Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 25 juin 2014 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Je vous remercie à mon tour pour cet excellent rapport, très complet, sur les cultures scientifiques, techniques et industrielles. Les soixante-dix-neuf recommandations qu'il présente ont des ambitions très diverses qui concernent un nombre très important de domaines, de l'éducation aux médias en passant par les entreprises et la gestion des universités. Le groupe écologiste se retrouve dans un certain nombre d'entre elles, notamment celles concernant la formation des formateurs recrutés dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, la formation continue des enseignants, la généralisation des travaux pratiques encadrés en classe terminale, l'organisation dans les établissements primaires et secondaires de débats sur le modèle des conférences de citoyens et les nombreuses recommandations qui prônent la reconnaissance de l'informatique comme matière à part entière, en particulier le soutien aux logiciels libres, mentionné en page 45, ou encore la systématisation des enseignements interdisciplinaires.

De manière plus générale, nous nous retrouvons toutefois dans l'analyse de François Jarraud qui critique dans le Café pédagogique la volonté de redessiner toute l'éducation nationale sous cette seule perspective. La lecture du rapport donne en effet l'impression que très peu est fait dans l'éducation nationale en faveur des projets de sciences et de technologie alors que de nombreuses initiatives existent déjà et que les CSTI font partie intégrante d'un des cinq piliers du futur socle de connaissances, de compétences et de culture. Et d'ailleurs, le rapport donne parfois l'impression que le législateur veut se substituer au Conseil supérieur des programmes, et plus largement, aux éducateurs, en entrant trop dans le détail des programmes scolaires.

Le rapport prétend intervenir dans des pans entiers de la société, que ce soit l'école, de la maternelle à l'université, en passant par les établissements d'enseignement supérieur fréquentés par les décideurs – il serait, d'ailleurs, très intéressant de connaître la liste de ces établissements pour pouvoir y inscrire nos enfants –, sans oublier le monde de l'entreprise.

Nous reconnaissons vraiment l'intérêt de recenser les bonnes pratiques, qu'elles soient françaises ou étrangères, mais nous nous interrogeons sur la logique des recommandations adressées aux acteurs. Ne serait-il pas préférable de favoriser les initiatives locales dans une logique de « bottom up », plutôt que d'édicter d'en haut une liste de grands principes et de recommandations ? À titre d'exemple, le collège de la Mine au Molay-Littry dans le Calvados organise régulièrement un festival de la culture scientifique et technique, avec un concours pour les élèves des classes du collège, mais ce succès vient d'une initiative de l'équipe pédagogique et n'est pas reproduit à plus grande échelle dans l'académie.

Pour réellement encourager les bonnes pratiques, ne vaudrait-il pas mieux accroître la liberté d'action des intervenants et revoir les financements, comme par exemple, augmenter les budgets de soutien aux initiatives, sortir de la logique d'appel à projets qui favorisent les plus grosses structures, etc.? Et ne vaudrait-il pas mieux soutenir les réformes déjà initiées pour pouvoir ensuite en faire un bilan en vue de leur potentielle amélioration ? Globalement, encourageons plus largement l'expérimentation tout en ayant ensuite un retour, une évaluation, afin de diffuser les bonnes pratiques nationalement, voire au-delà !

Il est également crucial d'ouvrir plus largement l'éducation à l'usage des logiciels libres – cela est évoqué dans le rapport – car aujourd'hui, Microsoft a une stratégie d'infiltration très bien rôdée, et les enseignants sont trop souvent ses meilleurs agents commerciaux par manque d'alternative officielle, alors que le logiciel libre, qui restera utilisable par les élèves au-delà de leur parcours scolaire, devrait être une évidence.

Par ailleurs, nous avons toujours reconnu le rôle de la science pour éclairer les débats de société. L'environnement ou l'énergie constituent d'excellents exemples de l'apport des scientifiques pour éclairer la décision publique et démocratique. Il faut donc que les citoyens puissent s'emparer des résultats de la recherche, comprendre la teneur des grands débats qui animent la science ; cela passe, comme vous l'avez mentionné dans votre introduction, par le partage de la culture scientifique. En effet, les scandales à répétition, notamment dans l'agro-alimentaire ou dans l'industrie pharmaceutique, ont jeté un discrédit sur le discours scientifique. Si nous souhaitons des débats apaisés, nous devons favoriser l'implication des citoyens au coeur de la culture scientifique, technique et industrielle. C'est d'ailleurs le travail mené par l'Alliance Science-Société qui organise un grand colloque sur le sujet au Sénat en janvier prochain ; c'est aussi la mission sur les sciences citoyennes qui a été confiée à Marc Lipinski par le président du CNRS.

Il faudrait aussi, et ce point n'est pas évoqué dans votre rapport, favoriser les universités populaires dont le succès montre l'engouement des citoyens pour l'éducation tout au long de la vie, et le dialogue avec les chercheurs.

Nous regrettons, enfin, que ce rapport ne parle pas de l'indispensable revalorisation du doctorat et, plus largement, de la recherche publique et de l'université qui a été si malmenée ces dernières années.

Pour conclure, plutôt qu'une longue liste de recommandations, nous aurions préféré que le rapport insiste davantage sur quelques mesures qui peuvent avoir un véritable effet « levier », comme celles que j'ai évoquées précédemment – logique de bottom up dans le soutien aux bonnes pratiques, développement de la science participative ou revalorisation véritable de la recherche publique et soutien à la refondation de l'école pour qu'elle puisse aller jusqu'au bout en réformant réellement le contenu des enseignements.

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