C’est parce que ces mesures ont pour finalité l’emploi que le Gouvernement a adopté une méthode. D’abord, la trajectoire de réduction des prélèvements a été définie sur trois ans, pour donner aux entreprises la perspective et la confiance nécessaires pour investir et embaucher. Ensuite, l’évaluation sera primordiale : nous déciderons chaque année de mettre l’étape suivante en oeuvre. Nous le ferons au regard des résultats qui auront été constatés, parce que, qu’elle soit bonne ou mauvaise, aucune appréciation a priori ne vaudra jamais le retour d’expérience. Je sais que la majorité est particulièrement attachée à ce principe, comme en témoigne d’ailleurs la mission d’information sur le CICE de la Conférence des présidents, créée à l’initiative du président de l’Assemblée Claude Bartolone. Le choix du Gouvernement est donc bien celui de la compétitivité et en aucun cas celui de la rente, que nous avons fortement mise à contribution depuis 2012 pour rétablir nos comptes publics.
Il est utile de rappeler ce que nous avons fait depuis 2012. D’abord, nous avons travaillé à rétablir la progressivité des prélèvements sur les personnes, pour réduire les niches : c’est notamment la soumission au barème progressif de l’impôt sur le revenu des dividendes, intérêts et plus-values mobilières, mais aussi la réforme de l’ISF ou encore le plafonnement des niches fiscales. Ensuite, nous avons rééquilibré les prélèvements sur les entreprises. Pour préserver l’investissement et l’emploi, ce sont les niches des grandes entreprises que nous avons corrigées : c’est pourquoi nous avons décidé en 2013 la limitation de la déductibilité des charges financières et la suppression de la subvention fiscale des opérations sur titres de participation plus connue sous le nom de niche Copé.
Depuis 2012, nous avons aussi privilégié les PME dans chaque décision. L’élargissement du crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation des PME, la réforme du PEA pour favoriser les PME et les ETI, le renforcement du dispositif des jeunes entreprises innovantes sont des mesures emblématiques de notre volonté, qui n’est pas nouvelle, de favoriser l’investissement productif, de soutenir l’activité et de dissuader la rente, les avantages acquis, le capital improductif et stérile.
Je reviens un instant sur la première étape de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés. La mesure que vous propose le Gouvernement consiste à mettre en place un abattement d’assiette qui fera en sorte que, sur les 300 000 entreprises aujourd’hui assujetties à la C3S, qui est assise, je le rappelle, sur leur chiffre d’affaires, les 200 000 ayant le chiffre d’affaires le plus bas, jusqu’à 3 millions d’euros annuels, en seront complètement exonérées.
Non, ce n’est pas dans ce gouvernement, ce n’est pas dans cette majorité que vous trouverez des responsables politiques osant proposer de supprimer l’ISF au motif qu’il pèserait sur l’investissement ! Voilà, à l’attention de ceux qui font mine de renvoyer dos à dos majorité et opposition, une différence de plus entre la droite et la gauche : la première est prête à instrumentaliser l’entreprise pour défendre la rente, la seconde est prête à l’aider pour défendre l’emploi.
En second lieu, ce texte continue d’améliorer la progressivité des prélèvements. Nous procédons de la même façon pour les ménages. Nous avons déjà augmenté les prélèvements en supprimant des niches dont le fondement n’était pas ou plus justifié. Nous avons ainsi rendu notre système plus progressif. Mais nous avons aussi amélioré la progressivité en prenant des mesures favorables aux revenus les plus modestes : pour les seuls revenus 2013, nous avons ainsi décidé ensemble la revalorisation de la décote, lors du projet de loi de finances pour 2014, et la réduction d’impôt prévue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, complétée, à l’initiative du groupe socialiste et du groupe radical, par l’exonération de taxe d’habitation et de redevance audiovisuelle des personnes qui en bénéficiaient l’année dernière.
Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale prévoit quant à lui un allégement de 2,5 milliards d’euros pour les salariés dont la rémunération est comprise entre 1 et 1,3 SMIC. Là non plus, il n’y a ni cadeau, ni « geste » mais simplement des mesures assumées que la situation de notre pays impose. Ces mesures permettront de soutenir la demande et, grâce à l’importance de celles qui ont été prises en faveur de la compétitivité, cette stimulation de la demande pourra être mieux captée par des entreprises établies dans notre pays. Il s’agit de poursuivre l’effort engagé depuis 2012 : la progressivité des prélèvements sociaux est renforcée, au bénéfice des salariés, des artisans et des commerçants dont les revenus sont les plus faibles. En 2012, cette majorité a corrigé les effets anti-redistributifs de l’impôt sur le revenu. Des mesures semblables portent aujourd’hui sur les prélèvements sociaux, leur logique est la même.
Ce texte est marqué par l’échange qui s’est construit avec la majorité pour rendre plus justes les efforts nécessaires sans pour autant y renoncer. Le déficit auquel notre pays fait face est double, car nous sommes aussi confrontés à une situation des finances publiques encore trop fragile, malgré une amélioration continue depuis le début de la législature. Le déficit de l’État a été divisé par deux depuis 2010 et le déficit de la Sécurité sociale est passé de 21 à 13 milliards d’euros entre 2011 et 2013. C’est pourquoi la diminution des prélèvements obligatoires, tant sur les entreprises que sur les ménages, implique un vigoureux effort d’économies, à hauteur de 50 milliards d’euros d’ici à 2017.
Le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale contient ainsi les premières mesures de ce plan d’économies. En effet, au-delà des efforts des administrations, qui doivent se réformer pour rendre le meilleur service au meilleur coût, un tel niveau d’économies ne peut être atteint sans des efforts sur les prestations sociales. C’est ce qui a conduit le Gouvernement à proposer d’arrêter pendant un an d’indexer sur l’inflation ces prestations, à l’exception des minima sociaux. Les échanges avec la majorité ont déjà permis de rendre cet effort encore plus progressif. Ce ne sont pas des ajustements mineurs : la réduction d’impôt en faveur des ménages modestes a été considérablement renforcée et représente un effort de 1,1 milliard d’euros, dès 2014. L’absence exceptionnelle de revalorisation des prestations ne concernera pas non plus les ménages modestes, ni la moitié environ des retraités. Cet échange se poursuivra bien sûr au cours de l’examen du texte. Le dialogue aura ainsi permis de rendre plus justes les efforts demandés sans pour autant les minorer puisque les économies perdues seront gagées par d’autres mesures.
Au risque de me répéter, ce plan d’économies est la condition pour réduire dans le même temps les prélèvements et les déficits publics. Indépendamment même des engagements que nous avons pris au niveau communautaire, conserver un tel niveau de déficit constituerait tout à la fois une menace pour notre souveraineté, nous mettant à la merci de l’humeur des marchés financiers dont le financement de notre dette dépend, et une atteinte à l’équité intergénérationnelle, faisant peser sur les générations futures des dépenses qui nous incombent.