Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du 23 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, voilà enfin un collectif budgétaire ! Gilles Carrez l’a dit, il était temps ! Un collectif budgétaire n’est pas un exercice inutile : il permet de remettre les pendules à l’heure, ce qui est évidemment nécessaire dans ce monde incertain, sur le plan économique comme sur le plan financier. Alors que le gouvernement précédent s’y était refusé l’année dernière, le gouvernement actuel a déposé un collectif au milieu de cette année : tant mieux.

Ce texte mérite cependant d’être renvoyé en commission, pour de nombreuses raisons. J’en ai sélectionné quelques-unes ; j’en ai probablement oublié d’autres, mais vous en ajouterez si vous le voulez. Il faut rectifier un certain nombre de dispositions, en préciser d’autres, et éclaircir quelques éléments. Il faut également, probablement, que le Gouvernement s’engage un peu plus. Enfin, il faut approfondir deux ou trois autres points. Tout cela nécessite un renvoi du texte à notre excellente commission des finances.

Tout d’abord, il convient de rectifier le cadrage macroéconomique de ce collectif budgétaire. D’autres orateurs et oratrices l’ont expliqué avant moi : le taux de croissance de 1 % prévu par le collectif, que vous n’avez pas révisé, n’est pas tout à fait hors d’atteinte, mais presque. J’admets qu’un peu de volontarisme est nécessaire lorsqu’on est au Gouvernement, mais la croissance du premier trimestre et probablement celle du second semestre empêcheront d’atteindre cet objectif de 1 %. Peut-être aurait-il fallu faire preuve d’un peu de prudence dans ce collectif, et prévoir ce phénomène dès maintenant plutôt que d’avoir à le constater en fin de parcours. Le Haut conseil des finances publiques indique d’ailleurs assez clairement que cette prévision de croissance, extrêmement importante pour construire les équilibres du collectif, est extraordinairement fragile.

Deuxième élément de fragilité : l’évolution de la masse salariale. Cette donnée est surtout importante dans le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, où elle conditionne de nombreuses mesures. Contrairement à ce que pense le Gouvernement, la trajectoire d’évolution de la masse salariale prévue par ce collectif, puissamment optimiste, ne sera pas atteinte.

Les prévisions d’inflation, fixées à 1,2 % pour 2014, sont probablement trop élevées. Bien que de telles prévisions facilitent les choses, vous auriez dû les revoir.

Dans le même temps, les prévisions de recettes sont certainement surévaluées. Elles l’étaient d’ailleurs déjà en 2013, puisqu’on a constaté un décalage colossal de 15 milliards d’euros entre vos prévisions et la réalisation effective. En 2014, on observe une nouvelle fois un décalage de 5 milliards d’euros entre vos prévisions et l’exécution à mi-parcours : ce montant, partagé entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, est très important. D’ailleurs, vous ne procédez qu’à un ajustement partiel en dépenses, puisque vous prévoyez un effort supplémentaire de 3,4 milliards d’euros de baisse des dépenses à comparer aux 5 milliards de manque à gagner en recettes : ce n’est évidemment pas suffisant. Au sein de ces 3,4 milliards d’euros d’économies supplémentaires, un peu moins de 2 milliards correspondent à un simple constat – je pense en particulier à la charge de la dette.

En dehors de ces rectifications qui nécessitent, me semble-t-il, un nouvel examen du texte par la commission des finances, vous devez préciser un certain nombre de points. Je pense notamment aux questions de déficit, qui se trouvent au coeur de notre combat.

En 2013, le déficit a dérapé de manière extrêmement importante, puisqu’il a été supérieur de 12,6 milliards d’euros à votre prévision. Ce constat pose une vraie question quant à la crédibilité des textes que vous nous soumettez, alors que la situation économique actuelle n’est pas comparable à celle que nous avons connue il y a quelques années – elle est certes compliquée, mais elle n’a rien à voir avec celle que la France a connue en 2009 et 2010.

À l’instar de Charles de Courson, je déplore la faiblesse des efforts que vous réalisez pour réduire le déficit budgétaire. Vous dites toujours que vos efforts sont « sans précédent ». C’est une formule que le Gouvernement affectionne : au-delà des ministres en charge des questions économiques et financières, tous les membres du Gouvernement affirment que leurs mesures sont « sans précédent ».

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