Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 17 juin 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Fleur Pellerin, secrétaire d'état au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger :

Je soutiendrai votre demande, madame la présidente. Les comptes rendus des sessions de négociation vous seront communiqués dans ce cadre, même si nous n'avons aucun argument à opposer à ceux qui les considéreront fallacieux et malhonnêtes par nature.

Le Buy American Act constitue évidemment un obstacle à la conclusion d'un accord équilibré, puisqu'il empêche la réciprocité dans l'accès aux marchés publics. Nous souhaitons donc démanteler ce type de dispositif, mais ne pas créer de notre côté des systèmes qui rendraient les échanges plus difficiles. Nous aurons cette discussion au moment de la ratification de l'accord pour en dresser le bilan, mais il serait paradoxal d'entrer dans une négociation de libre-échange en affirmant que nous allons renforcer les barrières protectionnistes. Accordons une chance à la négociation pour obtenir des Américains des concessions visant à ouvrir davantage les marchés publics ; en cas d'échec, nous pourrons alors nous pencher sur nos propres dispositifs en faisant le constat de la plus grande ouverture de nos marchés.

Le débat sur l'extraterritorialité de la loi américaine remonte au vote des lois Helms-Burton et d'Amato-Kennedy en 1996. La Commission européenne et la France ont toujours affirmé leur opposition à l'application extraterritoriale des lois américaines. Il est vrai que se développe aujourd'hui une diplomatie de l'influence du droit. Dans cette bataille, l'Europe est plus faible, car le système juridique américain a pris une place dominante dans les modes de régulation du commerce international et des relations entre les entreprises et les États. Les applications extraterritoriales de la loi américaine dépassent de beaucoup celles de la législation européenne. Ainsi, on éprouve de grandes difficultés à faire reconnaître et appliquer des décisions de justice en matière de protection des données personnelles à des entreprises dont le siège n'est pas situé en France, mais qui opèrent dans notre pays.

Je ne suis pas persuadée que ce soit au commissaire De Gucht de faire valoir cette question dans le cadre des négociations du traité de libre-échange. Il s'agit en effet d'une préoccupation politique que doit défendre le Conseil des chefs d'État et de gouvernement. Une initiative de la Commission et du Conseil serait opportune, car l'Union européenne doit répondre à ce qui va bien au-delà du soft power, et commencer par faire respecter sa législation en Europe. Toutefois, demander une pause le temps de régler la question donnerait à croire que l'Union européenne a plus à perdre qu'à gagner dans cette négociation, d'autant plus que la pause ne pourrait que se prolonger en raison des échéances électorales américaines et de la négociation du partenariat transpacifique.

Même si les pays de l'Union européenne ont souvent tendance à conduire des stratégies assises sur leur seul intérêt national, le fait que plusieurs banques européennes appartenant à différents pays risquent de connaître le même sort que BNP Paribas – qui a été sanctionnée pour des opérations qui n'ont pas été effectuées aux États-Unis et qui n'impliquaient pas d'entreprise américaine, mais qui étaient libellées en dollars, ce seul élément la faisant entrer dans le champ de la loi américaine – devrait conduire l'Union européenne à lancer une initiative pour apporter une réponse coordonnée. Si des comportements délictueux sont mis au jour, il est normal qu'ils soient sanctionnés, mais que la première banque européenne soit condamnée à verser des pénalités financières qui paraissent disproportionnées au regard de la jurisprudence, que d'autres banques risquent de l'être ensuite, voilà qui devrait inciter l'Union européenne à agir pour éviter un risque systémique.

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