Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 3 juillet 2014 à 11h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Un phénomène nouveau apparu depuis l'année dernière, et qu'il importe de prendre en compte, est celui de la cigarette électronique, qui se répand à très grande vitesse dans notre pays. Elle rencontre un succès foudroyant : 88 % des Français connaissent la cigarette électronique, un Français sur cinq l'a expérimentée et 1,5 million l'utilisent.

La question se pose donc de savoir s'il s'agit d'un bien, c'est-à-dire d'un outil permettant le sevrage du tabac, ou d'une porte d'entrée dans le tabagisme, par exemple pour des jeunes qui auraient adopté la cigarette électronique parce qu'elle est à la mode, puis chercheraient d'autres sensations en passant au tabac. Cette question explique en partie les mesures prises.

La cigarette électronique est un outil de sevrage séduisant, car elle ne contient ni goudron, ni monoxyde de carbone, ni autres produits cancérogènes ou mutagènes. Elle présente donc beaucoup moins d'inconvénients que les cigarettes, les cigares ou le tabac à rouler ou à pipe. Elle module l'absorption de nicotine – qui n'est du reste pas le produit le plus dangereux de la cigarette – et sa nocivité est bien moindre pour l'entourage, même si l'on a pu détecter, mais à des taux très faibles, des traces de nicotine dans les urines des personnes voisines de celles qui « vapotent ».

En revanche, on ne dispose pas du recul nécessaire pour mesurer les risques sur la durée. On ne peut donc pas conclure sur l'innocuité à long terme de la cigarette électronique, et cela d'autant plus qu'il existe une différence de qualité entre les différents produits proposés sur le marché. Il est probable que certains d'entre eux, insuffisamment contrôlés, puissent contenir des substances moins anodines que d'autres. Des recherches s'imposent donc sur la qualité des produits et sur leurs effets à plus long terme.

Quant à savoir si la cigarette électronique est aussi une porte d'entrée dans le tabagisme, il faut d'abord rappeler que les vapoteurs sont aussi des fumeurs : 1 % seulement d'entre eux, en effet, sont des vapoteurs exclusifs, les autres utilisant aussi parfois occasionnellement du tabac. Quarante-quatre pour cent seulement des vapoteurs de 15 à 24 ans s'engagent dans une démarche de sevrage, c'est-à-dire que la cigarette électronique n'est utilisée que dans la moitié des cas comme un moyen de se libérer de l'addiction au tabac. Les autres n'ont pas la volonté de sortir du tabagisme. Or, les risques sont liés davantage à la durée d'exposition au tabac qu'à la quantité fumée et, pour arrêter le tabac, les substituts nicotiniques sont aussi efficaces.

L'on ne dispose donc pas encore du recul suffisant pour savoir si la cigarette électronique est vraiment un bien et quels sont ses inconvénients.

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