Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 9 juillet 2014 à 15h00
Débat d'orientation sur les finances publiques

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Monsieur le président, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, le débat d’orientation des finances publiques prend cette année un relief particulier avec la présentation du budget triennal 2015-2017 de l’État. À la suite de Michel Sapin, qui vous a présenté la stratégie d’ensemble, je voudrais insister particulièrement sur la partie dépenses de l’État.

Vous connaissez la trajectoire de finances publiques qui vous a été proposée dans le programme de stabilité. Elle est fondée sur la réalisation de 50 milliards d’euros d’économies sur les trois ans à venir, pour poursuivre l’assainissement budgétaire, et financer notre politique et nos priorités en faveur d’abord de l’emploi, de l’éducation, de la justice et de la sécurité.

Cet effort d’économies est équitablement réparti entre l’ensemble des administrations publiques. Sur ces 50 milliards d’euros, la part de l’État est de 18 milliards. Les plafonds de crédits du budget général par ministère pour les trois ans à venir ont donc été déterminés de manière à permettre la réalisation de ces économies. Les dépenses des ministères baisseront en valeur de 1,8 milliard d’euros dès 2015, de 2,1 milliards d’euros en 2016 et de 2,3 milliards d’euros en 2017. C’est donc un effort sans précédent. Mais avant de vous présenter plus en détail ces plafonds, je voudrais rappeler les raisons qui ont conduit le Gouvernement à vous proposer ces économies.

Les débats que nous pouvons avoir sur la dépense sont souvent assez généraux : nous débattons du périmètre d’action de l’État, des liens entre croissance et dépense publique ou de la nécessité de réformer. Mais pour comprendre la dépense de l’État, il faut regarder dans le détail chaque ligne. C’est le travail que nous avons mené avec Michel Sapin et l’ensemble de nos collègues ministres pendant plusieurs semaines, avant que le Premier ministre rende ses arbitrages définitifs pour fixer ce budget triennal. Quand on regarde précisément les dépenses de l’État, on voit qu’il existe des marges d’amélioration importantes.

Dans l’héritage que nous avons reçu en 2012, il n’y a pas seulement la dette et le déficit historiquement élevés, il y a aussi des années d’interventions souvent redondantes ou mal articulées entre elles, de sélection déficiente des investissements, de réflexion insuffisante sur l’optimisation de l’organisation et des processus administratifs et donc des effectifs et des dépenses de fonctionnement courant ; en un mot, des années d’utilisation malavisée de l’argent public puisque, entre 2002 et 2012, alors que la dépense progressait chaque année et que le déficit atteignait des niveaux historiques, nous n’avons pas constaté d’amélioration du service public ni de renforcement de notre modèle social.

Le statu quo, auquel certains nous invitent, est donc impossible : il faut inverser la tendance à l’oeuvre depuis une décennie, examiner et évaluer la dépense publique, pour renforcer l’efficacité de l’action de l’État et réduire le déficit.

J’ai évoqué des marges d’efficience ; elles sont établies et incontestables. En agissant sur ces marges, on peut réaliser des économies sans remettre en cause le champ d’action de l’État ni réduire la qualité du service public ni renoncer à notre modèle social. Les économies que le Gouvernement vous propose ne visent donc pas à remettre en cause par principe la dépense publique en général. Il s’agit de faire des choix, de préserver les dépenses indispensables pour garantir l’efficacité de nos services publics, l’efficacité des dépenses indispensables pour préparer l’avenir, la croissance économique de demain, et donc nos dépenses de redistribution.

Nous le répétons depuis 2012 : la réduction du déficit public, le meilleur ciblage des 1 200 milliards d’euros de dépenses, sont les conditions du maintien de notre modèle, qui peut être préservé sans être financé à crédit.

Au-delà de cette trajectoire de nos finances publiques, c’est aussi un principe ancien, constitutif de notre République, que nous avons gardé à l’esprit en préparant ce budget. Chaque citoyen verse une contribution pour le financement du service public – chaque citoyen, y compris les plus modestes puisque, par exemple, tout le monde paie la TVA, qui est la première ressource de l’État –, chacun est donc en droit de demander des comptes sur l’utilisation de sa contribution. Et c’est au Gouvernement et au Parlement de faire en sorte que l’argent public soit utilisé au mieux et que le service public assume l’ensemble de ses missions avec les ressources strictement nécessaires.

À travers ce budget triennal qui vous est présenté aujourd’hui, le Gouvernement vous propose un service public irréprochable, un État qui utilise de la meilleure façon possible les contributions de chacun. L’enjeu va au-delà de l’impératif budgétaire : il touche au consentement à l’impôt, et donc à la légitimité de l’action de l’État, et aux principes fondateurs de la République et du service public.

J’en viens aux plafonds du budget triennal, dont vous avez pris connaissance aujourd’hui. Ce budget triennal a été construit sur la base de quelques principes. Tout d’abord, tous les ministères, tous les opérateurs participeront aux économies : chaque ministère doit examiner ses dépenses et en évaluer l’efficacité et la pertinence. Pour autant, nous maintenons nos priorités en faveur de l’éducation, de la justice et de la sécurité : les créations d’emplois prévues seront réalisées et gagées sur des suppressions dans les autres ministères pour assurer la stabilisation des effectifs de l’État sur la législature.

Au sein de chaque ministère, les économies seront réalisées en tenant compte de la nature de la dépense, de son évolution tendancielle sur le triennal et des efforts déjà réalisés par le passé. Il faut prendre avec beaucoup de précaution les chiffres bruts fournis par les tableaux car ils ne reflètent pas nécessairement le niveau de mise à contribution des ministères. En effet, la dépense peut croître spontanément dans les trois ans qui viennent et conduire à une hausse tendancielle des crédits, mais cela ne signifie en aucun cas que les ministères en cause ne réalisent pas d’économies significatives qui permettent de contenir cette progression – par exemple, sur le budget des affaires sociales, de l’outre-mer, ou du logement. À l’inverse, des crédits peuvent être en baisse par rapport à leur niveau de 2014 sans que cela signifie que nous renonçons au financement de nos priorités, du fait d’un tendanciel en baisse, qui peut être directement lié, par exemple, à l’amélioration de l’environnement économique ou à l’effet positif des mesures fiscales ou sociales décidées en faveur de telle ou telle priorité.

Le débat d’aujourd’hui porte sur les grandes orientations de la politique budgétaire ; ce n’est pas la présentation détaillée du projet de loi de finances pour 2015, qui viendra en son temps, fin septembre. Je souhaiterais néanmoins anticiper sur les débats que nous aurons à l’automne en vous indiquant plusieurs axes transversaux d’économies que vous proposera le Gouvernement dans le projet de loi de finances.

Les opérateurs et agences de l’État avaient été largement préservés entre 2007 et 2012 ; ils ont connu une croissance cumulée de 15 % de leurs moyens. Nous proposerons des mesures spécifiques pour mettre fin à cette ligne de fuite de la dépense. Les subventions pour charges de service public seront en baisse et, surtout, le plafond des taxes affectées sera abaissé de plus de 1,1 milliard d’euros dès 2015. Pour maîtriser réellement la dépense de ces opérateurs, nous procéderons également à un réexamen systématique des fonds de roulement, qui, s’ils sont importants, pourraient être mobilisés pour des dépenses supplémentaires, en contradiction avec les orientations définies en matière de maîtrise de la dépense.

Des fusions de structures seront aussi mises en oeuvre. L’amélioration du fonctionnement de l’administration conduira également à dégager de nouvelles économies. Par exemple, la dématérialisation des relations avec les usagers sera renforcée. Michel Sapin et moi-même en ferons ainsi un axe central de modernisation du ministère des finances et des comptes publics. La mutualisation des fonctions support sera renforcée en amplifiant la démarche déjà engagée en matière d’achats et d’immobilier. Un chantier spécifique sera consacré aux dépenses informatiques de l’État.

Les services déconcentrés de l’État seront – c’est essentiel – adaptés à la nouvelle carte territoriale. Le Premier ministre a lancé récemment une revue des missions de l’administration territoriale et engagera une optimisation de l’organisation.

S’agissant maintenant de la masse salariale, les effectifs seront stabilisés globalement, comme prévu, sur l’ensemble de la législature. Le gel du point d’indice sera maintenu et l’enveloppe de mesures catégorielles à nouveau réduite, après une baisse de 50 % en 2013. C’est donc un effort particulièrement important, permis par les gains de productivité.

Enfin, les interventions de l’État feront l’objet d’une attention particulière. Par exemple, notre politique du logement est l’une des plus coûteuses en Europe, alors que ses résultats sont plus que mitigés.

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