L’article 13 de ce projet de loi, relatif aux SAFER, nous a occupés un long moment – avec raison, d’ailleurs, car c’est un sujet sensible.
Les SAFER sont souvent vilipendées, sous des prétextes d’ailleurs antinomiques : certains considèrent qu’elles s’immisceraient dans les relations contractuelles en portant atteinte à la liberté contractuelle elle-même, tandis que d’autres estiment qu’elles n’agiraient pas suffisamment et seraient trop permissives, laissant un marché immobilier évoluer trop facilement.
Pourtant, nous avons assisté, avec le temps, à la mise en place d’un certain nombre d’artifices de plus en plus habiles, afin que le droit de préemption de la SAFER puisse être écarté. C’est ce qui explique que le monde agricole tout entier nous ait sollicités pour que l’on en revienne à une action plus sérieuse. Je crains toutefois que nous n’y parvenions pas.
Ces artifices, nous les connaissons. On peut, par exemple, louer des terres pendant un certain temps, puis vendre le foncier. Dans ce cas, le droit de préemption du fermier prime sur celui de la SAFER. On peut aussi démembrer la propriété – nous avons commencé à traiter le problème et j’espère que nous y reviendrons. On peut encore faire un apport en société, sous condition de non-préemption, puis vendre les parts de la société.
Cela nous conduit à constater une progression régulière des acquisitions par des personnes morales de droit privé. En vingt ans, les parts de SCI et de GFA ont été multipliées par trois, ainsi que les sociétés d’exploitation. Il y a donc de plus en plus de transferts de parts de sociétés qui sont elles-mêmes porteuses de foncier et qui échappent à l’intervention de la SAFER.
Nous avons commencé à apporter quelques correctifs. En effet, nous avons observé des prises de participation d’investisseurs qui étaient surtout intéressés par des placements et, dans le même temps, un repli important des exploitations familiales. Nous avons donc tenté de contrecarrer la financiarisation du marché des terres agricoles.
À ce jour, deux mesures ont déjà été adoptées, dont l’une concerne l’intervention en préemption sur la totalité des parts sociales. Mais, nous l’aurons tous compris, ceux dont l’imagination a été assez fertile pour éviter le droit de préemption sur les terres recommenceront forcément avec les parts.
J’avais déposé un amendement prévoyant que la SAFER puisse intervenir au moins jusqu’à 51 %, mais il n’a pas franchi l’obstacle de l’article 40 de la Constitution.
S’agissant de la nue-propriété, j’espère que le Gouvernement nous fera des propositions afin de contrecarrer la financiarisation du marché des terres agricoles.
En conclusion, malgré la bonne volonté exprimée par le Gouvernement, qui a été à l’écoute du monde agricole unanime pour condamner tous ces abus, je crains que nous n’atteignions pas les objectifs fixés. La responsabilité en reviendra, non seulement au texte que nous aurons élaboré, mais aussi à tous ceux qui en dénoncent aujourd’hui les vices.