Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 9 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Écologie développement et aménagement durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la prévention des risques et la conduite et le pilotage des politiques de l'énergie, du développement durable et de la mer :

Monsieur le président, madame la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, mes chers collègues, les crédits que je vais rapporter devant vous appellent des observations positives et d'autres qui le sont moins.

Les crédits destinés à la conduite et au pilotage des politiques d'écologie connaissent une baisse importante en autorisations d'engagement – moins 8 %, à 2,49 milliards d'euros. Je suis, comme d'autres, attaché à la défense d'une politique publique plus rigoureuse et plus attentive à la dépense publique, et à la nécessité d'économies pour une rigueur assumée. Je vois donc d'un bon oeil que le gouvernement actuel poursuive une politique de réduction des dépenses et, pour parler clair, de réduction des effectifs dans vos domaines de compétence, madame la ministre et monsieur le ministre délégué.

Concrètement, cela se traduit par un chiffre très significatif, celui du non-remplacement de huit fonctionnaires sur dix partant à la retraite. Ce choix, qui me paraît justifié, ne pourra évidemment pas être répété durant des décennies. Il répond toutefois à une contrainte et relativise les hauts cris que l'on a parfois entendus en provenance de vos bancs lorsque vous étiez dans l'opposition, critiquant le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Au fond, vous êtes courageux et je vous en félicite.

La seule critique que l'on puisse vous faire, c'est de ne pas assumer davantage la politique dont vous avez fait le choix. Quitte à avoir le courage de ne pas remplacer huit fonctionnaires sur dix, autant le dire. Pourquoi le cacher ? La politique, y compris quand il s'agit de fonctions support, est affaire de pédagogie. Que vous mettiez cette politique en oeuvre par vertu ou par contrainte, je regrette que vous n'assumiez pas plus ouvertement, que vous ne partagiez pas davantage avec nos concitoyens, avec vos collaborateurs, ce qui constitue aujourd'hui une nécessité de l'action publique. Le Gouvernement a déclaré faire de l'écologie l'une de ses priorités, ce dont je me félicite. Il serait bon, à mon sens, de faire valoir que la mise en oeuvre d'une politique dans un domaine jugé essentiel peut aller de pair avec le non-remplacement de huit fonctionnaires sur dix.

Je m'interroge, en premier lieu, sur une question de forme. L'une des missions importantes du ministère de l'écologie est celle de l'expertise. Notre pays est aujourd'hui engagé dans des débats importants et difficiles portant notamment sur les choix à faire en matière de politique d'infrastructure et de mobilité, des choix essentiels dans le cadre de la définition du schéma national des infrastructures de transport, le SNIT. Le ministre du budget me fait parfois trop d'honneur ces temps-ci en rappelant à tout propos ce que j'ai déclaré naguère au sujet du projet du SNIT, à savoir que ce projet, tel qu'il existait il y a quelques mois, n'était ni raisonnable ni soutenable financièrement. Ce que je disais en tant que rapporteur spécial dans la majorité, je continue à le dire en tant que rapporteur spécial dans l'opposition.

Sur ce point, j'approuve le choix que vous avez fait – et qu'un gouvernement d'une autre couleur aurait dû faire également – de poursuivre une démarche que personne, au demeurant, n'estimait achevée. Cela étant, monsieur le ministre délégué, si j'ai bien compris que vous engagiez une démarche relative à un « schéma national de mobilité durable », j'appelle votre attention sur le fait que l'expression « schéma national des infrastructures de transport » figure dans la loi. Par conséquent, il serait bon, lorsque la commission chargée d'élaborer le nouveau schéma présentera ses propositions – je rappelle que, bien qu'ayant un rôle à jouer dans ce domaine en vertu du Grenelle de l'environnement, le Parlement ne votera pas à ce sujet –, qu'il soit bien question du « schéma national des infrastructures de transport ». Dans ce domaine comme dans d'autres – je pense notamment aux gaz de schiste, que j'aurai également l'occasion d'évoquer –, il vaut toujours mieux respecter la loi, en l'occurrence celle issue du Grenelle de l'environnement, qui ne vous donne plus la liberté de désigner ce schéma comme vous l'entendez.

Le plus important est la question de l'expertise qui va conduire à la conclusion du schéma. Le Gouvernement devra s'attacher à montrer à la représentation nationale, aux partenaires économiques et aux Français, d'une part, tout ce qui relève de l'analyse technique et dont nous ne manquons pas, qu'il s'agisse des audits, des études, des travaux du conseil général de l'environnement et du développement durable ou encore des travaux que vous avez demandés au commissariat général à l'investissement, et, d'autre part, tout ce qui relève de l'arbitrage politique. S'il n'est pas anormal que l'autorité politique décide autre chose que ce que l'expert propose, il est nécessaire, pour la clarté du débat, que chacun soit parfaitement informé. L'arbitrage oui, l'arbitraire non, pourrait-on dire. Sur ce point, la représentation nationale devra se montrer très attentive à la manière dont les choix seront faits.

Au sujet des gaz de schiste, je précise que je n'ai pas voté la proposition de loi soumise au Parlement sous la législature précédente. J'estimais, et j'estime encore, que ce débat est mené dans des conditions non respectueuses du principe de précaution. J'ai voté la réforme de la Constitution ayant conduit à l'instauration du principe de précaution, et j'ai toujours gardé à l'esprit qu'il est introduit par deux critères majeurs : d'une part, l'évaluation préalable, d'autre part, la proportionnalité dans la réponse. Or, pas davantage aujourd'hui qu'hier, il ne semble y avoir une grande exigence sur ces deux points.

Si je n'ai pas voté cette loi, je ne la considère pas moins comme la loi de la République, puisqu'elle a été adoptée. Je regrette donc, madame la ministre, que vous ayez fait le choix de ne pas l'appliquer, en ne mettant pas en place la commission compétente, en vertu de cette loi, s'agissant d'un certain nombre de questions.

En ce qui concerne le rapport Gallois, vous avez clairement fermé la porte, dans le domaine de l'énergie, aux propositions portant sur les gaz de schiste et le nucléaire. Certes, je ne pense pas qu'il faille dire oui d'emblée aux gaz de schiste. J'ai eu l'occasion d'exposer dans les régions, auprès d'interlocuteurs sensibilisés à cette question, une analyse qui me paraît raisonnable. Tout d'abord, il me semble que la question a été mal engagée. Par ailleurs, le code minier n'est pas adapté, dans la mesure où il répond de façon insatisfaisante à certaines questions, qu'il s'agisse du faible retour financier à l'État et aux collectivités locales dans l'hypothèse où une exploitation serait autorisée, ou des procédures de concertation, inacceptables dans le monde d'aujourd'hui – il est simplement prévu une information des collectivités locales, alors que l'on s'attendrait, en 2012, à ce qu'une concertation soit organisée.

Il est tout aussi clair que, tant que les explorateurs et les producteurs ne seront pas capables d'apporter des garanties sur les conséquences environnementales, on ne doit pas laisser faire. Et de ce point de vue, la réponse pratique apportée par le gouvernement d'hier et par celui d'aujourd'hui a jusqu'à présent été la bonne.

Mais peut-être viendra-t-il un jour où les acteurs pourront démontrer que l'exploration et la production peuvent se faire dans des conditions satisfaisantes pour l'environnement : il ne faut jamais jurer « jamais », et c'est ce que préconisait le rapport Gallois. Malheureusement, le Gouvernement a choisi de s'enferrer dans la contrainte politicienne dans laquelle il s'était laissé prendre – si tant est qu'il y ait eu contrainte : vous faites souvent appel aux engagements de campagne pour justifier de vos obligations. Or s'il est un sujet sur lequel le candidat Hollande était resté relativement prudent – et je lui en rends acte –, c'était bien celui-là… Pour une fois que vous n'étiez pas contrainte par un engagement, voilà que vous en rajoutez… Avouez que c'est un peu désolant !

L'expertise dans ces domaines est essentielle. Vous avez décidé d'engager une réforme en constituant un centre d'expertise pour les risques environnementaux, la mobilité et l'aménagement – le CEREMA. C'est une réforme considérable : elle touchera des milliers d'agents. Certes, les enjeux sont importants, en termes d'amélioration et de rationalisation de l'expertise au sein de votre ministère. Mais j'insiste sur l'extrême sensibilité de cette question : on ne reconvertit pas aussi facilement des experts de l'équipement et de l'aménagement en experts du risque et de l'environnement. Il est vrai que les enjeux, les sujets ont évolué. Il vous faudra tout à la fois maîtriser les coûts – et tant qu'à faire, réaliser des économies – assumer véritablement cette part d'expertise de votre mission et la décision politique qui vient avec.

Venons-en au deuxième programme : le programme 181 « Prévention des risques ». Autant je peux partager la diminution des crédits sur la conduite et le pilotage des politiques d'écologie, autant je m'étonne qu'en cette fin 2012 vous ayez fait le choix de réduire les autorisations d'engagement de 10 % – 370 millions d'euros ! – et les crédits de paiement de 7 %.

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