Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du 23 juin 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth :

Vous gelez et surgelez sans arrêt. Très sincèrement, je ne crois pas que ce soit la bonne manière de s’attaquer aux déficits publics aujourd’hui. Vous le savez bien : la seule solution consiste à procéder à des réformes structurelles, sur l’assurance maladie par exemple. D’ailleurs, il y a plein de propositions dans vos cartons et dans les tiroirs des bureaux de vos ministères, mais vous prenez garde de ne pas les sortir, car ces réformes seraient socialement beaucoup plus compliquées à mener qu’une simple réforme des collectivités territoriales.

La contrepartie de cette faible réduction des déficits est évidemment l’augmentation de la dette. Celle-ci s’est accrue de 84 milliards d’euros supplémentaires en 2013, et nous allons passer le cap de 2 000 milliards d’euros de dette en France. Vous affirmez sans arrêt que M. Sarkozy a augmenté la dette d’une façon absolument scandaleuse. Pourtant, M. Hollande augmente la dette au même rythme que M. Sarkozy, mais sans crise – c’est-à-dire, probablement, par immobilisme. En un an et demi, entre la mi-2012 et la fin de l’année 2013, l’augmentation de la dette française a suivi le même rythme que lors du quinquennat de M. Sarkozy.

Quant à l’augmentation des impôts, elle est désastreuse, sur le plan psychologique comme sur le plan budgétaire, puisqu’elle rapporte deux fois moins que prévu. Il y a donc là matière, me semble-t-il, à retourner en commission des finances pour préciser tous ces éléments budgétaires.

Ce « sans précédent » doit faire l’objet de comparaisons. Le Haut Conseil des finances publiques affirme que nous sommes les mauvais élèves de la classe européenne. Quand on regarde ce que font nos partenaires, tant en matière de réduction des dépenses publiques que de diminution des déficits et de la dette, on s’aperçoit que tous les pays de la zone euro vont plus vite que nous. On ne peut donc pas parler d’un effort historique de la France pour tendre vers l’équilibre des finances publiques : ce n’est pas vrai ! Le rythme de la zone euro est plus rapide que celui que suit aujourd’hui le gouvernement français.

Il convient d’éclaircir les dispositions de ce texte relatives aux baisses d’impôts. On l’a dit à plusieurs reprises : le retour de vacances sera douloureux. En dehors des diminutions d’impôts prévues par ce collectif, l’augmentation de l’impôt sur le revenu est estimée entre 3,5 et 4 milliards d’euros, en raison de la baisse du quotient familial et d’autres mesures qui ont déjà été évoquées, et sur lesquelles je ne reviendrai pas – sans parler de la TVA ! À la fin de l’été, les ménages subiront donc une augmentation très forte des impôts : leur réveil sera extrêmement douloureux.

Vous essayez de réduire l’intensité de la douleur que vous avez vous-mêmes provoquée. Il est d’ailleurs assez curieux d’entendre le nouveau Premier ministre affirmer le contraire de son prédécesseur. M. Valls déclare sans arrêt que trop d’impôt tue l’impôt, devant M. Ayrault qui a fortement augmenté les impôts.

Dans cette affaire, on observe une sorte de bricolage permanent, auquel nous nous sommes d’ailleurs également livrés : on n’arrive pas à stabiliser la loi fiscale. Vous engagez des diminutions d’impôts, à hauteur de 350 euros pour une personne seule et de 700 euros pour un couple, sur les revenus inférieurs à 1,13 fois le SMIC. Tout cela est extrêmement compliqué. En deux ans, sans changement particulier de la situation économique, on ne peut pas modifier sans arrêt les dispositions fiscales. Vous avez augmenté fortement les impôts, mais vous disposez de suffisamment d’experts dans les ministères que vous dirigez pour avoir mesuré les conséquences de vos actes. Au bout de deux ans, vous changez la législation fiscale et vous réduisez les impôts au motif qu’ils tuent la croissance : vous pouviez vous en apercevoir il y a deux ans !

Ces changements posent un vrai problème pour l’avenir du pays : ils nuisent par principe à la confiance et empêchent toute mise en perspective. Pour assurer la croissance, les acteurs économiques ont besoin d’une vision claire de leurs perspectives. En l’occurrence, cette vision n’est pas juste puisque vos mesures fiscales ne s’appliquent qu’à 3,5 millions de personnes. Et les autres ? Monsieur Sapin, ce sont les classes moyennes qui devraient constituer la vraie cible du Gouvernement.

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