de mesures immédiates, mais ils ont aussi besoin de visibilité pour sortir du climat d’incertitude où les ont plongés six années où la croissance a été en moyenne égale à zéro, six années ponctuées par certaines phases de récession destructrices. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a donné à ce collectif budgétaire une perspective à horizon 2017, tout en y inscrivant l’ensemble des mesures de baisse de cotisations ou d’impôts applicables en 2014 mais aussi en 2015.
Ce choix permettra d’appliquer en priorité les mesures les plus favorables à la croissance et à l’investissement, avec pour objectif de peser de toutes nos forces en faveur de la reprise économique au moment où elle se dessine partout en Europe. Les entreprises bénéficieront ainsi d’un ensemble d’allégements pour leur permettre de retrouver des marges pour embaucher, innover et investir.
C’est ainsi que 4,5 milliards d’euros seront d’abord consacrés à l’allégement des cotisations patronales entre 1 et 1,6 SMIC. C’est l’objectif « zéro charge URSSAF au niveau du SMIC », mesure fortement créatrice d’emploi qui sera mise en oeuvre dès le 1er janvier 2015. Ensuite, 4,5 milliards d’euros viendront alléger les cotisations patronales entre 1,6 et 3,5 SMIC à partir de 2016, mesure qui bénéficiera particulièrement aux entreprises industrielles et exportatrices. Enfin, 1 milliard d’euros de baisses de charges sont proposés en faveur des indépendants dont le revenu est inférieur à 3 SMIC.
Ce soutien à l’investissement et à l’innovation se poursuivra dans les années à venir, avec la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, à horizon 2017, avec, dès 2015, une première phase d’abattement, et la diminution progressive du taux d’impôt sur la société.
La contribution exceptionnelle sera ainsi supprimée en 2016, ouvrant la voie à une diminution du taux normal à partir de 2017, jusqu’à 28 % à horizon 2020. Parmi toutes ces mesures, le Gouvernement vous propose de mettre en oeuvre dès 2015 celles qui sont dans l’immédiat les plus créatrices d’emplois et les plus favorables aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.
Cette mise en oeuvre progressive permettra de concilier visibilité et suivi, par la représentation nationale et par le Gouvernement, de la bonne mise en oeuvre des contreparties attendues des entreprises, avec ce que d’aucuns ont appelé des « réunions de chantier » annuelles. Au niveau de chaque branche, au sein de chaque comité d’entreprise, les partenaires sociaux seront de leur côté en charge d’assurer le suivi de l’utilisation des marges de manoeuvre ainsi accordées aux entreprises.
Cette stratégie est cohérente. Elle se situe dans le prolongement du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui se déploie en ce moment même : les premières entreprises concernées ont déjà bénéficié de 7 milliards d’euros de baisse de leur impôt sur les bénéfices. D’ici à la fin de l’année, ce chiffre représentera 12 milliards d’euros au total : c’est dire l’engagement qui est le nôtre en faveur des entreprises, c’est-à-dire des salariés et des entrepreneurs de notre pays – je dis bien « salariés et entrepreneurs » parce que je n’oppose pas les entreprises et ceux qui y travaillent, de même que je n’oppose pas les entreprises et les ménages.
Le pouvoir d’achat des ménages fait en effet partie intégrante du pacte de responsabilité et de solidarité, d’abord parce que restaurer la compétitivité de nos entreprises et leur permettre de créer plus d’emplois, c’est donner durablement du pouvoir d’achat aux ménages ; ensuite parce que nous voulons que les ménages, qui ont pris toute leur part de l’effort d’assainissement de nos comptes publics depuis 2011, notamment ceux qui ont des revenus modestes, voient leurs efforts fiscaux et sociaux atténués. Je pense en particulier – mais pas seulement – aux effets du gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui a conduit à faire entrer dans l’impôt des personnes dont les revenus pouvaient être modestes et ne progressaient pas ou très peu. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose d’alléger les prélèvements pesant sur les ménages : 2,5 milliards d’euros d’allégement de cotisations vous seront ainsi proposés dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour les salariés payés entre 1 et 1,3 SMIC, soit un gain de 500 euros par an pour un salarié au SMIC.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit, pour sa part, une mesure d’allégement de l’impôt sur le revenu, et ce dès l’automne 2014. Cette mesure, qui a fait l’objet de concertations, concernera 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million ne verseront rien au Trésor public en septembre. Elle consiste, vous le savez, en une réduction d’impôt de 350 euros – 700 euros pour un couple – et allégera l’imposition de ces ménages d’environ 1,16 milliard d’euros en 2014. C’est une première mesure, dont le principe sera pérennisé dans le projet de loi de finances pour 2015 afin de permettre une baisse de l’impôt sur le revenu des Français aux revenus modestes ou moyens.
Le Gouvernement assume totalement cette priorité donnée aux revenus modestes et aux classes moyennes. J’insiste sur le terme de « classes moyennes » car, quand je parle des 3,7 millions de foyers se situant dans le bas du barème de l’impôt sur le revenu, c’est de la classe moyenne que je parle. Quand je propose de faire sortir 1,9 million de ménages du barème de ce même impôt, c’est encore une fois de la classe moyenne que je parle : c’est elle qui profitera de cette mesure. Il en va de même pour la baisse des cotisations des indépendants ou pour celles des salariés gagnant moins de 1 500 euros nets par mois.
Je n’oppose pas des catégories de Français, et je suis conscient de l’effort qui a été consenti par tous les Français. Mais l’urgence, me semble-t-il, n’est pas de diluer nos moyens dans un allégement qui profiterait un tout petit peu à beaucoup : l’urgence consiste à agir d’abord en faveur de ceux qui ont le plus souffert de ce qui restera comme la plus longue crise de l’après-guerre – je pense non seulement à ceux qui ont besoin d’un emploi, mais aussi à tous ceux qui, malgré leurs revenus modestes, ont dû contribuer à l’effort de redressement.
C’est au nom de cette même exigence que nous avons souhaité exempter les personnes aux revenus les plus faibles du report d’un an de la revalorisation des prestations sociales. Les retraites de base des retraités gagnant moins de 1 200 euros et les minima sociaux resteront revalorisés en fonction de l’inflation, et le revenu de solidarité activité, le RSA, sera revalorisé de 2 % au-delà de l’inflation comme prévu par le plan pauvreté.
L’effort doit être d’autant plus juste et équilibré qu’il est nécessaire et qu’il en va de l’avenir de tous les Français. Car, au fond, qui a le plus à perdre à la dégradation de nos finances publiques ? Qui en paiera les conséquences ? Ce sont évidemment ceux qui ont le plus besoin de la puissance publique : les classes moyennes et les ménages aux revenus modestes. La réalisation du plan d’économies qui vous est proposé est donc indispensable : indispensable pour poursuivre l’assainissement de nos finances publiques et permettre ainsi la réduction de la dette ; indispensable pour assurer la pérennité de notre modèle social, dont la vocation est de bénéficier à tous les Français ; indispensable aussi pour soutenir les entreprises – et donc l’emploi – et pour alléger la charge fiscale pesant sur les ménages moyens et modestes, contribuant ainsi à leur rendre du pouvoir d’achat pour consommer et financer leurs projets.
Je sais qu’il existe des craintes sur l’impact de ces économies sur la croissance. Mais elles sont accompagnées par un ensemble de mesures tant fiscales et sociales, avec le pacte que je viens de vous présenter, que monétaires, avec les récentes annonces de la Banque centrale européenne et une inflation historiquement basse, qui contribueront à soutenir le pouvoir d’achat et la demande.
Avec un taux de dépense publique supérieur à 57 % de la richesse nationale, il est possible de réaliser des économies sans remettre en cause la qualité du service public. Ces économies seront faites par l’ensemble des administrations, à proportion de leur poids dans la dépense publique ; mais chacun peut constater que l’État y prend depuis deux ans toute sa part. Ce collectif budgétaire en est la preuve et les débats que nous aurons à l’automne pour le budget de l’année prochaine permettront de le confirmer.
Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l’esprit et les grands axes du projet de loi de finances rectificative qui vous est proposé aujourd’hui. Il constitue la première étape, et cette première étape est décisive parce qu’elle conditionne l’application immédiate des principales mesures capables d’aider la reprise économique. C’est ce qui a guidé le Gouvernement dans la préparation de ce texte ; c’est l’objectif qui structure toute sa politique économique et sociale depuis deux ans ; c’est la condition du retour de la confiance dans notre pays.
« Établir un budget, c’est faire un choix », disait Pierre Mendès France à cette même tribune, il y a soixante ans jour pour jour, dans son discours de politique générale. Le choix que nous vous proposons aujourd’hui, c’est celui de la cohérence et de la continuité, parce que c’est dans la cohérence et dans la continuité que se jouent la solidité et, en fin de compte, la réussite de notre politique économique.