On peut répondre par une initiative politique, mais l'arrêt des négociations sur le partenariat transatlantique ne constitue pas une bonne méthode d'action. En outre, je milite depuis longtemps pour que l'Union européenne adopte une position commune sur la fiscalité des multinationales qui ne paient pas d'impôt sur les sociétés en Europe, mais n'en acquittent pas davantage aux États-Unis puisque tous leurs profits sont transférés dans des paradis fiscaux. Nous devons nous saisir de ces questions avec nos partenaires européens et évoquer sans attendre ces sujets dans une enceinte comme l'OCDE. En revanche, il serait inopportun de suspendre les négociations transatlantiques.
J'espère pouvoir bientôt vous transmettre les comptes rendus des sessions de négociation que nous adresse la Commission. On ne peut, a priori, douter de la fiabilité de ces documents, dont la lecture s'avère éclairante, quoique laborieuse, et qui reflètent bien la teneur des discussions.
Les marchés publics de défense ont été exclus, comme dans tous les accords de libre-échange que nous négocions.
La saisine du Congrès américain dépendra de la capacité du président Obama à obtenir la Trade Promotion Authority ou fast-track dont il a besoin pour négocier le partenariat.
L'application transitoire des accords avec la Colombie et le Pérou correspond à un dispositif classique où les mesures relevant de la compétence de l'Union européenne entrent en vigueur sans attendre que les parlements nationaux ratifient les dispositions liées aux compétences des États membres.
J'entends votre alerte sur la particularité du secteur de la viande bovine en France, monsieur Bleunven. Actuellement, nous ne pouvons pas exporter de boeuf aux États-Unis à cause de l'encéphalopathie spongiforme bovine, et le mandat de négociation range cette filière dans la catégorie des secteurs sensibles.
Le partenariat transatlantique ne constitue pas la bonne enceinte pour débattre de la gouvernance d'internet, puisque des pays importants pour cette matière, comme le Brésil, n'appartiennent pas à la région de l'Atlantique nord. En outre, les organisations non gouvernementales et les entreprises, très concernées par ce sujet, ne sont pas associées aux négociations commerciales. En revanche, la commissaire Viviane Reding étudie la question du transfert de données personnelles dans les pays ne disposant pas des mêmes normes de protection que l'Europe – et c'est le cas des États-Unis où il n'existe pas d'équivalent de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – et a mis à l'étude un règlement et une directive en matière de fichiers souverains et de réglementation des données personnelles. En outre, on a amorcé une renégociation du traité Safe Harbor qui lie l'Union européenne aux États-Unis pour le transfert des données et qui a montré toutes ses insuffisances. La France défend une remise à plat exhaustive du régime de transfert des données personnelles de l'Union européenne vers les États-Unis, car il s'agit d'un enjeu économique majeur qui compte pour beaucoup dans la puissance des entreprises multinationales qui ne paient pas d'impôt sur les sociétés en Europe.
Les lignes rouges sur le cabotage maritime, le domaine aérien, les indications géographiques, le règlement des différends entre les investisseurs et les États, l'accès aux marchés publics des États fédérés constituent des points durs de la négociation : si nous n'obtenons pas satisfaction sur ces questions, le texte ne sera pas un bon traité. Les lignes aériennes et de navigation fluviale intérieures aux États-Unis restent fermées aux opérateurs européens, alors qu'elles sont ouvertes en Europe aux entreprises américaines.
Il faut adopter une stratégie concertée afin de développer une diplomatie juridique visant à contester le monopole de régulation du législateur américain, à contrer l'influence du droit anglo-saxon et à promouvoir le droit d'inspiration romaine. De même, le mécanisme de règlement des différends pourrait également aider les entreprises européennes ; avec un tel système, BNP Paribas aurait pu faire appel à un arbitrage indépendant plutôt que d'être confrontée au grand jury américain, peu enclin à protéger les intérêts des entreprises étrangères.
Nos interlocuteurs américains utilisent le partenariat transpacifique comme levier de négociation vis-à-vis de l'Union européenne, en affirmant que, si le partenariat transatlantique n'était pas signé, les échanges commerciaux américains se tourneraient encore davantage vers l'Asie. La Chine cherche à renforcer son statut de puissance commerciale et diplomatique ; pour ce faire, elle accroît sa présence en Europe et en Afrique et noue un dialogue stratégique commercial avec l'Union européenne, afin de ne pas se lier dans quelque relation exclusive que ce soit.