Nous voici arrivés au terme de l’examen d’un projet de loi très attendu par tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Déposé il y a bientôt un an par le Gouvernement, ce texte a connu un parcours législatif pour le moins chaotique et arrive enfin en deuxième lecture devant notre assemblée.
Alors que le secteur de l’ESS aurait mérité un texte concis et pragmatique, examiné rapidement, ce projet de loi a malheureusement souffert des travers de notre processus parlementaire. Pour autant, ce chemin, long et complexe, montre l’intérêt suscité par un sujet aussi important et aussi actuel que celui de l’économie sociale et solidaire. Je rappelle une nouvelle fois que sept des huit commissions permanentes de notre Assemblée se sont saisies du texte, ce qui montre un réel engouement de la part des parlementaires de tous bords politiques.
Je profite de cette intervention pour rendre hommage une nouvelle fois à l’excellent travail préalable effectué par Francis Vercamer, dont les préconisations, dans son rapport « L’économie sociale et solidaire, entreprendre autrement pour la croissance et l’emploi », remis au Premier ministre de l’époque François Fillon en avril 2010, ont largement été suivies par le Gouvernement. Alors que l’ESS représente aujourd’hui 10 % du PIB et près de 10 % des emplois en France, il était urgent d’encadrer un secteur devenu créateur d’emplois et d’entreprises, dans l’objectif de garantir et de favoriser son développement.
Lors de nos différents débats, tant en commission qu’en séance publique, le groupe UDI s’est toujours montré constructif et désireux de faire partager les recommandations de Francis Vercamer, qui s’était déjà heurté aux épineux problèmes soulevés par l’ESS. Il est vrai que ce texte a le mérite d’avoir voulu donner davantage de cohérence et de transversalité à un secteur qui pèche par sa trop grande diversité. À ce sujet, le groupe UDI se réjouit que tous les acteurs de l’ESS aient été consultés lors de l’élaboration du texte, prérequis indispensable pour espérer le rendre rapidement applicable.
Malheureusement, à trop vouloir bien faire, le Gouvernement s’est heurté à un écueil récurrent dans nos textes législatifs : celui de multiplier les instances de décision, de consultation ou de jugement, au détriment de la mise en place de véritables objectifs concrets.
Par ailleurs, le groupe UDI s’étonne que la définition du périmètre de l’économie sociale et solidaire ne prenne pas en compte l’ensemble des acteurs qui selon nous devraient y être présents. Vous le savez, le groupe UDI est particulièrement attaché au secteur des services à la personne, secteur malmené depuis maintenant deux ans par le Gouvernement.
Rappelons tout de même que les entreprises de services à la personne représentent 2,2 millions de professionnels dans toute la France, qui améliorent la qualité de vie de 4,5 millions de familles, ce qui est loin d’être négligeable ! Le groupe UDI a déposé plusieurs amendements pour permettre aux entreprises de services à la personne de relever de l’ESS dès lors que leur activité est reconnue d’utilité sociale, mais le Gouvernement est resté sourd à cette demande pourtant légitime. Le secteur des services à la personne aurait eu besoin d’un signal plus positif de la part du Gouvernement.
Ce choix incompréhensible est d’autant plus étonnant que le projet de loi que nous discutons aujourd’hui n’hésite pas à ouvrir le champ de l’ESS à des sujets parfois bien éloignés de son objectif principal. En effet, alors que le Gouvernement s’oppose à intégrer les entreprises de services à la personne au sein de l’ESS, il n’hésite pas à faire passer des mesures bien moins consensuelles, à notre grand regret.
Les règles de notre Parlement ne nous permettant pas d’amender les désormais célèbres articles 11 et 12 relatifs à l’information des salariés lors d’une cession d’entreprise, nous nous contenterons de déplorer la présence de mesures clivantes dans un texte qui se voulait pourtant fédérateur. Ce sujet aurait dû faire l’objet d’un débat plus approfondi et plus spécifique, d’une part parce qu’il ne concerne pas uniquement le champ de l’ESS, d’autre part parce qu’il brouille la portée générale de ce texte.
Le rapport de Francis Vercamer évoquait la possibilité de créer une société coopérative et participative pour la reprise d’une entreprise saine, ayant un potentiel d’activité et de développement avéré. Le Gouvernement a préféré prévoir une information et un droit des salariés qui risquent de fragiliser dangereusement le processus de cession. Je maintiens qu’informer préalablement les salariés d’une cession risque de créer l’effet inverse de celui désiré, à savoir effrayer à la fois les salariés, mais aussi les potentiels repreneurs extérieurs.
À défaut de supprimer ces articles, nous avions proposé plusieurs mesures alternatives, que je vous rappelle : prévoir une véritable obligation de confidentialité de la part des salariés, supprimer le délai de deux mois, très difficile à respecter, ou encore limiter le droit d’information obligatoire des salariés aux seuls cas d’absence de repreneurs.
L’absence de compromis sur ce sujet rend le projet de loi polémique, alors que nous aurions souhaité une vraie union sur un texte encadrant un secteur plein d’avenir pour notre pays. À ce stade, nous estimons qu’il convient de faire évoluer un texte dont nous reconnaissons le potentiel et la nécessité absolue mais qui a tendance à s’éparpiller.
Nous souhaitons, par exemple, étendre le principe de la révision, prévue pour les coopératives, à l’ensemble des familles de l’ESS, dans un souci d’équité mais aussi de transparence.
Concernant le développement du modèle coopératif, nous continuons de penser que le principe selon lequel les excédents de la coopérative doivent être prioritairement mis en réserve pour assurer son développement risque de priver les coopérateurs de la liberté de décision sur l’affectation des résultats de la coopérative. Cette disposition crée d’ailleurs des situations d’inégalité qui risquent de peser sur les coopératives. Nous proposons donc de supprimer cette mesure.
Par ailleurs, nous demandons de supprimer la possibilité, pour le ministre compétent, de prononcer la perte de la qualité de coopérative, qui ne nous semble pas justifiée.
Enfin, le groupe UDI se réjouit de constater que ce texte prévoit un véritable volet sur le droit des associations, acteurs indispensables de notre vie quotidienne. Nous avions émis des réserves quant aux réponses proposées par ce texte au besoin de stabilité financière, manifesté régulièrement par les associations. Nous pensons également qu’il est nécessaire de faire plus de pédagogie pour inciter les Français à s’impliquer davantage dans les associations, notamment les jeunes.
En commission des affaires économiques, des dispositions relatives au droit des associations ont justement été modifiées. Désormais, un mineur de seize ans révolus peut agir lui-même pour constituer une association et accomplir seul tous les actes utiles à son administration, sauf opposition expresse des représentants légaux une fois informés. Cette nouvelle rédaction assouplit les conditions d’autorisation parentale, puisque le Sénat permettait au mineur de constituer une association uniquement sous réserve de l’accord écrit préalable de ses représentants légaux. Cet assouplissement va dans le bon sens puisqu’il encourage les mineurs à prendre des responsabilités au sein d’associations, ce dont le groupe UDI ne peut que se réjouir.
La vie associative doit faire partie de la vie quotidienne de nos jeunes. Nous ne pouvons qu’approuver les mesures qui vont dans ce sens. Cependant, nous pensons qu’il est nécessaire de rappeler que tout mineur peut participer à l’activité d’une association. Même si Mme la ministre a rappelé en commission que dans les faits, un mineur doué de discernement peut adhérer librement à une association, le groupe UDI pense qu’une inscription précise dans la loi ne ferait que renforcer l’implication des jeunes.
En conclusion, le groupe UDI ne peut pas voter contre un projet de loi qu’il a largement inspiré, à travers les recommandations de Francis Vercamer. Ce texte, nous l’avons dit, est indispensable pour encourager un secteur encore peu connu, mais pourtant plein d’ambition et d’avenir. Malheureusement, vous l’aurez compris, certaines dispositions n’y ont pas leur place. À regret, le groupe UDI ne peut donc que s’abstenir.