Je n'ai malheureusement pas pu participer autant que souhaité aux travaux de la mission d'information mais je souhaite saluer le sérieux avec lequel celle-ci a mené ses auditions et ses réflexions. J'en profite aussi pour saluer l'initiative, car l'architecture est bien une expression de la culture qui ne doit pas être réservée aux grands équipements publics mais se diffuser un peu partout, y compris dans l'habitat individuel et collectif. Je partage complètement le constat de ce rapport : nous aurions besoin de provoquer « un désir d'architecture » y compris dans l'habitat quotidien. Les préconisations de ce rapport sont donc particulièrement utiles. Par exemple, en matière d'éducation, relancer et restructurer la formation initiale et continue en architecture semble, en effet, être une nécessité. Pour diffuser le goût et l'intérêt pour l'architecture, la réforme des rythmes scolaires pourrait aussi être un levier. Je pense aux projets pédagogiques que cette réforme doit permettre, dont certains pourraient, par exemple, être construits en lien avec l'architecture.
Dans un tout autre domaine, les mesures préconisées en faveur des petites agences ou des jeunes architectes sont aussi à retenir. Et je partage aussi les doutes émis sur les partenariats public-privé. Les scandales liés à des constructions sous partenariats public-privé devraient conduire à une véritable remise en cause de ces dispositifs qui constituent une manne financière pour de grands groupes du BTP mais représentent un surcoût pour les collectivités.
Sur la question des normes : si nous partageons le constat problématique de la standardisation du bâti et des difficultés à « innover », nous sommes plus dubitatifs quant à la nécessité d'assouplir les normes. Il faut trouver des solutions pour que les normes ne brident ni la créativité ni l'inventivité des architectes. Il ne faut pas nier qu'une meilleure lisibilité est nécessaire, pour permettre aux architectes d'en avoir plus facilement connaissance et que celles-ci ne soient pas vécues comme des contraintes bloquantes. S'intéresser aux dérives normatives émanant des professionnels du bâtiment, comme le préconise le rapport, est une piste à creuser. Il en va de même de la nécessité de lever les contradictions. Mais, si fixer des objectifs, sans préciser les moyens, peut peut-être permettre de renouer avec l'innovation, cela ne saurait se faire au prix d'un niveau d'exigence revu à la baisse ! N'oublions pas que les normes ont un rôle et qu'elles doivent et peuvent être, elles-aussi, facteur de créativité. L'idée de bâtiments évolutifs, par exemple, peut sembler intéressante mais l'accessibilité universelle demeure l'objectif. Le retard de la France est dramatique et nous ne pouvons plus continuer à exclure de la société et de la citoyenneté une partie de la population. Ces normes transcrivent certains besoins et doivent donc être respectées.
Assouplir les normes peut être envisagé mais cela fait aussi résonner des inquiétudes car, la plupart du temps, elles sont des réponses à des besoins sociaux comme la protection de l'environnement mais aussi le développement durable ou la transition énergétique. Remettre en question la réglementation thermique n'est pas sans soulever des craintes puisque l'architecture doit impérativement se saisir de cet enjeu de la transition énergétique en proposant des constructions innovantes : isolation, utilisation de l'énergie solaire et du vent, exposition du bâti, végétalisation des murs et des toitures, bâtiment basse consommation ou même à énergie positive.
Les exemples innovants existent à l'étranger mais aussi en France. Nous attendons aussi que les architectes soient force de proposition, car bâtir l'avenir, et le bâtir durablement, doit être au coeur des préoccupations de ce métier et la transition écologique s'impose donc, avec ou sans normes d'ailleurs ! Il aurait été opportun de développer davantage ces aspects dans ce rapport, car l'innovation architecturale est désormais indissociable des enjeux de la transition écologique.
D'ailleurs, je souscris pleinement à l'analyse en conclusion selon laquelle l'architecture est un acte politique, ce qui exige une articulation étroite avec les enjeux liés à la protection de l'environnement et à la transition énergétique mais aussi avec la politique de la ville et les plans d'urbanisme : je pense à la nécessité de lutter contre la pénurie de logements, à la mixité sociale, ou encore à la cohérence urbanistique.
Ces articulations entre architecture et politiques publiques sont essentielles. Et les normes y contribuent, ce qui peut rendre les projets architecturaux d'autant plus intéressants. Je pense à certains projets d'écoquartiers comme le quartier Vauban à Fribourg-en-Brisgau en Allemagne, ou l'ancienne caserne de Bonne à Grenoble.