Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 3 juillet 2014 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Les actions auprès des populations demeurent malheureusement insuffisantes.

Tout d'abord, les initiatives restent encore hésitantes et insuffisamment coordonnées. Ainsi, les interdictions sont mal respectées : on fume encore dans les bars à chicha et à la terrasse des cafés-restaurants qui ne sont pas totalement en plein air.

Les actions en faveur des publics prioritaires restent également très en-deçà des attentes. Les mineurs peuvent ainsi se procurer du tabac sans difficulté, alors que la vente leur est en principe interdite. Avec une probabilité quasi nulle de contrôle de certains bureaux de tabac, le risque de sanction pour les buralistes est insuffisant et il nous faut donc accentuer les efforts pour empêcher la vente de tabac à des mineurs, comme le font des pays voisins, par exemple la Grande-Bretagne.

Par ailleurs, la France détient le record européen quant au nombre de femmes qui fument durant leur grossesse – elles sont encore 17 % à le faire. Le tabagisme des femmes enceintes est grave pour les femmes elles-mêmes et, plus encore, pour les bébés à naître, qui présentent des anomalies, notamment un poids réduit à la naissance, surtout lorsque leur mère a fumé durant le dernier trimestre de la grossesse. Or, ce tabagisme n'est pas assez pris en compte. La Direction de la sécurité sociale étudie la généralisation de la mesure du monoxyde de carbone, mais cette mesure n'interviendrait qu'à moyen terme et il conviendrait d'en accélérer l'instauration.

M. Jacquat et moi-même avons en outre écrit à tous les obstétriciens de France pour les sensibiliser et les inviter à indiquer aux parents, dès le début de la grossesse, qu'ils devraient envisager de saisir cette occasion pour arrêter le tabagisme. Les professionnels nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent à cet égard, notamment du manque de temps et de structures adaptées. Il nous faut corriger ces insuffisances pour que la France se situe au moins dans la moyenne européenne.

L'aide au sevrage tabagique reste insuffisante : le forfait de remboursement des produits utilisés, notamment des substituts nicotiniques, passerait de 50 euros à 150 euros – montant auquel il est déjà fixé pour les femmes enceintes – et s'appliquerait désormais aux jeunes, aux titulaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et aux victimes du cancer. Ce dispositif n'avance cependant pas assez vite et l'information en la matière n'est pas adéquate, y compris auprès de l'ensemble des professionnels de santé : il faut agir encore plus fortement sur ces leviers.

Nous réitérons donc nos propositions.

Tout d'abord, l'interdiction de fumer dans les lieux publics doit être strictement appliquée et étendue aux enceintes sportives et aux terrasses qui ne sont pas totalement en plein air.

L'achat de tabac doit ensuite être soumis à l'obligation de présenter une carte d'identité, de telle sorte que les buralistes ne pourraient plus arguer de la difficulté de connaître l'âge exact d'un jeune de plus de seize ans. Cette mesure est du reste déjà appliquée en Grande-Bretagne, où l'on affiche le slogan : « no ID, no sale », c'est-à-dire : « pas de carte d'identité, pas de vente ».

En outre, les substituts nicotiniques doivent être intégralement remboursés. Le coût de cette mesure pour la sécurité sociale est en effet très modique par rapport à l'économie réalisée dès la première année, car l'arrêt du tabagisme s'accompagne immédiatement de la disparition du sur-risque d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral ou d'autres anomalies vasculaires.

Enfin, l'interdiction de fumer aux abords des écoles, en particulier pour les enseignants, qui sont théoriquement un modèle pour les enfants, ainsi que dans les véhicules transportant des mineurs ou des femmes enceintes, doit être mise à l'étude, car le tabagisme passif dans une voiture est 14 fois supérieur à ce qu'il est dans un endroit moins fermé. Nous suggérons également d'étendre ces interdictions à de nombreuses plages et aux parties de parc dévolues aux jeux d'enfants, afin de bannir le tabac à proximité des enfants et des femmes enceintes.

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