Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 18 juin 2014 à 10h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Se mobiliser ensemble sur un projet social et environnemental serait plein de sens pour répondre à l'euroscepticisme. La transition énergétique constitue à cet égard un domaine prioritaire. La question énergétique est au coeur de l'actualité, certes en raison des élections européennes, mais surtout à cause de l'aggravation de la situation climatique. Fin mars 2014, le Groupe d'expert intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a publié un rapport sur l'évolution du climat plus complet que tout ce qu'il avait produit depuis sa création mais aussi beaucoup plus pessimiste. Un virage vers l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables est absolument nécessaire.

Par ailleurs, la crise en Ukraine a mis en évidence la dépendance de l'Union européenne dans le secteur gazier : celle-ci importe 80 % de sa consommation. Il est aussi nécessaire de diversifier nos sources d'énergie et nos flux d'approvisionnement. En France, Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, présente ce matin même le projet de loi sur la transition énergétique. En Allemagne, une réforme de la loi relative aux énergies renouvelables est aussi en pleine discussion parlementaire.

Une intégration européenne renforcée est nécessaire pour une plus grande efficacité partagée dans le domaine de la politique de l'énergie. Une approche commune de la production, de l'approvisionnement et de la consommation énergétiques participera à la refondation européenne, avec la transition énergétique comme politique industrielle prioritaire. Je rappelle au passage que la politique énergétique commune a fondé l'histoire européenne, à travers la Communauté européenne du charbon et de l'acier et la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom).

Le bilan de l'action européenne dans le domaine de l'énergie est en fait très réduit. Le mix énergétique reste national, avec des formules très diverses d'un pays à l'autre, ce qui aboutit à des réseaux européens de l'énergie insuffisants. Le traité de Lisbonne a pourtant innové : l'article 194 donne dorénavant une base juridique à la politique européenne de l'énergie. Il existe des gisements considérables de développement économique ainsi que de potentiels emplois stables. Ces objectifs doivent être pris en compte au niveau européen.

Tout d'abord, la transition énergétique doit aller vers un modèle économique à faible teneur en carbone, ce qui demande de réinterroger sérieusement nos politiques industrielles.

Ensuite, il est nécessaire d'améliorer constamment l'efficacité énergétique. Je vous rappelle que l'énergie la moins chère est toujours celle qui n'est pas consommée. L'absence d'objectifs chiffrés dans le paquet énergie-climat pour 2030 constitue donc un vrai problème.

Nous savons tous que l'énergie est un secteur clé et producteur d'emplois, qui plus est d'emplois locaux.

Cette politique européenne de l'énergie devra aussi garantir des prix abordables pour les consommateurs afin d'éviter toute précarité énergétique.

Enfin, en 2012, plus de 53 % de l'énergie consommée en Europe était importée. Il faudra donc renforcer la part domestique de l'énergie consommée.

La solidarité est au coeur de la transition énergétique, dans laquelle l'Allemagne et la France doivent prendre une part exemplaire. Un message clé est ressorti du 16e conseil des ministres franco-allemand, en février dernier : l'idée du Président Hollande d'« Airbus de l'énergie », qui a suscité de nombreux débats – beaucoup considèrent que cette affaire relève du domaine privé, mais cela ne nous empêche pas d'y réfléchir.

Les Allemands ont commencé leur transition énergétique bien avant les Français et ont aussi décidé de sortir du nucléaire d'ici à 2022, tandis qu'il s'agit, chez nous, d'un secteur clé, même s'il est passé de 75 à 50 % du mix énergétique. Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur le coût de la filière nucléaire et la durée d'exploitation des réacteurs, rendu public la semaine dernière, fait cependant apparaître que l'énergie nucléaire a coûté à la France bien plus que l'on ne le croyait ; chacun peut y réfléchir et relativiser sa place dans notre société. Les parlementaires allemands cherchent également à trouver un consensus sur une loi relative au stockage des déchets, sujet qui nous concerne tous.

Ces stades de progression différents dans la transition énergétique ne constituent pas un obstacle à coopération énergétique entre nos deux pays, bien au contraire. Nous avons intérêt à emprunter, dans ces domaines, une démarche prioritaire. Les commissions sectorielles compétentes en matière énergétique, dans nos deux parlements, échangent d'ailleurs régulièrement sur cette question. Le 28 mai dernier, MM. Joachim Pfeiffer et Wolfgang Tiefensee ont présenté, devant nos collègues de la Commission des affaires économiques, les travaux sur le projet de loi en cours de discussion en Allemagne.

Si la coopération franco-allemande se développe encore, une logique d'entraînement prévaudra. De ce point de vue, le lancement, en février, dans le cadre du triangle de Weimar, d'un travail conjoint sur la politique climatique, est de bon augure pour préparer la XXIe conférence des parties sur le climat, qui se tiendra en 2015 à Paris. Il est essentiel que nous portions ensemble un projet commun pour faire de ce sommet un succès.

L'Europe a toujours fonctionné grâce à de grands projets et la transition énergétique en est un. Elle constitue un jalon dans la transformation économique et écologique de nos sociétés mais aussi dans la construction d'une Europe unifiée et solidaire.

Compte tenu de nos compétences nationales différentes, comment agir ensemble pour faire progresser l'Europe de l'énergie et quelles seront les principales priorités ?

Comment concilier le soutien aux énergies renouvelables et les règles budgétaires européennes, sachant qu'il est souvent reproché à l'Allemagne d'avoir fait repartir à la hausse la production de carbone, à cause de l'ouverture de nouvelles centrales à charbon ?

Enfin, au-delà de l'idée d'« Airbus de l'énergie », quels projets pourrions-nous porter ensemble dans le domaine de l'énergie ?

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