Cependant, après l'élection présidentielle et le changement de gouvernement en mai 2002, ce texte a été profondément modifié par les nouveaux ministres de la santé et de la recherche, M. Mattei et Mme Haigneré, qui, dans la suite de l'examen parlementaire, ont déposé ou accepté des amendements qui l'ont dénaturé et ont prohibé ces recherches, ne les admettant qu'à titre exceptionnel et dérogatoire.
Ce principe général d'interdiction est maintenu dans la nouvelle loi de bioéthique du 7 juillet 2011 à l'article 41. Cette interdiction de principe, même assortie de dérogations éventuelles, est préjudiciable aux malades, qui aspirent à voir les recherches progresser et développer de nouvelles thérapeutiques susceptibles de leur apporter des chances de guérison. Entraver ainsi la recherche, c'est pénaliser les patients.
C'est aussi, évidemment, handicaper nos chercheurs en leur imposant des obstacles, alors que ces recherches sont menées activement dans nombre d'autres pays de l'Union européenne ainsi qu'aux États-Unis, en Russie, en Chine et au Japon. Les chercheurs français, soumis à un régime de dérogations accordées avec une certaine parcimonie, risquent d'être distancés dans la compétition scientifique internationale.
En fait, la position arrêtée initialement par M. Mattei et maintenue ensuite par M. Bertrand et M. Wauquiez est sans doute inspirée par des convictions spirituelles, tout à fait respectables, mais elle omet l'article 1er de la Constitution, qui rappelle que la France est une République laïque. La loi ne peut privilégier telle conviction philosophique ou religieuse par rapport à telle autre, au risque d'imposer une vision estimable, mais particulière, à l'ensemble de la société.
En effet, dans un État laïque, on ne peut confondre article de foi et article de loi. Pour sa part, en février 2001, le Président Jacques Chirac, attentif à cet impératif de laïcité, avait publiquement approuvé l'autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires proposée par le gouvernement de cohabitation dirigé par Lionel Jospin.
Pourtant, nous en sommes toujours au régime de l'interdiction de ces recherches, dix ans après le vote de l'Assemblée nationale du 22 janvier 2002, qui avait approuvé un projet de loi de bioéthique posant leur autorisation en principe, vote qui rassemblait la gauche et, je le rappelais, les principaux dirigeants de la droite, dont M. Sarkozy et M. Fillon.
Que de temps perdu, au préjudice des chercheurs et, surtout, des malades en attente de thérapies nouvelles. Le rôle de l'État n'est pas d'entraver la science biomédicale par une législation inappropriée et obsolète. Nous demandons donc au nouveau gouvernement d'agir sans tarder pour modifier cette législation afin que la recherche cesse d'être la recherche du temps perdu.