…assumant ainsi votre conversion, comme pour refermer définitivement le caveau dans lequel se trouve le discours tenu au Bourget, le 22 janvier 2012, par le candidat Hollande.
Pourquoi est-ce fondamental ? Parce que nous sommes dans un de ces moments historiques de renversement des valeurs, un de ces moments où la tentation est grande, pour les puissances d’argent et l’oligarchie, de solder tout ou partie des acquis de la Révolution française, et surtout de cette égalité sans laquelle, comme disait Condorcet, il n’y a pas de véritable liberté.
Comment peut-on accepter que, dans notre pays comme dans toute l’Union européenne, les inégalités explosent à ce point ? En 2013, les 500 plus grandes fortunes de France ont connu une croissance de 25 %, tandis que dans le même temps, selon l’Observatoire des inégalités, les ouvriers et employés avaient perdu en pouvoir d’achat et en patrimoine !
Une autre étude très récente relève que les couches modestes de la population, les bas revenus – soit moins de 3 000 euros pour un couple avec deux enfants – ne sont plus que 35 % à partir en vacances, contre 44 % en 1998.
Les politiques libérales qui sont menées conduisent donc à une véritable faillite : faillite pour le peuple, qui subit chômage, déclassement, précarité ; faillite pour les comptes publics, avec un endettement et des déficits record ; faillite pour la République, qui est dès lors mise à mal ; faillite pour la planète, qui meurt d’un modèle de développement destructeur.
Et c’est pourtant en faveur de ces politiques que le gouvernement de M. Valls s’est empressé de donner des gages en décidant une cure d’austérité destructrice : 50 milliards d’euros de dépenses sociales et publiques en moins en trois ans, pour financer 41 milliards d’euros de diminution de la contribution des entreprises à l’effort collectif. C’est un manque de courage.
C’est un manque de courage, car c’est s’attaquer aux plus faibles pour donner aux plus forts. C’est continuer à promouvoir ces fortunes qui se construisent sur la rente, sur la rémunération du capital, sur les « privilèges du capitalisme oisif », comme disait Jaurès !
Cependant, ces 50 milliards de réduction font l’objet d’interrogations, voire de critiques. Malgré les paroles apaisantes, l’investissement public est mis à la diète : les investissements d’avenir ne sont même pas tous réalisés – alors qu’ils sont déjà à un niveau très faible, voire déplorable, l’équivalent de 0,6% du PIB –, et ceux des collectivités locales sont promis à l’effondrement du fait des 11 milliards de dotations en moins.
Monsieur le ministre, il aurait fallu tenir tête à Bruxelles et convaincre nos partenaires d’engager une grande politique d’investissement destinée à assurer une réelle transition écologique. Mais cela n’a pas été votre choix.
Au sein même des institutions officielles, des interrogations se font jour. Le Haut Conseil des finances publiques a ainsi mis en doute – et c’est un euphémisme – le choix d’une politique de l’offre contre celui d’une politique de la demande : « Il existe un risque que les effets positifs sur l’emploi des allégements de charges n’atténuent pas les effets négatifs des mesures d’économies et que ces mesures d’économies pèsent davantage que prévu par le Gouvernement sur la croissance. »
Notre rapporteure générale a d’ailleurs récemment formulé un avis semblable en estimant que le plan d’économies de 50 milliards d’euros pouvait avoir un impact négatif de 0,7 % par an en moyenne entre 2015 et 2017 et « entraîner la suppression de 250 000 emplois à l’horizon 2017. » Pour parvenir à cette conclusion, elle s’appuie sur des chiffres donnés par Bercy, qui montrent l’effet récessif de la politique poursuivie.
Les orientations budgétaires présentées à l’occasion de ce débat d’orientation sur les finances publiques sont préoccupantes, car elles marquent la conversion au libéralisme et la domination d’une pensée unique pourtant rejetée par la majorité des habitants de notre pays. Monsieur le ministre, votre politique ne marche pas sur deux jambes, mais bien sur la seule politique de l’offre, celle qui fait du coût du travail la seule variable d’ajustement.
Quand le nombre de chômeurs s’élève à cinq millions, quand le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes se dégrade, quand le service public est attaqué, l’urgence sociale, l’urgence économique, c’est de changer de logiciel. Quand des représentants de salariés, par l’intermédiaire des première et troisième organisations syndicales de France et de la principale organisation chez les enseignants, montrent autant de défiance et de colère, il n’est pas acceptable que le Gouvernement reste droit dans ses bottes.
Si vous persistez à dire qu’il n’y a pas d’alternative à votre politique de fuite en avant, le peuple trouvera de lui-même une autre voie.